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Doutch écrit aussi, un peu... [Textes du Concours à 4 mains]

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Doutchboune:
Bien le bonjour chères lectrices et chers lecteurs !

J'ai plus l'habitude de prendre le crayon pour gribouiller, mais il m'est parfois arrivé de m'en servir (enfin, soyons honnête, c'était plus souvent un clavier, mais passons...) pour écrire quelques lignes. La première fois, c'était inspirée par un des thèmes du concours d'écriture mené par Prince du Crépuscule il y a bientôt dix ans. La deuxième, par les thèmes d'un autre concours d'écriture, celui de Brume-Ondeblois.
Puis ensuite, je me suis mise à faire du jeu de rôle dans le jeu World of Warcraft, et avec ma guilde, on alterne entre le RP en jeu, et le RP sur forum. Résultat, j'ai beaucoup plus écrit de textes à partir de ce moment.

Du coup, j'avais il y a longtemps créé le Salon d’Écriture Occasionnelle qui a été utilisé par d'autres que moi, et j'en suis très heureuse ! Mais je me rends compte aussi que j'ai peut-être aujourd'hui matière à faire ma propre galerie de textes, même si elle ne sera pas très fournie.

Je vais y remettre ceux déjà postés dans le salon sus-décrit, plus quelques autres. Ça risque, le plus souvent, être de la fan-fiction Warcraft, puisque la plupart de mes écrits sont inspirés par mes RP de guilde.

* Texte post-apo : une page jetée directement sur le papier, en suivant le thème du concours de PdC (2010).
* Un autre monde : texte inspiré des thèmes du concours de Brume-Ondebois (2013).
* Terres Médianes : première rencontre entre ma prêtresse et ma chamane de WoW (2014).
* Allaine : petite nouvelle pour un concours dans ma guilde, où on raconte la vie d'un personnage non joueur du bastion (2017).
* Une nuit : texte dont je n'ai pas donné le contexte, en espérant qu'il se suffise à lui-même (2019).
* Remplir le vide : nouvelle assez longue dans l'univers de WoW, écrit uniquement à la base pour justifier le nom de ma voleuse... J'ai un peu abusé sur ce coup-là (2019).
* Pendant ce temps : à Vera Cruz toujours du WoW, petit texte de mise en situation pour des événements qui se passent en parallèle des aventures de mon perso (2019).
* Une nuit, v2 : parce que j'ai eu envie de réécrire ce texte.
* La Fête du Feu - partie 1 - partie 2 - partie 3 - partie 4 : novélisation d'une soirée RP avec un copain de guilde de WoW.
* Une vie simple : recueil de trois petites nouvelles sur l'histoire de ma prêtresse de WoW avant qu'elle n'entre dans sa guilde.
* Marche vespérale : petit texte improvisé et vaguement introspectif.
* Le temps des murmures : texte produit pour la première manche du concours d'écriture à quatre mains de Synopz.
N'hésitez pas à y aller de votre petit commentaire, et si besoin de votre petite question, si quelque chose vous interpelle car il vous manque une information, par exemple dans l'univers de Warcraft, pour mieux comprendre certains passages.

Comme on dit, enjoy !

Doutchboune:
Texte post-apocalypstique répondant aux exigences du 2e thème du concours de Prince du Crépuscule de 2010, à part pour la longueur. La page de journal, en italique, avait été écrite par PdC lui-même.



« Avril 2013, 114 jours P.-A.

Cher journal,

Que sommes-nous devenus… ? Des survivants, des réfugiés ? Ou peut-être des âmes en peine ?
Je ne saurais répondre à ces questions. Ce que je peux constater, c’est ce que j’ai sous les yeux, et ce que j’ai sous les yeux, c’est ce que toute chute occasionne : des débris. Nous avons chu. Et nous gisons, épars, partout où ce krach nous a soufflés.

Comme il avait été prévu par le calendrier maya et certains prophètes, le temps s’est arrêté en cette funeste journée du 21 décembre 2012 que nous nommons Apocalypse. Le chaos s’est déchaîné sur Terre, et nous avons tant perdu que je ne pourrais le décrire. A dire le vrai, ma main en tremble encore. En l’espace de 24 heures, tout s’est écroulé avec une violence inouïe. Fous que nous étions de ne pas croire !
Il y a encore quatre mois de ça, la fin des temps était un sujet de plaisanterie commun, et ceux qui la prédisaient, des illuminés – fous ! –.
Puis, en dépit de toutes les prévisions scientifiques, à minuit frappante, avec la précision exacte d’une machine infernale, tous les volcans sont brusquement entrés en éruption. La Terre, dont les entrailles vomissaient le feu, fut secouée de spasmes incontrôlables, entraînant les eaux démontées à suivre sa fureur aveugle. La mort était partout, absolument partout, terrifiante et implacable. Et, quand les éléments eurent achevé leur œuvre de désolation, quand les flammes s’apaisèrent dans leurs cratères égueulés et que les vagues se retirèrent dans leur nouveau lit, ils nous léguèrent un ciel uniformément gris et opaque. Le soleil dut ramener ses rayons contre lui comme des jupes trop encombrantes, et, lentement, la terre mourut, flétrie par une pollution captive dont les miasmes furent répandus par les destructions de la vindicte naturelle.

Un jour, et tout était fini. Nous ne pouvions qu’assister à notre propre déchéance, muets d’horreur.
Et aujourd’hui, que reste-t-il de la grande, orgueilleuse Humanité ? Rien. Rien que de minuscules dépôts d’une race décimée, brisée. De notre vanité, de notre odieuse technologie et soi-disant supériorité, ne subsiste qu’une honte craintive.
Pour survivre, nous avons dû nous abriter sous terre et construire des villages obscurs, dépouillés d’un quelconque espoir de revenir un jour à la surface. Ceux qui y sont restés – Dieu ait leur âme – ont succombé à l’air vicié qui y stagne, pourri comme une charogne, et leurs os gisent au-dessus de nos têtes. Combien de temps encore devrons-nous nous nourrir de vermine et de tubercules rachitiques ?

Les Hommes, dont la morgue les poussait à croire Dieu dispensable, sinon vide, se sont blottis contre le giron d’une foi superstitieuse. Le mot gloire a été banni de toutes les bouches.
Et moi, j’écris sur des lambeaux de chemise, à la lumière d’une lampe-torche dont les piles seront bientôt vides ; je m’interroge.

Sommes-nous les seuls Hommes à avoir survécu ? D’autres communautés souterraines se sont-elles formées ?

Combien de temps encore… ? »

   Ses doigts, jusque là serrés sur les restes de tissu, se décrispèrent petit à petit. Un survivant. Son regard erra autour d’elle. Nulle autre trace de son passage. De leur passage ? Non. Rien dans cette galerie sombre, faiblement éclairée par sa frontale, ne laissait croire que des Hommes étaient passés, à part cette vieille chemise, parchemin improvisé. D’après la date, cette lettre datait de trente jours, ou bien vingt-huit. Cette réflexion la fit replonger dans la réalité. Sale et soumise à sa nouvelle vie, elle ne pouvait plus se souvenir de la date exacte. Tant de jours identiques s’étaient écoulés depuis sa rencontre avec le Chef. Certes, sans lui, elle serait sûrement morte aujourd’hui, mais cela aurait-il été vraiment pire que cette vie d’esclave ?
Comme beaucoup, au début, elle pensait agir pour son petit groupe de rescapés. Ils s’étaient retrouvés, par hasard, sous un entrepôt en ruines, juste après la Grande Catastrophe. Dans un premier temps, la joie de se retrouver entre êtres humains, l’idée de pouvoir encore parler, communiquer, interagir, les avait rendus presque optimistes face à leur situation désespérée. Mais très vite, le pire de la nature humaine avait repris le dessus. Parce qu’il était le plus fort, parce qu’il criait plus que les autres, le Chef avait commencé à prendre les rênes de leurs vies à tous. Au départ, ça ressemblait à un jeu, et puis, il faut l’avouer, ils étaient tous des gens fatigués, esseulés, alors quand l’un d’entre eux se mit à prendre les décisions, ils se laissèrent faire. Samy faisait partie des ces gens là. Et aujourd’hui, elle se rendait compte, au fond de sa galerie, à rechercher de maigres racines qu’elle ne mangerait peut-être pas, qu’elle oubliait peu à peu qui elle était. On ne l’appelait plus que Samy. Et elle doutait, s’appelait-elle Samuelle, ou Samantha ?
Elle ne se souvenait plus que de Samy, et étrangement, ce sobriquet lui fit remonter un souvenir de son enfance. Elle et sa meilleure amie, deux inséparables, toujours à faire les quatre cents coups. Les autres enfants, toujours cruels, avaient affublée son amie sur surnom Scoubi. Elle se rendit compte qu’elle n’avait jamais su à quel point ceci avait attristé sa camarade. De nouveau ses yeux se posèrent sur la dure réalité de la galerie. De toute façon, elle avait perdu contact avec Scoubi –mais quel était donc son véritable prénom ?- bien avant le désastre qui avait coûté la vie à des milliards d’êtres humains. Ce souvenir d’un passé tellement lointain qu’il en était irréel la troubla. Depuis quand n’avait-elle pas pensé à elle, à sa propre vie, au lieu d’obéir à Chef ?

   Ses yeux, légèrement humides d’émotion, se reposèrent sur le morceau de tissu. Tout à son désespoir, la personne qui avait écrit ses mots paraissait libre. Il y a avait donc d’autres humains qui, malgré les difficiles conditions de vie, avaient gardé une vie décente, ou tout du moins socialement acceptable. Elle mentionnait un village. Quand elle repensa à son lieu de vie, elle senti son cœur palpiter d’une colère sourde, ivre d’un reproche non formulé. Ces autres survivants vivaient dans un lieu qu’ils pouvaient qualifier de village. Sans se créer l’illusion de petites maison troglodytes, elle imaginait tout de même un lieu ordonné, avec des sortes de pièces intimes pour chacun. Pourquoi aucun d’entre eux… Pourquoi Chef n’avait-il jamais pensé à créer ce genre de confort pour eux ? Pourquoi personne n’y avait pensé ? Ils ne faisaient que se blottir les uns contre les autres pour se tenir chaud. Quand ils n’étaient pas envoyés à la recherche de nourriture.
Samy s’agenouilla, et redressa le menton. Elle prit une grande inspiration. Jamais elle ne s’était sentie aussi humaine. Comment avait-elle pu oublier qu’elle l’avait été ? Comment… Par le pouvoir d’un seul homme, qui les avait abaissés à moins que rien, tout juste bons à aller chercher de la nourriture, à être battus quand il était contrarié. Et tout le monde, dans sa faiblesse, dans l’espoir d’avoir un peu de cette nourriture, s’était plié à ses exigences. Après avoir déshumanisé tant de monde, était-il, lui encore humain ? Se gargarisait-il de son pouvoir ? Et après tout, quel était son pouvoir ? Commander une demi-douzaine de pauvres hères, qui assuraient sa survie.

Doutchboune:
Texte inspiré des thèmes du concours de Brume-Ondeblois, en 2013, demandant de créer puis montrer la chute d'un univers qu'on aurait créé de toute pièce. J'ai condensé les deux en un texte que j'ai pensé un jour retravailler (je reconnais des tournures bien lourdes), mais que je n'ai jamais eu le courage de reprendre :


Un autre monde
   J’aurais aimé vivre dans un autre monde. Le vent soufflait continuellement dans les feuillets de cristal, vitrification aérienne des hautes tours de la ville,  bourdonnant à mes oreilles comme une plainte douloureuse. Ce que la plupart des gens nommait murmure, mais que je percevais comme un bruit, m’avait accompagné depuis ma première seconde, et pourtant jamais je ne m’y étais habitué. J’aurais aimé vivre dans un autre monde. Cette pensée, elle aussi, m’accompagnait depuis aussi longtemps que je puisse me souvenir, et elle le faisait encore aujourd’hui, alors que j’arpentais les longues avenues rectilignes  de la cité. Ses flèches cristallines projetaient leurs ombres, seulement interrompues par les lignes énergétiques courant au centre de la chaussée. A cette heure matinale, la circulation était faible, et le nombre de piétons que je croisai anecdotique. J’aurais aimé vivre dans un autre monde. Peut-être y aurais-je eu un travail intéressant ? Ici, il n’existait pas de travail intéressant, ou, tout du moins, on vous sélectionnait très tôt pour que ne vous fassiez que des choses qui ne vous intéressaient pas. Parfois, certains se plaignaient. Le plus souvent, ils étaient mutés. En tout cas, c’est ce qu’on nous disait, et on ne les revoyait plus. J’aurais aimé vivre dans un autre monde, mais j’étais trop lâche, trop paresseux, ou peut-être trop attaché à la vie pour essayer d’y changer quelque chose. Et puis, existait-il un autre monde ? Le mien se limitait aux frontières de cette ville, à l’extension de ce bruit entêtant. Personne ne pouvait en franchir les limites, nous disait-on, et toute entité extérieure était un ennemi.

    C’est alors que j’aperçus une tache rouge dans le ciel, comme une goutte de peinture sanglante qui serait venue s’écraser sur un couvercle transparent. Le phénomène était nouveau pour moi. Je stoppai ma marche et scrutai le ciel plus attentivement. Une autre tache apparut. Puis une autre. En quelques minutes, ce fut comme si une entité géante et supérieure avait renversé un liquide visqueux sur le ciel. Autour de moi, tout était calme, les rares autres humains présents avaient eu une réaction similaire à la mienne, et sur leurs traits aussi, se lisait l’inquiétude mêlée à l’incompréhension. Un son d’une force exceptionnelle déchira alors mes tympans, et je vis le ciel se briser, mille morceaux translucides volant en éclats. Le dôme protecteur de la ville, dont j’apprenais à l’instant l’existence, venait de céder dans un fracas assourdissant. Oui, je devais vraiment être trop attaché à la vie, car j’eus le réflexe de plonger à l’abri, contrairement, je le sus plus tard, à nombre d’autres personnes témoins de la scène. J’eus aussi de la chance, je dois l’admettre. Une plaque vitrifiée d’au moins une tonne s’écrasa à moins de deux mètres de mon abri précaire, un véhicule garé au bord de la route. Ne pensant plus qu’à ma survie, je partis en courant entre les tours, cherchant un abri fiable. Ce n’est que lorsque je trouvai cet endroit suffisamment sûr que je pris conscience de nouveaux bruits dans mon environnement, et que je me posai la question du pourquoi. Je pris alors le temps de relever les yeux au ciel. Ces sons étaient ceux à la fois de tirs et de destructions. Une myriade d’engins volants lançait sur nos majestueux édifices des traits d’énergie condensée, et une pluie scintillante d’éclats de cristal chatoyait dans le ciel. La crainte de mourir ne l’aurait pas emportée, j’aurais pu trouver ce spectacle magnifique. Nous étions attaqués. Des êtres vivant au-delà de nos frontières étaient donc effectivement des ennemis. Pourquoi, je me demandai si je le saurais un jour. Lorsque je vis des rayons d’énergie fuser du sol, je compris que notre ville était prête à contrer ce genre d’attaque. Ou du moins possédait les infrastructures pour s’en défendre.

    Mais je n’eus pas beaucoup plus le temps de m’appesantir sur cette guerre dont je ne connaissais ni les tenants ni les aboutissants. Près de moi, une onde d’énergie avait touché un de ces petits vaisseaux volants. Je vis une sorte de globe lumineux l’entourer, alors qu’il prenait une trajectoire rectiligne vers le sol. Il se posa sans douceur dans l’allée à côté de mon abri. Pétrifié de terreur à l’idée de me retrouver face à nos ennemis, je restai dans l’ombre, mais rien ne bougea plus. Les bruits des combats semblèrent s’éloigner, et derrière ses sons, je remarquai l’absence singulière mais réjouissante du chant des vitres de cristal. Sans que je n’aie rien eu à faire, mon monde avait changé. Je fus pris d’une impulsion subite et me précipitai vers le vaisseau. A travers la vitre, je vis le pilote, mort. J’ouvrai alors la porte du véhicule, en extrayais le cadavre, et m’installai à sa place. Le tableau de bord paraissait ridiculement simple : deux boutons et un manche. Je pris une profonde inspiration, affirmai ma résolution, et démarrai l’engin. L’attaque alliée n’avait endommagé que le pilote. Après un décollage quelque peu chaotique, je m’envolai vers l’horizon, loin des ruines de ces tours qui avaient accompagné ma vie jusqu’alors.

    Enfin, j’allais vivre dans un autre monde.

Doutchboune:
Première facfic de WoW, qui raconte la rencontre entre mon personnage principal, ma prêtresse botaniste, et mon deuxième perso RP, ma chamane draenei.



Terres Médianes

   Les éco-dômes. A chacun de ses retours en Outreterre, elle prenait le temps d'aller les explorer. Ils étaient une preuve supplémentaire pour elle que l'Outreterre n'était plus Draenor. Il restait tellement peu des forêts d'antan. Et celles-ci, à Raz-de-Néant, n'avaient plus grand chose à voir avec la végétation d'Ashran*. Elle ferma les yeux, se remémorant son monde disparu. Les odeurs, c'était surtout les odeurs qui lui manquaient. Mais, avec le temps, elle apprenait à apprécier les nouvelles. Draenor n'était plus, l'Outreterre avait pris sa place, et l'Outreterre vivait, elle aussi. De la vie nouvelle, parfois. En tout cas, à part la rumeur d'un spécimen aperçu en Nagrand mais dont l'existence n'avait jamais été prouvée, il n'y avait qu'ici, sous cet éco-dôme, que l'on pouvait trouver des crocilisques, sur ce monde ravagé. Leur cuir était une manne, d'autant plus qu'il était différent de celui que l'on trouvait sur les espèces d'Azeroth. La draenei rouvrit les yeux et les leva vers le ciel. Le dôme luisait, voile rose au dessus de sa tête. Était-il responsable ? Elle hausse les épaules. Peu importait, en fin de compte. Les crocilisques étaient là, leur cuir aussi, et ça, c'était le point intéressant.

   Un craquement non loin la fit s'arrêter net, et se concentrer sur son environnement. Elle cherchait du regard, elle écoutait de toutes ses oreilles. Il y avait quelque chose de gros, à faible distance. Peut-être la créature responsable de la piste qu'elle suivait. Avec maintes précautions, posant ses sabots silencieusement sur le sol du sous-bois, elle avançait dans la direction du bruit. Elle concentrait doucement l'énergie élémentaire au bout de ses doigts, juste assez pour pouvoir frapper en cas de besoin, mais sans pour autant attirer l'attention avec des bruits d'éclairs crépitants. Elle se méfiait surtout des lynx, qui s'étaient installés dans ces nouveaux environnements et qui y pullulaient. Mais la piste n'était pas celle d'un lynx, en fait, ce n'était pas celle d'une créature habituée aux forêts. Cette créature était peut-être plus quelqu'un que quelque chose, et cela rendait la draenei curieuse. Elle restait néanmoins méfiante, sachant pertinemment que cette personne n'était pas forcément amicale. Elle continuait sa progression, lentement, discrètement, remarqua des traces étranges, comme si les plantes avaient été touchées, manipulées, mais sans pour autant avoir été abîmées. Sa curiosité en était décuplée. La terre devenait plus meuble sous ses sabots, elle approchait donc du lac. Bientôt, elle aurait une vue dégagée, et elle serait enfin fixée sur la nature de sa proie.

   Un grand plouf la fit sursauter, et c'est d'un pas plus rapide qu'elle franchit les derniers mètres qui la séparaient de l'espace clair de la berge. Tout près, quelqu'un était tombé dans l'eau. Elle ne vit qu'une masse de cheveux acajou couler, puis revenir à la surface. La personne semblait savoir nager, mais ce serait inutile face aux prédateurs reptiliens de ce lac. D'un regard, la draenei scruta la surface, et décela, comme elle s'y était attendue, les légères ondulations de surface qui trahissaient l'avancée rapide des crocilisques. En quelques bonds, elle fut sur le bord le plus proche de l'être qui semblait un peu perdu. C'était une humaine. Un genou au sol, elle tendit la main le plus loin possible, et dit, d'un commun teinté d'un léger accent des gens de sa race :
- Vite, prenez ma main, ne restez pas dans l'eau, c'est dangereux !
   Pendant ce temps, elle continuait à concentrer son énergie. Il n'était pas question d'avoir recours à la force de la foudre tant que l'humaine était dans l'eau, mais dès qu'elle serait sortie, il faudrait agir. Les crocilisques monteraient sur la berge, elle le savait. Elle sentit alors le contact de la peau contre sa paume, et serra la main. Elle tira de toutes ses forces, hissant la femme sur la berge. Elles basculèrent toutes les deux, la draenei se retrouvant sur son séant, et l'humaine allongée à côté d'elle. Sans même lui jeter un regard, la cornue tendit le bras, et envoya un éclair dans l'eau, puis un autre. Elle scrutait la surface, en alerte, c'était tout juste si elle entendait la femme tousser à côté d'elle. Croyant voir une nouvelle ondulation, elle renvoya une salve, et attendit. Sa respiration était saccadée, mais ses yeux et ses oreilles n'avaient rien perdu de leur concentration. Le lac était redevenu calme. Les reptiles n'avaient pas assez faim pour risquer leurs écailles. Elle se laissa aller à un gros soupir de soulagement.

 
   La femme reprenait ses esprits, et après quelques instants, elle se mit à genou, à côté de sa sauveuse providentielle. Pour quelqu'un qui venait d'être en grand danger, elle paraissait plutôt calme. La draenei se demandait si c'était parce qu'elle avait l'habitude des situations dangereuses, ou si elle était seulement inconsciente. En tout cas, elle était jeune, de ce qu'elle en savait. Elle la regardait, légèrement souriante, mais avec un petit froncement de sourcils qui trahissaient une vague réprobation.
- Merci.
   La jeune femme était à la fois penaude et reconnaissante. Son sourire était sincère, et sa gratitude tout autant.
- Je suis désolée, j'ai été imprudente. Je ne suis pas sûre que je m'en serais sortie si une de ces bêtes m'avait attrapée alors que j'étais dans l'eau. Merci du fond du cœur.
- Oh, mais, c'est normal, je n'allais vous laisser vous faire dévorer devant mes yeux. Mais tout de même, cette zone est dangereuse, que faisiez-vous ici ?
   L'humaine sembla vaguement suspicieuse, et répondit d'un ton un petit peu froid :
- Je sais que vous venez de me sauver la mise, mais... je pourrais vous retourner la question.
   La draenei éclata de rire. Quelques semaines passées en Outreterre, et elle avait déjà oublié à quel point les humains étaient susceptibles. Et méfiants. Elle regarda le visage décontenancé de son interlocutrice, et, avec un sourire franc, reprit la parole :
- Je me nomme Lishaasi, et je suis trappeuse. Ces éco-dômes possèdent une faune toute particulière qui fournit un cuir d'une qualité spéciale. Surtout les crocilisques. A la base, j'étais venue ici pour chasser, mais je suis tombée sur votre piste, qui, je dois dire, m'a beaucoup intriguée... Vous faites quoi, avec les plantes ?
   La femme semblait surprise, mais sa voix s'était radoucie.
- Et bien, je suis botaniste. J'étudie les plantes, les examine, les répertorie. C'est d'ailleurs en voulant en voir une de plus près que je suis tombée à l'eau. Je savais que c'était dangereux, mais je pensais pouvoir l'atteindre.
   Elle marqua une petite pause et ajouta, dans un petit rire :
- Il s'avère que j'avais tort ! Je m'appelle Adelheidy Hamar, je viens d'Azeroth pour étudier ces fabuleuses installations.
   Elle accompagna sa phrase un large geste désignant son environnement, mais aussi le dôme au-dessus d'elles. Lishaasi fit une légère moue.
- Vous savez, ces choses éthériennes ont peut-être ramené la vie ici, mais ça n'a pas grand chose à voir avec les forêts d'antan. Enfin, j'imagine que ça n'enlève pas l'intérêt qu'on pourrait porter aux plantes qui y poussent.
- Je crois que de mon point de vue, rien ne peut enlever de l'intérêt à aucune plante, mais je ne suis pas vraiment représentative de ma race. Non, en fait, c'est surtout parce que chez moi, la terre a été corrompue, et je recherche un moyen de faire renaître la vie dessus. J'ai pensé que ces engins pourraient m'apporter une forme de réponse.
- Oh, vous venez de ces terres du Nord, prises par les... Comment c'était déjà ? Des morts-vivants, je crois.
   Adelheidy ne masqua pas sa surprise.
- Vous connaissez Azeroth ?
- Oui, je connais votre monde, j'y vis, même. Enfin, quand je ne fais pas un petit voyage dans ce qu'est devenu mon ancienne planète. Je loge dans la ville de Hurlevent, mais je me balade beaucoup, j'aime le grand air.
- Et bien, c'est surprenant de vous rencontrer ici, alors ! Je suis originaire du Nord, oui, mais depuis des années, je vis dans le Sud. Ces derniers temps, juste à côté de Hurlevent, d'ailleurs, dans le...
   La draenei redressa la tête, elle avait entendu un bruit. L'enthousiasme de la discussion lui avait fait oublier où elles se trouvaient, la jeune femme et elle. L'air soudain sérieux, elle se releva, et tendit la main pour aider Adelheidy à faire de même.
- Cette conversation est passionnante, mais nous ne devrions pas rester ici. Je connais une clairière bien plus sûre, pas très loin. Je pense que nous ferions mieux de continuer à parler là-bas.
   Une fois debout, l'humaine acquiesça, puis suivit la draenei à travers la végétation de la forêt.

Doutchboune:
Suite à un concours de nouvelle au sein de notre guilde, j'ai écrit ce texte parlant de la vie quotidienne d'un personnage non joueur inventé pour l'occasion, et qui évolue au sein de notre QG, un bastion militaire.


Allaine
   Quand sa mère lui avait annoncé qu’elle avait trouvé un petit boulot, elle s’était d’abord réjouie, pour leur situation, précaire, il fallait le reconnaître. Quand elle a ensuite dit qu’elle aussi devrait mettre la main à la pâte, elle avait déchanté. S’en était suivi une longue conversation, pour ne pas dire confrontation, sur ses quatorze ans bien entamés, sur sa propension à laisser sa mère faire tout le travail, et que si elle n’était pas contente, les ponts de Hurlevent pourraient peut-être mieux l’héberger, finalement. Aide-lavandière, tu parles d’un métier…
- Allaine, arrête de rêvasser et étends ce linge !
La jeune fille grommela, et reprit sa tâche ingrate. Étendre le linge de sales vieux soldats, dans une horrible bâtisse loin de la ville. Au moins, les ponts des canaux étaient proches du quartier commerçant… Elle poussa un soupir interminable puis croisa le regard consterné de sa mère. Peut-être que, dans le fond, elle aurait bien voulu admettre qu’elles avaient toutes deux besoin de ce travail, que ce ne serait probablement que temporaire, que ce n’était pas si avilissant que ça, mais rien n’y faisait.

   Depuis leur arrivée ce matin, elle avait laissé traîner ses oreilles, plus pour passer le temps que par envie de connaître les lieux et ses habitants. Elle avait compris que plusieurs lavandières s’étaient succédées, que parfois même, ce fut des membres de l’ordre qui avaient effectué cette tâche. C’était  au tour de sa mère de prendre le poste, et à elle de l’assister. Elle poussa un nouveau soupir, encore plus exagéré que le précédent, et vit du coin de l’œil sa mère lever les yeux au ciel. Celle-ci reposa le drap qu’elle portait dans le panier et regarda sa fille avec un regard légèrement contrit.
- Allaine. S’il te plaît. On ne va pas revenir sur la nécessité d’être ici, non ?
   L’adolescente se tourna vivement, faisant voler sa longue tresse de cheveux clairs.
- Pffff, c’est nul ici, y a rien, et en plus, j’ai… euh… j’ai la peau des mains toute abimée, à cause des draps mouillés !
   Dos à sa mère, elle ne vit pas le léger sourire qui anima ses lèvres. Et aucune ironie ne perçait quand elle lui répondit d’une voix douce.
- Ma chérie… Je sais ! Il y a du travail de reprisage, tu pourrais le faire. Comme ça, tu pourrais rester assise, en plein air, sans te mouiller les mains ni te fatiguer le dos.
   Les épaules d’Allaine s’affaissèrent, et son air était loin d’être réjoui quand elle se retourna lentement. Elle faillit pousser un troisième soupir, mais se retint au dernier moment. Elle ne se départit pas de sa moue boudeuse alors qu’elle hochait la tête pour accepter la tâche qu’on venait de lui confier.

   Les différentes affaires à repriser avaient été mises dans un petit panier, dans lequel elle ajouta le matériel de couture. Après avoir regardé le tout d’un air passablement dégoûté, elle le mit sous son bras et partit chercher un coin tranquille, loin du regard de sa mère, où elle pourrait travailler en paix. Elle avisa un mur de la bâtisse, ensoleillé, mais sur lequel quelques arbres projetaient une ombre synonyme de confort. Son regard se porta à peine sur les drôles de sacs remplis de paille montés sur des bouts de bois alors qu’elle choisit une place qu’elle considérait adéquate.
L’aiguille était bien en main, le fil passé dans le chas, et les trous se refermaient à un rythme tranquille. Quand même, atterrir dans ce trou, sans même un copain pour apprécier de petites pauses. Bon, elle devait bien admettre que l’odeur d’ici était plus agréable que celle de l’eau des canaux, mais le calme… Oh, ce que c’était calme. Elle était sur le point de soupirer à nouveau quand un vacarme se fit entendre.
Une voix autoritaire la fit sursauter, puis un grand bruit de casseroles qu’on entrechoque retentit. Levant les yeux, elle vit arriver des hommes et des femmes armés sur le terrain devant elle. Elle faillit se lever, mais vit très vite que personne ne l’avait remarquée. Elle posa alors son ouvrage, et regarda la scène.

   Un homme, grand et viril, semblait commander les autres. Se cheveux longs attachés en queue de cheval dansaient au rythme de ses gestes. Sa voix résonnait, forte, donnant des ordres martiaux. Du moins, le supposait-elle. Et les hommes et les femmes face à lui de lui obéir, faisant de grands gestes qui se voulaient coordonnés. Le spectacle était fascinant.Tout était si viril. Elle entrouvrit le col de sa robe. Elle n’avait pas imaginé que la journée puisse être si chaude, surtout à l’ombre. Un instant, elle pensa à son ouvrage, mais ses yeux ne pouvaient se détacher de la danse de ces hommes.
Eux aussi devaient avoir chaud, car leur instructeur leur ordonna d’ôter une partie de leur armure, avant de leur imposer de nouveaux mouvements. Oui, cette journée était caniculaire, comment expliquer sinon que certains aient totalement dénudé leur torse ? Et qu’ils transpiraient autant sous l’effort. Toute cette sueur. Ces gouttes qui glissaient sur la peau, sous laquelle de puissants muscles bougeaient au rythme de leurs contractions. Elle ouvrit son col un peu plus, décidément, qu’il faisait chaud. Elle en avait le souffle court.

   Absorbée comme elle l’était par les mouvements de va et vient des hommes, elle sursauta quand un grand coup de sifflet retentit. Le colosse viril venait de sonner la fin de l’exercice. La troupe rassembla ses affaires et partit en ordre dispersé. Allaine frissonna. Une légère brise était venue lui chatouiller le cou, et elle referma vivement son col. L’air pensif, un petit sourire aux lèvres, elle reprit son ouvrage.

   Finalement, il n’était peut-être pas si mal, ce travail.

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