Auteur Sujet: [Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2  (Lu 74850 fois)

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #90 le: lundi 11 novembre 2019, 22:58:31 »
Hundwiin Drakonia III
Vétéran
Jour 7 avant la fin
Dans le labo de Sebastide
Sauvetage

     Quelques temps après l'explosion, la porte de la salle se rouvrit, Hundwiin avait peur de revoir son bourreau revenir mais ce ne fut pas elle qui entra, non. Il s'agissait de deux femmes de prime abord, mais à y regarder de plus près, la première avait des yeux rouges. Elle n'avait d'ailleurs pas l'air de lui prêter de l'attention et de l'aider. La deuxième femme ressemblait à une vieille femme mais elle n'avait pas grand chose d'humaine, il s'agissait plutôt d'une araignée. Elle portait un bras en écharpe, mais ne semblait pour autant pas mal en point. Aurait-il pu s'agir de la femme évoquée par les gardes de tout à l'heure ? Ces deux femmes se seraient-elles débarrassées de sa ravisseuse. Le draconien essaya de leur demander de l'aide malgré son état et son manque de force.
     ≪ Je... Aidez-moi... S'il vous plaît. ≫   
     La jeune femme ouvrant la marche leva les yeux au ciel, complètement indifférente à la détresse du draconien mais la femme araignée, quand à elle, s'approcha et commença à examiner Hundwiin. C'est alors que la première, continuant sa route pris la parole.
     ≪ Nous n'avons pas le temps de nous occuper de lui vieille femme. Surtout si tu veux sauver ton amie elfe.
— Cela ne prendra que quelques instants. Il n'est pas blessé, juste fatigué et retenu par ces sangles. ≫

     Sur ces mots, l'araignée commença à détacher les liens enserrant le draconien. La jeune femme quand a elle continua sa route, n'attendant pas sa compagne. Elles avaient l'air alliées mais pourtant elles n'avaient en aucun cas l'air d'accord sur leurs agissements.
     ≪ Ne lui prêtez pas attention. Disons qu'elle n'est pas très patiente et surtout méfiante. C'est un peu la force du destin qui nous fait faire chemin commun mais elle n'a pas mauvais fond, je peux vous l'assurer.... En tout cas, je ne sais pas ce que vous injecte cette femme, mais vous ne pouvez pas vous trimballer avec cette poche reliée à votre bras. Il vous faudra choisir, mais ne vous inquiétez pas, je vais vous injecter un petit stimulant qui va vous remettre rapidement sur pied. Vous n'aurez plus rien, à condition que vous me promettiez de vous reposer une fois que nous serons en sécurité.
— Daa… D'accord… Faites ce que vous pouvez faire je vous en remercie. ≫

     La femme araignée planta son dard dans le bras du draconien et injecta son "stimulant". Hundwiin reprit rapidement des forces et se releva pour s'asseoir sur le brancard et faire face à sa sauveuse. Maintenant qu'il la voyait dans son ensemble, il constata qu'elle portait une robe de belle couture retouchée. Elle disposait aussi d'un corps mi-humain, mi-araignée. Son visage était celui d'une vieille femme mais elle arborait un fier sourire et se tenait bien droite. Elle avait l'air de porter en haute estime les bonnes manières. Elle prit la parole la première.

     ≪ Pardonnez-moi, je ne me suis toujours pas présenté. Je me nomme Cheiralba. Je soignais les victimes  de la faille depuis la fracture mais nous discuterons en marchant, je suis assez pressée. En tout cas, comment vous êtes vous retrouvez là ? Il est plutôt rare de croiser des draconiens par ces temps, surtout ici dans la Faille. ≫

     Hundwiin n'avait pas l'air de bien tout comprendre, qu'elle était cette histoire d'inquisition, et ces expériences génétiques, qui était derrière tout ça et dans quel but ? Et cette femme, pourquoi était elle comme ça ? En était-elle une aussi ? Ça ne faisait que quelques semaines environ qu'il était descendu dans la faille avec ces compagnons, que c'était-il passé ? Beaucoup de question se bousculaient dans sa tête mais Cheiralba avait l'air pressée, et puis sa comparse avait mentionnée une Elfe à sauver. Hundwiin se redressa et essaya de marcher. Le stimulant lui avait fait le plus grand bien et il ne ressentait pas trop de difficultée dans ses mouvements. Il se retourna vers l'araignée et lui fit signe qu'il était prêt pour partir. L'araignée le rejoignit et ils continuèrent leur route.

     ≪ Merci infiniment Cheiralba, je vous dois la vie. Moi ainsi que ceux dont je porte la mémoire. Je vous serai éternellement reconnaissant. Si j'avais dû mourir ici, je n'aurais pas pu leur faire face... Oh pardonnez moi, je divague et je ne me suis pas présenté. Je suis Hundwiin Drakonia III, prince héritier du royaume de Draconia. Pour répondre à votre question, lorsqu'il y a quelques semaines, l'explosion a créée la faille, je suis descendu avec les plus valeureux de tous les guerriers qui se trouvaient à Miderlyr. Nous sommes descendus au plus profond de la faille afin de la refermer... Hélas mes camarades y ont tous perdu la vie mais leur sacrifice a permis de refermer la brèche et le flot incessant d'aberration qui s'en écoulait. J'ai réussi difficilement à remonter et à bout de force avant de tomber d'épuisement. J'ai ensuite été récupéré par deux hommes habillés tout en blanc et ils m'ont amené ici. Quand je me suis réveillé j'étais devant cette Sofia qui m'a attaché ici. ≫

     La femme araignée ne réagit tout d'abord pas. Elle avait l'air en état de choc. Les yeux grands ouverts à le dévisager. Elle reprit ses esprits au bout de quelques instants mais ne prit pas la parole. Elle continua son chemin et fit signe à Hundwiin de le suivre.

* * * * *

     Ils marchèrent un moment en silence. Un silence malaisant et gênant. Cheiralba décida finalement de briser ce silence.

     ≪ Écoutez-moi bien, Seigneur Drakonia, s'il faut vous appeler ainsi. Je ne sais pas si vous essayez de me mentir, mais vous aviez l'air convaincu de votre vérité. Pour le moment nous devons nous hâter. Une amie elfe du nom d'Alaïa s'est faite capturer par un scientifique du nom d'Hordefeu et il va sûrement l'utiliser pour je ne sais quelles expériences. Cet homme se terre depuis bien trop longtemps pour commettre ses méfaits si vous voulez mon avis et si je suis là, je compte bien en profiter pour l'arrêter une bonne fois pour toute. Maintenant que vous savez cela, soit vous vous rangez à nous, soit vous feriez mieux de quitter cet endroit. En tout cas je ne vais pas vous mentir, si vous restez avec nous, faites attention à vous. Nous sommes blessées toutes les deux et Hordefeu est quelqu'un de plutôt dangereux ; même si nous savons nous défendre. ≫
     À ces mots, Cheiralba affichait un léger sourire. Elle marchait fièrement devant, ouvrant la marche. Hundwiin lui réfléchissait, il ne pouvait ignorer sa sauveuse et son amie en détresse. S'il allait les aider ? Mais bien sûr qu'il allait le faire, après tout, il lui devait la vie.
     ≪ Vous pouvez compter sur mon aide Cheiralba. Je vais vous aider à sauver votre amie.
— Bien, votre aide nous sera très précieuse mais vous n'avez pas intérêt à nous faire faux bond.
— Ne vous inquiétez pas pour cela. Je vous dois la vie, je n'aurai aucune raison de faire cela.
— Bien bien. Essayons de rattraper Syl maintenant. Bien que dans son état elle soit très puissante, on ferait mieux de la rejoindre. Oh... et une fois tout cela fini, j'aurai quelque chose à vous dire. ≫

     Hundwiin imaginait que Syl devait être la jeune femme qui accompagnait la femme araignée au début. Par contre, que voulait elle lui dire, et pourquoi elle ne pouvait pas lui dire maintenant ? Néanmoins la situation pressait ils accélérèrent donc le pas afin de la rattraper.

* * * * *

     Hundwiin et Cheiralba marchaient maintenant côte à côte, ils arrivèrent dans un couloir rempli de cellules. Des personnes se trouvaient derrière, certaines hurlaient, d'autres se tordaient de douleur. Certaines n'étaient même plus humaines. La vision horrifique de cet endroit tordit les traits du visage de l'araignée en une expression de dégoût et de rage au visage de l'araignée. Décidément, elle avait l'air d'avoir un lien plus ou moins lointain avec cet endroit, ou tout du moins avec cet Hordefeu.

     Au bout du couloir, les deux compagnons aperçurent Syl. La jeune femme faisait face à une cellule. Elle haussa la voix :
     ≪ La vieille femme voudra te sauver aussi, pour sûr. Ecarte-toi ! ≫
     La serrure explosa à grands bruits puis la cellule s'ouvrit dans un grincement. Hundwiin et Cheiralba venaient d'atteindre Syl qui se retourna vers cette dernière, un sourire carnassier aux lèvres.
     ≪ Et voilà vieille femme. Une personne de plus de sauvée. Espérons que notre joyeuse compagnie arrive à temps pour sauver ton amie elfe. ≫
     Une naine sortie de la cellule, elle avait une musculature imposante ainsi que des cheveux rouges et une armure. Elle avait les yeux émeraudes et le nez cassé. Son regard croisa celui d'Hundwiin et resta un long moment à le fixer et à se frotter sévèrement les yeux afin d'être sûre de ne pas rêver. Le Draconien était tout aussi perplexe avant de s'exclamer :
     ≪ Hyldegarde ! Comment vous êtes-vous retrouvée ici ? Vous avez réussi à remonter vous aussi ? Je vous croyais morte, tout comme le reste de nos compagnons... Vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis ravi. Si vous êtes vivante, peut-être que les autres ont pu s'enfuir aussi et sont en vie quelque part.
— Hundwiin qui aurait cru que vous auriez survécu... Alors comme ça vous aussi vous avez fini ici ? Me voilà rassurée, je pensais être la seule survivante. Cela me rassure. d'Euphorie est peut-être encore vivante quelque part... ≫

     Syl et Cheiralba échangèrent un regard étonné. La jeune femme lâcha, toujours avec un sourire carnassier :
     ≪ Regardez si c'est pas merveilleux vieille femme, ils se connaissent. La Faille est décidément trop petite...≫

     Hundwiin réalisa alors que Yoltuz n'était pas sur lui. Sa fidèle épée avait dû rester là où il fut récupéré par les deux hommes en blanc. Sans son épée il était moins puissant mais il serait toujours capable de se battre à mains nues ou de puiser dans ses forces pour utiliser le peu de magie draconique qu'il connaissait. En revanche, sa mission prioritaire allait être de récupérer son épée. Heureusement il était rassuré, personne ne pouvait s'en emparer.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #91 le: mardi 14 janvier 2020, 12:25:39 »
Cheiralba
Vétéran
6 jours avant la fin
Salle opératoire du laboratoire de Sébastide Hordefeu
Fil noir sur le cœur, fil rouge sur la gorge

Les bruits des pas de la petite troupe résonnaient le long du couloir leur donnant plus d’importance qu’ils n’en avaient réellement. Cheiralba avançait en tête, fière, mais fatiguée. Elle avait souffert un lourd tribut lors de son combat contre la jeune femme, mais l’espoir de rencontrer une dernière fois son créateur et de l’éliminer de ses propres mains étaient la meilleure des motivations pour la pousser à continuer. Bien qu’elle ne soit pas croyante, elle pria une identité quelconque pour qu’elle lui accorde assez de courage et de force pour que Hordefeu soit mis hors d’état de nuire une bonne fois pour toute. Elle ne savait pas à qui elle pouvait s’adresser, quelle divinité lui accorderait un moment, mais elle priait avec tant de conviction et de ferveur que si quelqu’un lui tendait l’oreille, alors son souhait serait forcément exaucé.

A ses côtés, Syl la suivait machinalement avec une indifférence assez inquiétante. La personne qui contrôlait actuellement la magicienne avançait de manière détachée comme si elle savait qu’elle allait s’en sortir et qu’il fallait simplement qu’elle attende que les choses se passent. En aucun cas le sort de Cheiralba semblait lui importer. Si elle avait libéré la naine, ce n’était que pour avoir l’occasion de faire preuve de sarcasme. La femme araignée jeta un coup d’œil vers cette dernière. Elle était en pleine discussion avec celui qui s’appelait Hundwiin, un peu en arrière.  Quel duo mal assorti… et pourtant ils semblaient se connaître. Cheiralba ne regrettait pas de les avoir secourus. Qui sait s’ils pourraient être utiles. Et puis c’était dans sa nature… mais elle regrettait naturellement d’avoir potentiellement perdu du temps qui lui aurait été nécessaire pour sauver Alaïa. Il avait fallu faire un choix. Un choix dont elle devait prendre toute la responsabilité. Et quel qu'il fût, il y aurait eu des regrets.

Elle détourna son attention de ce drôle de binôme pour se concentrer sur Syl qui s’était arrêtée devant une porte sur la droite. De grande taille, elle comportait deux battants qui n’avaient pas l’air très résistants. Plus loin, le couloir continuait pour donner sur d’autres portes et d’autres couloirs, mais c’était ici que la magicienne s’était arrêtée.

    ≪ L'elfe est là. Je peux également te dire qu’elle n’est pas consciente. Un autre homme est à côté d’elle. Il semble particulièrement occupé d’esprit et on dirait qu’il ne nous a pas encore entendu arriver malgré les jacassements des deux pipelettes que tu as choisi d’amener avec nous.
— Je vois. Dans ce cas, ne perdons pas plus de temps. Je vous laisse le plaisir de faire sauter tous les verrous de cette porte.
— Ce sera avec plaisir. Recule. ≫

Il n’y eu pas d’explosion cette fois-ci, à croire que la seconde personnalité de Syl avait un peu moins le sens du spectacle. Néanmoins, les deux battants métalliques de la porte tombèrent, de manière simultanée, dans ce qui avait l'air d'être une salle opératoire créant un vacarme. La propreté relative des locaux permit à la troupe d’observer la réaction d’Hordefeu sans devoir attendre qu’un nuage de poussières se dissipe. Le chirurgien avait suspendu son geste dans le vide. Il tenait à la main droite un instrument qui serrait dans ses mâchoires une aiguille courbée reliée à un fil. Cheiralba suivit ce fil pour voir où il s’insérait. Sur la poitrine dénudée d’Alaïa se dessinait une suture en zig-zag mettant bout à bout, côté cœur, la peau d’origine de l’elfe et, côté épaule, une surface noire et brillante. Le bras ne semblait pas encore déformé, seule sa matière avait l'air d'être changée. Le corps de la jeune elfe était étendue sur une grande table centrale. Deux autres tables à roulettes se trouvaient à proximité, l'une beaucoup plus petite que l'autre. Sébastide était sur le point de terminer, mais le temps que Cheiralba fasse mine de s’approcher, le chirurgien reprit ses esprits et lâcha son instrument pour se saisir d’un autre parmi ceux qui étaient disposés de manière organisée sur la tablette à roulettes sur sa droite.

Dans la précipitation, la femme araignée n’eut le temps de voir qu’un rapide reflet, mais ce qu’il en fit ne laissait pas d’équivoque. Il s’était équipé du manche de bistouri munie d’une lame et l’appliquait sur la gorge de l’elfe en appuyant assez fort pour que sa détermination soit bien visible. Les propos de Syl ne firent que confirmer les craintes de la femme araignée.

 ≪ Voyons, vieux fou. Crois-tu que ton acte désespéré va me retenir de t'exterminer ? ≫

Hordefeu mesurait les paroles de la magicienne et, en réponse, il appuya davantage. Le fil de la lame commençait à entamer la peau, mais le chirurgien ne quittait pas des yeux le quatuor qui venait de pénétrer dans sa salle opératoire.

 ≪ Vous venez pour elle. Ne me faîtes pas croire que vous n’avez que faire de sa vie.

— Honnêtement, sa vie m’importe peu. Si Syl était en face de toi, peut-être qu’elle t'aurait laissé une chance, mais je n’ai jamais parlé personnellement à cette elfe, tout comme le draconien et la naine. Ils veulent sûrement juste se venger de toi de les avoir enfermés. Il y aurait bien cette femme chimère que tu ne sembles pas reconnaître, qui hésiterait à risquer la vie de cette pauvre elfe déformée, mais elle semblerait qu’elle ait une dent contre vous. Si tu veux le fond de ma pensée, les abominations que tu crées ne devraient pas avoir le droit de vivre et ce ne serait que rendre service à ta victime si tu l’achevais.
— Vous ne le ferez pas.
— Dans quel monde crois-tu que l’on vit ? J’en ai plus qu’assez de partir à la rescousse de chacun et chacune. Puisque personne d’autre ne souhaite prendre de décision, je prends le risque. Je vais te faire exploser et tant pis si tu as le temps de lui trancher la gor... ≫
Cheiralba, qui avait les yeux tournés vers Sébastide et Alaïa, ne put voir, qu’alors que Syl finissait sa phrase, les yeux de la magicienne reprendre leur couleur originelle avant que cette dernière ne s’effondre. Hordefeu lui jubilait. Il ne comprenait pas ce qu’il se passait, mais de toute évidence la chance était de son côté. Il y avait un obstacle en moins. Plus qu’une naine dénutrie, un draconien engourdi par des anesthésiques et une vieille femme au corps d’araignée blessée. La seule magicienne du groupe était à terre. N’avait-elle pas dit d’ailleurs qu’il était censé connaître la vieille femme ? La surprise se rajoutait à l'hébétude dans les yeux de l'expérimentateur. Il ne semblait pas en croire ses yeux…

≪ Oh. A54, c'est ça ? Je ne t'avais pas reconnu. Il faut dire que je n'ai pas l'habitude de voir à nouveau mes créations et encore moins après si longtemps. ≫

L'homme gagnait du temps. Cheiralba en était certaine, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de l'écouter. Une part au fond d'elle voulait comprendre. Quoi, elle ne le savait pas.

≪ Si je m'attendais à te voir ici. Tu sembles avoir bien vécu. Il faut croire que je m'étais pas tant trompé dans les dosages. J'ai le malheur de te l'annoncer, mais tu n'étais qu'un travail bâclé... Non, n'avance pas si tu tiens à la vie de cette elfe ! Votre magicienne est tombée, si tu veux la garder vivante, il va falloir d'abord m'écouter.
— Si vous comptez gagner du temps en attendant que vos sbires arrivent, je crains malheureusement qu'ils ne soient pas en état de répondre à votre appel à l'aide discret. Vous êtes acculé.
— Nous sommes alors dans une impasse. Je serai à l'abri tant que ma lame sera appuyée sur son joli petit cou. Et j'ai plus de temps que toi. Combien de temps te reste-t-il à vivre ? Tes commanditaires ont expressément demandé à ce que tu aies une vie courte. Tu le sens en toi, non ? Malgré la fougue qui t'anime, tu le sens dans ton corps. Il te supplie d'arrêter et de t'éteindre. Bientôt tu recroquevilleras sur toi-même, toi et tes petites pattes. Si cela n'avait tenu qu'à moi, je t'aurai donné une espérance de vie légendaire. Mais, je me souviens maintenant : "Nous vous demandons un outil de travail afin d'accroître notre renommée. Nous ne voulons pas un enfant qu'on devra garder toute notre vie. Quand nous aurons fait notre place parmi les marchands, alors nous n'aurons plus besoin d'elle. Une durée de vie d'une dizaine d'années tout au plus me paraît suffisant." Je ne pouvais pas et je ne voulais pas. Aujourd'hui, avec les expériences que j'ai réalisées j'ai acquis assez de connaissances pour pouvoir contrôler l'espérance de vie, mais à l'époque j'en étais incapable. Et je ne te souhaitais pas une mort prématurée. Tu étais comme une de mes filles.
— Je ne suis pas l'une de vos filles.
— Oh si ! Tu es l'une de mes filles. Chacune de mes créations est mon enfant. Votre amie, là, est une de mes créations, même si elle n'est pas finie.
— J'ai eu une famille. Ils m'ont aimé.
— Que tu es naïve... ≫

Derrière, Hildegarde et Hundwiin regardaient la scène impuissants. D'un côté ils étaient captivés par l'échange qui se déroulait sous leurs yeux, d'un autre ils préfèreraient s'en aller dans ce conflit qui ne les concernaient à peine. Néanmoins, ils se sentaient redevables et leur honneur les poussait à rester. Et puis, où auraient-ils pu aller ? Ils ne savaient même pas où ils étaient. La femme araignée et la magicienne avaient l'air de pouvoir les aider à les guider. Seulement, elles étaient coincés. Les deux compagnons voyaient bien que Cheiralba essayait de trouver une solution pour la sortir de là. Tant que la lame du bistouri menaçait la gorge d'Alaïa, elle ne pouvait rien tenter. Mis à part Syl, personne ne pouvait l'attaquer à distance et cette dernière s'était évanoui, sans aucune raison.

Hildegarde prit alors la décision s'en aller. Bien que la naine se trouvait dans son dos, elle entendait clairement ses pas s'éloigner dans le couloir. Ils furent bientôt suivis par ceux d'Hundwinn, plus lourds. Ils partaient chacun dans une direction opposée. Cheiralba avait du mal à croire qu'ils prenaient la fuite, mais il fallait se résigner. Les temps étaient durs depuis la faille et la survie de chacun importait plus que le devoir. Elle devrait se débrouiller seule.

≪ Tes amis ont l'air de ne pas trop tenir à vos vies. ≫ ne peut s'empêcher de remarquer Sébastide Hordefeu avant de reprendre son monologue.

La vieille femme n'osait pas détourner son regard du cou de la jeune elfe de peur de rater le moindre mouvement suspect qui la pousserait à agir dans la précipitation. Elle se contentait de répondre du mieux qu'elle pouvait aux remarques d'Hordefeu, mais elle l'écoutait à peine. Elle était certes venue chercher des réponses, en plus de le mettre hors d'état de nuire, mais elle savait que rien ne garantissait que ce qu'il disait était vrai. C'était probablement que des mensonges sortis uniquement dans le simple but de semer le doute dans l'esprit de Cheiralba et de lui donner une chance d'en réchapper vivant.

≪ Comment m'avez-vous créé ? Y en-a-t-il d'autres comme moi ? ≫

Des questions intéressantes... et la vieille femme comptait sur l'esprit volubile de Sébastide pour qu'il saisisse l'occasion d'exposer tout son savoir et de se laisser distraire. Pendant qu'il expliquait les différents processus existants de greffes, l'importance de l'embryogénèse, les principes de l'interspécificité, elle répondait alors de manière laconique à coup de "Je vois…", "Hum" et autres "D'accord.". Parfois elle se hasarda à répéter un mot dont elle ne comprenait pas le sens "Homonculus ? Qu'est-ce ?". Elle entretenait la logorrhée du chirurgien en espérant qu'il en oublie de maintenir son instrument appuyé sur la peau fragile d'Alaïa, mais rien n'y faisait. Rien ne faisait avancer la situation et ils perdaient du temps.

La vieille femme pouvait espérer que l'une des deux femmes endormies se réveillent, mais elle n'avait aucune idée de la cause pour l'une et elle ne savait pas combien de temps durerait l'anesthésie pour la deuxième. Pour cette dernière, si elle se fiait à ce qu'elle voyait, le réveil ne commencerait pas avant quelques heures sans un petit coup de main. La respiration était calme et régulière malgré plaie qui n'était pas encore refermée.

Alors qu'elle allait relancer la conversation sur le sujet de l'expérimentation subie par Alaïa, elle entendit alors Hildegarde revenir grâce à son ouïe plus performante que le chirurgien. Elle allait arriver par la seconde porte de la salle de chirurgie. La naine avait dû la remarquer et le sens inné de l'orientation dans les profondeurs chez cette race ne devait pas être usurpé.

Cheiralba savait très bien ce qui allait se passer. Hildegarde allait ouvrir la porte de manière plus ou moins silencieuse. Ses pas la trahirait à un moment ou à un autre. Alors Sébastide se retournerait pour connaître l'origine du bruit détachant un court laps de temps son attention des gestes de Cheiralba. Comprenant alors qu'il ne pourrait pas surveiller les deux intruses en même temps s'il ne se déplaçait pas, il tenterait soit de trouver un meilleur angle de vue. Les deux portes n'étaient pas assez éloignées pour qu'il n'en trouve pas un rapidement. C'était mieux ainsi, S'il s'était senti pris aux pièges, il aurait probablement sectionné la carotide créant une diversion suffisante pour lui donner une échappatoire. S'il n'avait pas mis en pratique cette stratégie jusqu'à maintenant, c'est qu'il espérait pouvoir s'échapper sans blesser Alaïa. Peut-être tenait-il un peu à elle.

Le scénario que Cheiralba s'était imaginé ne tarda pas à se réaliser. La seconde porte s'ouvrit dans un affreux grincement et derrière elle se trouvait Hildegarde qui essayait de se faire le plus discrète possible malgré le vacarme provoqué par la vieille porte qui n'avait pas dû être huilée depuis des années. Comme prévu Hordefeu se retourna avant de reporter rapidement son regard vers la femme araignée. Cependant cette dernière était prête à agir. Elle était bien trop fatiguée et trop loin pour pouvoir s'interposer entre Alaïa et le bistouri, mais elle avait préparé son dard. Sitôt qu'elle fut hors de vue, elle le planta dans le corps de Syl sans chercher à viser une partie du corps en particulier avant de reprendre sa position d'origine. Tant que ça agit… Elle avait réussi à ranimer sa deuxième identité avec de l'adrénaline une première fois. Avec un peu de chance, elle se réveillerait à nouveau. Elle ou la véritable Syl.

Pendant que la substance se déversait, Sébastide avait fait un pas de côté pour se trouver en face de ses deux ennemis, l'instrument toujours plaqué sur le cou de la jeune elfe. Elle n'aurait plus de carte à jouer. Hildegarde tenta de repartir par la porte d'où elle venait, mais le chirurgien l'en empêcha :

≪ Arrêtez-vous ! Ne bougez pas ! Vous m'avez fait le coup une fois, je ne me ferai pas avoir une seconde. Si vous bougez d'un millimètre, je lui coupe la gorge. Alors vous allez être bien sages toutes les deux. La plaisanterie a assez duré. Vous allez lentement vous allonger au sol, la tête face contre terre.
— Si je puis me permettre, vous nous donnez des ordres contradictoires. Doit-on ne pas bouger ou nous allonger pour que vous épargnez sa vie ? ne peut s'empêcher de dire Hildergarde avec une voix moqueuse.
— Faites la maline, vous. Allongez-vous et on verra ce qu'il arrivera à votre amie. ≫

La naine et la femme araignée s'exécutèrent de mauvaise grâce. Elles n'avaient pas le choix, mais gardèrent la tête levée pour continuer à surveiller les gestes de Sébastide. Une fois au sol, elles ne distinguaient plus ses mains cachées par les rebords de la table, mais elles savaient à la position du bras du chirurgien que la menace était toujours présente.

Pendant qu'il tenait en joug les deux femmes, il se saisit d'une table roulante qui n'était pas bien loin, laissée là pour ramener le corps de son expérience dans sa cellule une fois l'opération terminée. Il la cala contre la table opératoire et à force de tirer et de pousser Alaïa dans tous les sens, il parvint à la faire basculer sur la table à roulettes tout en gardant le bistouri en place. Il pouvait maintenant partir tout en gardant son otage, mais il n'en fit rien. Pour cela, il devait passer à côté de l'une ou l'autre des deux femmes qui se trouvaient chacune devant une porte. C'était risqué. Il prit alors le temps d'analyser la situation, mais malgré l'adrénaline qui lui donnait une perception accrue il ne s'intéressa qu'à Alaïa vaguement installée sur la table roulante, la distance qui les séparait de l'une des sorties, les deux femmes qui lui faisaient obstacle et les deux portes. L'une s'était refermée, l'autre avait ses battants au sol ce qui l'empêcherait d'emmener avec lui la jeune elfe. S'il voulait s'en sortir, il devait la laisser.

Cheiralba avait une autre perspective de la situation. Depuis l'entrée d'Hildegarde, elle attendait un changement dans le comportement de la magicienne. Une respiration plus rapide, la moindre vibration crée par un discret mouvement… N'importe quel signe. Elle avait d'abord cru que son injection n'avait pas fonctionné, mais maintenant elle le sentait arriver. Il y avait de la magie dans l'air. Les cheveux de sa nuque se hérissaient… Syl allait se réveiller...
« Modifié: vendredi 17 janvier 2020, 13:52:21 par Yorick26 »

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #92 le: vendredi 14 février 2020, 14:17:40 »
Bonjour ça aura prit un peu plus de temps que prévu (oupsi), mais voilà, enfin, la suite. J'avais de quoi raconter



Syl
6 jours avant la fin
???
La volonté de l'invocatrice

    Le monde autour de moi était noir. Infini, parfaitement silencieux et juste éclairé par les quelques paillettes dorées flottant doucement autour de moi. Depuis que Thargraktrug avait disparu, je n'avais pas bougé. J'étais assise, la tête entre les mains, frottant doucement mes tempes de mes doigts. L'effet de la toxine se faisait encore sentir, tout mon corps semblait engourdit. Mes pensées fusaient néanmoins à toute vitesse et j'essayais tant bien que mal d'y mettre un peu d'ordre.
    Thargraktrug avait disparu. Le Sceau avait explosé. Il était libre. Ces trois mots représentaient l'absolue vérité et me terrifiaient.
    Voilà donc ce qu'il préparait. Tout ce temps à m'aider. À me prêter de sa puissance. C'était pour mieux fragiliser le Sceau. Et profiter de la première de mes faiblesses.
    Je maudissais mon imprudence. Ce carreau, que j'aurai pu facilement éviter. Cette puissance qu'il me prêtait, que j'ai accepté par facilité. Cette prétention, que j'avais eu plus jeune et qui m'avait tant coûté.
    Que me restait-il à faire maintenant ? Il était libre et contrôlait mon corps. Je grimaçais face à cette pensée. Un démon. Avec une enveloppe. Libre.
    Mon corps... Je relevais la tête alors que je prenais lentement conscience de la réalité. Peu importe où j'étais actuellement, ce n'était pas un lieu physique. L'effet du narcoleptique n'avait pas effet ici. C'était mon corps qui était impacté, pas mon esprit. Je n'avais aucune raison d'être diminuée ici, bien au contraire.
    Forte de cette conviction, j'entrepris de me relever. Je réussis sans peine, confirmant ma déduction. Maintenant debout, je jetais un regard circulaire : ma nouvelle perspective ne changea pas ma première vision. Il n'y avait que des ténèbres, à perte de vue.
    Je soupirais. Me voilà bien avancée. J'étais debout, certes libérée des contraintes physiques, mais toujours prisonnière ici.
    Quoique. Non. Thargraktrug était prisonnier ici. Un Sceau le retenait. Et malgré ce dernier, il pouvait voir et entendre ce qui se passait, ainsi qu'interagir en laissant filer de son pouvoir. J'avais de mon côté beaucoup plus de liberté que lui. Comment faisait-il ?
    — Thargraktrug... ?
    Ma voix était un peu rauque et mon ton plus hésitant qu'escompté. Néanmoins, le son porta jusqu'à se perdre au loin. Il n'y eut pas de réponse. Aucun changement autour de moi. Soit il ne m'entendait pas, soit il ne voulait pas me répondre. Tant pis, je me débrouillerai seule.
    Une nouvelle fois, je regardai autour de moi. Il n'y avait rien. Désespérément rien. La solution ne viendra pas de l'extérieur, j'en avais cette fois la certitude. Il me restait quoi ? Mes sens ? Je fermais les yeux, me concentrant sur mon ouïe. Il fallait bien commencer quelque part et c'était ce qui me semblait le plus simple. Pas un bruit. Tout autour de moi régnait un silence sourd et pesant. Juste écouter ne fonctionnait pas. Il fallait plus.
    Et j'avais plus. J'avais de la magie. Je puisais au fond de moi un peu d'énergie avant d'étendre mes sens et me concentrer à nouveau sur mon ouïe.

    ≪...dire qu’elle n’est pas consciente.≫

    Je sursautais, relâchant ma concentration. Contre toute attente, cela avait fonctionné. Instantanément. L'espace d'un instant, j'avais entendu d'une façon parfaitement claire une voix grave, posée, aux résonnances gutturales. La voix de Thargraktrug.
    Je fermai de nouveau les yeux afin de me refocaliser sur mon ouïe.

    ≪...ne perdons pas plus de temps. Je vous laisse le plaisir de faire sauter tous les verrous de cette porte.≫
   
    Une voix de vieille femme, emplie de force et de détermination. Cheiralba sans aucun doute. Elle semblait aller bien. C'était rassurant.

    ≪ Ce sera avec plaisir. Recule.≫

    Et elle s'était alliée avec le Thargraktrug. Ou plutôt, il avait accepté de s'allier avec elle. Que lui avait-il demandé en échange ? Pourquoi faisait-il cela ?
    Les questions se succédaient tandis que le bruit sourd résonna. Une porte s'écrasant au sol si je croyais les dires de Cheiralba. Voir. Il me fallait voir pour comprendre.
    De la même façon qu'avec l'ouïe précédemment, j'utilisais un peu de magie pour voir. Le résultat dépassa toutes mes espérances. Tout autour de moi, le monde devient blanc. Un blanc brillant et propre d'une salle d'hôpital. Cheiralba se trouvait un pas devant moi, arrêtée net dans son mouvement. Elle fixait l'homme au milieu de la salle. Celui était penché en avant sur le corps étendu sur la table d'opération, mais son regard passait rapidement d'un nouvel arrivant à un autre. Entre ses mains, un petit objet brillant qu'il appuyait sur la gorge de son patient. De sa patiente. Alaïa.

    ≪ Voyons, vieux fou. Crois-tu que ton acte désespéré va me retenir de t'exterminer ? ≫

    La voix de Thargraktrug était chargée de mépris. Le chirurgien prit quelques instants pour répondre. Quelques instants pendant lesquels il appuya davantage sa lame contre la gorge d'Alaïa. Quelques instants pendant lesquels son regard ne nous quitta pas.

    ≪ Vous venez pour elle. Ne me faîtes pas croire que vous n’avez que faire de sa vie.≫

    La voix était comme... usée. Je pouvais ressentir de la peur, de la détermination, de la fatigue et de la tristesse dans les paroles de cet homme. Il n'hésiterait pas. Il savait qu'il n'avait pas l'ombre d'une chance contre notre groupe. Menacer Alaïa était sa seule éventuelle porte de sortie, mais qu'une fois morte, plus rien ne nous arrêterait. Quoiqu'il fasse, il était perdu. Et il ne voulait pas être le seul à perdre.

    ≪ Honnêtement, sa vie m'importe peu. Si Syl était en face de toi, peut-être qu'elle t'aurait laissé une chance, mais je n’ai jamais parlé personnellement à cette elfe, tout comme le draconien et la naine.≫

    Thargraktrug n'hésiterait pas. Je ne savais pas ce qu'il faisait encore avec le groupe, ni pourquoi il continuait d'aider Cheiralba. Mais il en avait assez. Je pouvais sentir sa fureur et sa puissance monter lentement tandis qu'il continuait son discours.

    ≪ Ils veulent sûrement juste se venger de toi de les avoir enfermés. Il y aurait bien cette femme chimère que tu ne sembles pas reconnaître, qui hésiterait à risquer la vie de cette pauvre elfe déformée, mais elle semblerait qu’elle ait une dent contre toi.≫

    Jamais je ne l'avais entendu aussi loquace. Son pouvoir allait exploser d'une seconde à l'autre. Mais le chirurgien était prêt. Au moindre signe de magie, il trancherait la gorge d'Alaïa. Et aussi puissant que soit Thargraktrug, il ne pouvait rien y faire. Je ne pouvais pas le laisser faire.

    ≪Si tu veux le fond de ma pensée, les abominations que tu crées ne devraient pas avoir le droit de vivre et ce ne serait que rendre service à ta victime si tu l’achevais.≫

    — Tu ne le feras pas, affirmais-je d'une voix forte.
    Ce fut spontané, direct et assuré. Et à ma grande surprise, cela fonctionna. Contre toute attente, le démon apparut devant moi. Il rayonnait d'une aura de flammes tandis qu'il me répondit d'un ton chargé d'acrimonie.
    — Dans quel monde crois-tu que l’on vit ? J’en ai plus qu’assez de partir à la rescousse de chacun et chacune. Puisque personne d’autre ne souhaite prendre de décision, je prends le risque. Je vais le faire exploser et tant pis s'il a le temps de lui trancher la gor...
    — Non !
    Ma voix fut forte et mon ton sans appel. Il résonna dans l'infinité tandis que Thargraktrug, arrêté net, me regardait avec un air surpris.
    — Je...
    — Non laisse-moi parler. Je me suis engagée à aider Cheiralba et à sauver Alaïa. Je ne veux pas que ton arrogance ne soit la cause de sa mort.
    Je le fixais droit dans ses yeux de braise. Il s'était rapidement repris et affichait un visage sévère tandis qu'il me dominait de toute sa hauteur. Je continuai :
    — Pourquoi es-tu resté avec Cheiralba ? Pourquoi as-tu continué ce que j'avais commencé ? Tu n'avais aucune raison de le faire. Tu avais toutes les possibilités devant toi et tu as choisis celle qui, visiblement, te répugne le plus.
    Je respirai un grand coup, profitant de ces quelques secondes pour ordonner mes pensées. J'avais agit impulsivement, provoquant le démon frontalement. Et contre toute attente, il ne m'avait pas encore pulvérisée. Thargraktrug restait silencieux, me fixant les bras croisés, le visage fermé.
    — Je ne sais pas ce que tu veux. Je ne comprends pas. Au début, tu n'étais qu'une présence insistante. Je devais sans cesse prendre garde à ne pas te laisser la moindre once de terrain. Et puis, il y a eu les événements d'il y a trois ans. Et depuis, on cohabite. Tu m'aides. Trois ans, et tu n'as jamais profité d'une de mes faiblesses. Je ne suis pas dupe. Tu as eu des occasions, je le sais. Tu ne les as jamais utilisées. Au contraire. Tu m'as toujours aidée quand j'en avais besoin. Je pensais que tu avais un plan, que cela cachait quelque chose. Mais quand je constate ce que tu as fait là, pendant que j'étais inconsciente, je me permets d'en douter. Que veux-tu Thargraktrug ? Que veux-tu vraiment ?
    Il y eu un flottement. Le démon me fixait, un léger sourire sur les lèvres. Un sourire qui semblait triste, bien loin de son air provocateur. Je le fixais d'un air déterminé, attendant une réponse. Face à mon silence, il secoua la tête avant de s'asseoir tranquillement, les jambes croisées. Puis il me fit signe de faire de même.
    — Assieds-toi Sylvanyël Al'Jak. Nous avons à parler.
    J'étais estomaquée Je m'étais préparée à beaucoup de choses, mais sûrement pas à ça. Face à ma stupeur, Thargraktrug attendait patiemment. Toute la fureur et la colère qui irradiaient de lui il y a quelques instants semblaient à présent complètement volatilisées, laissant place à un calme absolu. Teinté de nostalgie. Et, pour la première fois en trois ans, il avait utilisé mon nom.
    Passées quelques secondes de surprise, je m'exécutai et m'installai devant lui. Il plongea son regard de flammes dans le mien puis il prit la parole.
   
    Et il raconta. Il raconta ce qu'il s'était passé, cette fameuse soirée d'il y a huit ans. Son combat contre mes parents. Sa défaite. Le Sceau.
    Il raconta sa rage. Sa frustration. Son envie de vengeance. Comment il passa ses premières années à déchainer sa puissance contre sa prison. À tenter, par tous les moyens de la briser. Sans jamais réussir.
    Il raconta le face à face avec Dazzrug. Pour la première fois, il eut peur. Ses chaînes le condamnaient face à son rival.  Alors il fit un pari : le pari de l'alliance. Et contre toute attente, j'acceptai. Malgré tous les risques. Malgré toutes les conséquences.
    Il raconta son espoir lorsque le Sceau s'ouvrit, sans jamais se refermer complètement. Mais son espoir se confronta très vite à une succession d'échecs. Quoiqu'il pouvait tenter, il n'arrivait pas à exploiter cette faille.
    Il raconta comment, lentement, il comprit la vraie nature du Sceau. Il n'avait pas été conçu pour être une prison. Il était la partie manquante du sortilège que je n'avais pas réussi à tisser ce fameux soir. Mais maintenant que j'avais accepté notre alliance, il se révélait. Thargraktrug était libre d'agir. Tant qu'il respectait la volonté de son invocatrice. Ma volonté.
    Et il se tut.

    Je restais silencieuse. Un picotement parcourait mes mains, mais je l'ignorais. Je digérai les informations que je venais d'apprendre. Le Sceau. Mes parents. Thargraktrug. Les pièces du puzzle se mettaient lentement en place tandis que je comprenais enfin la vérité. Tout s'expliquait.
    La sensation de picotement était devenue franchement désagréable. Au fil des secondes, elle s'intensifiait, devenant maintenant une vraie gêne.
    Comme en écho à ce désagrément, le démon sourit :
    — Il semblerait que la vieille femme ait besoin de notre aide.
    Face à mon regard interrogateur, il continua :
    — Elle tente de nous réveiller avec une de ses piqûres. C'est qu'il est temps d'y aller fillette !

Syl
6 jours avant la fin
Salle opératoire du laboratoire de Sébastide Hordefeu
La fin du combat

    J'étais allongée sur le dos. Le sol était froid et dur. Rapidement, je retrouvais conscience de mes sens et du monde qui m'entourait. L'air aseptisé. Ma gorge sèche. Ma bouche pâteuse. Mon épaule endolorie. Une respiration à ma gauche. Les grognements et le frottement de quelque chose de lourd un peu plus loin.
    Je gardais les yeux fermés, sans bouger, feignant l'inconscience. Je ne savais pas quelle était la situation actuelle, mais Cheiralba avait besoin de mon aide. Autant profiter au maximum de l'effet de surprise. Toujours sans aucun mouvement, j'utilisais la magie pour étendre mes sens et percevoir mon entourage.
    Je devinais la vieille femme allongée sur ma gauche. De l'autre côté de la pièce se trouvait une naine. Je ne savais pas comment elle était arrivée là, ni même qui elle était. Au centre, le chirurgien avait déplacé Alaïa sur un brancard tout en la menaçant de sa lame. Il allait se mettre en mouvement d'un instant à l'autre avec son otage. C'était maintenant qu'il fallait agir. Néanmoins, avant de tenter quoique ce soit, il fallait le désarmer. De façon suffisamment discrète pour qu'il ne le réalise qu'au dernier moment.
    Thargraktrug soupira.
    Ce serait plus simple de le faire exploser fillette.
    Sauf que ça ne se fait pas d'exploser les gens. Et puis, c'est la vengeance de Cheiralba, pas la nôtre. Désarmons-le veux-tu ?

    Le démon soupira une nouvelle fois, mais ne dit rien. Je sentais sa magie se concentrer au centre de la salle, en plein sur le bistouri de l'expérimentateur. Après quelques instants, ce dernier grogna, sensiblement de douleur, tandis qu'un bruit métallique résonna.
    À cet instant précis, la naine se releva. Elle avait enfin l'ouverture qu'elle guettait et elle était plus que prête à en découdre. Elle se laissa néanmoins surprendre par la rapidité d'analyse et l'absence de stupeur du chirurgien. Ce dernier projeta le brancard sur la pauvre naine avec une force impressionnante et inattendue avant de s'élancer à une vitesse surprenante et de disparaître par la petite porte. L'action avait duré une poignée de secondes. Au vue des capacités physiques de l'expérimentateur, il n'était pas impossible qu'il ait amélioré son corps.
    J'ouvris enfin les yeux. Avant de les refermer aussitôt, éblouie par la lumière.
    — Je commençais à désespérer de vous voir intervenir...
    En plissant les yeux, je devinais la silhouette de Cheiralba, accroupie à côté de moi. Elle repris la parole, toujours sur son ton un peu moqueur :
    — En même temps, il faudrait arrêter avec cette mauvaise manie de s'évanouir.
    J'eus un petit sourire. Sous son air un peu narquois, je devinais du soulagement. Elle venait de s'extirper d'une situation vraiment délicate et le dénouement était plutôt positif, si ce n'était la fuite du chirurgien.
    — Qu'est-ce que j'ai loupé ?
    — Vous êtes revenue à vous, ou c'est une troisième personnalité ?
    C'était donc ça le problème. Que s'était-il donc passé pendant mon inconscience ? Qu'avait-il... ?
    Je n'ai abîmé personne.
    Rassurant. Je pris le temps de m'asseoir avant de plonger mon regard dans celui de la vieille femme.
    — C'est bien moi Cheiralba.
    La naine nous avait rejoint, poussant tranquillement le brancard sur lequel était toujours étendue Alaïa. Elle s'arrêta un peu en retrait, comme pour nous laisser discuter. Elle semblait détachée, mais prêtait malgré tout une oreille attentive.
    La vieille femme laissa passer quelques instants, comme pour me laisser continuer. Puis, voyant que je ne reprennais pas la parole, s'en empara :
    — Je ne vous surprendrai pas si je vous demande des explications sur votre... "allié", comme il se qualifie lui même.
    Je ne pouvais pas tout lui dire. Je n'avais pas oublié Althanéa, toujours présente en ville et elle n'était sûrement pas la seule RepoussOmbre à Miderlyr. Je sentais que je pouvais faire confiance à Cheiralba, ayant elle aussi partagé son secret, mais la naine écoutait. Qui était-elle ? Je ne pouvais pas prendre le risque que certaines informations soient sues par les mauvaises personnes. Néanmoins, je ne pouvais pas laisser la vieille femme sans réponses. Cheiralba était curieuse et perspicace, elle chercherait elle même des explications, avec des conséquences potentiellement désastreuses.
    Je pris quelques secondes avant de répondre. Quelques secondes pendant lesquelles je choisis avec soin les mots que j'allais utiliser.
    — Je... C'est une entité qui a été scellée en moi il y a des années. Si au début la collaboration a été plutôt difficile, je crois que l'on commence à s'y faire.
    — Est-il conscient de ce qui se passe en ce moment ou est-il loin de tout ça et de cette situation ? J'aimerai le remercier pour son aide. J'aimerai en apprendre plus sur vous deux, mais en tout premier point j'aimerai le remercier.
    Je souris. J'appréhendais la réaction de Cheiralba, mais elle dépassait toutes mes espérances. Thargraktrug ne fit aucun commentaire.
    — Je lui transmets.
    — Merci. Merci encore à vous deux. Vous semblez exténuée et l'heure n'est pas aux confidences. Nous avons encore fort à faire. Même si nous avons arraché Alaïa des griffes de Sébastide, je ne serais pas sereine tant qu'il pourra encore pratiquer ce qu'il appelle son art. Je m'en veux de vous demander cela, mais peut-on encore user de votre bonne magie afin de le ramener à nous ?
    — Le ramener, non. Par contre, on devrait être capable de le localiser.
    — Ce serait parfait. En attendant que vous le retrouviez, je vais m'assurer de l'état d'Alaïa.
    La vieille femme se leva avant de se tourner vers le brancard. Elle glissa quelques mots à la naine, que je n'écoutais pas, ma concentration était déjà tournée vers mon sortilège.
    Ne t'embête pas fillette, le draconien le ramène.
    Quel draconien ? J'avais certes loupé des choses, mais je ne pensais pas que la traversée d'un laboratoire serait aussi riche en péripéties...
    Thargraktrug n'ajouta rien, je transmis donc l'information telle quelle. Nous n'avions plus qu'à attendre leur arrivée. Cheiralba était affairée aux côtés d'Alaïa, tandis que la naine s'était tranquillement installée contre un mur.
    Je fis de même. Mon corps avait souffert de ces dernières heures et ces quelques minutes de répit ne pouvait que me faire du bien. Plus qu'à attendre le retour du draconien escortant le chirurgien.

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #93 le: dimanche 23 février 2020, 16:53:11 »
Hundwiin Drakonia III
Vétéran
Jour 6 avant la fin
Dans le labo de Sébastide Hordefeu
À la recherche de l'épée

     Après une discussion de leurs aventures respectives avec Hildegarde, Cheiralba et Syl s'arrêtèrent devant une grande porte qui ne semblait pas très solide. La magicienne fit sauter les verrous et la porte tomba dans un fracas. Derrière se trouvait une salle plutôt propre qui semblait servir aux opérations. Au milieu de celle-ci se trouvait un homme, un instrument à la main, qui tenait un fil plongeant dans le corps de ce qui semblait être une elfe endormie, allongée sur un brancard. À peine eurent-ils le temps de voir la scène que l'homme s'était empressé de saisir un bistouri et de le presser contre la gorge de la jeune Alaïa. Trop fatigués pour réagir, Hundwiin et Hildegarde ne pouvaient que contempler la scène avec effroi. Syl tenta alors de dissuader, sans grand effet, Hordefeu. La magicienne prête à utiliser sa magie s'affala au sol, inconsciente. La situation était critique, seule la femme araignée faisait face au scientifique, et elle ne ferait pas le poids. Hordefeu lança une discussion avec elle, une tentative pour gagner du temps et trouver un moyen de fuir. Hildegarde lança un regard à son camarade en direction d'une porte vers le fond, ils échangèrent un long regard qui disait tout pour des guerriers comme eux.

     ≪ Hundwiin je te fais confiance, je m'occupe de la porte, toi va retrouver ton arme, on ne sert à rien ici. Pour le moment, faisons mine de prendre la fuite et d'abandonner Cheiralba. Je pars devant, dépêchons-nous, tout va dépendre de notre rapidité et du sang froid de l'araignée. ≫

     En tout cas, c'est ce qu'il comprit.

     Hildegarde partit alors dans le couloir, suivit rapidement par Hundwiin qui choisit la direction opposée. Il devait se dépêcher et trouver la sortie, il savait bien que la naine était incapable d'être discrète et qu'arriver à la porte, le plan ne marchera pas comme elle l'espère. Heureusement, le laboratoire était désert, les hommes de main ayant pour la plupart été tués ou pris la fuite.
     Le jeune draconien reprit le chemin par lequel ils étaient arrivés jusqu'à revenir dans la salle où il était retenu plus tôt. Le corps de Sophia était toujours étendu sur le sol au milieu de brancards tombés. Il se dirigea vers la porte par laquelle était arrivé sa sauveuse et tomba sur deux cadavres écrasés derrière une porte qui avait dû être explosée. Le spectacle ne serait pas très beau à voir en règle général mais pour lui, ça n'était rien par rapport à ce qu'il avait vu au plus profond de la faille. Hundwiin enjamba la porte et par la même occasion les cadavres pour finir sur ce qui semblait être une salle avec plusieurs sorties. Le draconien essaya de repérer les chemins qui semblait s'enfoncer plus bas, par chance, un seul semblait descendre. Le jeune prince décida donc de l'emprunter. Au fur et à mesure, l'odeur des entrailles se faisait sentir, montrant qu'il était sur la bonne voie. Il était temps de se dépêcher et retrouver au plus vite sa chère Yoltuz. Heureusement, il était rassuré que personne ne puisse la prendre grâce au pacte qui les relie.


* * * * *

     Après une dizaine de minutes à courir parmi ce dédale de chemins, Hundwiin parvint à retrouver l'endroit où il s'était fait capturer. Il chercha au sol sa fidèle épée jusqu'à la trouver dans un coin. Enfin. Enfin il retrouvait son épée. Avec elle il serait enfin capable de se battre et de venir en aide à Cheiralba. Que se passait-il dans le laboratoire ? Est-ce que l'araignée a pu tenir bon face à Hordefeu ? Est-ce qu'Hildegarde a réussi son plan ? Il n'avait pas le temps pour ses questions, il n'y avait pas de temps à perdre. Hordefeu semblait être un homme beaucoup trop intelligent pour se faire prendre dans le piège de la naine, et surtout, il disposait d'une otage.
     Hundwiin puisa dans le peu de force qui lui revenait pour remonter au labo, le temps pressait de trop. Faisant travailler sa mémoire pour ne pas se tromper de chemin parmi ce dédale, il arriva bientôt à l'entrée du laboratoire. Une bonne demi-heure avait dû passer depuis son départ, il espérait qu'il ne soit pas trop tard, que ses camarades ne soient pas tous mort. Ces pensées faisaient remonter son échec par rapport à ses compagnons d'infortune qui avaient trouvé la mort dans les tréfonds… Non. Non. Il ne devait pas penser à cela. Hildegarde avait survécu. C'était un signe. Un signe de garder espoir. Un signe que ses anciens camarades puissent être toujours en vie, quelque part dans la faille. Cette lueur d'espoir lui rendit quelques forces et surtout, la volonté de venir en aide à sa sauveuse.

     En entrant dans le laboratoire, il tomba nez à nez sur Hordefeu qui semblait prendre la fuite. L'elfe n'était pas avec lui. L'avait-il tué ? Et où était Cheiralba et Hildegarde ? Sans hésiter et en pensant au pire, Hundwiin dégaina son épée et barra la route du scientifique.

     ≪ Tss. Ma parole, que des gêneurs, que des gêneurs ! Toi, dégage de là. Tu te crois capable de me tenir tête ? Regarde ton état, tu tiens à peine debout. Tu es bien trop épuisé.
— Il n'en est pas question ! cria le draconien. Qu'avez-vous fait de mes camarades ?
— Oh, si tu savais… Je te rassure, elle n'a rien senti du tout. Endormie comme elle était, c'était une belle mort. Les deux autres aussi n'ont rien senti. Elles étaient bien trop faibles pour me résister, tout comme toi. Maintenant si tu tiens à la vie, laisse-moi passer.
— Il n'en est pas question ! Vous mentez ! Vous mentez forcément ! Elles ne peuvent pas être mortes. Non c'est impossible ! Vous semblez bien trop pressé de fuir.
— Laisse-moi passer imbécile ! À moins que tu préfères les rejoindre ? ≫

     Hordefeu tenta une percée, il arriva en un éclair face au Draconien et lui décrocha un coup de poing dans l'estomac. La violence de l'impact fit légèrement reculer Hundwiin. Comment ce scientifique pouvait-il être aussi fort ? Avec la fatigue, il fallait faire attention au moindre mouvement de l'homme.

     ≪ Alors mon dragonnet, on abandonne ? Tu vois bien que tu ne tiendras pas longtemps.
— Silence vieux fou. Si tu crois pouvoir me vaincre ici, tu te trompes misérablement. Rien ne se mettra en travers de mon objectif. Je ne peux pas mourir, pas tant que je ne l'aurai pas réalisé.
— Pfff. Ce que vous pouvez être saoûlant vous les Draconiens. Heureusement qu'on peut remercier les Djins de leur travail. ≫
     Ces derniers mots résonnèrent dans l'esprit du prince. Que voulait-il dire par là ? Que s'était-il passé avec les Djins ? Lors de son départ encore récent, les Djins et les Draconiens entretenaient une relation assez pacifiste et disposaient d'accords commerciaux. Non, cet homme n'était qu'une langue de serpent cherchant à le déstabiliser.
     Hundwiin prit le temps de se calmer et renforça sa prise sur son épée. Tant qu'il avait Yoltuz, Hordefeu n'avait aucune chance. Le draconien se concentra sur les mouvements du scientifique. Il allait attendre qu'il passe à l'assaut pour en finir.

     Hordefeu se lança d'un bond vers son ennemi, le prince dragon pris une grande respiration et, d'un coup d'épée, il lui trancha le bras. Dans un cri de douleur, Sébastide s'effondra au sol mettant sa main restante sur la plaie béante. Hundwiin approcha sa lame et l'appuya contre son cou. La situation était renversée et le scientifique se retrouvait dans une situation proche de ce qu'il avait fait subir à l'elfe.

     ≪ Espèce de draconien de merde, tu vas me le payer sale fils de chien ! Comment as-tu pu oser ?! Je refuse de mourir ! Je ne peux pas mourir ! Mon oeuvre, mon oeuvre n'est pas terminée ! Je dois la continuer ! J'en suis si proche ! Si proche… Hordefeu sombra en larmes.
— Sache que je me retiens de te trancher la tête. Mais je pense que certaines personnes ont plus de raison de te tuer que moi. Je vais te ramener devant elles vieux fou et tu vas payer pour toutes ces atrocités que tu as pu commettre. ≫

     Hundwiin attrapa le scientifique et le mis sur ses épaules. L'homme ne sera plus capable de rien, il était fini et ne faisait que hurler un mélange de rage et de douleur. Le draconien pris la direction de la salle d'opération en espérant tomber sur ses camarades.
     Après quelques minutes de marche, il parvint devant la porte, au sol menant à la salle opératoire. Il y découvrit Hildegarde et Cheiralba mais surtout Syl qui avait repris connaissance, autour du corps d'Alaïa.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #94 le: samedi 07 mars 2020, 17:48:33 »
Alaïa
Vétéran
Jour 6 avant la fin
Dans le labo de Sébastide Hordefeu
Le réveil


Une douleur vive s’était propagée dans tout mon corps. C’était tout ce que je pouvais ressentir, tout ce que percevais, mais je n’étais pas capable d’hurler, de communiquer, ou simplement de bouger. Petit à petit, des sons, distants, commencèrent à parvenir jusqu’à mon oreille, et une lumière, blanche et éblouissante, m’aveugla quelques instants. Je pus alors reprendre contrôle de mon corps. J’étais encore dans cette espèce de salle de chirurgie où j’avais été acheminée précédemment, aux côtés de Cheiralba, Syl, et d’une naine et d’un draconien que je n’ai pas pu reconnaître. Sébastide était attaché, faisant face au petit groupe, et ayant perdu un bras. Dès que je fus complètement réveillée, je voulu hurler, mais la douleur était si violente que je ne pus même pas respirer. Cheiralba se précipita vers moi, et je lançai vers elle un regard désespéré, tandis que des larmes coulaient le long de mes joues.
“Ne t’inquiètes pas, tout va bien se passer, dit-elle. Nous tenons Sébastide captif, tu es en sécurité avec nous.”

Petit à petit, la douleur devint moins diffuse, et tandis qu’elle se dissipait, je poussai des cris, pleurant à cause de son intensité. Mais rapidement, quelque chose me frappa : je n’étais pas capable de bouger mon bras droit, et il me faisait beaucoup plus mal que le reste de mon corps. Lentement, terrifiée par ce que j’allais découvrir, je tournai la tête vers ma droite. Mon bras… mon bras semblait être fait d’une surface noire, lisse, froide. Je portai ma main gauche sur ma bouche, et poussai un autre cri.
“M…. mon bras ?! Qu’est ce que vous avez fait à mon bras. ?”

Je me mis alors à sangloter, choquée de ce que je venais de voir.

“Je suis navrée, me dit alors Cheiralba. Tout ce que j’ai pu faire, ça a été d’achever ce que Sébastide avait commencé : j’ai recousu votre bras. Je m'engage, si vous le souhaitez, à l'amputer s'il vous répugne trop, mais je ne pouvais pas prendre cette décision à votre place. Il fallait que j'attende votre réveil… Prenez votre temps.”

Sans lui répondre, je la regardai, toujours en sanglotant, tentant d’exprimer tout ce que j’étais incapable de dire. La douleur finit enfin par se dissiper, et je me redressai, tentant de me tenir plus droite : je ne pouvais pas supporter de m’humilier davantage. Mon bras pendait, inerte, ne faisant que me rendre plus inutile encore. Je ne pouvais déjà presque pas me battre avant, j’étais à présent handicapée. Tentant encore de saisir tout ce qui venait d’arriver, je tournai la tête vers Cheiralba, et c’est en voyant son air compatissant que je compris alors ce qu’elle et Syl venaient d’accomplir.

“Vous… vous m’avez sauvée ? Mais… Pourquoi ? Pourquoi avoir pris ce risque ?
Il était hors de question de te laisser aux mains de Sébastide. Par ailleurs, il me fallait des réponses. Il fallait que je le vois, que je le questionne… “

Je me mis à tousser, fébrilement, puis je tentai de descendre de la table d’opération, aidée par Cheiralba, qui soutint mon corps. Tournant la tête vers ma gauche, je vis, posé dans une coupelle en bois sur une table encombrée par plusieurs instruments de chirurgie, le bras qu’il m’avait arraché, baignant dans une petite flaque de sang. Me retenant de pleurer à nouveau, je dirigeai un regard haineux vers Sébastide.  Celui-ci me rendit mon regard par un sourire sordide.
“Tellement de potentiel gâché, soupira-t-il alors. Si j’avais pu t’achever, tu aurais pu être l’unes de mes plus glorieuses créations…
-Qu’est ce que… qu’est ce que vous m’avez fait ?
- Là n’est pas la question, ma petite… La question est plutôt qu’est ce que tu aurais pu devenir ? Si cette expérience avait abouti, toi et moi, nous aurions pu accomplir tant et tant de choses… sans moi, tu ne seras qu’un autre monstre de foire lâché dans ce monde.
- Je… je ne comprend pas.
- Bien sûr que tu ne comprend pas. Tu n’as jamais été en capacité de comprendre.”

Cheiralba s’avança vers lui tandis que nous parlions. Elle le fixait, une expression d’intense mépris se lisant sur son visage. Alors qu’elle le fixait ainsi, je lui trouvais l’air plus digne et plus noble encore qu’auparavant. Les deux se fixèrent ainsi pendant quelques instants, l’un ayant le regard fixe, impassible, presque mort, l’autre le toisant de haut en bas, contenant visiblement toute sa colère.

“Tu ne m’as toujours rien dis depuis que je suis revenu A54. Tu semblais pourtant brûler d’impatience de me questionner tout à l’heure. Quelle est la raison de ce silence inopiné ?”

Cheiralba ne lui dit rien. Elle se rapprocha de lui, puis se pencha afin de se mettre à son niveau, puis le regardant droit dans les yeux, une expression presque apaisée mais néanmoins ferme sur le visage, elle dit :

“Je n’ai pas besoin d’en savoir d’avantage.”

Tout d’un coup, avec une violence que jamais je ne lui aurais prêté, Cheiralba se jeta sur le scientifique, le plaquant contre le sol. Elle planta une dernière fois son regard dans celui de Sébastide. Une lueur de défi brillait dans les yeux du scientifique, comme s’il défiait sa création de le tuer. Soudainement, Cheiralba découvrit son dard, et le planta dans la chair de Sébastide. Celui-ci commença à se convulser, de l’écume sortait de sa bouche. Il se mit à émettre un faible râle, mais Cheiralba laissait son dard planté dans son corps. Au bout d’une vingtaine de secondes, Sébastide cessa ses convulsions. Son corps se raidit. Il était mort. Alors, seulement, Cheiralba ôta son dard, reprit sa posture droite, puis considéra le corps qui était à ses pieds : son créateur gisait, son visage baignant dans l’écume qui sortait de sa bouche et le sang qui coulait de son bras. Me tenant à côté d’elle, je regardais ce corps avec un mélange de haine et de soulagement. Puis, je jetai un premier regard vers ces autres personnes à qui je devais la vie, puis fis quelques pas vers eux.

“Je…. je vous dois la vie.”

Je me tenais là, face à eux, misérable, baissant les yeux. Ils n’avaient aucune raison d’être venus me chercher, et il était stupide de croire que leur but principal avait été de me sauver, et je ne m’en rendais compte que maintenant. Si je n’avais pas été enlevée par Sébastide, je ne m’en serais pas sortie. Parce que je ne suis pas importante, pour personne. Pourquoi le serais je ? Je ne suis qu’une elfe faible, incapable de se battre. Et j’ai beau avoir changé, j’ai beau m’être renfermée, je suis toujours cette elfe niaise qui n’aspirait qu’à faire le bien avec ces objectifs stupides, et qui n’était même pas capable de voler correctement. Tôt ou tard, j’allais retourner à ma solitude. C’était là qu’était ma place, après tout. Toute ma vie, je n’ai aspiré qu’à attirer l’approbation ou la sympathie de quelqu’un. C’est tout ce que je peux faire. Je voulais être une bonne voleuse pour m’attirer la fierté d’Alabaross après avoir rejoint la Guilde, et je voulais par dessus tout rester près d’Öhlraj. L’un était probablement mort, l’autre m’avait abandonné. Et c’était ma destinée de perdre tous ceux en qui j’accordais ma confiance. Cheiralba, Syl… personne ne pourrait combler ce vide que j’avais en moi, parce jamais je ne pourrais être importante pour qui que ce soit. Jamais je n’aurais de valeur. Jamais je ne pourrais être utile. Au contraire, tout ce que j’avais jusque là, c’était mettre tout le monde en danger en me faisant enlever comme une idiote, et à devenir plus handicapante encore. Et même quand j’avais essayé de faire le bien, tuant des membres de la Croisade, qui sait quelles en ont été les conséquences à la surface ? Le mieux que je pouvais faire, le seul cadeau que je pouvais délivrer à ce monde, c’était de disparaître, silencieusement, dans la cave où je me terrais, après avoir quitté ce laboratoire, pour y mourir, rapidement, sans souffrance. Personne ne serait là pour me pleurer, je ne manquerai à personne. De toute manière, il n’y a jamais eu personne pour me pleurer. Suite à toutes ces réalisations, qui m’étaient parvenues grâce à ce sauvetage, j’empêchai les larmes de couler le long de mes joues, puis, me redressant, dis d’un ton froid, bien que j’ai tenté d’y insuffler toute la fausse joie que je pouvais :
“Jamais je ne pourrai vous remercier comme il se doit.
- Ne perdons pas notre temps en galanteries, dit alors la naine. “

Dès qu’elle eût fini sa phrase, elle me jeta un regard perplexe.

“Il faudrait plutôt déterminer la suite des événements.”
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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #95 le: lundi 06 avril 2020, 22:35:19 »
≪ Il faudrait plutôt déterminer la suite des événements. ≫

Les regards s'étaient tournés naturellement vers Cheiralba. La vieille femme sentit tout d'un coup son corps prendre conscience de son âge, qui plus est avait été particulièrement meurtri ces dernières heures. L'adrénaline et l'instinct de survie avaient jusqu'à maintenu en arrière la fatigue. Elle pouvait maintenant se reposer et réfléchir. Il y avait des questions qu'elle n'avait pas encore eu le temps de se poser. Ce que lui réservait son avenir en était une.

Les regards posés sur elle en disait long. Ils la considéraient à l'heure actuelle comme leur chef. Après tout, c'était elle qui avait lancé cette investigation dans les souterrains. Elle avait rencontré Alaïa et l'avait engagé. Syl les avait sauvées et les avait rejointes. Hundwiin et Hyldegarde avaient été sauvés sur le chemin. Et maintenant ? Maintenant, elle avait eu sa vengeance. Peut-être aurait-elle pu attendre un peu avant de tuer Sébastide pour lui soutirer des informations, mais elle n'avait pas pu se retenir. Il y avait cette colère, cette rage qu'elle avait enfoui au plus profond d'elle. C'était fait, mais elle regrettait. Elle qui avait passé les trois dernières années à aider les plus nécessiteux, elle avait laissé parler sa haine et ne s'était plus contrôlée. Pour tout dire, elle s'était faite peur.

≪ Je suis désolé. Je ne sais pas quoi faire ensuite. J'imagine que la première chose à faire est de sortir d'ici et de reprendre nos vies. Bien qu'elles ne soient pas très glorieuses, elles étaient tout de même moins dangereuse que ce qui nous est arrivé. Pour ma part, avec la permission d'Alaïa, j'aimerai examiner son bras et m'assurer qu'il n'évolue pas de manière anormale. J'ai vu des choses faites par cet homme qui me donnent le frisson. Je ferais tout pour que cela ne t'arrive pas.
ㅡ Je crois que… que ça va aller. Je ne suis pas sûr de vouloir être l'objet de nouvelles expériences.
ㅡ Nous ne te ferons pas de mal, intervint Syl. Nous sommes responsables de ton état et même si nous sommes venus pour te sauver, nous n'avons pas réussi à te récupérer indemne. Je ne crois pas que des expérimentations fassent partie des intentions de Cheiralba. Il s'agit d'une personne bonne et honnête de ce que j'ai pu en juger.
ㅡ Effectivement, reprit Cheiralba. Si nous ne nous soucions pas de ton sort, nous n'aurions pas tout fait pour te sauver. Tu m'as aidé à arrêter Sébastide et je te suis redevable pour milles raisons. Comme tu peux le voir, je ne suis pas tout à fait humaine non plus. Je crois que tu l'avais compris. Je suis le fruit de Sébastide, tout comme toi. Sauf que je n'ai pas vécu avant de le rencontrer. Je suis née telle qu'il m'a conçu. Et j'ai réussi à me faire une vie loin de son influence ; il n'y a donc aucune raison que tu ne puisses pas faire de même. Il est hors de question de te faire souffrir à nouveau, mais je ne peux pas, après t'avoir arrachée aux mains de Sébastide, m'arrêter à mi-chemin. Je dois garder un oeil sur toi. Au moins pour un temps. Jusqu'à ce que je m'assure que tout aille bien. ≫

Comme pour s'assurer que tout allait le mieux, gênée d'être le nouveau centre de l'attention, Alaïa mobilisa son bras. Les mouvements étaient plus fluides que tout à l'heure à croire que de minute en minute elle réapprenait à s'en servir. La peau restait noire et brillante comme l'obsidienne, mais elle semblait avoir gagné en souplesse. En voyant cela, la vieille femme ne put s'empêcher de sourire. Cela rassura un peu la jeune elfe. Ce fut cette dernière qui reprit la parole :

≪ Vous voyez ? Je me sens mieux  de minute en minute. Vos soins sont prodigieux.
ㅡ Je ne suis pas sûr que mes soins soient les seuls responsables de votre guérison aussi rapide. Je crois que cette nouvelle peau que vous avez obtenue possède un certain nombre de vertus. Notamment celle de se régénérer et de cicatriser plus vite que ce que permet une peau d'elfe normale.
ㅡ Avant qu'il ne m'anesthésie, je crois me souvenir qu'il m'avait parlé de cette peau qu'il voulait me greffer. Maintenant qu'on en parle, cela me revient peu à peu. Il a parlé d'une race, qui s'appelle l'Etrobsi. Leur peau est très résistante, mais cela compense un manque de force. Je crois qu'il voulait me rendre invincible… ou quelque chose comme ça.
ㅡ Je n'ai jamais entendu parlé de cette race. admit Cheiralba.
ㅡ Il s'agit d'êtres informes, conscient mais incapables de prendre suffisamment de consistance pour se déplacer correctement ou construire quoi que ce soit. précisa Hyldegarde. ≫

La jeune naine, qui jusque là n'avait rien dit, fut soudain le centre des attentions de tous les protagonistes. Remarquant sa fatale erreur, elle qui voulait en finir le plus vite possible et se faire discrète poussa un long soupir. Elle n'en avait pas envie, mais s'il fallait en passer par là, elle donnerait les explications que les yeux tournés vers elle semblaient réclamer.

≪ Nous avons asservi il y a bien longtemps ce peuple. Vous pouvez me juger s'il vous le souhaitez. J'aurais bien des choses à dire sur vos pratiques, ici même à Miderlyr. Bientôt on apprendra que cette Fracture est entièrement votre faute. ≫

A ces mots, Syl détourna le regard. Elle était partagée entre l'idée qu'elle ait pu contribuer à la catastrophe qui avait sévi il y a trois ans et le fait qu'elle soit obligée de retenir Thargraktrug d'étrangler la naine. Elle fixa son attention sur l'anneau finement gravé qu'elle sortit de sa poche. Elle avait presque failli oublier la mission qu'elle s'était donnée. Peut-être que ce n'était pas de sa faute. Peut-être que cela l'était et peut-être que ce ne serait pas réparable. Elle n'arrivait pas à l'accepter, mais surtout, elle ne pouvait pas rester là sans rien faire alors qu'un autre rituel de grande ampleur se tramait dans les souterrains de la ville.

≪ Nous les avons utilisés pendant des siècles comme protection. Rien ne peut les traverser, rien ne peut les scinder en deux. De leur vivant, ils ont la dureté de la pierre, mais la fluidité de l'eau. Une fois mort, ils se figent ne gardant que la première des propriétés. Parfois, nous en trouvions dans les mines, coincés entre deux rochers comme un filon d'obsidienne. Nous avons eu alors l'idée de les étouffer entre deux plaques de métal. Après avoir donné forme à ces deux plaques de métal pour façonner une fausse armure, il n'y avait plus qu'à attendre trois semaines et trois jours pour révéler l'armure la plus résistante qui soit : un assemblage d'Etrobsis morts.
On n'en trouve plus dans les Terres Bannières à présent. Leur espèce a disparu depuis des générations et leurs armures faites pour un nain ne sont souvent pas assez ajustées pour pouvoir être utilisées à nouveau. Je ne sais pas comment ce savant fou à réussir à s'en procurer un et encore moins il a fait pour tenter de le greffer à votre bras, mais s'il a réussi, c'est à mon sens un véritable don.
ㅡ Un don ? répéta l'elfe.
ㅡ Exactement. C'est cependant qu'il n'ait eu le temps de faire que votre bras. Imaginez vous un peu, recouverte de la tête au pied de cette peau noire. Ni les armes, ni la magie ne pourrait alors vous atteindre. C'est la meilleure des protections. s'enthousiasma la naine.
ㅡ C'est mieux ainsi. reprit Cheiralba. Tant que nous ne connaissons pas les conséquences de ce genre de greffe sur une elfe, il est préférable de ne pas s'emballer. Je crois avoir vu ce que cela donnait sur un humain, et il n'y a rien de bien à en tirer. Et même si, dans le meilleur des cas, une greffe de peau totale prenait, qu'adviendrait-il d'Alaïa ? Elle serait coincée dans une armure. Pourrait-elle encore respirer ? Pourrait-elle encore pratiquer la magie ?
ㅡ Je vous en prie… Cessez de parler de moi comme si j'étais une nouveauté ou une attraction. Je peinais déjà à m'accepter en tant qu'âme perdue au milieu de ces souterrains, me voilà affublée d'une nouvelle difformité. Vous parlez de moi comme si je n'étais plus une personne mais un enjeu. Vous ne valez pas mieux que ce Sébastide. Pourquoi m'avoir sauvé ? Ne vouliez-vous donc que sauver l'expérience de ce Hordefeu ? s'emporta Alaïa.
ㅡ Si, ça n'avait tenu qu'à moi… répondit discrètement la naine dans sa barbe.
ㅡ Ce n'était pas mon intention. Je te prie de m'excuser. C'est bien toi que nous voulions sauver. Toi, Alaïa. Celle qui m'a amené jusqu'ici et sans qui rien n'aurait été possible.
ㅡ Et celle qui a payé de son corps pour que tu puisses parvenir à tes fins. Si je ne t'avais pas croisé, j'aurais continué à survivre sans rien demander à qui que ce soit. C'est de ta faute ! Tout ça est de ta faute et tu ne t'en sors qu'avec une petite blessure à l'épaule. ≫

Le désespoir et la fatigue, masqué par la colère, se lisaient dans les yeux de la jeune elfe. Elle était fatigué de tout cela. Fatiguée de vivre encore et encore en attendant que le temps fasse son oeuvre. Elle ne pouvait se résoudre à se donner la mort. Ce n'était pas à elle de décider, mais elle attendait que le moment vienne. Au lieu de cela, elle héritait d'une nouvelle difformité qui, potentiellement, repoussait un peu plus son échéance.
Cheiralba s'approcha de la jeune elfe pour tenter de la calmer et de la consoler, mais sa réaction fut vive et haineuse. Elle se dégagea du semblant d'étreinte de la vieille femme et laissa sa colère s'exprimer :

≪ Lâchez-moi, espèce de monstre. Cela aurait dû être vous. Je vous déteste. Je vous hais au plus… Qu'est-ce que … ?≫

Alaïa sentit une brûlure lui remonter progressivement le long de la jambe, suivi rapidement par une sensation d'engourdissement. Elle n'avait ni vu ni senti lorsque la vieille femme avait planté son aiguillon dans son mollet. Lorsqu'elle comprit ce qu'il se passait, la jeune elfe se contenta de dire ≪ Vous m'empoisonnez. ≫. C'était un constat, mais c'était aussi un reproche. Cette phrase signifiait la fin du peu de confiance qui demeurait entre les deux femmes. Alaïa tenta de s'éloigner la femme araignée, mais au bout du second pas, ses jambes se dérobèrent sous elle et elle s'effondra sur le sol. Cheiralba fut assez proche d'elle pour qu'elle ne se brise pas le crâne dans sa chute.
Les deux femmes partagèrent leurs larmes. L'une pleurait de culpabilité, l'autre de rage. Quand la respiration de l'elfe fut plus calme, signe qu'elle s'était endormie, la femme araignée proféra des excuses :

≪ Je suis désolé, Alaïa. Cela te fait encore beaucoup trop à assimiler d'un coup. Même si tu as dormi pendant l'opération, ce n'était pas reposant. Ton corps lutte encore. Ton esprit se retourne contre ce qu'il peut et essaye de comprendre. Je ne peux pas t'en vouloir. A nous aussi il nous faut du temps. ≫

Personne autour d'elles n'osaient dire un mot. Tous avaient l'impression que ce qu'ils pourraient dire dans cette situation serait au mieux gênant, au pire déplacé. Alors ils s'abstinrent.

≪ Syl. Je te la confie. J'aimerai pouvoir l'aider, mais elle a raison. C'est de ma faute si Sébastide lui a fait cela. Je l'ai amené à lui.
ㅡ Tu sais très bien que ce n'est pas de ta faute. Cet homme est le seul responsable de tout ceci. Il est le premier à t'avoir fait souffrir. C'est encore lui qui a capturé Alaïa. C'est encore lui qui a choisit d'expérimenter sur elle. Ne t'inquiète pas, elle comprendra.
ㅡ Pas si je reste avec elle. Peut-être que si je lui laisse le temps, alors oui, elle comprendra. Mais si je reste à ses côtés, à surveiller sa blessure et que tout aille bien, elle ne verra en moins que mon sentiment de culpabilité et, par conséquent, la raison de son handicap. C'est pour ça que je te demande cela. Je sais de quoi cela a l'air. Je donne l'impression de me défausser d'une charge que je ne voudrais pas, alors que c'est le contraire. J'aimerai pouvoir l'aider, mais je crois que le meilleur moyen de lui permettre d'accepter tout cela, c'est d'être aux côtés de quelqu'un qui se soucie d'elle et en qui elle peut avoir confiance. Et je ne corresponds qu'à une seule des deux catégories.
ㅡ Madame, intervint Hundwiin, ne vous inquiétez pas pour elle. Elle saura retomber sur ses pieds. Maintenant que le Portail au fond de la Faille est fermé, Miderlyr devrait reprendre son train de vie habituel.
ㅡ Que dîtes-vous ? tiqua Syl.
ㅡ Ce n'était donc pas seulement sous l'effet du choc et de l'anesthésie. Vous pensez vraiment que la fracture a eu lieu il y a quelques semaines. comprit soudain la vieille femme.
ㅡ Bien sûr que oui. Plusieurs jours après la Fracture, nous avons formé de valeureux guerriers et nous sommes descendus à l'intérieur de la faille afin de détruire la source de tout ces monstres. Je pensais être le seul en avoir réchappé, mais la présence d'Hyldegarde prouve le contraire.
ㅡ Vous faisiez partie des Paladins de la Faille ? précisa Syl.
ㅡ Oh ! Je vois que notre renommée nous précède. Je ne pense pas que notre réputation serait faite avant que j'ai pu remonter à la surface. Surtout en si peu de temps. Mais il faut avouer que mes camarades et moi avons fait quelque chose d'admirable.
ㅡ Je suis désolé, mais je crains que ce que je vais vous annoncer vous choque. De ce qu'on sait, les Paladins de la Faille sont tous morts… il y a plus de quatre ans.
ㅡ C'est impossible. Hyldegarde, dîtes-leur.
ㅡ Hey ! Ne vous servez pas de moi pour raconter vos histoires. Je ne peux pas dire qui a raison, mais l'un se trompe forcément. Il me manque des morceaux de mémoire. Au moins quelques semaines d'après vous, plus de trois ans d'après d'autres. S'il me paraît invraisemblable d'avoir perdu les souvenirs de plusieurs années, ces deux femmes semblent d'accord. Deux avis valent mieux qu'un.
ㅡ Mais mon avis compte. Vous me connaissez, tout de même.
ㅡ Non. ≫

La réponse fut brève, mais elle ébranla le Draconien. Qui devait-il croire ? S'il ne croyait pas en lui, que devait-il croire. Il était complètement perdu.

≪ Mais, je ne comprends pas. Vous y étiez. Je vous ai vue. Il y avait Roland Vonldrann, un de vos congénères. Il y avait Madame d'Euphorie, Byleth Danilys et Wraexius Hex. Je ne me souviens peut-être plus de tous les noms. Mais je suis sûr de vous avoir vue. ≫

Le désarroi qui assaillait Hundwiin était tant palpable qu'il ne vint à personne l'idée de répondre et de lui dire qu'il se trompait. Il saisit sa tête entre ses deux mains massives comme pour l'empêcher d'exploser.

≪ Vous êtes tous fous.
ㅡ Je ne peux que parler pour moi. J'ai perdu la mémoire et peut-être nous sommes nous rencontrés. Je me souviens avoir rejoint d'Euphorie dans cette entreprise insensée qu'est de s'enfoncer dans la Faille afin de… Je ne sais pas ce que nous souhaitions faire, mais nous étions pleines de bonnes intentions. Peut-être que nous avons formé un groupe appelé les Paladins de la Faille. En tout cas, ces dames ont l'air de connaître leur existence. Je ne suis pas folle, je suis amnésique et cela me chagrine bien plus que ce que vous pouvez imaginer. S'il y a quelqu'un qui a l'air de devenir fou, c'est vous.
Imaginons… Nous nous sommes tous les deux approchés de très près de la faille. Nous souffrons tous les deux d'amnésie. Peut-être souffrons-nous des mêmes maux.
ㅡ Je ne suis pas amnésique. ≫

Hyldegarde ne répondit pas. Elle s'était déjà beaucoup trop impliqué dans cette discussion. S'en suivit alors un silence assez pesant où tout le monde assimilait les dernières informations. Cheiralba fut la première à rompre le calme apparant en se levant. Elle commença par ajuster comme elle put sa tenue. Elle était déchirée à de multiples endroits et il en manquait une grande partie. Elle essaya encore quelques instants de faire bonne figure, mais même ses talents de tisseuse ne parvinrent qu'à raccommoder quelques accrocs ici et là. Alors qu'elle secrétait quelques fils de soie nécessaires à son travail, Syl ouvrit la porte aux confidences.

≪ Vous vous souveniez de lui ?
ㅡ Absolument pas. J'étais trop petite, répondit la femme araignée sans demander de qui elle voulait bien parler. Je ne l'ai pas vraiment connu, mais mes parents… mes parents adoptifs étaient honnêtes avec moi et m'ont expliqué que j'étais le fruit d'une expérience, d'une commande. Je sais que cela peut paraître froid et impersonnel, mais je vous jure qu'ils m'aimaient. Ils m'aimaient comme un membre de leur famille. J'aurais dû mourir avec eux. Je… J'arpentais les rues de la basse-ville à la recherche d'indices sur l'assassinat de la fille de la famille Valérianne lorsque la Fracture est survenue. Depuis je me suis cachée. Comme une lâche. Je n'ai ni trouvé son assassin, ni pu venir en aide à ma famille. Je les ai abandonné.
ㅡ Ne vous en voulez pas. Nous nous sommes tous retrouvés à devoir faire des choix où il n'y avait aucun bon choix. C'est dans les pires moments que l'on fait face aux pires dilemmes.
ㅡ C'est gentil de vouloir me réconforter Syl. Je… J'aurais… Je vais bientôt mourir. Le temps s'écoule plus vite pour moi que pour vous. Je ne dois pas être plus âgée que vous deux, mesdemoiselles. Et pourtant, vous me voyez-là, devant vous comme une vieille femme usée. Si je survis encore un ou deux ans, j'aurais de la chance. Et qu'ai-je accompli pendant ces trois ans ? J'ai tenté de soigner de pauvres âmes qui ont dû succomber quelques instants plus tard.
ㅡ Vous avez arrêté cet homme fou. ≫

C'était Hundwiin qui avait interrompu la conversation. Il n'osait pas lever la tête, mais avait pensé pendant quelques secondes à autre chose.

≪ J'ai arrêté Sébastide. C'est vrai, répéta Cheiralba.
ㅡ Ce n'est pas une mince chose, confirma Syl. Ce n'était pas qu'une vengeance personnelle. C'était un monstre et vous avez bien fait. Repensez à l'homme que vous avez promis de sauver. Certes vous ne pouviez rien faire pour lui, mais combien d'autres seraient tomber entre ses griffes. Rien que parmi nous, il y en a deux qui vous doivent la vie. ≫

La vieille femme se mit à réfléchir. Peut-être avaient-ils raison après tout. Mais cela ne suffisait pas à la consoler. Il fallait qu'elle en fasse plus. Elle avait une dette envers sa famille, et elle… Sa décision était prise. Cela faisait un moment qu'elle gardait cette idée en tête, mais il fallait qu'elle le vérifie. Remotivée, elle tira d'un coup sec sur ses vêtements, se détourna de ses camarades et déclara :

≪ Je reviens. Syl, encore une fois, je vous confie Alaïa. Je sais que je me répète, mais je tiens à elle. Sans elle, je n'aurais pas pu donner un sens à ma vie. Je vais fouiller le laboratoire et je préfère ne plus être là lorsqu'elle se réveillera. Sébastide a eu depuis la Fracture plusieurs laboratoires. Il y a forcément quelqu'un derrière tout ça. D'où vient le matériel ? Comment cela a pu être construit ? Quelqu'un devait le financer et je veux savoir qui. Lui aussi mérite de mourir. Ce sera ma nouvelle quête.
ㅡ Je viens avec vous, s'empressa de dire Hundwiin derrière elle ≫

Hors ligne Yorick26

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #96 le: mercredi 29 avril 2020, 12:35:28 »
Cheiralba et Hundwiin
Vétéran
Jour 6 avant la fin
Dans le bureau de Sébastide Hordefeu
Le carnet brûlant

Cela faisait maintenant plus d'une heure que Cheiralba et Hundwiin fouillaient dans le bureau de Sébastide Hordefeu. Ils avaient trouvé un petit local dans une pièce reculée évidemment désorganisée. Des dossiers s'empilaient par terre formant des tours à l'équilibre précaire, certains s'étaient déjà renversées. Peut-être que les différentes explosions de Syl avaient leur part de responsabilité. Toujours est-il que ce désordre ne facilitait pas la tâche : impossible de savoir où commencer à chercher.

≪ Ce serait tout de même plus aisé si on savait au moins ce qu'on cherche. se plaignit le draconien.
ㅡ Je vous l'ai déjà dit. Tout ce qui peut nous mettre sur la piste d'un commanditaire.
ㅡ Cela aurait été plus simple s'il avait rangé tout cela. C'est une espèce de foutoir. Comment pouvait-il s'y retrouver là dedans ?
ㅡ Pouvait-on s'attendre à mieux de la part de ce savant fou…
ㅡ Est-on sûr qu'il y ait un commanditaire, au moins ?
ㅡ Comment le saurais-je ? Je pense que c'est le cas. Il y a forcément un financement quelque part.
ㅡ Pourquoi cherchons-nous quelque chose qui n'existe peut-être pas ? Nous pourrions tout simplement partir et reprendre nos vies.
ㅡ Moi, peut-être. Même si j'ai envie de faire plus. Vous, cela me semble compromis.
ㅡ J'oubliais que vous êtes intimement persuadée que nous avons fait un bon dans le temps et que l'histoire a basculé dans je ne sais quelle frénésie.
ㅡ Il n'y a qu'en rejoignant la surface que nous n'aurions une réponse, mais si vous êtes ici à chercher dans ces papiers, au lieu de remonter, c'est que vous avez peur d'avoir tort et de découvrir la vérité. Il le faudra bien, même si elle ne vous plaît pas.
ㅡ Vous viendriez avec moi ?
ㅡ Pas sans une bonne raison. Si je ne trouve pas de raison de remonter, je ne le ferai pas. Je ne risquerai pas ma vie là-haut. Je vivais déjà recluse avant la Faille, je n'irai pas dans la cité juste pour me prouver que j'ai raison.
ㅡ Que ferez-vous alors, si vous ne trouvez rien ?
ㅡ Je ne sais pas. J'imagine, que je reprendrais mes soins clandestins. Même si Sébastide Hordefeu est hors d'état de nuire, j'aurais de quoi faire. Peut-être même pourrais-je utiliser son matériel... ≫

Le Draconien n'osa rien dire de plus et reprit ses recherches. Peut-être que la vieille femme avait raison. Il aurait pu partir vers la surface pour prouver qu'il avait raison et ensuite prouver sa valeur, retrouver son royaume. Et glorifier ses compagnons de route. S'il ne l'avait pas encore fait c'est que le doute s'était immiscé. Il était le seul à ne pas croire en cette perte de mémoire. Et si … ? Chaque remise en question lui était inconcevable. Qu'était-il devenu de son royaume ? Il n'osait pas le demander à Cheiralba de peur d'entendre une réponse qui ne lui conviendrait pas. Si elle n'avait rien dit sur le peuple des Draconiens, peut-être n'y avait-il rien à dire ou alors la réponse était-elle si terrible qu'elle n'avait pas osé le lui dire pour le ménager.
Auparavant, il ne se serait jamais laissé aller ainsi. Il savait ce qu'il avait vécu et pourtant il se laissait se mettre en doute par des inconnus. Peut-être avait-il sous-estimé la fatigue qu'il éprouvait… Après tout, il revenait d'une dure épreuve. Héroïque même et il en était ressorti… Peut-être pas indemne, mais il avait survécu. Il avait peut-être dormi pendant plusieurs années, comme tombé dans un état de sauvegarde et de préservation avant d'être retrouvé par ses hommes du laboratoire. Mais si tel était le cas, cela voudrait dire qu'elles avaient raison. C'était inconcevable. Et Hyldegarde…

Hundwiin se rendit compte que cela faisait plusieurs minutes qu'il ne cherchait plus et qu'il était perdu dans ses pensées. Délaissant la pile de papiers sur lesquels étaient griffonnés des textes illisibles aux côtés de dessins qu'il pensait être des schémas anatomiques, il reporta son attention sur le prochain objet. Il s'agissait d'un petit cahier comme il n'y en avait plusieurs autres dans la salle à ceci près que celui-ci se trouvait près du Draconien. Ce dernier le saisit sans ménagement au risque d'écorcher la couverture de cuir avec ses griffes, puis sous l'effet de la surprise le lâcha précipitamment. Le bruit de sa chute ne fut pas impressionnant, mais suffit à attirer l'attention de Cheiralba qui, devant le visage surpris du Draconien, ne put s'empêcher de demander :

≪ Quelque chose ne va pas ?
ㅡ Non, ce n'est rien. J'ai été surpris. Ce cahier est bouillant.
ㅡ Voyons voir cela. ≫

La femme araignée rangea ce qu'elle était en train de lire de manière à pouvoir reprendre sa lecture là où elle en était facilement, puis se rapprocha du dit-cahier. Lorsqu'elle voulu s'en saisir à son tour, elle se ravisa. Il émanait effectivement une chaleur torride à l'approche du cahier si bien qu'elle était sûre de s'infliger des blessures profondes si elle allait juqu'au bout de son geste. Au lieu de cela, elle regarda attentivement l'ouvrage remarquant que les feuilles empilées sous lui ne prenaient pas feu.

≪ J'imagine que vous n'aviez pas senti cette chaleur avant de vous saisir de ce cahier ?
ㅡ Je ne sais pas vraiment. Je n'y ai pas fait très attention, je l'ai pris machinalement et ce n'est qu'après que j'ai senti une impression de chaleur. Il n'est pas fréquent que je ressente une telle impression en dehors de chez nous. Notre peau est particulièrement résistante.
ㅡ Je sais. C'est pour ça que je suis d'autant plus surprise qu'avec une telle chaleur que cette salle n'ait pas pris feu avant. De la magie très probablement. Ce qui voudrait dire que ce livre est protégé et, par conséquent, il a quelque chose à cacher.
ㅡ Vous voulez que j'appelle la magicienne ?
ㅡ Je ne sais pas. Vous pouvez le manipuler ?
ㅡ J'ai dit qu'il était bouillant, mais en vérité, il est tout juste chaud. Pratiquement tiède. ≫

Cheiralba sourit. Hundwiin faisait preuve d'un orgueil si mal caché que c'en était presque ridicule, mais la vieille femme s'abstint de relever. Elle savait que la peau des Draconiens était effectivement résistante et peut-être que Hordefeu n'avait absolument pas prévu qu'un membre de cette espèce puisse avoir un intérêt à lire le contenu de ce cahier. Une chance pour elle, bien que Syl aurait pu aisément rompre le sort.
Sans que la femme araignée ait à en dire d'avantage, Hundwiin ouvrir le livre en son milieu à une page prise au hasard. Le Draconien n'avait pas pris la peine de reprendre le cahier entre ses mains, probablement pour que Cheiralba puisse lire, elle aussi, mais aussi parce que tenir l'ouvrage n'était peut-être pas si indolore que ça.

≪ Bravo, Hundwiin ! Cela a l'air d'être exactement ce que nous cherchions. Tournez la page pour voir. Regardez… Les pages suivent le même schéma. On retrouve ici le montant… C'est quand même incroyable que même les chiffres sont pratiquement illisibles. En bas nous avons la signature… Elles sont toutes différentes ce qui voudrait dire qu'il doit s'agir du commanditaire. Tournez encore la page s'il vous plaît. Ah… Attendez revenez en arrière. Regardez. Mais oui, on dirait que c'est exactement le même texte sur ce passage-là. Difficile d'en être sûr. Il écrivait vraiment comme un cochon… Pardon je m'emporte.  ≫

Le Draconien, alors qu'il suivait les ordres en tournant dans un sens ou dans un autre les pages, n'osait rien dire. Ce n'était pas son histoire qui se jouait là et il n'avait pas vu encore la vieille femme dans un état si euphorique. On aurait presque dit qu'elle avait rajeuni de quelques années si cela était possible.

≪ Franchement, Hundwiin ! Je pense que nous l'avons. Nous avons le livre qui nous intéresse. A en croire les dates que nous voyons en bas de chaque page, il a exercé pendant des années. Si ça se trouve, en cherchant un peu, nous trouverions le contrat qui me concerne.
ㅡ Vous voulez qu'on le cherche ?
ㅡ Je… L'idée est tentante, je dois l'admettre, mais non. Je ne suis plus là pour me venger. J'ai eu ma vengeance, je suis là pour venger Alaïa. Je la vengerai et je vengerai toutes ses autres victimes dont vous faites partie avec Hyldegarde. Pour cela il me faut détruire l'homme qui lui a permis de vivre ses dernières années et de continuer ses travaux. Regardons ce qu'il y a à la dernière page.
ㅡ Vide, dit le Draconien après s'être exécuté.
ㅡ Revenons en arrière et regardons la dernière page remplie. Cela devrait être son dernier contrat. ≫

Arrivé à la dernière page qui n'était pas blanche, les deux acolytes se penchèrent au-dessus du cahier.

≪ Honnêtement, depuis le début je n'arrive pas à relire ses pattes de mouche.
ㅡ Moi non plus. Mais ce n'est pas ce qui nous intéresse… Regardez la date. Il s'agit du dernier contrat et pourtant la date indique 1291. Cela fait donc plus d'un an qu'il travaille sur le même projet… Et regardez le montant. Il est exorbitant par rapport aux autres contrats. Voilà qui est rassurant.
ㅡ Rassurant ?
ㅡ Il n'y a donc qu'une seule cible à atteindre. Imaginez s'il y avait plusieurs commanditaires. Cela aurait été une chasse à l'homme qui m'aurait découragé. Maintenant, je n'ai qu'un homme à chercher. Un homme que je crois connaître.
ㅡ S. de Lomband…
ㅡ Saron de Lombard, si je me souviens bien. La dernière fois que je l'ai connu, ce n'était qu'un petit marchand de seconde zone qui arpentait le Grand Hall. Il a contacté à plusieurs reprises notre famille pour obtenir notre tissu en l'échange de… services qui déplairent à mon père. Ce fut une colère mémorable. ≫

Le sourire qui s'était dessiné sur le visage de Cheiralba à l'évocation de ce souvenir s'effaça aussitôt.

≪ Je n'ai jamais su quels étaient ces dits services. Tout ce que je sais, c'est qui ne voulait pas que le nom de notre famille soit associé à ce genre de pratique. C'était un marchand sans importance et cette histoire fut vite oubliée.
J'imagine que, vue la somme versée pour les expériences de Hordefeu, il a su profiter de la situation et faire fortune.
ㅡ On sait donc que c'est un simple homme riche.
ㅡ Absolument pas. D'une part, ce n'est pas un homme riche, mais un homme très très riche. Et par conséquent, un homme aussi fortuné ne peut pas être aussi simple. En tout cas pas simple d'accès. Il y aura forcément une garde personnelle pour protéger sa personne. Surtout en ces temps difficiles. Enfin dans l'hypothèse où les temps sont difficiles…
ㅡ Je n'ose même plus vous contredire. répondit Hundwinn piqué par la remarque de la femme araignée. Ce n'est pour autant pas que je vous crois. Tout ce que je vois pour l'instant est plus logique dans votre conception des choses, mais vous pourriez me raconter n'importe quoi à propos de ce Saron de Lomband.
ㅡ Lombard.
ㅡ Saron de Lombard. Je ne le connais pas, mais je ne suis qu'un étranger à cette ville. J'avais de toute façon d'autres projets que de vous accompagner dans cette guérilla.
ㅡ Vraiment ? Vous avez pris une décision ?
ㅡ Il faut tout d'abord que je remonte à la surface. Et ensuite, je dois annoncer que nous avons réussi à endiguer le flot des monstres sortant de cette faille. Ensuite, une fois que notre équipe aura eu son moment de gloire, je repartirai pour mon royaume.
ㅡ Je n'essaierai pas de vous avertir à quel point votre projet me semble difficile à effectuer. Rejoignons les autres, ensuite nous remonterons à la surface ensemble. Si jamais vous souhaitez alors mon aide, je vous la proposerai sûrement. ≫

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #97 le: jeudi 07 mai 2020, 19:22:51 »
On remercie Yorick très fort qui a quasi tout fait :oups:



Syl
6 jours avant la fin
Salle d'opération de Sébastide Hordefeu
Reprendre confiance

    J'étais assise à même le sol froid, le dos plaqué contre le mur. J'avais les yeux fermés, la tête relevée contre le mur. Maintenant que je m'étais arrêtée, toute la fatigue accumulée de ces dernières heures me tombait dessus. Je pouvais sentir mon épaule irradier sourdement de douleur. Fort heureusement, ma blessure avait été raccommodée immédiatement par Cheiralba... Et la magie de Thargraktrug était très sûrement à l'oeuvre.
    Autour de moi, tout était calme. Cheiralba et le draconien, Hudwiin je crois, étaient partis fouiller le bureau du chirurgien. La vieille femme voulait en savoir plus sur lui et sur qui pouvait être derrière toutes ses recherches. S'il y avait quelqu'un, c'était forcément quelqu'un de très riche. Donc de très puissant. Sa quête de vengeance venait de prendre un sacré virage.
    Et avec elle, le draconien. Quel étrange personnage. Persuadé que la Faille s'était ouverte récemment et surtout, de l'avoir refermé. J'eus un petit sourire triste. S'il savait que je, non, nous, avons passé presque trois ans à l'étudier pour savoir d'où venait son aura, sa puissance et les abominations qui pouvaient en sortir. Il allait être déçu lorsqu'il remonterait à la surface.
    A côté, je pouvais entendre le souffle d'Alaïa. Endormie par une toxine de la femme araignée, elle dormait paisiblement. Je désaprouvais le geste de Cheiralba. La panique et le désespoir de l'elfe étaient compréhensibles, et la trahison de la piqûre la rendrait encore plus dure à raisonner à son réveil. Elle commençait à s'agiter, son réveil ne tarderait pas.
    Hyldegarde s'était prostrée à côté d'elle, la tête entre ses mains. J'avais essayé de discuter un peu avec elle, d'en savoir plus sur ce qu'elle avait fait dans la Faille et sa présence dans le laboratoire. Mais les réponses laconiques et taciturnes de la naine m'avait rapidement découragée. Je la laissais donc veiller l'elfe tandis que je reprennais quelques forces pour la suite.
    Suite qui s'annonçait au moins tout aussi chargée. Avant ma rencontre dans les égouts avec ces deux femmes, j'avais pour objectif de comprendre ce que voulait faire Alkebath. Et l'en empêcher si cela pouvait présenter un risque pour le monde. Il avait soif de pouvoir, ça se sentait, et l'influence qu'avait eu Imielda sur lui était considérable. Hors de question qu'il reproduise un rituel de la même envergure. Peu importe ce qu'il pouvait bien vouloir invoquer. Ou produire. Et puis, qui pouvait prévoir l'influence de la Faille dans ce genre de magie ? C'était prendre un risque trop grand pour la ville. Rien ne...
    ㅡ Je crois qu'elle se réveille...
    La voix rauque de la naine venait de briser le silence. La respiration de l'elfe s'était accélérée, devenant moins régulière. Et je pouvais l'entendre s'agiter.
    Il me fallu quelques clignements de paupière pour me réhabituer à la luminosité de la pièce. Je pris le temps de me lever tranquillement, ménageant mon épaule, avant de m'approcher d'Alaïa.
    Le temps que j'arrive à sa hauteur, elle avait ouvert les yeux, avant de les refermer aussitôt. Il y avait définitivement trop de lumière dans cette pièce. L'elfe passait maintenant sa main gauche devant ses yeux, les frottant doucement.
    ㅡ Comment te sens tu Alaïa ?
    Elle ne répondit pas immédiatement. Elle entreprit tout d'abord de se relever, s'aidant tout naturellement de son nouveau bras. Une fois qu'elle fut assise, elle tourna la tête vers moi pour plonger ses yeux dans les miens avant de me répondre :
    ㅡ Aussi bien que quelqu'un qui vient de se faire empoisonner lâchement après être devenue une monstruosité.
    Son ton était sec et froid. Glacial même. Il n'appelait aucune réponse. Mais j'allais devoir lui en fournir une.
    ㅡ Alaïa je...
    J'eu un instant d'hésitation. Qu'Alaïa attrapa.
    ㅡ Cela ne m'importe pas. Ce ne sont plus mes histoires. J'ai assez donné. J'ai été trop gentille, encore une fois. Je voulais juste aider et voilà le résultat. Je suis devenue... Un monstre.
    Sa voix se brisa sur ce dernier mot. Mais elle gardait son air droit et fier. Les larmes avaient assez coulé.
    ㅡ Ton apparence ne change en rien ce que tu es vraiment.
    ㅡ Épargne-moi ta philosophie à deux sous, veux-tu ? Je ne veux pas des conseils d'une parfaite petite magicienne à la vie facile.
    Elle détourna la tête, fixant son regard sur son bras droit. Je jetai un coup d'oeil à Hyldegarde. Elle regardait la scène, l'air un peu absent. Elle ne serait ni une aide, ni un soutien. Il faudrait se débrouiller seule.
    ㅡ Peu importe la vie que tu penses que j'ai eu Alaïa. Non, ne m'interromps pas s'il te plait. Laisse-moi parler. Je ne te connais pas beaucoup. Je ne connais rien de ton passé à vrai dire. Tout ce que je sais de toi, c'est que tu es quelqu'un de bien. Tu as accepté d'aider un vieille femme qui en avait besoin. Alors que, depuis la Faille, nous ne vivons que pour nous-même et pour notre survie. Même avant, nous étions un peuple égoïste. Tu savais qu'il y aurait des risques en l'aidant. Il y en a toujours depuis la Fracture. Et malgré les mises en garde répétées, tu as choisi de continuer. Ce n'est pas ce que j'appelle être un monstre. Tu es sûrement la plus humaine d'entre nous. Enfin, la plus elfe, mais tu vois ce que je veux dire.
    ㅡ Je…
    ㅡ Je n'ai toujours pas fini. Tu es celle qui a le plus souffert aujourd'hui, donc tu as le droit de plaindre. Tu as le droit de critiquer ton sort, mais tu n'as pas le droit de dire que tu es un monstre. Tu n'as pas le droit de te dénigrer. Je maintiens ce que j'ai dit. Tu n'es pas un monstre. Tu juges ton bras à son apparence. Qui sait ce qu'il est capable de faire ? Ce que tu es capable de faire ? Ce n'est pas ton bras qui te définit. Alors oui, les enfants te regarderont bizarrement dans la rue, et les Croisés risquent de ne pas trop apprécier... Tu n'en seras pas plus ou pas moins différente d'un nain, d'un humain, d'un draconien ou même d'une femme araignée.
Je sais ce que tu vas dire. Que c'est facile pour moi de dire ça. Que je parle sans savoir. Sans connaître. Que personne ne peut te comprendre. Sache que mon passé n'est pas aussi lisse et lumineux que tu ne le penses. J'ai, moi aussi, ma part d'ombre, ma monstruosité ou mon démon, peu importe comment tu l'appelles. Il m'a fallu beaucoup de temps pour l'accepter. Pour simplement tolérer sa présence. Je regrette presque d'avoir perdu autant de temps à lutter. Je réalise doucement tout ce que nous sommes capables d'accomplir. Et je ne parle pas de Cheiralba, qui a dû naître, vivre et grandir. Elle a dû se construire. Toi, tu sais qui tu étais sans ce bras. Tu sais qui tu étais avant.

    Je m'étais un peu laissée emporter. La dernière partie de mon discours n'était pas complètement destinée à Alaïa. Je me retrouvais dans ce que renvoyait l'elfe. J'avais l'impression de me voir, des années en arrière, juste après cette nuit tragique. Des années… et même quelques jours auparavant. Ma lutte contre ma singularité, contre Thargraktrug, n'était terminée que depuis quelques heures. Mais j'avais vécu bien des années au cours desquelles je me détestais au plus haut point. Et je ne souhaitais pas qu'elle traverse la même chose.
    Alaïa ne répondit pas. Elle n'avait pas bougé depuis que j'avais commencé à parler. Je laissais passer quelques instants avant de me redresser.
    ㅡ Prends le temps qu'il te faut.
   Hyldegarde avait relevé la tête et me fixait, les yeux brillant d'une étrange lueur. Je soutiens son regard quelques secondes, avant de me détourner, un étrange frisson me parcourant l'échine. Je repris alors ma place, contre le mur.
    Le silence s'installa. Alaïa toujours perdue dans ses pensées. Hyldegarde toujours prise dans mutisme. A moins qu'elle ne respectait le besoin de tranquillité de la jeune elfe.

    ㅡ Pourquoi êtes-vous encore là ?
    La voix d'Alaïa était chargé de tristesse.
    ㅡ Pourquoi ne pas être parties avec Cheiralba ?
    ㅡ Je n'allais tout de même pas te laisser toute seule, même sous bonne garde d'Hyldegarde. En plus, j'avais promis à cette vieille folle de prendre soin de toi.
    ㅡ Je doute qu'elle s'en soucie.

    Je n'avais pas spécialement envie de prendre la défense de Cheiralba. Elle s'était comporté de manière égoïste. Plutôt que d'affronter ses problèmes, elle les avait mis en pause pour laisser aux autres le soin de s'en occuper en son absence. Je m'étais également imposé une mission, et je l'avais depuis trop longtemps négligée. Le poids de ma tâche revient se poser sur mes épaules déjà bien assez endolories. Je soupirais. Pourquoi étais-je encore là ? Parce que tu es trop bonne. Cette pensée résonna dans ma tête sans arriver à savoir si elle venait de moi ou de Thargraktrug. Il y avait dans ces quelques mots un aveu de faiblesse que je balayais d'un coup de main imaginaire. Je venais de donner une leçon à Alaïa sur la nécessité de s'accepter tel que l'on est. Dans son intégralité. Je venais d'accepter au prix de nombreux efforts la présence d'un démon en moi, ce n'était pas pour détester la seconde moitié de mon être. Celle qui me définissait le plus, d'autant plus.

    ≪ Bien sûr qu'elle se soucie de toi. Même si je n'approuve pas ce qu'elle a fait, je sais qu'elle se soucie de toi. Elle a tout fait pour te sauver. Si pour toi ce bras fais de toi un monstre, ce qui est faux, je le répéterai autant de fois qu'il le faut, pour elle c'est un échec. Elle n'a pas réussi à te sauver. Elle t'a mis en danger et tu es celle qui en a payé le prix le plus fort. Tu n'as pas besoin de lui rappeler à quelle point elle est responsable. Elle le sait.
Moi aussi, je me soucie de toi. Même si Cheiralba a une vendetta à mener, même si j'ai des recherches à approfondir, nous ne t'abandonnerons jamais. Nous sommes des camarades. Des compagnons.
    ㅡ Des compagnons… reprirent ensemble Hyldegarde et Alaïa. ≫

    La naine, qui jusque là restait plongée dans son mutisme, réagit au mot "compagnon". Les yeux dans le vague, elle semblait plonger dans des souvenirs insondables. Alaïa avait le même regard. Pour elles deux, la notion de compagnon, d'amitié de fortune évoquait un passé qui semblait douloureux.

    ≪ Parfois, il vaut mieux être seule. J'avais des compagnons… Je veux dire. Nous avons vécu certaines choses dans cette Faille. Je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas de tout en tout cas, mais des bribes me reviennent. De chacune d'elles je retire l'impression de perdre un être cher. Les aventures que nous vivons créent un lien entre nous et des fois il devient si fort que lorsqu'il se brise, les deux extrémités ne s'en tirent pas indemnes. A votre regard, je vois que vous comprenez ce que je veux dire. ≫

    Depuis qu'elle était sortie de sa cellule, la naine n'avait pas souvent parlé aussi longtemps. Etait-ce la rareté de ses paroles ou le fait qu'elles trouvent particulièrement écho dans le passé de la jeune elfe qui faisait que cette dernière était particulièrement attentive et réceptive ? J'allais intervenir pour la contredire et rappeler que les compagnons étaient des appuis et des aides sans quoi les grandes entreprises ne sont pas pas possibles, lorsque Hyldegarde reprit la parole :

    ≪ Ne regrettez jamais d'avoir eu des compagnons, Mademoiselle Alaïa. Même si, comme vous, j'en ai souffert, je ne dois pas le regretter. Si ma mémoire était encore valide, je pourrais vous expliquer plus vivement de la nécessité d'avoir des compagnons. Hélas, les choses sont ce qu'elles sont. Je vous ai parlé de bribes de souvenir tout à l'heure. En vérité, elles concernent principalement une personne. Une personne que je refuse d'apprécier. Dans tous mes souvenirs, elle reste ma principale rivale, bien qu'elle ne représente qu'une menace symbolique. Je me souviens bien du mépris que je ressens envers cette personne. Enfin je devrais dire, que je ressentais. Quand je pense maintenant à elle, c'est une tristesse que je n'explique pas qui m'envahit. Une tristesse en désaccord avec tout ce que je sais de notre relation.
    Je n'y vois qu'une explication. Mes souvenirs effacés cachent la source de ce paradoxe. Qu'avons-nous vécu pour créer un tel bouleversement dans mes sentiments ? Je ne saurais vous le dire et ce n'est pas faute d'essayer de me souvenir. Je suis à la recherche d'un morceau de mon passé depuis mon réveil dans cette cellule. Mais il y a eu quelque chose qui a créé un lien entre elle et moi. Quelque chose qui est passé outre notre inimitié. La plus simple des explications est ce besoin de faire d'elle un compagnon.
Je sens bien que mes explications ne sont pas claires. Même pour moi, j'ai du mal à y croire et à les comprendre. Je ne suis sûr de rien. Je ne vis qu'avec des suppositions. Mais vous, Mademoiselle Alaïa… vous qui avez encore accès à votre passé. Ne craignez pas la main qu'on vous tend. Vous en avez besoin. Il est vrai que si le lien se brise, vous souffrirez. Cependant, cela sera pire si vous restez seule. Même si cette femme araignée a des méthodes douteuses et honteuses, elle veut votre bien. Et, Mademoiselle la magicienne, ici présente, est restée à vos côtés. Cela me semble être deux personnes en qui vous pouvez faire confiance pour vous porter et vous soutenir. Et j'imagine sans mal que, que vous décidiez de suivre l'une ou l'autre si jamais leurs chemins se séparent, vous saurez vous montrer indispensable. Que vous le vouliez ou non, vous faites maintenant partie des leurs. ≫

Lancée comme elle l'était, je m'attendais à ce qu'Hyldegarde continue encore un peu, mais elle n'en fit rien. Ce n'était pas important. Elle avait dit ce qu'il fallait dire. Je n'aurais pas utilisé les mêmes mots, mais sa sincérité était plus efficace que n'importe quelle tournure de phrase. Même si je trouvais que certains passages étaient confus, la longue tirade de la naine semblait trouver écho avec Alaïa.
La jeune elfe regarda vers moi en quête d'une réponse. Cela se lisait dans ses yeux, mais je ne me souvenais pas qu'une question ait été posée. Dans le doute, je me contentai d'acquiescer de la tête et de sourire. Cela semblait suffire à Alaïa qui, à son tour, se mit à sourire. Un sourire discret, mais un sourire quand même qui faisait plaisir à voir.

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #98 le: jeudi 07 mai 2020, 19:23:05 »
Cheiralba et Hundwiin
Vétéran
Jour 6 avant la fin
Dans les couloirs du laboratoire
Du fromage et du pain
 
  ≪ Vous pensez que la jeune elfe vous pardonnera ?
    ㅡ Pourquoi prenez-vous la peine de préciser à chaque fois qu'elle est jeune. Il n'y a qu'une elfe dans notre groupe disparate, il n'y a donc pas de confusion possible avec quelqu'un d'autre. A chaque fois que vous prenez la peine de préciser "jeune", je me sens encore plus vieille que je ne le suis. Et c'est déjà beaucoup.
    ㅡ Pardon, je ne voulais pas… ce n'est pas du tout ce que je voulais dire. C'est que je n'ai pas encore bien retenu comment elle s'appelait et que…
    ㅡ Ne vous excusez pas. Nous sommes tous fatigués… Nous avons fait une longue route jusqu'à ce laboratoire, sans prendre le temps de dormir ou de manger. Vous, vous sortez à peine d'une anesthésie dont les effets peinent à se dissiper, quant à Alaïa…
    ㅡ L'elfe…
    ㅡ Même si elle sort elle aussi de deux anesthésies également, je l'imagine également épuisée. Comment pourrait-il en être autrement ? Capturée, torturée, mutilée… trahie par moi.
    ㅡ Vous ne l'avez pas trahie, vous avez pensé à son bien être.
    ㅡ Si je n'avais pensé qu'à son bien être, je ne l'aurais pas prise par surprise. J'aurais pris le temps de lui expliquer et… et d'affronter son regard.
    ㅡ Ne soyez pas si sévère envers vous-même. Vous l'avez sauvé. C'est ce qui compte. Vous vous êtes proposée pour la soutenir et elle vous a rejeté et malgré tout vous avez continué à vouloir la soutenir avec vos moyens. Des moyens… bon… D'autres auraient peut-être mieux convenus, mais… ≫

Hundwiin s'immobilisa et sa phrase resta en suspens. Cheiralba le regarda alors… Depuis qu'elle l'avait délogé de son brancard, il avait une allure plus noble. Son dos découplé lui donnait lui donnait un air plus vigoureux et fier. Loin de s'intéresser à la vieille femme, il regardait plus loin dans le couloir quelque chose accroché sur le mur. La femme araignée pesta intérieurement contre sa myopie et se rapprocha.

 ≪ J'essayais de retenir le chemin pour sortir d'ici. Cette carte est faite à la main et en mauvais état, mais elle peut nous être utile.
    ㅡ Vous plaisantez j'espère. Nous n'allons tout de même pas être précautionneux On prend cette carte avec nous. Vous pouvez la retenir si cela vous chante, mais nous n'allons pas la laisser là. Je doute qu'elle serve à Hordefeu. ≫

Avant qu'Hundwiin ait eu le temps de la rejoindre, la femme araignée avait saisi de part et d'autre le cadre accroché au mur, le souleva pour le désinsérer et le jeta par terre, ce qui fit hoqueter le draconien. Avec des mouvements prudents et du bout de la chaussure, elle chassa des gros morceaux de verre puis ramassa la carte qui s'en sortait presque indemne. Le Draconien avait raison, elle était en mauvais état, mais restait très lisible. Elle offrait une parfaite compréhension de la disposition du laboratoire, mais donnait surtout un plan des alentours et des meilleurs moyens de rejoindre la surface. Un atout majeur pour ce qu'elle avait à faire.
   La vieille femme plia la carte en quatre pour qu'elle soit plus facile à la lire et fit demi-tour pour rejoindre Hundwiin qui n'avait en définitive pas bouger pendant tout ce temps. Arrivée à son niveau, ce dernier se pencha pour mieux observer la carte. Il avait certes une bonne vue, c'était toujours plus facile à voir lorsqu'il avait l'objet sous les yeux. Cependant, il fut surpris que Cheiralba ne s'arrêta pas pour lui montrer la carte. Au lieu de ça, elle continua son chemin sans lever la tête. Puis voyant qu'elle n'était pas suivie, elle se retourna et pointa du bout du doigt un endroit particulier sur la carte :

 ≪ Vous venez ? J'ai trouvé la cantine du laboratoire. Je doute qu'il y ait un grand cellier rempli de victuailles, mais cela fera du bien à tout le monde si on arrive avec un peu de pain et du fromage. Même si vous me dites que vous n'avez pas faim, je ne vous croirai pas.
   ㅡ Vous plaisantez ? Je pourrais manger l'intégralité de deux ou trois banquets à moi tout seul. Et je ne vous parle pas de vos repas de pacotille. Je vous parle de vrais festins avec…
   ㅡ Laissez-en tout de même pour tout le monde. J'ai dit "pain et fromage", pas des daurades farcies ou que sais-je encore…
   ㅡ On se contentera d'un repas frugal alors. Et promis, j'essaierai de me retenir. ≫

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #99 le: lundi 11 mai 2020, 19:01:45 »
Antiva
6 jours avant la fin.
Repaire de Résistance d’Aube l’Aveugle
Le chapitre tant attendu (Il paraît).

        -Antiva ! Antiva !
   La Chasse-Fortune fut tirée d’un sommeil sans rêve par Jérôme, la jeune estafette qui la secouait doucement par l’épaule. Dans l’obscurité du dortoir, elle ne voyait que le blanc de ses yeux écarquillés.
   -Aube vous demande. Plusieurs chefs de cellule sont arrivés pour une réunion, et le boss voudrait que vous y participiez.
   Antiva cligna plusieurs fois des yeux, essayant de chasser la fatigue et de comprendre les mots qui sortaient de la bouche de son interlocuteur. Elle grogna vaguement quelque chose, qui sembla suffisant pour le jeune homme. Il hocha la tête.
   -Je vous attends dehors.
   A pas feutrés pour ne pas réveiller les autres Résistants encore endormis, l’estafette s’éclipsa. La Chasse-Fortune, récemment convertie Résistante à son corps défendant, resta un instant à contempler le plafond bas et craquelé d’où s’échappaient de grosses gouttes d’eau, qui s’écrasaient sur le sol dans un “plic-ploc” agaçant. Elle était allongée sur une paillasse inconfortable mais avait connu bien pire. L’odeur cependant était assez désagréable. Une odeur d’humidité et de moisissure, typique des égouts sous-terrain, mélangée au remugle des corps sales et entassés.
   “Aller hop, hop, debout, chère Antiva ! Une belle journée nous attend.” éclata soudain la voix dans sa tête, la faisant sursauter.
   Sa main tâtonna instinctivement à côté d’elle jusqu’à trouver son cimeterre, qu’elle serra contre elle. Un frisson la parcourut. Ce n’était pas un rêve.
   “Un rêve éveillé, peut-être.” fut-elle taquinée.
   -Je deviens folle, murmura-t-elle dans le noir.
   “Oh non. Non, non. Tu es parfaitement saine d’esprit. Ce qui tient du miracle quand je… eurgh… vois ce qu’a été ta vie jusqu’ici. Tout à fait effrayant. Bravo !”
   La Chasse-Fortune prit une grande inspiration et résolut d’enfin faire face.
   “Oui ! Enfin !” la voix dans sa tête semblait extatique, et sonnait comme celle d’une petite fille trépignante à qui on offrait enfin le jouet tant attendu.
   -Qu’est-ce qu’il m’arrive ? chuchota Antiva, après avoir jeté un coup d’oeil autour d’elle pour s’assurer que personne n’était réveillé pour l’entendre.
   “Absolument rien ! Tu es parfaite comme tu es, ma chérie. Simplement, hmm… disons que toucher la tiare à mains nues n’était peut-être pas la meilleure idée que tu aies eues jusqu’ici.” un ricanement mutin lui arracha une grimace.
   -Qu’est-ce que tu me veux ?
   “Moi ? Oh, pas grand chose. Je m’ennuyais depuis tellement longtemps dans cette triste tiare. Je veux seulement m’amuser. Vivre ta vie, pour un temps.”
   La Chasse-Fortune leva une main pour se masser la naissance du nez, sentant une migraine poindre.
   -Comment je me débarrasse de toi ?
   “Te débarrasser de moi ? Oh, Antiva. Ma chérie, tu me blesses. Je pensais que nous avions quelque chose, toi et moi.”
   -Quelque chose ? Je n’ai jamais demandé à t’avoir dans ma tête et je…
   Des souvenirs de la veille, lorsque le contrôle de son corps lui avait été douloureusement ravi, lui remonta en mémoire.
   “Tout cela ne dépend que de toi.” souffla la voix, sur un ton cajoleur. “Si tu es une gentille fille, je n’aurais plus besoin d’avoir recours à ce petit artifice. Si tu es une mauvaise fille, en revanche…” La voix laissa planer un petit silence pour appuyer sa menace, avant de reprendre sur un ton plus enjoué. “Enfin, pour te répondre, je crains hélas que tu es coincée avec moi pour… hmm… le reste de tes jours.”
   Antiva grogna de dépit en se redressant.
   -Il doit forcément y avoir un moyen, murmura-t-elle.
   “Oh oui, bien sûr. Lorsque tu mourras, je serais happée à nouveau dans la tiare. Et crois-en mon expérience, c’est un procédé absolument affreux. Essayons de délayer cela le plus longtemps possible, veux-tu ?”
   -Mourir n’est pas vraiment dans mes plans.
   “Oui ! Tout à fait.” Antiva pouvait presque entendre la voix désincarnée frapper dans ses mains comme une fillette.
   -Bon, soit, concéda la Chasse-Fortune en se mettant debout après avoir enfilé ses vêtements. Il semblerait que je n’ai pas trop le choix, pour l’instant.
   “Ouip !”
   -Comment je t’appelle ? Sanderline ?
   “Oh ! Par les Sables, non ! Non, non, non ! Rien que de repenser à ce dégoûtant vieillard… bouargh.”
   -Ce n’est pas toi, Sanderline ? Pourtant ta couronne maudite porte ce nom.
   “Sanderline était mon dernier “hôte”, si j’ose dire. Une expérience tout à fait déplaisante. Tu es on ne peut plus agréable à parasiter, ma chérie. Quoiqu’il en soit tu peux m’appeler… hmm… pourquoi pas Maîtresse ?”
   -Oublie ça, grogna Antiva en ouvrant la porte.
   “Ma Reine ?”
   -Pire.
   “Quelle rabat-joie. Yashajshkath suffira.”
   -Yachache-quoi ?
   “Vous autres sudistes… eurgh. Appelle moi Yash, et n’en parlons plus.“ 
   -Ah, vous êtes prête !
   Jérôme, qui l’attendait dans le couloir, interrompit leur conversation.
   -Parfait. Suivez-moi, je vous prie.
   Antiva lui emboîta silencieusement le pas, ne sachant trop à quoi s’attendre. Sa vie avait pris une drôle de tournure, et si abruptement. Tout était encore un peu flou. Autours d’elle, les Résistants s’activaient le long des couloirs étroits et humides de leur repaire secret, quelque part dans les anciens réseaux d'égout sous la ville. Certains lui lançaient des oeillades méfiantes, d’autres des regards plein d’espérance. Elle-même ne savait pas trop ce qu’elle allait bien pouvoir faire dans cette machine. Elle n’avait aucune allégeance envers qui que ce fût qu’elle-même. La seule raison pour laquelle elle était encore là était le caprice de Yashachekya…
   “Yashajshkath. Et ce n’était pas un caprice.”
   Ignorant la voix, Antiva se fit la réflexion qu’elle se sentait comme une feuille ballottée par le vent. Elle ne se sentait plus maîtresse de son destin.
   Jérôme l’introduisit dans la pièce où hier à peine elle avait remis la tiare à la naine Aube. Cette même tiare qui était toujours posée en évidence sur la table où elle l’avait vue pour la dernière fois. Plusieurs personnes tenaient une conversation tout autours. Il y avait Aube, bien sûr, mais également un homme grand et blond, bien habillé avec un visage taillé à la serpe et des yeux bleus perçants. Ses beaux atours et la belle rapière qui pendait à sa ceinture le peignaient comme un noble.
   Il y avait également un elfe, d’un âge vénérable, comme en témoignait son visage fripé. Il portait une longue robe académique et se reposait sur un long bâton de bois tordu. Un mage, probablement. Il y avait d’autres personnes, toutes arborant des airs soucieux et graves mais rien ne les faisait sortir du lot.
   Seule Aube adressa un petit signe de tête à Antiva lorsqu’elle entra. Ce qui était étrange, étant donné sa cécité.
   -Ainsi donc tu as trouvé ta chimère, disait l’homme en se frottant le menton, d’un ton prudent.
   -Oui, répondit la Naine. Grâce à Antiva, ici présente.
   Le noble lui adressa à peine un regard en coin et sembla aussitôt l’oublier.
   -Et alors ? Explique nous comment ta babiole va nous aider à renverser la Croisade.
   Un sourire contrit fleurit sur les lèvres de l’Aveugle alors qu’elle posait une main sur la couronne.
   -Elle ne nous aidera en rien, je le crains, duc Prestor. Elle n’a aucun pouvoir.
   Une vague de murmures parcourut l’assemblée.
   “Je te l’avais dit. Ce n’est qu’une couronne moche. Le pouvoir, c’est moi.”
   Une goutte de sueur perla à la tempe d’Antiva et elle se tourna furtivement de droite et de gauche, prise d’une paranoïa soudaine. Et si quelqu’un pouvait entendre la voix dans sa tête ?
   “Rassure toi, ma chérie. Je ne suis qu’à toi.” Yash éclata d’un rire mutin, ce qui ne fit rien pour rassurer la Chasse-Fortune.
   -Explique toi, reprit le duc Prestor à qui la moutarde semblait monter au nez. Trois ans que nous te déléguons des ressources et des hommes pour chasser ta baleine blanche. Et tout ça pour… rien ?
   Le vieil elfe, qui était jusque là resté silencieux, leva la main pour réclamer le silence.
   -Nous ne pouvions pas le prévoir, commença-t-il d’une voix chevrotante. La tiare est peut-être dénuée de pouvoir, mais cela n’a pas toujours été le cas. De nombreux écrits attestent de ses capacités, dont le journal de Sanderline lui-même ! Nous ne savons pas ce qu’il s’est passé.
   Le duc souffla par le nez et s’empara de la tiare, l’observant sous toutes les coutures.
   -Sommes-nous certains qu’il s’agisse bien de la relique ? Se pourrait-il que votre voleuse ait rapporté une imitation ?
   -Impossible, fit Aube en secouant la tête. Toutes les sources convergeaient. Cette couronne est la Tiare de Sanderline. Aucun doute n’est possible.
   L’elfe passe une main au-dessus de la relique et celle-ci luisit d’une légère lueur bleutée l’espace de quelques secondes.
   -Quelques résidus d’énergie s’y attardent encore, voyez.
   -C’est une déception, je vous l'accorde, reprit la Naine. Mais ce n’est cependant pas la raison pour laquelle j’ai convoqué ce conseil.
   Elle prit une grande inspiration.
   -Nous sommes compromis. Un de nos hommes a craqué sous la torture.
   “Oh-oh.”
   La nouvelle ne provoqua qu’un silence pesant. Tout le monde savait ce que cela voulait dire.
   -Que savait-il ? demanda le duc en serrant les poings.
   -Je ne sais pas exactement. La localisation de ce repaire, c’est certain. Pour le reste, nous devons envisager le pire.
   Prestor se passa une main dans les cheveux, fermant les yeux en soupirant.
   -D’abord le fruit de trois ans d’effort réduit à néant, et maintenant, ça. Est-ce que cette journée peut devenir plus noire, encore ?
   -Peut-être suis-je en mesure de l’illuminer, duc.
   Toutes les personnes présentes se tournèrent vers l’entrée, vers cette nouvelle voix qui venait de s’élever. C’était une femme comme Antiva n’en avait jamais vue. Sa peau était d’un noir profond, que la caresse des torches teintait de bleu. Ses longs cheveux blancs voletaient sobrement derrière elle, comme portés par une brise invisible. C’était ses yeux, cependant, qui firent reculer Antiva et lui firent porter la main à son cimeterre, instinctivement. Ils étaient parfaitement rond et ne semblaient jamais ciller, lui évoquant le regard d’un oiseau rapace. En outre, son bras gauche n’avait rien d’humain. Il s’agissait d’un tentacule long et duveteux, qui s’enroulait paresseusement autours de la taille fine de sa robe élégante mauve et noire.
   “Méfie-toi d’elle.” chuchota Yash dans son esprit, d’une voix étrangement sobre et sérieuse.
   Aube l’Aveugle leva les mains pour intimer le calme aux Résistants qui faisaient mine de dégainer leurs épées.
   -Et vous êtes ? demanda-t-elle calmement.
   -Je la connais, grogna le duc d’une voix mauvaise. C’est une ambassadrice, de l’Arézumie.
   -Oui, c’est exact, hocha la nouvelle arrivante. Mon nom est Vespérale.
   Elle se fendit d’un sourire qui dévoila sa double rangée de crocs et qui fit se dresser les poils sur la nuque d’Antiva.
   -Qu’est-ce que vous fichez ici, s’enquit Prestor sans lâcher la poignée de sa rapière. Et comment diable avez-vous réussi à vous infiltrer ?
   -Je ne suis que l’humble servante de mon Maître, déclara l’Homoncule en faisant une petite révérence. Je vous apporte sa volonté. Il désire vous apporter son soutien dans votre entreprise.
   Elle se redressa, ses yeux d’oiseau se fixant sur Aube.
   -Des fonds, des informations, un nouveau lieu pour votre… “repaire”.
   A mesure qu’elle énumérait, elle comptait en même temps sur sa main humaine.
   -Et, peut-être ce qui vous intéressa le plus, de quoi remplacer votre couronne par quelque chose de plus… “concret”.
   -Tout cela est fort généreux, fit Aube prudemment après un instant de silence. Mais qu’est-ce que votre “Maître” désire en retour ?
   -Le succès de votre entreprise, répondit l’Homoncule du tac au tac, sans sourciller. Il partage votre vision et souhaite vous voir réussir. Oh et, j’ai failli oublier, une petite condition préalable.
   -Laquelle ?
   -Trois fois rien, vraiment. Il faudrait que vous assassiniez un Croisé pour moi. Son nom est Aarath et vous ne pouvez pas le manquer, il ressemble à un gros chat tout mignon !
   Vespérale fut pris d’un petit rire, qui provoquait un contraste effrayant entre sa voix douce et ses crocs terrifiants. De plus, même en riant, ses yeux ne bougeaient pas.
   -Mais j’exige que sa mort soit sans douleur. Je l’aime bien.



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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #100 le: dimanche 17 mai 2020, 20:57:29 »
Vespérale
7 jours avant la fin
Quartiers de l’émissaire d’Arézumie

   -Je vais rester tranquille dans mes appartements. Tu peux disposer, je ferai appel à toi si besoin Aarath.
   Un sourire fleurit sur les lèvres du Léonin. Il semblait heureux de pouvoir quitter sa compagnie.
    -Très bien je te laisse dans ce cas.
   Le visage de marbre, Vespérale le regarda quitter les appartements, penchant légèrement la tête sur le côté, comme un oiseau rapace observant une proie. Elle trouva dommage de devoir bientôt le tuer. Elle l’aimait bien.
   Après avoir attendu quelques minutes sans bouger, elle fit mander sa servante Yasmina. La vieille femme fut à la porte une poignée de secondes plus tard.
   -Vous m’avez demandée, Divine ?
   -Oui. Je vais comploter avec la Résistance aujourd’hui.
   La servante n’eut presque aucune réaction, se contentant d’hocher la tête.
   -Puis-je vous aider en quoi que ce soit, Divine ?
   -Oui. Fais mander mon déjeuner. Mais je ne serai plus dans la pièce lorsqu’il arrivera. Tu comprends ?
   -Oui, Divine. Dois-je agir surprise ?
   Vespérale déroula le long tentacule qui lui servait de bras gauche et s’en servit pour se gratter pensivement le menton.
   -Oui. Je pense que cela sera plus crédible. Fais donc.
   -J’agis, Divine.
   Sans un autre mot, la servante s’inclina et referma la porte. Sans se retourner, Vespérale recula jusqu’à s’adosser au mur ouest de sa chambre, là où le soleil de midi entrant par la fenêtre produisait une ombre profonde et dense. Agitant mollement son tentacule, elle usa d’une étincelle de pouvoir pour donner à ses cheveux la même couleur d’ébène impénétrable que sa peau. Puis, elle ferma les yeux et attendit.
   Au bout de quelques minutes, le croisé chargé de lui apporter ses repas frappa à la porte.
   -Votre déjeuner, émissaire.
   Sans attendre sa réponse, ce qu’il faisait à chaque fois pour essayer, en vain, d’ennuyer l’Arézumienne, le soldat ouvrit la porte et pénétra dans la pièce, Yasmina sur ses talons. Le garde fit quelques pas pour déposer un plateau garni de victuailles sur la table basse au milieu de la chambre. Il lui fallut quelques secondes pour constater qu’il ne voyait l’Homoncule nulle part.
   Fronçant les sourcils, il se tourna en tout sens, essayant de la repérer.
   -Madame ?, s’enquit-il à haute voix.
   Puisqu’aucune réponse ne lui parvenait, une appréhension mauvaise commença à s’emparer de lui. Avisant la fenêtre grande ouverte, il s’y dirigea et se pencha. Il faillit s’étrangler en découvrant la corde que Vespérale avait attachée peu avant l’arrivée d’Aarath  à une petite excroissance sous la rambarde et qui pendait dans le vide jusqu’au sol, quelques mètres plus bas.
   -Bordel, jura-t-il entre ses dents.
   Il se retourna vers la servante, qui le regardait avec une expression curieuse.
   -Y a-t-il un problème, monsieur ?
   -Un problème ?, mugit le croisé. Un gros problème ! Cette saleté s’est enfuie !
   La femme porta une main à sa bouche et ses yeux s’écarquillèrent de surprise.
   -Comment ?
   -Par la fenêtre, putain !
   Le garde, paniqué, quitta la pièce en courant, beuglant dans le couloir pour rameuter ses collègues. De nombreux bruits de pas se firent entendre, accompagnés du crissement désagréable des cottes de mailles et d’éclats de voix inquisiteurs.
   Au bout de quelques minutes, Vespérale rouvrit les yeux et relâcha l’enchantement de ses cheveux. Elle se décolla du mur et s’approcha de Yasmina, qui avait retrouvé une expression neutre et plate.
   -Mon plan a marché, commenta Vespérale.
   -Comment aurait-il pu en être autrement, Divine ?, demanda la servante en s’inclinant, la voix tremblante d’admiration.
   -Tu as bien agi.
   Tentant une expérience, Vespérale déroula son tentacule et vint gentiment tapoter l’épaule de sa subalterne. Celle-ci frissonna et un léger sourire fleurit sur ses lèvres. Elle s’inclina derechef.
   -Vous m’honorez, Divine.
   Expérience concluante, donc, songea l’Homoncule en rétractant son appendice. Elle apprenait beaucoup de choses depuis son arrivée à Miderlyr. Notamment sur cette “loyauté” qui la fascinait. En Arézumie, tout le monde lui obéissait. C’était simplement l’ordre naturel des choses. Elle était une Homoncule, ils n’étaient que de misérables mortels.
   Ici, les choses étaient différentes. Les individus semblaient attendre certaines choses en retours pour leurs services. De la “reconnaissance”, du “respect”. Des notions étranges. N’était-il pas dans la nature des serviteurs de servir ? Cependant, elle avait observé de ses yeux d’oiseaux que les serviteurs les plus dévoués et efficaces étaient ceux que leur maître traitait le mieux.
   Elle s’échinait donc à essayer de se montrer plus… “avenante” ? “Humaine” ? D’étranges notions qui lui semblaient bien futiles. Mais ses récentes expériences avec sa propre suite se montraient concluantes. Ce qui lui donnait matière à réfléchir.
-Je vais faire tuer le lion, reprit-t-elle sur le ton de la conversation.
-Bien, Divine.
-Que penses-tu de cela ?
-Divine ?, s’enquit la servante en penchant la tête, peu habituée à ce qu’on lui demande son avis.
-Je te demande ce que tu en penses.
Yasmina prit une seconde pour y réfléchir.
-Je pense que cela pourrait être dangereux. Il semble être quelqu’un d’important pour la Zandriarchie. Sa mort provoquera certainement une enquête. Et puisqu’il est votre geôlier, les soupçons se porteront rapidement sur vous.
-Oui, j’y ai pensé. C’est très probable. Dis moi, Yasmina. Lorsque je pense à cela, à sa mort, il se passe quelque chose, ici.
Vespérale tapota l’endroit où un coeur se situerait, sur un mortel normalement constitué.
-Qu’est-ce que c’est ?, continua-t-elle en penchant la tête, ses yeux ronds ne cillant pas.
-Peut-être que sa Divine ressent… une émotion ?, tenta prudemment la servante.
-Une émotion ?
Vespérale resta coite un instant.
-Je ne pense pas que je puisse ressentir d’émotion.
-Divine, pardonnez mon affront.
-Non, c’est une notion intéressante. Imaginons que je puisse ressentir des émotions. Laquelle serait-ce ? La joie ?
-Je ne sais pas, Divine. Qu’est-ce que… Qu’est-ce que vous… ressentez ?
Vespérale se retourna et vint s’accouder à la rambarde de la fenêtre. Elle jeta un regard sur la cité qui s’étendait en contrebas, sur la faille béante qui la défigurait.
-Quand mon Père m’a prise dans ses bras j’ai… “ressenti” comme une boule de feu. Une chaleur intense et agréable. La caresse du vent sur le sable du désert.
Un sourire béat et étrange étira ses lèvres, dévoilant sa double rangée de crocs.
-Quand je pense à la mort d’Aarath, je ressens comme une douleur. Une lame sur ma peau. Les crocs d’une vipère dans mes artères.
-Alors je pense que sa Divine ressent de la tristesse.
-Tristesse ? Est-ce lorsque de l’eau sort de vos yeux et que vous vagissez des mots sans cohérence ?
-Oui, Divine. Oserais-je insinuer que sa compagnie ne vous est pas désagréable ?
-Il est un obstacle. Je ne peux pas accomplir pleinement la volonté de mon Père tant qu’il est là à surveiller tous mes faits et gestes. Mais… voir sa queue frétiller lorsqu’il est en colère est amusant. J’aime rire à ses dépens. Sa tête sérieuse qui vire au rouge. Quelle joie.
Ne sachant que dire, Yasmina se contenta de rester silencieuse.
-Merci pour tes précieux conseils, finit par dire Vespérale. Je les garderai à l’esprit.
-Divine, je n’ai rien fait de…
Elle s’interrompit lorsque le tentacule de sa maîtresse fouetta l’air pour venir l’enlacer par la taille pour la projeter violemment dans les bras de l’Homoncule. Celle-ci l’étreignit, essayant d’imiter au mieux la mère qu’elle avait vu enlacer son fils au marché, la veille. Yasmina se raidit, pensant sa dernière heure arrivée, mais sa maîtresse se contenta de lui tapoter le dos, comme à un chien docile.
-Tu peux disposer à présent. Je vais aller comploter avec la Résistance.
-O… Oui, Divine, s’inclina la servante, troublée, avant de sortir en refermant la porte de la chambre derrière elle.


Vespérale
7 jours avant la fin
Dans une cellule obscure.


   Jaillissant de l’ombre, Vespérale observa la silhouette piteuse et pathétique de l’homme attaché au mur par des chaînes épaisses. La salle était exiguë et puait la saleté, le sang et l’humidité. Le Résistant pendait au bout de ses entraves comme une poupée de chiffon. Entièrement nu, son corps était zébré de plaies effroyables, la plupart de ses ongles avaient été arrachés et certaines parties de son anatomie avaient été brûlées au fer rouge.
   -Joaquim ? appela doucement Vespérale de sa tendre voix chantante.
   L’homme eut un soubresaut avant de redresser péniblement le cou. Un énorme hématome masquait son oeil gauche mais son oeil droit brilla d’une légère lueur d’espoir en apercevant la silhouette insolite de sa visiteuse.
   -Vous… souffla-t-il. Vous êtes venue… argh… Venue me sauver ?
   -Te sauver ?
   Vespérale pencha la tête sur le côté. L’idée ne lui avait pas traversé l’esprit.
   -Non point. J’ai besoin de savoir ce que tu as dit aux inquisiteurs.
   -Q… Quoi ?
   Hébété par la douleur et par les nombreuses sessions de torture qu’il avait récemment subies, l’homme peinait à trouver un sens à ses mots.
-J’ai besoin de savoir ce que tu as dit aux inquisiteurs, répéta l’Homoncule.
Ses yeux d’oiseau ne cillaient pas en l’observant et cela le fit frissonner.
-Faites moi sortir de là et… et je vous dirais tout ce que vous voulez… savoir.
-Je préférerai que tu me le dises maintenant.
Un petit rire douloureux franchit les lèvres du Résistant. Malgré leurs quelques échanges précédents, il ne parvenait toujours pas à comprendre cette étrange femme.
-Et moi je préférerai… sortir d’ici… Avant qu’ils ne reviennent finir le boulot.
-D’accord. J’aurai essayé la diplomatie.
Sans plus attendre, Vespérale déroula son long tentacule à la vitesse de l’éclair pour venir saisir l’homme à la gorge. L’appendice se contracta violemment jusqu’à produire un léger craquement, faisant suffoquer Joaquim. Ses yeux se révulsèrent alors que la fourrure qui couvrait le tentacule se teintait de pourpre. Fermant les paupières, Vespérale siphonna les souvenirs récents de son contact. Elle vécut comme il l’avait fait la torture, à la fois physique et mentale, que lui avait fait subir les bourreaux de la Croisade. Elle n’eut pas à remonter bien loin pour l’entendre révéler l’emplacement du QG de sa cellule de résistants.
Ayant obtenu l’information qu’elle désirait, elle le lâcha. Joaquim s’effondra en avant, la tête pendant dans le vide, de la bave s’écoulant des commissures de ses lèvres. Il ne respirait presque plus.
-Merci, lui dit Vespérale.
Elle lui tapota maladroitement l’épaule de la pointe de son tentacule, ce qui ne provoqua aucune réaction.
Expérience non concluante.


Vespérale
6 jours avant la fin
Dans le QG d’Aube l’Aveugle.


≪ Tout cela est fort généreux, fit Aube prudemment après un instant de silence. Mais qu’est-ce que votre ≪ Maître ≫ désire en retour ?
ㅡ Le succès de votre entreprise, répondit Vespérale du tac au tac, sans sourciller. Il partage votre vision et souhaite vous voir réussir. Oh et, j’ai failli oublier, une petite condition préalable.
ㅡ Laquelle ?
ㅡ Trois fois rien, vraiment. Il faudrait que vous assassiniez un Croisé pour moi. Son nom est Aarath et vous ne pouvez pas le manquer, il ressemble à un gros chat tout mignon ! ≫

    Vespérale rit. Elle s’était imaginée Aarath sur le dos, ses grosses pattes en l’air, et elle lui caressant son gros ventre tout doux.

≪ Mais j’exige que sa mort soit sans douleur, reprit-elle aussitôt, son éclat de rire envolé. Je l’aime bien. ≫

    À la vérité, elle n’avait aucune intention de les laisser réussir. Elle avait repensé aux mots plein de sagesse de Yasmina et était d’accord avec cette dernière. Non seulement il serait difficile d’éviter les soupçons, et cela produirait tout un tas de complications qu’elle préférait éviter, mais en plus, elle ne pourrait plus s’amuser à le rendre furieux.
Non, non, non. Vespérale avait pris sa décision.
    Aarath était à elle et à elle seule. Il était son gros chat tout mignon.
    Bien sûr, demander à la Résistance d’essayer de l'assassiner faisait partie de son nouveau plan. Elle s’arrangerait d’être là pour le sauver. Ainsi, la Croisade aurait une nouvelle provocation de la Résistance contre laquelle réagir, et les Résistants seraient sûrement paniqués d’avoir raté une tentative d’assassinat sur un haut dignitaire. Tout cela arrangerait bien ses affaires.

ㅡ Attendez un instant, intervint le duc de Prestor en levant les mains. Tout cela va un peu trop vite. Vous voulez que nous assassinions un inquisiteur ? Et contre quoi ? De belles paroles ?

    Vespérale tourna ses yeux d’oiseau vers lui.

ㅡ Vous savez qui je représente, duc. Mais je peux comprendre votre réticence. Permettez moi d’élaborer un peu plus en détails ce que vous rapporterez cette… collaboration.

    Elle leva son bras humain, paume tendue vers le plafond et une petite sphère d’énergie pourpre s’y matérialisa, flottant à quelques centimètres de sa peau. Dans ses tréfonds brumeux apparut l’image claire d’une grande bâtisse, au style Miderlyrien.

ㅡ Nous avons fait l'acquisition de ce manoir dans la Haute-Ville par l’entremise d’un prête-nom local, expliqua Vespérale. Ses caves sont reliées au réseau de souterrains dans lequel nous nous trouvons. Cela vous permettra d’y entrer et sortir à votre guise, sans attirer d’attentions mal venues. Elle est à vous. Nous y avons également fait entreposer plusieurs coffres remplis d’or et de gemmes, pour vos frais divers. Enfin, je me tiendrai personnellement à votre disposition pour vous apporter mon assistance dans toutes vos entreprises plus… mystiques.

    Son exposé terminé, Vespérale referma le poing, dissipant son illusion. Il y eut un léger silence médusé avant que le duc ne se raclât la gorge pour prendre la parole.

 ㅡ Qui… Qui voulez-vous que nous tuions, exactement ?
« Modifié: dimanche 17 mai 2020, 21:12:30 par un modérateur »

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #101 le: jeudi 21 mai 2020, 00:00:13 »
Pleureur
Citoyen
7 jours avant la fin
Un chambre à l'auberge de la Porte d'or
Du jus sur la chaire des dindes

Pleureur trempa sa plume dans l'encrier une nouvelle fois. La nouvelle page blanche qui restait posée devant lui était un défi. A combien de reprise devrait-il s'y prendre avant d'arriver à la bonne formulation ? Il était impérieux de choisir les mots qui resteraient sans ambiguïté pour le destinataire sans pour autant révéler ses intentions à quiconque d'étranger qui serait amener à intercepter le message. Mais ce n'était pas tant le problème. Il savait ce qu'il avait à dire et il savait comment le dire. Le problème venait d'ailleurs.
Cette belle soirée ne l'aidait pas à se concentrer. L'homme d'une quarantaine d'années n'était pas habitué à cette chambre d'auberge pour écrire les messages qui concernaient ses petites affaires. Il avait coutume d'être dans son bureau dans lequel reposait tout le matériel nécessaire afin de pouvoir écrire dans les meilleures conditions. Dans cette pièce, il y avait un lit simple, quoique procurant exceptionnellement une nuit de bonne qualité, une chaise et une table sur laquelle l'aubergiste avait fait installer un petit bouquet de fleurs blanches des champs dans une chope de bière en guise de vase. Des meubles qui auraient suffit à n'importe qui pour rédiger cette lettre, mais pour Pleureur, il ne s'agissait que d'un handicap. Dans son bureau, il aurait pu s'installer à son pupitre et rédiger en lettres calligraphiées sa missive sans craindre qu'une larme ne tombe sur le papier et ne fasse couler l'encre. Et à en juger le nombre de feuilles froissées au pied de la chaise, l'homme brun avait déjà fait plus d'une douzaine de tentatives. A chaque fois qu'il se mettait à écrire, il y avait toujours un moment où, pour vérifier qu'il n'avait pas oublié un mot, pour recharger sa plume en encre, pour telle ou telle raison, il se penchait légèrement et laissait perler une larme qui ruisselait sur sa joue déjà humide et finissait par s'écraser sur la feuille.

Cette belle soirée ne l'aidait pas à se concentrer. Ce n'était d'ailleurs pas une si belle soirée que cela. Certes, c'était le crépuscule et le soleil couchant se reflétant sur les pierres pavant les rues de Miderlyr donnait à la ville des airs romantiques, mais c'était également l'heure où les habitants sortent pour s'adonner à des activités douteuses que la pénombre facilite ou rentrent chez eux après une journée chargée d'un travail éreintant. Toute une populace accompagnée d'un remue-ménage sonore composé de claquements de portes, d'éclat de voix et d'autres bruits de projections émétiques à l'oreille. Il n'y avait pas d'heure pour boire et pour dégobiller à la porte d'une auberge dans cette ville. Encore une fois, ce n'est pas dans son bureau qu'il aurait à subir cette nuisance sonore. Tout d'abord sa fenêtre avait été renforcé par magie pour l'isoler des bruits extérieurs. Un privilège qu'il avait acquis en échange d'un bon nombre de services, mais il ne regrettait pas son investissement. D'une part le prix à payer n'avait pas été si coûteux que cela ; son métier consistait principalement à rendre des services après tout. D'autre part, le plaisir qu'il tirait du calme que cela lui prodiguait était sans valeur. 

Pleureur finit enfin d'écrire sa lettre. Il la scella avec un morceau de cire rouge qu'il fit fondre. Il n'avait pas besoin d'y appliquer un quelconque poinçon. Son correspondant saurait très bien à qui il aurait à faire. Avant de la transmettre au messager qui l'attendait devant la porte de la chambre, il prit d'abord la peine de se rendre présentable et se saisit d'un bout de tissu du linge de lit pour s'essuyer le visage. Ses joues seront trempées dans quelques minutes, mais au moins, elles seront sèches pendant quelques instants. Puis, avant d'ouvrir la porte, il ramassa tous les brouillons qu'il avait jetés par terre pour les fourrer dans une des grandes poches internes de sa pelisse. Il n'y avait évidemment pas de cheminé dans la chambre, mais il y en avait une dans l'auberge de la taverne. Il n'aurait qu'à les y jeter avant de partir pour couvrir ses traces.
Lorsqu'il fut enfin prêt, il frappa à la porte de sa propre chambre. Une à deux secondes plus tard, elle s'entrouvrit laissant passer une main gantée. L'homme de l'autre côté du mur ne dit pas un mot. Il savait ce qu'il avait à faire. Il avait juste besoin qu'on lui fournisse le message et le destinataire.

≪ A la Volière. Pour ce soir. Un homme roux à la barbe fournie, portant un gambison à six boucles. A la question "Quelles sont les spécialités de l'établissement ?", il vous répondra "Le patron arrose régulièrement de jus la chaire de ses dindes." ≫

Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Le messager attendit d'éventuelles indications supplémentaires, puis s'en alla. Pleureur alla alors s'asseoir sur le lit. En définitive, il s'était essuyé le visage pour rien. Non seulement son interlocuteur avait fait preuve de professionnalisme et n'avait pas montré son visage, mais en plus ses joues étaient déjà humides. Il ne prit cependant pas la peine de les sécher à nouveau. Il ne quitterait pas tout de suite la chambre et lorsqu'il était seul, il laissait ses larmes couler.

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #102 le: mercredi 27 mai 2020, 16:14:49 »
Alaïa
6 jours avant la fin
Laboratoire de Sébastide
Prise de conscience


“Vous faites maintenant partie des leurs”. Serait ce possible ? Après trois ans dans le sang et la puanteur, c’était la première véritable lueur d’espoir depuis plusieurs années. Mais non, ce n’était pas possible, ce n’était pas… et si ça l’était ? Pour la première fois, je réussissaii à écarter les souvenirs de la torture, les souvenirs de la solitude, pour quelque chose de nouveau, de bon. Après trois ans, le spectre d’Alaïa rejaillissait. Mais cette jeune fille restait morte, rien ne saurait la ramener. Mais quelque chose d’autre pourrait remplacer cette froideur et cette peur constante que j’avais en moi. Une version de moi même qui n’était ni cette jeune fille niaise, ni cette perpétuelle solitaire; une version neuve. Syl et Hyldegarde avaient raison, et peut être que l’heure était venue pour moi de m’ouvrir à nouveau. Et s’ils ne voulaient pas de moi ? S’ils m’abandonnaient ici pour que j’y pourrisse, comme l’avait fait Öh… Non. Ce n’était pas comme ça que je devais penser. Plus maintenant. Plus jamais. Syl avait réussi, pendant un bref moment à me donner le sentiment d’être… acceptée. Je devais me raccrocher à ça, m’y tenir et laisser le reste partir. J’en avais assez de tuer et de me cacher, il fallait à présent me rendre plus utile. Aube ne voyait en moi qu’un joli visage; j’allais devenir plus que cela.
“Syl, ai je commencé, avec une légère appréhension”
Que se passe-t-il, répondit-elle, tournant la tête immédiatement.
Je voulais simplement savoir, que faisais tu avant de nous rejoindre ? Avais tu une raison pour errer dans la Faille ?”

Syl resta un moment sans rien dire, comme si elle pensait à ce qu’elle allait répondre. Elle baissa les yeux quelques instants, puis plongea son regard dans le mien.
“Je faisais partie du Cercle, répondit elle, d’un ton presque froid mais qui se voulait neutre”

Malgré cette intonation, une part de moi fut assez enthousiaste : intégrer cette partie de la résistance me permettrait peut être de développer mes capacités, d’apporter mon aide à la cause tout en restant éloignée d’Aube. Si auparavant je voyais le Cercle comme une cause perdue, désormais je le voyais surtout comme un nouveau départ; l’occasion de repartir sur de nouvelles bases.
“Est ce que tu penses que tu pourrais m’y intégrer ?
-Je… je ne sais pas, répondit elle d’un ton hésitant.”

Une fois encore, elle resta pensive un long moment, avant de répondre :
“C’est d’accord. Mais j’aurais besoin que tu m’obéisses au doigt et à l’oeil, compris ?
Pourquoi, ai je répliqué, surprise de ce changement de ton radical.
Je pense qu’il se trame quelque chose au sein du Cercle. Tu pourrais peut être m’aider, mais il ne faut surtout pas commettre d’imprudence.
Je… je ne comprend pas. Le Cercle combat pour contre la Croisade, pour nous réhabiliter non ? Qu’est ce qu’ils pourraient faire qui aggraverait notre situation ?
Crois moi, il est des choses bien pires que ce que nous vivons en ce moment.
Comme quoi ?
Rien que tu aies envie de voir.”

Sa dernière réponse était plus froide encore que les autres, mais Syl n’avait fait qu’accentuer mon désir de rejoindre le Cercle : si elle devait combattre quelque chose de pire encore que la Croisade, je voulais pouvoir l’aider, je voulais pouvoir me rendre utile.
Après cet échange, un silence de plomb régnait dans la salle. Alors que je réfléchissais à ce que j’allais faire, mes comparses restaient obstinément silencieuses.
“Je veux t’aider, ai je fini par annoncer. Et je ferai tout ce que tu me demanderas.
Entendu, répondit elle.”

Quelques temps après, Cheiralba et le Draconien firent irruption. Je ne pus réprimer un sursaut lorsque je la vis, auquel elle réagit par un regard déçu, presque imperceptible.
“J’ai trouvé ce que je cherchai, annonça-t-elle. Nous pouvons désormai quitter cet endroit.
Mais auparavant, ajouta Hundwiin, nous pouvons profiter d’un instant de répit bien mérité ! Mes compagnons, j’ai arpenté les couloirs sinistres et étroits de cette forteresse, et je vous apporte ces quelques victuailles, afin de reprendre nos forces !”

Sur ce, notre prince sortit quelques aliments du sac en toile de jute qu’il avait apporté : nous avions droit à des tranches de pain endurcies, un peu de fromage, quelques légumes à l’allure douteuse et, miracle, un peu de viande dont je préférai ignorer l’origine, à peine suffisante pour nous tous. Ce repas était mince et semblait de piètre qualité, mais après ce que nous avions vécu, c’était plus que suffisant. Profitant de l’abri que nous offrait le laboratoire de Sébastide, nous décidâmes de ne pas le quitter, et nous dirigeâmes ensemble vers le réfectoire. Nous étions tous assis pendant qu’Hundwiin faisait cuir la viande grâce à un feu qu’il avait créé pour alimenter le four.

Il ramena la viande sur la table, alors que nous étions toutes installées, et nous commençâmes le repas.

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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #103 le: samedi 13 juin 2020, 17:49:49 »
Je l'avais repris, mais je ne l'avais pas posté. Oupsi :niak:

Aarath
6 jours avant la fin
Ville Basse
Recherche et tribulations

ㅡ Hey minou !
Trois hommes étaient là. Celui qui l'avait alpagué se trouvait au milieu de la ruelle. Un autre était appuyé contre le mur tandis que le troisième était assis à même le sol.
Aarath haussa un sourcil. Perdu dans ses pensées, il s'était engouffré dans ce passage sombre sans trop y prêter attention. Il faut dire, il ne se sentait pas non plus en danger dans cette ville, même s'il se trouvait dans un des quartiers les plus sordides et malfamés.
ㅡ Ouais, toi. On aime pas les fouineurs ici.
Tandis qu'il parlait, le piège s'était refermé sur le léonin. Deux autres hommes avaient surgi derrière lui et lui coupaient toute retraite. Aarath restait parfaitement impassible. Ses sens accrus l'avaient informé de la tentative de guet-apens des deux hommes. En face de lui, la personne assise s'était relevée.
ㅡ On te conseille de dégager. Et rapidement.
ㅡ Quand j'aurai retrouvé la créature que je cherche
Les hommes rirent. Un rire gras et bruyant, teinté d'alcool. Aarath ne broncha pas, attendant dans un calme apparent que la personne, qui jusque là avait parlé, se reprenne. Seule sa queue fouettant l'air témoignait de son agacement grandissant.
Une fois que les esclaffades se furent calmées, l'homme reprit la parole.
    ㅡ Ecoute le chat. Personne n'a vu ton machin.
Son ton changea brusquement, devenant beaucoup plus sec et cassant.
    ㅡ Et on va te faire passer l'envie de fouiner ici.
Ce fut au tour du léonin d'avoir un rictus réjoui. Le combat était pour lui un jeu. Et même s'il n'avait pas de temps à perdre, l'idée de s'amuser un peu n'était pas pour lui déplaire. Un combattant aguerri aurait vu sa posture changer légèrement tandis que ses pupilles s'agrandissaient pour capter un maximum de lumière dans l'obscurité de la ruelle. Mais aucun des hommes qui l'entourait n'était un combattant aguerri.
ㅡ C'est une mauvaise idée.
Il n'eut pas le temps de continuer. L'homme devant lui le frappa. Voulu le frapper. Pour le guerrier qu'était Aarath, le mouvement de l'individu était lent et maladroit. Le léonin n'eut aucune peine à esquiver d'un simple déplacement d'épaule.
La frappe de l'homme marqua le signal d'assaut pour les quatre autres, qui se jetèrent eux aussi dans la danse. Aucun ne parvint à toucher le combattant. Aarath s'était mué en un tourbillon de poils et de coups. Les perles de sa crinière cliquettaient tandis qu'il se débarrassait un par un de ses assaillants. Il ne sortit pas ses dagues. Ces hommes ne méritaient pas son acier.
En quelques secondes, les hommes étaient tous au sol, seulement assommés pour les plus chanceux. Aarath haussa les épaules. Il aurait bien aimé que le combat dure un peu plus. La victoire avait un goût amer de la bataille trop vite gagnée.
Il reprit sa route.




    ㅡ Eh m'sieur ! C'est toi qui cherche la chimère ?
Un enfant. Huit ans tout au plus. Les cheveux sales, les vêtements élimés, il paraissait minuscule à côté de la haute stature du léonin. Néanmoins, il relevait la tête avec fierté pour attraper son regard, sans paraître le moins du monde impressionné. À survivre dans la rue, il en avait vu d'autres.
ㅡ Tu sais quelque chose ?
ㅡ Il se pourrait bien, ouais...
Un air de défi planait sur le visage de l'enfant. Aarath leva les yeux au ciel. Il n'aurait eu aucun scrupule à soutirer de force ces informations à un adulte. Mais ce n'était qu'un gamin... Il soupira donc en sortant une pièce à l'éclat doré de sa bourse avant de la donner à l'enfant. Son visage s'illumina.
ㅡ Suis moi !
ㅡ Attends petit, je cherche...
Aarath ne continua pas sa phrase. L'enfant ne l'écoutait pas et était déjà parti, le laissant sur place. Si tant est qu'il avait vu ou entendu quelque chose, il fallait le suivre. Le léonin se mit en route sur un battement de queue agacé.

Le gamin guidait le léonin dans le dédale de ruelles qu'était la Basse-Ville sans la moindre hésitation. Il galopait devant, s'arrêtant régulièrement aux croisements pour s'assurer qu'il était toujours suivi. Aarath suivait, ses grandes enjambées lui permettaient de simplement marcher.
Cette poursuite dura quelques minutes. Enfin, l'enfant tourna dans un minuscule passage qui débouchait sur une petite place déserte. Lorsque Aarath arriva lui aussi, plus aucune trace du gamin. La place était un cul-de-sac. Le léonin repéra très vite un petit passage sous un palissade en bois, par lequel l'enfant avait dû disparaître. Il l'entendait par ailleurs courir de l'autre côté. Mais ce n'était pas ce qui le préoccupait. Les bruits derrière lui, venant de la ruelle, laissait entendre que le piège était en train de se refermer.
ㅡ Aarath ? Tu vas nous suivre, faut qu'on parle.
Le léonin jeta un coup d'oeil par dessus son épaule. Trois hommes se tenaient à l'entrée de la ruelle, chacun tenant une petite arbalète. Aarath devina trois autres personnes cachés dans la pénombre derrière eux. Il était attendu. Et c'était bien un piège. Son instinct lui hurlait qu'il était en danger et qu'il ne fallait surtout pas rester là. Et c'était exactement ce qu'il comptait faire.
Il n'attendit pas. La prise d'information ne lui prit qu'une fraction de seconde. C'était suffisant. Tandis qu'il se retournait complètement, il se saisit de sa dague et la lança à la fin de son mouvement. Le geste était fluide et l'exécution parfaite. L'acier se ficha dans la gorge d'un des trois hommes, celui qui avait parlé.
En un battement de cils, Aarath avait rejoint sa dague. Il grogna en frappant du gauche : il n'avait pas été assez rapide et un carreau s'était fiché profondément dans son épaule. Cela ne sauva pas le pauvre homme, qui s'effondra en un gargouilli affreux.
Un deuxième carreau se ficha cette fois dans sa cuisse. Ignorant la douleur, le léonin continuait son avancée. Cette fois, son lancé toucha une des personnes en arrière, prétendument cachée dans la pénombre. Ses gestes se faisaient plus patauds et il pouvait sentir comme un engourdissement le prendre progressivement. Il avait loupé la gorge, comme il visait initialement, mais avait réussi malgré tout à toucher l'épaule.
Il sauta, rejoignant sa dague tandis qu'un troisième carreau se planta cette fois dans son dos. Puis il frappa. Mais son geste fut trop lent. La femme esquiva son coup avant de cogner, visant le tube planté dans sa cuisse.
La douleur fit vaciller le léonin. Le monde autour de lui était de plus en plus flou. Aarath posa un genou à terre. La femme devant lui frappa une nouvelle fois, projetant le léonin au sol.
Étendu à terre, Aarath ne bougeait plus. Le poison était redoutablement efficace. Et tandis que son esprit sombrait doucement dans l'inconscience, il réalisa que le seul but de cette manoeuvre était de le capturer. Vivant et globalement en bon état.
La femme s'approcha prudemment du corps immobile du léonin. Avant de lui décocher un violent coup de pied.
ㅡ Judith arrête !
ㅡ Il a buté Oleg et Piotr merde.
ㅡ Aube nous avait prévenu qu'il était dangereux. On n'a pas été assez prudents...
Judith frappa encore une fois avant de s'accroupir pour être à la hauteur du léonin. Il ne pouvait l'entendre, mais elle s'adressa à lui.
ㅡ J'espère au moins que tes réponses seront satisfaisantes...

Fiertés ?
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[Fiction Collective] Miderlyr - Saison 2
« Réponse #104 le: lundi 24 août 2020, 22:20:43 »
Pleureur
Citoyen
17 ans avant la fin
Devant la porte de la Volière
Le Patron

Pleureur croqua dans sa pomme. Elle était farineuse et n'avait aucun goût, mais il ne la mangeait pas pour lui caler sa faim. Il l'avait prise parce qu'il savait qu'il devrait attendre et être patient. Ainsi, il prenait tout son temps pour manger ce fruit à la chaire désagréable au goût comme au toucher. Il mâchait chaque morceau comme s'il s'agissait d'un produit exotique qui se savoure avec raffinement car nous n'étions pas sûr d'en manger une nouvelle fois dans sa vie.

Appuyée contre le mur externe du Grand Hall, la Volière était exactement à sa place pour ce qu'elle avait à faire. Assez proche de sa clientèle fortunée, elle ne pouvait pas prétendre avoir une place dans le Grand Hall en raison de sa marchandise atypique. L'esclavage et la prostitution était du domaine de la Basse Ville. Un appui, un soutien pour la Haute-ville et pour tous ces hommes fortunés insatisfaits dans leur chambre à coucher. Pour ce qui était des femmes fortunées, ou les hommes aux goûts originaux, il fallait plutôt se tourner vers les Jardins de Selmane, de l'autre côté de la cité, toujours dans la Basse Ville.
La tenancière de la Volière tenait ses filles d'une main de maître et faisait payer cher ses clients afin de s'assurer qu'ils en prendraient soins. Ancienne fille de joie, elle savait ce qu'il fallait faire pour soutirer un maximum d'argent à la clientèle et faire en sorte pour qu'elle revienne. Elle était très exigeante, mais attentionnée et protectrice. Ses filles, comme ses clients, l'appelaient "le Patron". Cela avait permis à la tenancière de créer son établissement à ses débuts. Les gardes cherchaient d'abord un homme… Lorsqu'ils comprirent qu'il s'agissait d'une femme gérant d'autres femmes, le surnom était installé et plus personne ne sait à ce jour quel est le vrai nom du Patron.

Un peu comme Pleureur. Personne ne connaissait son vrai nom. Lui-même ne s'en souvenait pas. Sa mère avait bien dû lui en donner un à sa naissance, avant qu'elle ne le dépose sur les marches d'un des temples Pang'Gyaniste de Miderlyr. Mais elle ne l'avait jamais transmis à quiconque. Elle était partie avant que qui que ce soit la voit, sans un mot. Elle laissa un juste un enfant taché du sang de sa naissance dans une corbeille remplie de tissus sales.
Quand les prêtresses de Gyana le trouvèrent, il pleurait en silence. L'enfant semblait dormir mais sur ses joues coulaient de chaudes larmes. Et elles ne cessèrent jusqu'à ce jour de couleur. Bien sûr, parfois des cris accompagnèrent de vrais pleurs, mais même dans la joie ou dans son sommeil, le petit orphelin pleurait. On l'appela alors le pleureur, puis tout simplement Pleureur.

Un homme sortit de la Volière. Le Patron recevait habituellement peu de personne en pleine journée. À sa manière de remettre en place ses vêtements de manière ostentatoire, il s'agissait d'un client de la Basse Ville qui avait profité d'une rentrée d'argent importante pour tout claquer dans un petit plaisir. Les tarifs du Patron étaient élevés et elle réservait une partie de sa marchandise aux clients fortunés. Si cela avait été un homme de la Haute Ville, alors il serait sorti par une des portes qui menaient discrètement dans le Grand Hall. Et il ne serait pas sorti fier comme un coq de l'établissement.
Ce n'était pas l'homme qu'attendait Pleureur, mais il avait eu le mérite de le sortir de sa rêverie. Il n'avait à peine touché à sa pomme. La chaire auparavant blanche commençait à brunir. Le fruit toujours dans sa main, il s'étira et fit des mouvements de la tête qui firent craquer sa nuque. Il ne savait pas quelle heure il était, mais son client était en retard. Il ne s'était pas rendu compte que son corps s'était ankylosé.

La porte s'ouvrit à nouveau et en sortit une femme à la peau brune. Ses cheveux noirs comme la nuit retombaient jusqu'à ses hanches. Une ruse typique de la Volière. Même les nobles au coeur tendre et prude pouvait alors admirer les formes de la marchandise tout en inspectant la chevelure de la jeune femme. Elle portait la tenue habituelle de la profession. Deux bandes de tissu croisées recouvraient la poitrine qui, loin de l'écraser, en épousait parfaitement les formes et un drap en demi-cercle attaché à l'une de ses hanches autour d'un anneau doré. Sa peau et la couleur ocre de sa tenue laissait un doute sur ses origines. Le Patron la vendait sûrement comme une fille exotique venant de contrées lointaines au sud de Miderlyr, mais Pleureur ne serait pas étonné d'apprendre qu'il s'agissait simplement d'une pauvre fille qu'elle avait ramassée dans La Basse ville.
La jeune fille semblait cherchait quelqu'un ou quelque chose dans la rue. Lorsque ses yeux se posèrent sur Pleureur, elle fut d'abord surprise, puis elle sourit. Elle avait dû le reconnaître. Ce n'était pas la première fois qu'il avait rendez-vous devant la Volière.

≪ Vous n'auriez pas vu un gentleman partir d'ici il y a quelques instants ?
ㅡ Si vous parlez de l'homme qui se croit le roi des Terres Bannières après avoir passé une nuit entre vos draps, il a dû rejoindre sa femme et ses enfants en prenant cette route.
ㅡ Merci.  ≫

Elle s'éclipsa en lui faisant un clin d'oeil et emprunta le chemin qu'avait pris le client. Pleureur n'était pas insensible à ces charmes, mais il avait un travail qui lui prenait trop temps et qui ne le payait pas assez pour qu'il puisse s'offrir ses services. Elle revint quelques instants plus tard, visiblement contrariée et bredouille. Elle s'arrêta devant la porte de la maison, close, jeta un dernier regard à Pleureur et prit une grande inspiration avant de pénétrer dans l'établissement.
Le jeune homme croqua à nouveau dans sa pomme. Il ne restait pratiquement plus que le trognon. Il leva le bras pour la jeter à nouveau lorsque la porte s'ouvrit à nouveau. Ce n'était pas la femme que tout à l'heure. Celle-ci était légèrement plus vêtue et arborait une chevelure rousse flamboyante.

≪ Ah. Pleureur… Qu'est-ce que … ? Vous ne comptiez pas jeter ce trognon dans la rue, j'espère. Donnez-moi ça. Je m'en occuperai. Je ne tiens pas à ce que des ordures traînent devant mon établissement.
ㅡ Des ordures dans mon genre aussi, j'imagine.
ㅡ Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, jeune homme. Mais il est vrai que vous faites tâche dans le paysage. Je sais très bien que vous n'êtes pas là pour faire du lèche-vitrine. Et si c'est le cas, je vous le déconseille. Vos petites affaires ne nous intéressent pas.
ㅡ Vous savez très bien que ce n'est pas moi qui décide des lieux de rendez-vous.
ㅡ Je vous laisse passer le message.
ㅡ Normalement, je suis payé pour ce genre de chose.
ㅡ Ne pousse pas le bouchon un peu trop loin. Ce n'est pas le moment. Je te rappelle qu'il ait toujours bon de donner un coup de main à quelqu'un comme moi.
ㅡ Comment pourrais-je vous refuser quelque chose ? Vous êtes…
ㅡ Faites attention à ce que vous allez dire.
ㅡ Vous êtes le Patron. Je verrais ce que je peux faire. ≫



Cheiralba et Hundwiin
Vétéran
Jour 5 avant la fin
Ruines de la Volière
Preuve nécessaire

≪ Où sommes-nous ? ≫

Cheiralba laissa la question du Draconien en suspens. Ils en étaient enfin sortis. L'appréhension avait pris le dessus sur l'excitation de revoir la lumière du jour. Voilà maintenant trois ans qu'elle n'avait pas mis le nez dehors. Même si elle savait que s'exposer ainsi était source de dangers et de menaces perpétuelles, il fallait quand même qu'elle savoure un peu l'instant. Après tout, elle avait tué Hordefeu, elle pouvait quand même savourer un instant sa victoire en prenant une grande inspiration. Pas trop longue tout de même.
Elle inspira bruyamment et garda pendant quelques secondes l'air dans ses poumons. Elle ne put pas s'empêcher de se mettre à tousser. L'air était sec et poussiéreux, bien loin de l'ambiance moite et nauséabonde des égouts. Cette respiration n'était pas aussi bénéfique qu'elle l'avait espéré. Tant pis.

≪ Je ne sais pas vraiment. Le plan indiquait la Volière, mais je ne suis pas sûr que ce soit le bon endroit.
    ㅡ Cela ne ressemble pas à ce que j'imaginais d'une maison close.
    ㅡ Moi non plus. Mais depuis la faille, elle a peut-être été abandonnée.
    ㅡ Il n'y aurait pas tant de poussières. On dirait que personne n'y a mis les pieds depuis des années. ≫

Durant tout le trajet, Cheiralba n'avait pas eu le coeur de briser ses illusions. Elle s'était même prise à espérer. Peut-être était-elle revenue dans le passé et le règne de la Zandriarchie ne serait alors qu'un lointain souvenir. Comment être certaine quand Hundwiin faisait preuve de tant de conviction ? Il y en avait un qui tomberait de haut et il aurait mieux valu que cela soit la femme araignée. Mais hélas, ce n'était pas le cas. La chute serait d'autant plus rude pour le Draconien qu'elle l'avait ménagé. Elle ne pouvait cependant pas continuer ainsi. Dès qu'ils franchiraient les portes, ils seraient des cibles des Répurgateurs et des Castigateurs. Epuisés comme ils l'étaient, ils ne feraient pas le poids face à une armée.

≪ Hundwiin, écoutez. Je sais que vous ne me croirez pas tant que vous ne l'aurez pas vu de vos yeux. Hélas, nous ne pouvons malheureusement pas prendre de risques pour l'instant et nous montrer ainsi aux yeux de tous.
    ㅡ Vous recommencez avec vos fariboles. Si j'ai raison, il n'y a aucune raison qu'on vous inquiète. Je suis à vos côtés.
    ㅡ Si j'ai raison, nous mourrons tous les deux. Ou pire, ce qui est largement possible dans cette cité.
    ㅡ Nous nous retrouvons donc encore une fois devant ce dilemme où chacun ne veut pas céder à ses propres convictions.
    ㅡ Exactement, c'est pourquoi…
    ㅡ C'est pourquoi nous allons nous séparer. Vous allez rester cachée, cloîtré dans ces ruines et moi je vais reprendre ma vie, annoncer à tout le monde mes exploits.
    ㅡ Vous ne pouvez pas faire ça…
    ㅡ Bien sûr que si que je le peux. Vous l'oubliez peut-être, ou je ne l'ai peut-être pas dit, mais je suis un Prince. Le Prince de Drakonia.
    ㅡ Excusez-moi alors cette offence, mais pour être Prince, il faut avoir avant tout un royaume.
    ㅡ Puisque je vous dis que j'ai un royaume.
    ㅡ Plus maintenant. Depuis longtemps.
    ㅡ Ce n'est pas parce que vous m'avez sauvé la vie une fois que vous pouvez vous croire tout permis.
    ㅡ Alors permettez-moi de vous la sauver une seconde fois. Ecoutez-moi. ≫

Cheiralba ne faisait pas preuve de beaucoup de tact. C'était ce qui lui avait manqué avec Alaïa et elle le regrettait amèrement. Il ne fallait pas qu'elle fasse la même erreur une seconde fois.

≪ Je vous en supplie. Ecoutez-moi une dernière fois. Si après ça vous n'est pas d'accord et que vous souhaitez partir, je ne vous retiendrai pas. Je n'attendrai pas que vous ayez changé d'avis. Mais écoutez-moi une dernière fois. Je ne vous ai pas sauvé de ce laboratoire pour que vous vous fassiez tué par une milice dont vous ignorez tout. Nous avons jusque-là été prudents. Je vous propose que nous retournions sur des lieux que vous avez visité il y a quelques semaines. Peut-être les reconnaîtrez-vous, eux et les changements apportés par le temps. Je ne peux pas faire mieux. Vous protéger de vous-même tant que vous n'aurez pas accepté ma vérité.
    ㅡ Que l'on soit bien clair. Je vais accepter votre offre. Non pas pour que j'accepte votre vérité, comme vous le dites. Non pas pour prouver que j'ai tord et que vous ayez raison. Je vous prends en pitié dans votre folie et je prouverai que j'ai raison. Nous nous sommes tout simplement trompés de chemin et avons atterri dans une ancienne bâtisse abandonnée qui n'a rien à voir avec la Volière.
    ㅡ Où souhaitez-vous qu'on se rende ? Si possible, un endroit pas trop fréquenté et que vous avez connu récemment.
    ㅡ Peut-être cet hôtel dans lequel je résidais. Il y aura peut-être Aarsu, ma domestique en chef. En espérant qu'elle ait survécu à la Faille. Oh, cela me ferait plaisir de revoir son visage ou n'importe quelle autre tête Draconienne.
    ㅡ J'imagine qu'il était dans la Haute-Ville ?
    ㅡ Vous ne vouliez pas qu'un Prince réside dans la Basse-ville tout de même.
    ㅡ Dans ce cas, nous n'y aurons pas accès. Cela doit se passer dans la Basse-ville.
    ㅡ Ne pouvons-nous pas le voir de loin ?
    ㅡ Nous ne… Vous êtes passés par l'entrée principale pour y aller ?
    ㅡ Oui, bien sûr. C'était un tunnel surplombé d'une grande tour avec un clocher. Maudite cloche, elle m'empêchait de dormir à sonner toutes les heures pendant la nuit. Elle fut détruite par la faille. Il n'y aura pas grand chose à regarder.
    ㅡ Reconstruite quasiment à l'identique. La cloche ne sonne plus, mais de nombreux postes de vigie y ont été installés. Ce sera l'occasion de voir à l'oeuvre la milice de la Zandriarchie. Suivez-moi. ≫



Allez hop ça arrive sans prévenir. C'est gratos. Ca fait plaisir.