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[Débat] Le marché du travail et le chômage
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@Guiiil ce qu'a vécu ta femme et la manière dont tu résumes les choses sont le parfait reflet de mon parcours jusqu'à maintenant.
TU t'investis, tu donnes de ta personne, tout ça pour des boîtes où on te considère de temps en temps surtout pour ce qui est des "petits" travailleurs. Mais alors les grands patrons, qui ne te connaissent pas, n'ont jamais vu ta gueule, ne t'ont jamais fait le moindre entretien, tu peux aller te faire foutre avec eux.
Forcément, à un moment, on va chercher ailleurs quand on nous propose mieux ailleurs. Ta femme a eu raison. Et j'ai eu raison aussi de claquer autant de portes, ça m'a endurci et appris que vu la tendance du marché, je préfère ne rien avoir que de me faire lourder par un job alimentaire. Au final ça a payé, pour elle et pour moi. v.v
--- Citation de: Cap le vendredi 09 août 2024, 17:33:54 ---Donc ces boulots ne sont pas assez valorisés ? Si on augmentait le SMIC, peut être que ça motiverait les gens à les faire ? :oups:
--- Fin de citation ---
Ces boulots sont-ils valorisés? Humainement parlant, je n'ai jamais vraiment travaillé dans ces secteurs donc je ne pourrai te répondre, à part sur le fait que les commerciaux ont l'image des casse-burettes du téléphone qui t'appellent parfois un vendredi soir à 19h pour te vendre des trucs dont t'as rien à battre, ou sont vus comme des voleurs uniquement motivés par la comm' et 0 SAV. Une chose est sûre pour eux: le SMIC, jamais ils l'acceptent, ils sont en position de force, ils trouveront toujours moyen d'avoir mieux tellement certaines régions sont en pénurie de main-d'oeuvre (la Bretagne par exemple, ça construit partout, mais les ouvriers changent non stop)
Et les autres jobs c'est sensiblement la même chose: tu ne dégottes personne pour les faire car le seul fait d'être au SMIC les rend dévalorisés. Et que tu mettes le SMIC à 1100 ou 1600€ n'y changera rien: tant qu'ils sont au SMIC, l'image c'est que c'est payé le minimum syndical, que les patrons ne font aucun effort sur ça. Comme le dit Guiiiil, si les patrons ne font pas l'effort, pourquoi ce serait toujours au salarié de le faire?
La seule chose que le SMIC réévalué va changer, c'est la baisse du pouvoir d'achat entraînés par la hausse inflationniste.
--- Citation de: Cap le vendredi 09 août 2024, 17:33:54 ---Oui 'fin ya des métiers je vois pas trop comment tu peux avoir une autre motivation que l'argent. Tu sais, les métiers essentiels pour faire tourner la société, ceux qui ont été maintenus pendant le covid. Genre éboueur, caissier, livreur par exemple. Je ne sais pas quel métier tu fais, ni même dans quel domaine tu exerces, mais je te souhaite de trouver un sens et un épanouissement au travail. Mais malheureusement, tout le monde n'en a pas la possibilité :/
--- Fin de citation ---
Livreur j'ai déjà fait (facteur c'est pareil que livreur quasiment, sauf côté horaires), ça me déplaisait pas. C'est la mentalité des costards à lunettes qui nous bassinaient le matin avec leurs chiffres dont on avait rien à battre qui nous déplaisaient. D'ailleurs je suis pas le seul à avoir claqué la porte apparemment, j'en ai entendu des belles sur le devenir du tripot en question. Nombre de départs et/ou mises à la porte, harcèlements et j'en passe.
La motivation principale est l'argent mais bon, si on commence à partir juste sur ce critère, on ne fait jamais une carrière épanouie. Perso, quand je me lève les matins, je pense surtout au fait qu'il y a de grandes chances qu'on se marre entre collègues pendant 8h, et même avec les clients ou les fournisseurs. Avec le patron que l'on a, on sait qu'on a tout pour être épanouis et avoir le sourire quand on vient remplir notre part du travail. Les treizièmes mois, les congés payés, les primes vacances, c'est mignon je dis pas, mais j'ai pas eu besoin de relire mon contrat 36 fois et de faire des calculs pour le signer.
Une heure après un arrêt-maladie de 5 semaines, le patron me propose un CDI. Tu as déjà vu ça dans une autre boîte?
L'entreprise qui vient te chercher pendant que t'es en vacances pour te dire "On a eu un coup de coeur sur ton personnage, pour nous c'est toi et personne d'autre, on nous a envoyé des CV mais on les a même pas lus car on veut d'abord ta réponse" sans tenir compte des compétences professionnelles ou quoi que ce soit, tu as déjà vu ça dans une autre boîte?
Pour te dire, même le PDG, quand il vient, il serre la main de tout le monde, sans forcément aller toujours plus loin. Eh bien pourtant, à mon retour et avant que le patron me fasse son offre de CDI, eh bien il s'est enquéri de ma santé, et clairement ça se sentait dans sa voix que c'était une question désintéressée.
Donc pour le moment oui, j'ai ENFIN trouvé ce que je cherchais: une entreprise où la plus belle motivation que l'on trouve, ce n'est pas celle qui arrive sur ton compte en banque. Et c'est aussi pour ça que j'aime en parler, pour que les gens puissent comprendre que non, toutes les boîtes ne sont pas pareilles. :ange:
(et merci pour tes "voeux", ça me fait plaisir :oups: )
D_Y:
Désolé pour le roman.
Je t'ai mis un rubis pour tes deux premiers points car je pense que tu tapes très juste, mais honnêtement je trouve que sur le troisième tu es d'une naïveté assez touchante (c'est pas péjoratif du tout, c'est même tant mieux que des gens comme toi existent, la suite de mon message éclairera ce point).
Déjà l'opposition entre les petits employés innocents et les costards-cravates qui naviguent à l'aveugle et ne comprennent rien à la vie est assez marquante. Je comprends bien que c'est un héritage révolutionnaire, mais tu imagines bien que la réalité est plus compliquée que cela. Si tu as vu ces gens de tes yeux, ce ne sont pas des pontes mais des salariés comme toi qui certes ne comprennent pas forcément tout, mais c'est bien pour ça que tu as pu les voir de tes yeux. Ceux-ci sont les moins bien lotis, car le système leur donne une aura d'importance alors qu'ils ne sont que la hiérarchie "haute" du prolétariat. Comme un manager chez McDo qui fait une crise d'autorité si tu veux, une personne qui est moins qu'un chewing-gum sous la chaussure des vrais patrons de McDo, car contrairement au chewing-gum, leur existence est concrètement (et sera toujours) ignorée. Mais assez sur eux car ce n'est le point principal de ton message.
Sur le fait que les gens devraient se sentir HEUREUX (sic) en travaillant. C'est à mon avis le morceau le plus intéressant de ton message. Qu'est ce que le travail ? Je ne vais pas partir dans le edgy "gnagna tripalium" qui est assez vain et pas spécialement à propos je trouve. Dans l'histoire humaine, la notion de "travail" a changé de telle manière que sa nature même en a été altérée. Pour simplifier dans les très grandes lignes, le travail en tant que tel n'existe que dans son sens économique usuel, qui est la production de biens et de services au profit de la croissance et du produit intérieur brut. C'est un facteur de production. Or c'est une définition relativement moderne de la chose. Un antique te prendrait pour un fou si tu lui expliquais le travail en ces termes. Le fait est qu'aujourd'hui les facteurs de production sont extrêmement scrutés et constituent dans une large part nos politiques actuelles. Car les états modernes reposent pour ainsi dire entièrement sur les quelques concepts que je viens de mettre en italiques. On appelle ceci les politiques contracycliques (i.e. les politiques censées mettre à niveau le PIB réel d'avec le PIB potentiel optimal), et son calcul la PGF (productivité globale des facteurs).
De ce paragraphe chiantissime découle plusieurs conséquences. La première, et la plus évidente, c'est que le travail moderne ne peut factuellement pas être une source de bonheur. Car le PIB n'est en rien un indicateur de bonheur, et n'est d'ailleurs un indicateur que de très peu de chose, car c'est un indice qui n'a que peu de valeur historique. Il n'y a que nous dans toute l'histoire humaine qui osons raisonner de la sorte. Nos ancêtres ignoraient tout des concepts de la "croissance" ou du "PIB". Les économistes d'ailleurs commencent doucement à réfuter le PIB pour la seule raison qu'il mesure tout sauf le bonheur. Il y a une raison plus ou moins philosophique à cela : produire des biens et des services est un ensemble de choix qui parait plutôt positif et sensé, mais qui est en réalité une dichotomie profonde. Tout le monde sait instinctivement que c'est une tâche impossible, car notre environnement est fini, or notre espèce le sait, mais continue à agir comme si elle croyait en l'inverse. Cette simple distorsion entre ce que l'on sait au fond de nous et ce que le système essaye de nous faire croire est, à elle seule, mécaniquement productrice de malheur et de misère. C'est la principale cause d'aliénation, car cette dichotomie ne peut créer qu'un tiraillement intérieur, sauf si par bonheur on arrive à en faire fi.
La deuxième conséquence est le changement de perception de ce qu'est le travail. Pour la plupart des humains de notre histoire, le travail équivaut à nourrir celui qui travaille ainsi que sa famille. Le développement de l'interdépendance a changé ce paradigme, en ce sens que l'on travaille pour soi ET pour la communauté. Par exemple je suis agriculteur, mon champ produit du blé, j'utilise ce blé pour nourrir ma famille, et soit je vends ce surplus dans un marché (origine première des villes), soit je l'échange contre quelque chose d'également utile (ex : je te donne mon surplus de blé pour te nourrir contre ce bois pour me chauffer, ou contre une hache fabriquée par un professionnel pour couper le dit bois). Dans cette configuration je détiens mes moyens de production, et la vente ou l'échange du fruit de mon travail m'appartient. Le forgeron qui a créé la hache détient ses moyens de production également. Le capitalisme a renversé la table en ceci que les moyens de production ne m'appartiennent plus, ni le fruit de mon surplus. Dans le monde moderne cela peut se résumer très simplement : sur une journée de travail 4h me sont payées, 4 autres heures vont dans la poche de mon employeur. Rien de tout cela ne présume si mon employeur est "gentil" ou non. Cela pourrait être l'humain le plus adorable de la planète qu'il engorgerait toujours 4h de ma productivité journalière, sur la simple promesse tacite que cela bénéficiera à nous deux (en quoi ? la plupart des salariés l'ignorent).
Pour éviter d'être beaucoup trop long, la conjugaison de ces deux phénomènes entraine mécaniquement le malheur salarial. Le marché sait sans qu'on ait besoin de lui dire que les ressources à nos dispositions sont finies. On ne peut créer des biens et des services à partir du vide. C'est pour cela que le chômage ne peut essentiellement jamais tomber à zéro, car il y a contradiction fondamentale entre "tous les humains doivent travailler" et "nous vivons dans un monde fini". La même absurdité recouvre la croyance en un PIB éternellement en croissance.
Quant au reste, la plupart des humains ne détiennent pas leurs moyens de production, et le monde étant ce qu'il est, il est beaucoup plus probable que les détenteurs de ces moyens abusent de leurs employés qu'aucun autre scénario.
(Il y a un effet beaucoup plus délétère à ceci, qui fait office de cercle vicieux. Le capital est voué à produire, or cette production est finie, même sans que l'on parle de ressources terrestres. Pour la faire courte, il existe une sorte particulière de crise économique, qui est la surproduction de capital et donc de monnaie superflue, qui ne peut plus trouver d'investissement, tous les créneaux étant déjà pris. Le seul moyen de percer cette sorte de bulle est d'exporter ces capitaux, or les investissements l'étranger sont très peu contrôlés. De ce processus découle spéculation incontrôlée, colonialisme et impérialisme. De cet impérialisme suit des contre-mouvements qui ont un effet réel sur nos vies, de sorte que nos choix/réactions réorientent les spéculations et allument d'autres feux ailleurs dans le monde. Car c'est une caractéristique de l'interdépendance, qu'une allumette peut embraser une forêt entière. Mais fin de la parenthèse).
Je me dépêche :^^: Il est significatif que de l'organisation capitaliste nous ayons repensé nos conceptions du pouvoir. Dans le monde du travail, aujourd'hui, la compétition règne largement. Hobbes avait prédit cette compétition et l'appelait "état de nature", et lui même avait dit que cela était source de grand malheur et de perpétuelle incertitude. C'est le monde que nous vivons dans à peu prés toutes les sphères politico-économiques existantes, et je n'exagère pas du tout.
Je tiens ainsi à signaler la contradiction qui existe entre cette compétition et le champ lexical de la famille que tu utilises dans ton message. En fait tu as peut être raison dans la conclusion mais pas dans le prémisse. La famille n'a acquis son symbole d'unité que dans notre monde désorganisé et compétitif. Historiquement la sphère familial, c'était avant tout une arène de laquelle on veut s'émanciper et même socialement supplanter ceux-là mêmes qui nous ont donné la vie. En définitive, ce n'est pas un hasard si le capitalisme a essayé de faire passer l'entreprise pour une famille. L'erreur, c'est d'avoir fait croire à tout le monde que "famille" était synonyme d'amour. C'est un piège dans lequel tu es peut être tombé.
Merci d'avoir redonné vie à cette section :^^:
LINKEN:
De rien, ça m'a fait plaisir. :^^:
Sinon, j'avoue que je ne comprends pas totalement ta conclusion, même si je vois les grandes lignes argumentatives que tu construis. En relisant tout celà, je me dis que j'ai fait involontairement un amalgame qui a tiré ma propre argumentation vers le bas: la confusion entre le travail lui-même, et l'environnement de travail dans son ensemble. Avec le recul, je vois bien que cette confusion a entretenu l'image de la grande naïveté que tu as relevée (et que, je rassure, je n'ai aucunement mal prise).
Car, en effet, travail et environnement de travail, ce sont bien deux notions sensiblement identiques dans l'imaginaire, mais pas véritablement dans la réalité.
Je ne reviendrai pas sur ce qu'est le travail en lui-même, tu l'as précédemment fait et je ne vois pas ce que j'aurais à opposer à cette version.
J'abonderai même en ton sens en quelques termes. "Travail" c'est très souvent vu comme péjoratif dès que l'on l'entend, encore plus quand on en a un dans lequel on ne se sent pas épanoui. C'est souvent pour ça d'ailleurs que l'on entend plus fréquemment "alors, comment c'est le boulot en ce moment?" plutôt que "tu te sens comment dans ton emploi en ce moment?" avant d'entamer une discussion professionnelle.
C'est aussi pour ça qu'on a eu un tel tollé autour des retraites (bon, le 49-3 a mis le feu dans les rues sur la manière, mais même si le fond était passé sans 49-3 à l'AN, la contestation aurait été là, mais avec moins d'arguments de l'opposition) car prolonger ce sentiment négatif pour deux années de plus n'avait rien de réjouissant.
Mon argumentaire, et celui de Guiiil aussi je pense) tournait davantage autour de l'environnement du travail, qui est une constante différente à étudier, et ne se trouvera jamais résumée en quelques chiffrages ou sondages d'opinions de quelques centaines de lambdas.
On trouvera quand même dans l'environnement du travail les principales raisons psychologiques à se sentir ou non épanoui pendant un quota tournant en moyenne autour de 35 hebdomadaires. 35 heures sur 144, c'est 25% de notre temps de vie sur une quarantaine d'années. Sachant que sur les 75% restants, on en passe un tiers à dormir (et donc techniquement à ne pas vivre), on va donc dire que ces 35 heures de travail hebdomadaires représentent dans une carrière 40% de notre temps de vie. Et là, tu te dis que oui, c'est énorme, et donc que tu dois absolument faire en sorte de t'y sentir un maximum à l'aise, ou à minima de ne pas t'y sentir incommodé. :/
Donc c'est là que ce que j'exposais précédemment prend une dimension qui, à mes yeux (mais je pense être quand même dans une minorité pensante sur ce genre de sujets :hap: ) est primordiale, à commencer par ne pas y aller en traînant les pieds et y prendre le plus de plaisir possible. C'est d'ailleurs pour ça que quand on me demande "comment tu te sens dans ton nouveau job?", je ne parlerai pas du job en lui-même ou très peu car il n'a pas forcément grand chose de passionnant à raconter là-dessus, mais plutôt des valeurs humaines en interne, des barbecues improvisées ou des dernières gaffes, blagues ou anecdotes du chef qui est décidément un sacré personnage. v.v
D_Y:
--- Citer ---Car, en effet, travail et environnement de travail, ce sont bien deux notions sensiblement identiques dans l'imaginaire, mais pas véritablement dans la réalité.
--- Fin de citation ---
Pas d'accord, j'aurais peut être du l'expliciter mais ce dont je parle (exploitation salariale, compétition permanente, sentiment implicite que le système est injuste et délétère pour notre environnement) ne peux avoir que des conséquences sociales négatives.
A ce titre c'est assez facile d'enjoindre les autres à prendre du plaisir à aller au travail, de ne pas penser à l'argent, ou de vouloir faire de ses collègues sa famille. Déjà il n'y a rien de plus naturel que de penser à l'argent quand on va travailler, car la théorie économique implique que le travail est créateur de richesse. En corollaire cela implique créer des richesses pour son confort personnel aussi (et surtout). On peut trouver cela dommageable, il reste que sans cette dimension il n'y aurait plus grand monde pour aller travailler (et probablement le capitalisme s'effondrerait, donc c'est un "si" de conte de fée). Et même sans parler de ça et en étant très terre-à-terre, le travail pour l'écrasante majorité de l'humanité consiste à se nourrir et à assurer d'avoir un refuge où dormir, pas de faire des barbecues ou de faire copain-copain avec Jean-Yves de la compta. Ceux qui gagnent assez pour aller bien au-delà de ces besoins primaires, ils le font pour pérenniser leur patrimoine personnel, voyager, envoyer leurs enfants dans les meilleures écoles, faire vivre l'entreprise Porsche, &c. Croire que quiconque dans le maillon de cette chaine à envie de devenir ami, c'est un peu idéaliste je trouve.
Sur la notion de "plaisir", pour reprendre tes propres termes et parler d'environnement de travail et non de travail (pour ma part les deux sont intrinsèquement liés mais bref), je pense qu'il n'y a pas de débat existant sur le fait que le plaisir est déterminé par le dit environnement. Tu as peut être ces sentiments car ils te sont inspirés par ta qualité de vie actuelle (ou par ton patron qui est un "joyeux luron"), mais on ne peut pas reprocher aux nombreux travailleurs qui ont un travail très difficile et pénible de ressentir une forme de malaise ou d'injustice sociale non plus. Pour eux le travail c'est de la survie, et de la survie qui les brise physiquement et psychologiquement.
Imagine juste aller voir une caissière ou un manutentionnaire Amazon et toi, jeune gars de PME qui va faire des barbecue avec ses collègues, leur expliquer "non mais prenez plaisir à ce que vous faites, le patron c'est votre ami, faites vos 8h de shift avec le sourire enfin", il y a de grandes probabilités pour que le dialogue se passe mal. Le monde du travail aujourd'hui est incroyablement difficile pour énormément de personnes, n'a pas beaucoup changé depuis le siècle dernier où Simone Weil a écrit sur la condition ouvrière, et je le répète, n'a pas beaucoup de raisons structurelles de se métamorphoser en mieux.
Je te comprends en un sens, des petits jobs j'en ai fait mon lot, prés de 15 ans maintenant, j'étais un peu comme toi à une époque. Moi aussi je pensais comme toi, essayer d'avoir le sourire et faire des blagues pour mettre la bonne ambiance. Moi aussi j'aime bien les "team building" de ma boîte où l'on passe de bonnes soirées, avec le RH hyper fier de lui alors qu'en définitive cela ne consiste qu'à redistribuer indirectement même pas 1% de ce que tous les employés ont contribué à faire gagner à la boîte annuellement, et faire croire aux organisateurs qu'ils sont vertueux et bons avec leurs employés (la vibe "féodale" de ce genre de pratique échappant a priori à tout le monde mais bref). Franchement en-dessous du vernis j'ai vu cette illusion que tu appelles "familiale" et le pot de pus malsain que ça cache. J'ai été obligé de fuir dans le milieu académique pour essayer (ne pas réussir pour l'instant) de changer cet aspect de ma vie, car impossible pour moi de passer 40 ans comme cela, et pourtant je travaille dans un environnement moins bien difficile et usant qu'une usine ou un entrepôt.
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--- Citation de: D_Y le samedi 10 août 2024, 12:09:08 ---Et même sans parler de ça et en étant très terre-à-terre, le travail pour l'écrasante majorité de l'humanité consiste à se nourrir et à assurer d'avoir un refuge où dormir, pas de faire des barbecues ou de faire copain-copain avec Jean-Yves de la compta.
--- Fin de citation ---
Je n'ai jamais remis cette rhétorique en question d'une quelconque manière, je ne sais pas trop pourquoi tu sembles penser que j'imagine l'inverse. :cfsd:
Je ne peux qu'être d'accord avec ça d'ailleurs, vu que c'est exactement ce que je pensais avant d'arriver dans mon entreprise actuelle, et que je m'étais déjà fait une raison personnelle pour ce qu'il en est d'être épanoui professionnellement, n'ayant majoritairement trouvé que des environnements pesants, voire malsains.
--- Citation de: D_Y le samedi 10 août 2024, 12:09:08 ---mais on ne peut pas reprocher aux nombreux travailleurs qui ont un travail très difficile et pénible de ressentir une forme de malaise ou d'injustice sociale non plus. Pour eux le travail c'est de la survie, et de la survie qui les brise physiquement et psychologiquement.
--- Fin de citation ---
Là non plus, je n'ai jamais prétendu le contraire? :cfsd:
--- Citation de: D_Y le samedi 10 août 2024, 12:09:08 ---Imagine juste aller voir une caissière ou un manutentionnaire Amazon et toi, jeune gars de PME qui va faire des barbecue avec ses collègues, leur expliquer "non mais prenez plaisir à ce que vous faites, le patron c'est votre ami, faites vos 8h de shift avec le sourire enfin", il y a de grandes probabilités pour que le dialogue se passe mal. Le monde du travail aujourd'hui est incroyablement difficile pour énormément de personnes, n'a pas beaucoup changé depuis le siècle dernier où Simone Weil a écrit sur la condition ouvrière, et je le répète, n'a pas beaucoup de raisons structurelles de se métamorphoser en mieux.
--- Fin de citation ---
Encore une fois, ce n'est pas ce que j'ai dit :cfsd:
En plus, ce n'est pas comme si je n'avais pas exprimé avoir parfaitement conscience de ma chance d'avoir trouvé une bonne structure humaine et accueillante, où le patron se marre avec tout le monde, que ce soit l'administratif, le commercial, le chargé d'accueil, la logistique ou les ouvriers du parc.
Je sais la chance que c'est de n'avoir aucune barrière sociale entre le bas et le haut de l'échelle dans cette entreprise.
Je sais que dans 99% des autres structures à minima, ce ne sera pas la même sauce et le patron sera bien trop souvent une calculette sur ressorts qui te recrutera juste en lisant un CV et en recevant les autres candidats pour la forme et alimenter sa base de données et se donner une bonne image sur l'autel de "Vous voyez bien qu'on recrute, on reçoit des gens!!"
Et je savoure ma chance comme il se doit car je sais que c'en est une.
Mais je n'ai pas la prétention d'aller dire à tout le monde "Je suis heureux au travail, alors arrêtez de râler et soyez-le aussi, c'est trop facile". Je n'ai la prétention de rien en fait. Ici, j'ai juste exprimé mon histoire personnelle pour illustrer mes propos. Rien de plus. Et si ça peut permettre à des gens qui me lisent de réaliser qu'humainement, l'herbe est sans doute plus verte ailleurs que là où ils se trouvent et qu'il ne faut pas s'encroûter dans une boîte où tu n'es qu'un numéro de dossier RH dans un organigramme si tu peux avoir de vraies opportunités valorisantes ailleurs, alors j'en serai heureux.
Parce que clairement, quand tu remontes un problème sérieux voire grave et qu'on te sort que tu dois juste laisser pisser et que ça va se tasser, alors non, faut se barrer car j'appelle ça "cautionner". Et clairement je suis à un âge où je ne cautionnerai plus ce que j'estime anormal et ce, peu importe les conséquences. Je reprendrais une phrase de Cantona pour finir là-dessus. "Quand je ne suis pas bien quelquepart, je m'en vais". C'est ma vision de la vie, à tous les niveaux, depuis 2023, et je n'ai pas eu à le regretter une seule fois. Après tout, jusqu'à preuve du contraire, personne de nous n'est Link, on a donc une seule vie, essayons de ne pas la gâcher au travail ou avec des environnements de travail qui n'en valent pas la peine.
D'ailleurs, je sais que si un jour mon patron part, ce ne sera plus la même rengaine, et si ça influe négativement sur les valeurs humaines de l'entreprise et mon envie de prendre la voiture le matin sans avoir à trainer les pieds, alors je poserai ma démission ou, tout du moins, j'y réfléchirai très sérieusement. :ange:
J'espère que cette fois j'ai été suffisamment clair. :R
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