Sujet intéressant ! Pourquoi je n'ajouterai pas mon grain de sel ? Je crois que je fais partie des jeunes qui vont mal de nos jours.
Déjà, j'aimerais commencer par une évidence : le mal être démarre souvent à la pré-adolescence ou à l'adolescence, étant donné que ce sont les périodes où nous sommes particulièrement sensibles au regard des autres, aux jugements, à l'image que l'on renvoie, etc. Inversement, nous sommes aussi ceux qui regardent, qui jugent (ouvertement ou non), qui se fient à l'image que les autres renvoient.
Voilà pour la généralité. Maintenant, je vais faire comme Paul Mendez ; je vais parler de mon vécu parce que je suis égocentrique. Peut-être que certains d'entre vous se reconnaitront dans mon expérience personnelle, ma recherche perpétuelle d'être acceptée par les autres.
Je pense que le collège a été une période charnière dans la construction de mon mal être qui persiste encore aujourd'hui. Le regard des autres et surtout des jeunes filles, ainsi que leurs jugements m'ont énormément poussée à me priver de tout ce qui faisait mon identité. J'étais jugée sur mon style vestimentaire (considéré comme étant trop « gamin »), sur mes fréquentations (j'étais une « cassos » qui traînait avec des « cassos »), mes centres d'intérêts (jeux-vidéos, mangas, dessin, lecture... Les deux premiers étant, pour elles, des centres d'intérêt pour gens idiots) et ma manière d'être.
À 12 ans, j'ai donc été forcée de changer pour me séparer de cette étiquette de « Cassos » pour qu'on cesse de me rejeter, et qu'on apprenne à me connaître différemment. Je voulais bien m'entendre avec tout le monde. J'ai donc dû changer de vêtements et adopter un style « mouton » pour ressembler à toutes les autres jeunes filles populaires, m'éloigner de certaines amies, cacher mes centres d'intérêt et changer ma manière d'être. Bon, je n'ai pas tenu longtemps pour les trois derniers : je n'ai pas tardé à me sentir extrêmement malheureuse, et j'ai préféré être rejetée plutôt que de devenir aussi superficielle et vide.
En revanche, je continuais à me conformer aux exigences vestimentaires de la majorité pour m'extraire de la catégorie des « Cassos » et des « Immatures »... Je fuyais aussi les camarades qui étaient un rang en-dessous de moi dans la pyramide des rejetés de l'établissement pour avoir une chance de pouvoir être bien perçue par la classe. Oui, oui, c'était vraiment des rangs dans ma tête.
Je n'étais pas au plus bas de la pyramide, mais je touchais presque le fond. Bon, évidemment, malgré tous mes efforts, l'étiquette m'est restée jusqu'en troisième.
Les années collège se passent, j'ai perdu énormément de confiance en moi. J'arrive au lycée et je deviens amie avec une jeune fille d'une famille aisée. Elle a reçu une éducation rigoriste, est très cultivée et excelle dans les matières littéraires. Le choc pour moi : je suis complètement abrutie. Je ne suis pas aussi cultivée, je ne suis pas capable de rendre un devoir excellent et je ne reçois pas d'éloges. Je me sentais inférieure. De plus, je n'attirais personne contrairement à mes amies. Je ne me trouvais pas particulièrement laide, mais personne ne s'intéressait à moi. J'étais un fantôme. Non pas que j'étais attachée au fait de tomber amoureuse, mais je voulais avoir le sentiment de
plaire. Je me sentais inférieure, moche et abrutie. À ce moment-là, j'ai commencé à me sentir très mal.
Je continuais à me cacher dans un style vestimentaire qui ne me correspondait pas, et ce par peur d'être de nouveau catégorisée et qu'on me rejette. Je n'osais pas m'affirmer auprès des autres, et j'ai commencé à perdre du poids en me disant que cela me rendrait plus jolie... Sachant que j'étais déjà pas très épaisse à l'époque, et que j'étais plate comme une limande (ce qui m'a aussi valu des brimades au collège telles que : « Les robes, c'est pas pour les œufs au plat » ou « T'es moche, planche à pain »). Puis j'ai commencé à me tuer à la tâche. Je voulais prouver que je pouvais réussir moi aussi, que je pouvais rendre de bons devoirs et exceller. Je n'ai jamais excellé, mais je suis devenue une très bonne élève. On a commencé à m'apprécier, la classe avait une bonne image de moi, me trouvait sympathique. On m'invitait pour déjeuner à l'extérieur, et je ne comprenais pas pourquoi on m'appréciait. C'était très étrange pour moi.
J'ai eu mon bac avec de très bonnes notes, j'ai trimé comme jamais pour prouver que je pouvais être aussi bonne dans le travail que quelqu'un qui avait reçu une éducation exigeante. Je voulais prouver ma valeur.
Puis est arrivée la faculté...
Aïe... Pire période.
Je me suis retrouvée seule, le groupe d'amis s'étant éclaté entre plusieurs cursus différents. La quantité de travail à fournir était (et est) colossale, si bien que je n'avais (et n'ai) plus le temps pour me consacrer à mes loisirs, ou juste pour sortir manger un morceau avec des amis. Week-ends enfermés à compter chaque heure de retard, dissertations à la pelle et révisions interminables, culpabilisation lorsque je faisais une pause... Ajouté à cela la volonté d'être une excellente étudiante, je me tuais (et me tue) littéralement à la tâche. Si bien que je suis devenue anorexique (44kg sur la balance), dépressive et suicidaire. Miam le bon cocktail. Je subissais aussi un climat familial loin d'être des plus reposants, le harcèlement sexuel de l'un de mes voisins du matin jusqu'au milieu de la nuit... Ah oui, parce que c'est pas pratique d'être une jeune femme pour aller bien. La malchance.
Avec la situation sanitaire actuelle, j'ai fait un burn-out et je suis plus suicidaire que jamais. Je vais tellement mal que je ne sais même pas si je vais remonter la pente. Je pense que si j'arrive à m'en sortir, je serais simplement blasée de la vie. Quel est mon avenir aujourd'hui ? Si je sors avec un Master, je n'ai même pas la garantie d'avoir un bon travail. Est-ce que j'aurais un bon salaire ? Une bonne vie ? Une bonne retraite ? Est-ce que j'ai vraiment envie de continuer à travailler ? Est-ce que j'ai vraiment envie de m'avilir dans le travail ? Est-ce que j'ai vraiment envie de vivre en étant forcée à bosser avec seulement les soirées et le dimanche pour m'épanouir ? Si je devais répondre à tout ça maintenant, ce serait non. Mais quel avenir pour quelqu'un qui ne veut pas travailler ? Aucun. Alors je travaille parce que mourir, même si on le souhaite énormément, ça reste terrifiant.
Enfin bref... Pourquoi les jeunes vont si mal de nos jours ? Avenir incertain, pression sociale, contexte familial moisi, harcèlement scolaire, solitude, manque d'argent pour les étudiants, études supérieures beaucoup trop énergivores, etc.