Une fiction qui traînait depuis un moment dans mes fichiers Google Docs. J'ai réussi à la terminer récemment : une vague d'inspiration m'a traversée ! Je précise que dans cette histoire, le peuple Piaf ignore que l'humain qui est à l'origine de l'apaisement de Vah'Medoh est Link. Il n'est qu'un banal voyageur à leurs yeux, et le responsable de la régularisation de leur situation est Teba, l'héritier du Prodige Revali. Bonne lecture !
TIR D'AILETir d'aile sur Google Docs. Je recommande plutôt de lire sous ce format.
Sous l’effet de plusieurs détonations, les résineux des montagnes se délestaient des oiseaux qui y avaient trouvé refuge. Un essaim de petits volatiles traversa le ciel brumeux sous les yeux ébahis d’un jeune voyageur. Quelques heures plus tôt, il avait déposé ses bagages au relais des Piafs et laissé son cheval aux bons soins de la palefrenière, le temps de recouvrer ses forces. Il mangeait silencieusement autour du wok qui accueillait un repas chaud et réconfortant avant d’être interrompu par ces bruits inhabituels.
Il se redressa, sous le choc, délaissant son bol garni du déjeuner copieux pour rejoindre le gérant du relais. La région n’était pourtant pas réputée inhospitalière depuis l’apaisement de la créature divine Vah’Medoh, qui par le passé, dissuadait tout étranger de fouler les terres tabantiennes. Le gérant, accoudé sur son comptoir, observait la scène avec un certain détachement : il devait s’être accommodé de ces perturbations qui paraissaient quotidiennes.
« Que se passe-t-il ?! D’où viennent ces explosions ?
— Ce sont des flèches explosives, m’sieur, répondit-il dans un soupir. C’est des hyruliens qui les envoient à destination des Piafs. Ils leur mènent la vie dure mais nous, nous ne pouvons rien faire, vous comprenez ? Ce sont des barbares. »
Le ciel fut constellé de petites déflagrations écarlates aux sons caractéristiques du danger. Les chevaux et les ânes se mirent à hennir et à braire. La palefrenière essaya tant bien que mal de calmer les bêtes paniquées. Les nouvelles flèches explosives éclatèrent dans l’épaisse fumée que les défuntes avaient formé avant elles. Puis, une silhouette aux grandes ailes déployées surgit du nuage noir : un Piaf.
Véloce et acrobatique, il esquivait la pluie de dards explosifs dirigée à son encontre. Il s’éloignait du village Piaf, certainement pour protéger les siens. La valse périlleuse se poursuivit durant plusieurs minutes avant que les premiers signes de faiblesse apparaissent : il volait de plus en plus bas. Alors il bifurqua vers les hautes montagnes d’Hébra. Dans cet endroit hostile pour les humains, il serait compliqué pour ses agresseurs de le poursuivre. Cependant, ces derniers ne comptaient pas laisser leur cible s’extirper de la bataille ; les flèches mortelles abondèrent de plus belle. Dans le chaos fumeux et rouge, il était impossible de distinguer la silhouette de la victime. Quelques secondes plus tard, un corps émergea de la nuée ; il chutait. Derrière le jeune voyageur, des exclamations paniquées fusèrent. Le Piaf disparut derrière les monts enneigés.
Le jeune voyageur ramena ses longs cheveux blonds en queue de cheval, fit sortir sa monture de l’écurie et s’empressa de la seller et l’harnacher. Il devait réagir. S’il ne venait pas en aide au blessé, jamais celui-ci ne s’en sortirait dans la région glaciale d’Hébra. Son plumage, bien que très épais, ne suffirait pas.
« Vous n’allez pas y aller ! interjecta la fille d’écurie. Vous allez vous faire tuer par ces bandits ! Et il est… probablement décédé à la suite de cette terrible chute…
— Non, il n’est pas mort, répondit-il. En revanche, si personne ne lui vient en aide, il succombera au froid et aux blessures. Tenez. »
Il déposa vingt rubis dans le creux de la main de la petite femme. Ils étaient destinés à payer les soins qu’elle avait prodigués à son cheval épuisé. Ensuite, il referma sa bourse en tirant sur les cordelettes, mit un pied dans l’étrier pour se hisser sur la selle et partit au galop. Les occupants du relais le regardèrent partir, étonnés. Personne n’avait encore osé secourir une victime de ces criminels, et encore moins un humain.
Tandis qu’il galopait sur les chemins poussiéreux au milieu des sapins, il songea à ce qui avait pu se passer entre le moment où Tabanta avait retrouvé sa tranquillité suite à son intervention contre Vah’Medoh, et le moment où des hyruliens s’étaient mis en tête de semer la terreur parmi le peuple Piaf. Lorsqu’il fut proche des montagnes, il tira légèrement sur les rênes pour que sa monture trotte et qu’il puisse enfiler sa tunique duveteuse. Il fourra sa tenue hylienne dans les sacs accrochés à la selle, adressa quelques caresses à l’encolure de son compagnon de voyage et repartit.
Après deux heures de trajet, le cheval finit par fouler le sol enneigé d’Hébra. Le froid se faisait de plus en plus mordant au fur et à mesure que les deux compères s’engouffraient. Le jeune homme ramena sa capuche fourrée de plumes sur sa tête pour se protéger.
Ils progressèrent difficilement dans l’épaisse couche de neige jusqu’à ce que, arrivé à une certaine distance, l’animal ne puisse plus avancer ; il s’enfonçait dans la profonde couverture blanche, pesant bien trop lourd pour avancer aisément dans ces conditions. Le voyageur décida de faire marche arrière et de laisser sa monture dans un endroit sûr et abrité — dans la cavité d’une montagne — afin de reprendre son ascension. Il récupéra les bottes adaptées, des gants et des flèches de feu dans ses bagages. Ces dernières serviraient au cas-où il se perdrait et devrait camper ; il devait impérativement avoir de quoi faire un feu rapidement.
Il reprit ses recherches, épuisé. Le vent glacial l’affaiblissait. Plus le temps passait, plus il s’inquiétait de l’état du blessé qui était livré à lui-même depuis plusieurs heures maintenant. De plus, la brume s’intensifiait et le ciel crémeux de la région ne laissait pas voir le soleil, seule lueur d’espoir, seul guide dans cet endroit hostile. Puis il perçut des mouvements.
Dissimulé dans le brouillard, le Piaf était difficilement discernable malgré son plumage brun. Le voyageur fut rassuré de le voir ainsi à l’abri des regards ; cela réduisait considérablement les chances que ses agresseurs ne le retrouvent. Les plus zélés trouvaient le courage de s’aventurer dans le désert glacial pour traquer leur victime jusqu’à ce que la dernière goutte de sang soit versée. Il progressa jusqu’au blessé, non sans mal compte tenu de l’épaisseur de la neige. Ce dernier avait remarqué sa présence. Lorsqu’ils furent face à face, une flèche était dirigée droit vers le crâne du jeune homme. Ils se dévisagèrent.
« Je ne suis pas un de ces criminels, dit-il calmement. Je m’appelle Link, je suis un hylien et je suis venu vous porter secours. S’il vous plaît, acceptez mon aide. »
Afin de corroborer ses dires, il glissa des mèches derrière son oreille gauche ; il dévoila la forme pointue de cette dernière sous le regard ébahi du Piaf. Ce dernier baissa son arc tout en gardant un œil méfiant sur cet inconnu.
« C’est surprenant de voir un hylien vivant, ou du moins un qui traîne dans la région. Je pensais que toutes les lignées royales et bourgeoises avaient été décimées par le Fléau.
— Elles l’ont été. Je suis le dernier survivant, mais je ne me souviens de rien.
— C’est impossible. Les hyliens n’ont pas une longévité supérieure à un siècle. Comment pouvez-vous être le dernier ? »
Link lui adressa un sourire qui eut l’effet de balayer la méfiance du blessé. Celui-ci sembla s’ouvrir davantage, comprenant que, de toute manière, il ne pouvait s’en remettre qu’à cet inconnu pour survivre.
« Je m’appelle Fikk, messire Link.
— Je vais vite vous ramener. Vous devez être gelé. Où avez-vous été touché ? »
Le dénommé Fikk extirpa ses pattes ensevelies sous la neige. Les plumes de sa cuisse droite étaient calcinées et la peau était à vif. La blessure avait l’air particulièrement douloureuse ; le Piaf devait terriblement souffrir, mais il ne laissait rien paraître. Pour soulager la brûlure, il avait recouvert ses jambes de l’épaisse poudreuse.
« Mon cheval n’est pas loin. Je peux vous ramener au refuge de Selmie. Elle y laisse régulièrement des vivres et de quoi prodiguer les premiers soins. En attendant que vous puissiez voler de nouveau, il est plus prudent de rester caché à Hébra.
— Vous êtes quelqu’un de bon, messire, confia-t-il. Votre bonté me rappelle une rencontre que Teba, l’héritier de notre Prodige Revali, m’avait partagé. Un humain l’a guidé pour sauver notre peuple du courroux de Vah’Medoh.
— Les humains avec un bon cœur sont si rares que cela ?
— Je le pense malheureusement, messire. Ils ne portent en eux que haine et vengeance. »
Sur ces mots, Link entreprit de passer l’aile de Fikk derrière son épaule. Doucement, il le redressa. Puis ensemble, l’un clopin-clopant malgré l’aide de l’autre, ils partirent en direction de la monture qui n’attendait que le retour de son propriétaire.
***
Le refuge de Selmie était un modeste chalet, néanmoins bien bâti par son auteure pour résister aux tempêtes et aux températures les plus extrêmes. Il était rare de la rencontrer dans sa propre bâtisse ; elle était la majorité du temps sur les sommets pour s’adonner à sa passion : la glisse sur bouclier. Dans son carnet exposé sur son bureau, elle avait noté les grottes de la chaîne d’Hébra dans lesquelles elle se terrait pour passer ses nuits dans les montagnes cruelles. Il arrivait parfois que les rares voyageurs de la région hostile parviennent à la croiser chez elle, et elle était toujours ravie de discuter avec une nouvelle âme.
Link fit entrer Fikk. L’intérieur de la demeure était froid et plongé dans la pénombre. Personne n’était venu ici depuis longtemps ; les meubles semblaient figés sous une fine couche de glace. Ils foulèrent les peaux de bête qui jonchaient le plancher, puis l’hylien aida son compagnon à s’installer sur le lit avec une couverture en mohair avant de déposer ses armes, son bouclier et l’arc du Piaf près de l’entrée. Celui-ci le remercia avec beaucoup de gratitude.
« Je vais allumer un feu. Cela nous réchauffera. »
Sur ces mots, il s’approcha de la cheminée faite de grosses pierres glaciales. La personne précédente avait remis des bûches fraîches et s'était débarrassée de celles carbonisées ; le jeune homme apprécia cette attention portée aux futurs voyageurs, ou juste au confort de Selmie. Quelques minutes plus tard, des flammes crépitèrent dans l’âtre et éclairèrent chaleureusement la pièce. Puis il fouilla dans le coffre près du bureau pour dénicher du nécessaire aux premiers soins avant de rejoindre le Piaf qui prenait sa douleur sur lui-même.
« D’où venez-vous, messire ? Si je puis me permettre.
— Je l’ignore, répondit Link en s’occupant de la brûlure. Étant hylien, je pense que je viens du centre d’Hyrule, ou peut-être de Necluda. Il paraît que le village d’Elimith abrite les descendants des anciens habitants de la grande citadelle.
— Les rumeurs courent vite à travers le pays. Si un hylien était né dans un village, même de l’autre côté d’Hyrule, toute la population le saurait. Comment votre mère a-t-elle pu dissimuler si parfaitement votre venue en ce monde alors même que le Fléau sévissait déjà ?
— Je n’ai pas de souvenirs de mon passé. Peut-être suis-je né à Elimith ou à Cocorico, peut-être m'a-t-on abandonné pour me protéger et me cacher aux yeux de tous. Mais changeons de sujet.
— Messire, je suis navré si cela a réveillé en vous de funestes souvenirs. »
Le jeune homme ne se réjouissait pas particulièrement à l’idée de mentir, mais il avait l’intime conviction qu’il devait le faire pour se préserver. Personne ne devait savoir qu’il était le Héros en personne, celui qui sauverait la contrée de son malheur séculaire ; il avait déjà bien trop à porter ses épaules, et il était donc inutile de l’achever avec une pression extérieure qui accompagnerait son devoir.
Il avait constaté des gelures sur les extrémités des doigts de Fikk, mais il ne pouvait rien faire à part bander ces zones pour les protéger ; un médecin du village Piaf sera plus à même de les traiter correctement. Une fois ceci fait, il entreprit la préparation d’un repas frugal. Ils devaient se sustenter avant de quitter Hébra pour retourner à la plus clémente Tabanta. Dans une corbeille près de la cheminée, quelques maigres morceaux de viande et des petits légumes congelés avaient été gracieusement laissés. Fort heureusement, à cause des températures négatives, la nourriture avait l’air bien conservée et propre à la consommation. Link installa une marmite au-dessus du feu qui avait pris de l’ampleur depuis, et déversa les pauvres vivres. Ils ne tardèrent pas à exhaler une odeur agréable.
« Que s’est-il passé ? Pourquoi le peuple Piaf est-il si violemment agressé ? »
Le voyageur trancha l’étrange silence qui s’était installé dans le chalet. Le blessé poussa un profond soupir.
« Depuis que Teba est rentré au village, notre peuple a pu progressivement se redresser. Vah’Medoh s’était apaisée grâce à lui, mais aussi grâce à un humain. Il devait avoir le cœur tout aussi bon que le vôtre, messire (il marqua une pause, plongé dans une réflexion). La créature divine a désormais son bec pointé vers le ciel, ou plutôt vers le château de feu sa Majesté. On dirait qu’elle cherche à défier le Fléau. Qu’en pensez-vous ?
— Je pense qu’elle cherche à protéger votre peuple.
— Je le pense aussi, dit-il, apparemment soulagé de sa réponse. Excusez-moi messire, je me suis égaré… Je disais que notre peuple a pu se redresser. Jusqu’alors, nous étions forcés à demeurer au sol pour ne pas être attaqués arbitrairement.
» Cependant, depuis quelques temps, des hyruliens, des barbares, sont apparus sur les terres de Tabanta. D’après certains voyageurs, ils cherchent à fuir Akkala qui commence à être gangrenée par le Mal.... Simplement, nous habitons déjà sur les terres fertiles et près des lacs poissonneux. Ça ne leur a pas plu. Ils se sont donc mis en tête de nous chasser pour récupérer nos richesses. Depuis, nous sommes quasiment réduits à la même situation qu’à l’époque de Vah’Medoh. »
Sa voix s’était légèrement déformée. Link se détacha quelques instants du contenu de la marmite, et vit que ce récit semblait être douloureux pour son conteur. Il attendit qu’il puisse reprendre, demeurant respectueusement silencieux.
« D’abord, ils ont cherché à nous piller en prenant d’assaut le village, reprit Fikk. Ils nous prenaient pour un peuple primitif, sans moyen de défense efficace. Les mâles Piaf et moi-même, nous avons lutté pour les repousser, pour protéger nos familles. Il y a eu des morts.
» Après cet incident, ils n’ont plus cherché à s’attaquer directement au village. Ils s’attaquent désormais aux nôtres qui ont le malheur de quitter nos lieux, même pour quelques minutes. L’un de nos enfants, Pellume, a été sauvagement tuée alors qu’elle s’amusait au-dessus du lac… (il retint ses larmes). De la même manière qu’ils m’ont blessé à la jambe, ils l’ont assaillie de flèches explosives.
— Que la paix soit sur elle car Hylia la protège, dit le jeune homme, profondément ébranlé par cette histoire. Je prierai en sa mémoire.
— Je vous remercie, messire.
» Depuis ce terrible meurtre, nous sommes contraints de limiter nos déplacements aussi bien dans le ciel que sur la terre ferme. Nous ne pouvons sortir que de nuit, car les humains n’y voient rien dans le noir. C’est la seule période où nous pouvons chasser, mais toujours avec prudence. Il y a des guetteurs hyruliens même la nuit. »
Avec une grande cuillère creuse, Link remplit des bols en bois du repas qu’ils allaient entamer. La nourriture était fumante et même si elle n’était pas abondante, elle ouvrait l’appétit des deux âmes qui occupaient le refuge. L’hylien déposa le contenant sur les genoux de Fikk qui le remercia, les larmes aux yeux. Il déplaça ensuite la chaise du bureau pour s’installer face au Piaf en proie à sa souffrance.
« Mon peuple est transi de haine, et moi le premier d’entre tous. J’aimais Pellume comme ma propre fille, comme un père.
— Pourquoi, malgré tous ces dangers, vous vous êtes aventuré dans le ciel en pleine journée ?
— Je l’ignore, messire. Peut-être voulais-je retrouver un semblant de liberté, sentir de nouveau le vent dans mes ailes et le soleil réchauffer mes plumes.
— Comment comptez-vous affronter ces ennemis ? osa-t-il demander.
— Pour l’instant, nous agissons avec lâcheté pour les effrayer. Certaines nuits, lorsque les guetteurs s’aventurent trop près du village, nous les tuons en guise d’avertissement. Cela les tient un peu éloignés, mais pour combien de temps ? Bientôt, ils viendront pour nous arracher à Tabanta. Nous craignons le bain de sang.
— Quelle terrible situation…
— Oui, messire, répondit-il gravement avant d’avaler une bouchée de viande. Mais grâce à votre bonté et à votre courage, j’ai survécu. Grâce à vous, je vais pouvoir rentrer au village et combattre aux côtés des miens. Nous les chasserons, et nous y parviendrons si nous essayons de reprendre le contrôle de Vah’Medoh. »
Le jeune homme afficha une mine étonnée. Il s’empressa de la refreiner pour ne pas éveiller des doutes concernant son identité : seuls la famille royale, le Héros et les Prodiges en savaient beaucoup sur le contrôle des créatures divines. Link avait déjà essayé, après avoir apaisé le gigantesque oiseau mécanique, de s’approcher de lui ; il avait été violemment repoussé, car les sursauts de l’âme de Revali le protégeait assidûment.
« Mais Vah’Medoh n’appartient-elle pas à votre Prodige ?
— En effet, messire. Mais Teba est l’héritier de notre Prodige Revali et peut-être qu’il pourra prendre le contrôle de la créature. Peut-être qu’elle l’acceptera.
— Alors les créatures n’ont bien qu’un seul maître, dit-il pour feindre son ignorance.
— Tout à fait, messire, mais nous n’excluons pas l’espoir d’un nouveau maître pour elle. »
Link acquiesça, puis ils finirent de manger leurs bols respectifs. Le feu qui crépitait dans l’âtre avait désormais complètement réchauffé l’endroit ; aucun des deux compères ne grelottait à présent. Ils se sentaient apaisés, bien que la menace des agresseurs de Fikk n’était pas encore devenue un lointain souvenir.
Lorsqu’ils eurent fini, le voyageur débarrassa. Dehors, la nuit était tombée ; les épais nuages gris qui couvraient le ciel à longueur de temps empêchaient le soleil et la lune de guider les individus à travers les montagnes. Il regarda un instant par la fenêtre même s’il ne voyait que l’énorme couverture de neige.
« Fikk, il faut que vous vous reposiez. Je vais faire le guet, annonça-t-il.
— Il faut aussi que vous dormiez, messire Link. Et à mon humble avis, ces barbares ont déjà lâché l’affaire. Ils me pensent mort de froid après avoir été affaibli par mes blessures.
— S’ils passent devant le refuge de Selmie, je ne donne pas cher de notre peau.
— Ils ne s’aventurent pas dans les alentours. Hébra est trop rude pour eux : ils ne risqueraient pas leur vie pour un Piaf condamné. Croyez-moi, vous pouvez vous reposer. Nous sommes en sécurité à Hébra, et surtout en ces lieux perdus.
— Si vous le dites… Alors je vous fais confiance. »
Le blessé lui répondit par un faible sourire, puis ils préparèrent leurs couches pour la nuit. Étant donné que les Piafs ne dormaient pas avec des couvertures, Fikk entreprit de retirer ces dernières pour les donner au jeune homme. Celui-ci les installa par terre, sur les tapis en fourrure, et prépara soigneusement son lit de fortune près de la cheminée. Sa peau fragile supportait particulièrement mal les températures négatives de la zone, même s’il était vêtu d’une tunique duveteuse conçue par le peuple des volatiles. Link songea que son compagnon n’avait même pas prêté attention à ce détail. Peut-être qu’il se disait que cela n’avait pas d’importance, qu’il s’était déjà rendu au village Piaf par le passé et qu’il n’était pas nécessaire de le souligner. Après tout, de nombreux voyageurs demeuraient nomades pendant une bonne partie de leur existence, et arpentaient Hyrule jusqu’à la connaître comme le fond de leur poche ; ils revenaient donc souvent dans les mêmes villes et villages.
Le jeune homme plaça son épée, son carquois et ses flèches près de lui dans le cas où des agresseurs viendraient les surprendre dans la nuit. Il se glissa ensuite sous les édredons, et expira profondément pour tenter de se détendre. Il comprit que sa journée avait été une source considérable d’angoisse.
« Que la nuit vous soit agréable, messire Link. »
Le concerné se tourna vers le blessé : il avait la tête reposée sur l’oreiller, et affichait un visage reconnaissant.
« À vous aussi, Fikk. »