Tadam ! Voici mon projet de roman. Je me suis arrêtée sur
La bête indésirable, j'avais envie d'aller plus loin avec elle. Mon projet est déjà apparu plusieurs fois sur mon topic, et il est visible dans mon sommaire sous les noms
Couple étrange hors du réel,
La bête indésirable et
La bête indésirable (2), mais ils en seront retirés pour que ne demeure que ce post-ci. Là, vous avez la vraie version que je compte envoyer à une maison d'édition... (un jour j'espère...)
Je vous poste le Prologue et le Chapitre I pour
glaner des avis ! C'est super important pour mon projet, pour savoir si c'est bon à jeter à la poubelle ou non.
- Pour l'histoire, c'est un jeune couple un peu étrange qui vit reclus dans les montagnes, comme seul au monde. Tous les matins, à l'aube, un troupeau de moutons en piteux état vient paître dans les environs. Le jeune homme dit y apercevoir une bête qui ne ressemble à rien qu'ils ne connaissent, et affirme qu'elle n'a ni pattes, ni oreilles, ni yeux, ni forme. Selon lui, elle semble représenter une menace. La jeune femme, elle, ne voit rien à part le bétail et progressivement, une discorde va s'installer entre les amoureux. Donc toute la question du roman est : qu'est-ce que la bête indésirable ?
Le côté insouciant et un peu cucul la praline du couple est voulu.
LA BÊTE INDÉSIRABLEPROLOGUELe prologue est l'extrait
Couple étrange hors du réel. Il a subi quelques modifications depuis.
Violente et impétueuse, l’averse fouettait leurs corps exaltés. Elle semblait leur sommer de déguerpir de ces lieux. Mais ils se moquaient éperdument de ses sermons et, comme pour la provoquer davantage, ils couraient comme des animaux qui venaient de recouvrer leur liberté. Têtus comme ils étaient, même les pires intempéries ne sauraient faire cesser leurs infantilités.
C’était une zone isolée qu’ils parcouraient avec tant d’enthousiasme, un petit coin de campagne au cœur de la ville, un grand carré de verdure ponctué de jeunes arbres inconnus et de cyprès. En son centre se dressait un somptueux cèdre bleu qui faisait rougir les esprits fébriles ; il savait protéger du soleil, de la chaleur écrasante, de la pluie et du vent. C’était un grand protecteur qui, de nos jours, n’exerçait plus sa suprématie que sur ce terrain monotone.
Leur course effrénée prit fin non loin de son pied. Éssoufflés, ils tombèrent de concert dans l’herbe détrempée et s’y couchèrent sur le dos, leurs cœurs battant à tout rompre. La pluie tombait sur leurs visages suintants ; leur sueur se mêlait aux gouttes fraîches. Une fois leurs esprits retrouvés, ils s’adressèrent un regard et il l’invita à le rejoindre près de lui. Ses vêtements sentaient la résine. Ils restèrent ainsi, à sentir la pluie se déverser sur leurs corps fatigués et à écouter les rafales, la colère du temps.
« J’adore l’impétuosité de l’averse. J’adore le grondement de l’orage. » dit-elle.
Il passa sa main sur son visage pour se débarrasser de l’eau et de la sueur, puis fit de même avec celui de son amie. L’averse s’était quelque peu calmée, même s’il semblait encore trop tôt pour affirmer qu'elle s'était affinée.
« J’aime le grondement de l’orage, sa complémentarité avec l’averse. Tous deux semblent exprimer leur souffrance et leur colère. Ils sont tellement sincères dans leurs ressentis.
— Ils souffrent, c’est ce que tu te dis ?
— Oui.
— N’importe quoi. »
Ils se regardèrent. Son visage avait été investi par la pluie, si bien que les gouttes formaient une acné transparente et envahissante. Des petits boutons singuliers qu’elle s’amusait à percer avec son index. Il lui embrassa la paume de la main. Une palombe pénétra dans leur refuge, nullement admonestée par la pluie. Elle progressa avec une certaine assurance sur le tapis de verdure sans même se soucier de leur présence. Sûrement étaient-ils invisibles dans leur quiétude.
« J’en ai assez de mes vêtements trempés, reprit-elle. Regarde cet oiseau, son plumage est étanche et il ne craint pas la pluie.
— Que comptes-tu faire ? Te laisser pousser les plumes ?
— Non. Je me disais que notre peau aussi est étanche et qu’il suffirait qu’on retire nos vêtements pour ne plus craindre les intempéries. Comme cet oiseau. »
Il ne répondit pas. Elle ignorait ce qu’il pensait à ce même moment, mais cela lui était bien égal. Elle insista pour que les bras cessent d’emprisonner ses mouvements, puis s’écarta pour se redresser. Elle alla se rendre sous le cèdre qui la protégeait de l’averse avant de se déshabiller.
Tout d’abord, elle se libéra de son haut. Elle entreprit de retirer son maillot de corps, et son soutien-gorge. Tout lui sembla bien plus léger : le poids des vêtements détrempés n'était plus. Elle eut froid aux seins parce qu’ils n’étaient pas habitués à être ainsi exposés à l’air libre. Ensuite, elle retira ses chaussures de cuir et ses chaussettes. Elle poursuivit avec son pantalon en coton, mais décida de garder son sous-vêtement. Elle demeura ainsi sous le grand arbre qui épargnait son corps nu de la pluie et des rafales. Au loin, elle vit son ami se redresser et se mettre à rire.
« Que fais-tu ? Tu comptes imiter les palombes ? Envole-toi maintenant ! Je veux voir ça !
— Arrête de te moquer de moi. Déshabille-toi aussi, tu verras comme c’est confortable.
— Laisse-moi te rejoindre, alors. Essore tes vêtements et étends-les sur une branche, qu’on puisse se rhabiller ensuite. »
Elle s’effectua. Il s'empressa de la retrouver, se dévêtit à son tour et garda son caleçon. Ses vêtements aussi furent essorés, puis étendus. Il l’embrassa tendrement sur le front, tandis qu’elle observait leurs hauts et leurs bas ballotants. Ils étaient tant trempés que les gouttes qui s’en échappaient ressemblaient à des larmes lentes portefaix d’un grand chagrin.
« Tout de suite, on se sent plus libre, dit-il. Que dirais-tu si on faisait le tour du parc ? Tu me poursuivrais et devrais essayer de me rattraper.
— Je veux bien que l’on fasse le tour, mais la pluie est plus forte maintenant.
— Le mal est déjà fait. Nous allons attraper froid. Nous allons mourir d’une maladie stupide.
— Si le mal est déjà fait alors je te laisse fuir. Je te donne de l’avance. Je te poursuivrai ensuite. »
Il s’élança, sans attendre un quelconque signal, hors de la chrysalide protectrice du grand cèdre et se mit à suivre un chemin prédéfini dans son esprit. Il passa sous les jeunes pins maritimes et lorsqu’il s’apprêta à atteindre le chêne, elle se mit à sa poursuite. Elle le coursa ainsi, pendant une bonne dizaine de minutes, sans parvenir à le rattraper car elle craignait de tomber. L’herbe était glissante du fait de la pluie. De plus, un peu de boue avait commencé à trouver refuge sous leurs pieds.
Quand ils furent épuisés de cette poursuite véhémente, il lui fit signe de le rejoindre sous leur grand refuge. Leurs affaires ballottaient toujours comme des peaux de serpent abandonnées. Ils restèrent en sous-vêtements, l’un contre l’autre et il se saisit du morceau de tissu le moins trempé pour la sécher. Par moment, il lui embrassait les épaules mais elle n’y répondait pas. Elle se sentait lourde, quelque peu fatiguée comme si toute cette frénésie avait absorbé son existence.
« Regarde-toi ! Maintenant que je t’ai séché les cheveux, tu ressembles à une petite sauvage. »
Voyant qu'elle ne réagissait pas, il glissa ses doigts dans ses cheveux pour les démêler. La petite sauvage ne devait pas tant lui plaire que cela. Ce fut une tâche ardue ; il peinait à défaire les nœuds qui s’étaient solidement formés dans la tignasse brune. Ses mains descendaient jusqu’à sa nuque comme les gouttes de pluie froides qui la paralysait.
Attendant patiemment que son ami ait fini son ouvrage, elle remuait la terre meuble avec son pied droit. Une primevère se trouvait non loin de ce dernier ; elle aussi appréciait la protection du gigantesque cèdre. Il faisait bon vivre dessous. L’exposition au soleil était modérée, il y régnait une douce fraîcheur et une terre humide propice au développement de la végétation. Les minuscules fleurs jaunes formaient un ensemble de petites clochettes qui s’ouvraient comme des gramophones. Elle les effleura tendrement comme une main hésitante caressant un chien inconnu.
L’averse avait cessé mais les nuages noirs demeuraient. Animés par une certaine détermination, ils semblaient vouloir dissimuler quelconque vérité en couvrant le ciel, entravant par la même occasion le chemin des rayons solaires jusqu’aux corps imbibés et apathiques.
« Rhabillons-nous et rentrons, dit-elle. J’ai froid et j’en ai assez de jouer les palombes au plumage étanche.
— Ce serait embêtant que des gens nous voient ainsi.
— Ils ne savent pas ce que c’est de s’amuser. »
Ils se revêtirent. La sensation des vêtements froids et mouillés sur leurs peaux leur fit l’effet d’une décharge glacée. Elle aurait préféré rester nue. Son corps s’était habitué à la température extérieure et la fraîcheur de la pluie.
CHAPITRE IPlein de trous et de petites crevasses, l’étroit chemin fait de pierres jaunies donnait bien du mal aux chevilles les plus fragiles. Il était entouré de vastes prés fleuris qui ne trouvaient leur fin que dans les pinèdes qui les succédaient, et semblait être la seule manifestation humaine qui n’eût jamais existé au beau milieu des grandes montagnes. Le couple progressait aisément sur le passage sinueux : il avait l’habitude de l’emprunter, alors il ne tarda pas à atterrir dans une plaine envahie par les herbes hautes. La maison aux murs délavés se détachait dans le lointain.
La terre fraîchement mouillée exhalait une odeur d’humus et de lichen — comme dans la forêt à une poignée de kilomètres de là — que la jeune femme affectionnait particulièrement.
« Ça sent bon, dit-elle.
— Quoi donc ?
— Ce qui nous entoure. Tu es tellement habitué à ces parfums que tu ne les sens plus ?
— Je ne sens rien à part les dernières traces de la pluie. »
Ils avançèrent tant bien que mal en levant leurs jambes, faisant attention à ne pas faire accidentellement un pas dans un trou ou un terrier ; ils veillèrent aussi à ne pas exciter les abeilles qui butinaient ça et là.
« J’aimerais qu’on aille au lac ensemble la prochaine fois. » poursuivit la jeune femme pour animer la marche.
Son compagnon ne l’avait pas entendue, et même si cela avait été le cas, il ne semblait pas disposé à converser. Sûrement était-il fatigué par l’après-midi agitée qu’ils venaient de passer. Elle s’accommoda de ce calme imposé, et comprit que parler n’était pas nécessaire pour que le retour soit agréable. Ils firent ainsi le reste du chemin avant de se retrouver face à la demeure où ils nichaient.
Perdue dans les hauteurs, elle ne souffrait d’aucun vis-à-vis, ni de nuisances sonores, olfactives ou visuelles : tout n’était que paix et silence. Aux alentours, la verdure avait été rasée afin de pouvoir se promener pieds nus. Il arrivait parfois que du bétail s’aventure dans les environs, et vienne paître ; cet entretien non sollicité évitait bien des efforts au couple.
Lorsqu’épuisés, ils pénétrèrent dans le salon, ils s’effondrèrent dans les fauteuils. Le crépuscule et ses teintes rosées s’étaient déjà installés. Dans le cadre de la fenêtre, le ciel aux allures oniriques apparaissait comme un tableau soigneusement exposé dans la pièce. Les jeunes gens ne dirent mot et demeurèrent ainsi, affalés, les jambes dépliées, jusqu’à que l’un d’eux commence à somnoler.
« Tu ne veux pas une infusion avant de t’endormir ? D’habitude, tu ne piques pas du nez avant de l’avoir bue.
— Ah oui, je veux bien. »
Il sauta du siège pour empoigner la bouilloire. Il la remplit à ras-bord, se disant que l’eau servirait pour le lendemain matin, puis l’actionna. Un léger sifflement s’échappa de l’appareil.
L’eau bouillonna avec ardeur et un cliquetis résonna, signifiant qu’elle était prête. Le jeune homme approvisionna une tasse aux motifs félins, y glissa un sachet de thé et donna le tout à la jeune femme.
« Merci. »
Elle observa les arômes se répandre ; cela ressemblait à de la peinture mal mélangée. Un souvenir fugace de sa mère qui peignait de modestes tableaux lui revint. Comme pour chasser cette mémoire envahissante, elle souffla sur la boisson pour en éloigner la vapeur.
« Si la pluie ne s’était pas arrêtée, j’aurais aimé qu’on reste là-bas toute la journée, confia-t-elle. J’aurais aimé qu’on coure jusqu’à la tombée de la nuit.
— Nous n’avons pas le droit d’être nus à la vue de tous. Nous aurions pu avoir des problèmes.
— N'importe quoi ! C’était comme si nous étions en maillot de bain. »
Il n'insista pas et se rendit dans la cuisine, visiblement lassé de la discussion. Sûrement comptait-il préparer le dîner avant que l’un des deux ne s’endorme le ventre vide. La jeune femme but son infusion ; elle appréciait sa saveur acidulée et printanière. Dans quelques mois, lorsque l’automne arrivera, elle optera pour des parfums comme la cannelle ou l’écorce d’orange.
Dehors, la verdure alpine était tourmentée par les légères bourrasques. Les renouées, les pissenlits et les centaurées frémissaient sous les à-coups venteux. La pièce était traversée par le vent des hauteurs, un vent tiède qui faisait voyager les effluves reculés. Les partenaires ne frissonnaient pas sous les courants d’air ; ils les accueillaient avec bienveillance. Le seul bruit qui comblait le silence était le jeune homme qui, à quelques mètres de son amie, manipulait les casseroles et les couverts en inox.
« Tu veux que je mette un peu de musique ? demanda-t-il.
— Non, je trouve qu’on est bien comme ça.
— J’aimerais un peu de musique tout de même.
— Quel intérêt de me demander mon avis dans ce cas ?
— Pour savoir si tu voulais en profiter, toi aussi.
— Tu connais ma réponse. »
Finalement, le quémandeur s'accommoda du concert des ustensiles, des couvercles et du gaz sur le réchaud. Il déposa une poêle sur le feu, et y lâcha deux pièces d’agneau enduites d’huile d’olive et d’herbes qu’il laissa dorer avant d’éplucher des carottes fraîches. Sa compagne se réjouit des odeurs alléchantes qui excitaient son appétit.
« J’adore manger ce que tu prépares ! (
elle s’étendit telle une chatte dans le fauteuil.) Tu cuisines beaucoup mieux que moi.
— Peut-être parce que tu n’aimes pas cuisiner.
— Bien sûr que si. J’aime cuisiner les légumes du jardin. »
Son interlocuteur haussa les épaules. Il entama la découpe en rondelles puis, ceci fait, inclut sa préparation dans la poêle avec la viande qui prenait ses couleurs. Le futur dîner chanta gaiement durant une bonne vingtaine de minutes et fut ensuite mis dans des assiettes. La jeune femme déposa sa tasse à même le sol lorsque son ami vint lui donner sa part ; elle le remercia d’un léger baiser sur les lèvres.
Installé confortablement dans le salon, le couple mangea avec envie l’agneau aux carottes fumantes jusqu’à satiété. La vaisselle fut laissée par terre, et le jeune homme invita sa bien-aimée à prendre place sur ses genoux. Il glissa ses bras autour de sa taille puis reposa sa tête entre ses omoplates.
« Tu songes parfois à quitter cet endroit ? hasarda-t-elle.
— Je m’y suis habitué. Je m’y sens seul, mais je m’y suis habitué.
— Tu n’es pas seul. Nous sommes deux.
— La première chose et la dernière chose que je vois de mes journées, c’est ton visage. Ça ne m’ennuie pas, mais je me sens seul dans cet endroit. Il n’y a personne d’autre que nous.
— Nous aurions dû croiser des passants tout à l'heure : ils auraient appelé la police et tu te serais senti moins seul. »
Elle sentit son compagnon sourire sur la peau de son dos : ses lèvres douces s’étaient légèrement arquées. À l’extérieur, les renouées, les pissenlits et les centaurées frémissaient toujours mais les deux amoureux, eux, se figèrent comme des statues de cire. D’un air mélancolique, la jeune femme observa la nature qui s’exprimait à travers la fenêtre ; la terre était bossue et de grandes montagnes verdoyantes s’élevaient de part et d’autre de la lande. Ces dernières, somptueuses et étrangement accueillantes, résultaient de la fureur divine qui avait sévi sur le territoire bien des siècles plus tôt. La fille aimerait, un jour, se défouler de tout son soûl sur les versants avant de se baigner dans l’eau fraîche des lacs en altitude. Elle n’attendait que l’approbation de son ami pour le faire.
Il l’embrassa tendrement sur la nuque. Le contact des lèvres chaudes eut l’effet d’un narcotique, si bien qu’elle commença à somnoler. Tous les deux portaient toujours l’odeur de la terre détrempée, de l’écorce mouillée et du cèdre — les parfums s’emmêlaient et s’enlaçaient. Il n’y avait qu’au cœur de la nature que leurs peaux pouvaient s’imprégner de ces émanations. Puis, l’esprit imbibé de ces pensées suaves, le sommeil finit par la gagner. Sa respiration se fit plus lente, s’accordant ainsi avec celle de son partenaire.