Yorick avait eu du mal à s'endormir. Le jour précédent avait largement donné de quoi réfléchir. Chompir était parti trouver un mystérieux marchand qui était somme toute louche sur les bords. Krystal avait fuit emmenant avec elle le wok qui devait marquer le début de notre projet. Si ses compagnons l'avaient mal vécu, Yorick en souffrait. C'était une trahison. Ce devait être avec elle qu'il devait rouvrir un restaurant. C'était une personne compliquée... mais secrètement le jeune Hylien croyait naïvement à un repentir de sa collègue. D'autant que sa présence se voulait presque obligatoire. Elle connaissait déjà toutes les ficelles du métier. Peut-être un petit trop. Mais qu'importe. C'était sur ce dilemme insurmontable qui berçait les premiers rêves. Devait-il partir à la recherche de Krystal et de leur bien le plus précieux au risque de perdre Chompir dans l'histoire ? Devait-il abandonner Krystal pour attendre comme convenu Chompir au relais des Monts Géminés ? Ils auraient pu se séparer, mais le groupe initial était bien assez divisé comme ça pour le couper en deux encore une fois. C'est donc dans un sommeil agité de songes où Yorick devait choisir entre différents ingrédients pour faire une recette. Tous les ingrédients semblaient nécessaires, mais ils ne devaient en choisir que quelques uns. Il avait déjà rassemblé une motte de beurre, un œuf de volatile et un cristal de sel, mais que devait-il y rajouter ? Des champignons pour réaliser une omelette aux champis ou plutôt des plantes pour la célèbre omelette aux herbes. Dans son rêve, devant tant d'indécision, il jeta dans la préparation de base une corne de bokoblin et un extrait de monstre. Tout ce qu'il réussit à retirer fut un énième plat douteux. Alors que Krystal lui répétait "Mange ! Mange ! Mange ! Mange !" avec un sourire carnassier, une douleur aiguë vint le frapper avant qu'il ait le temps de porter la moindre fourchette à sa bouche. Oubliant le repas, le jeune Hylien chercha autour de lui la source de tant de violence. La cause la plus évidente était pourtant toujours en face de lui en train de ricaner son "Mange ! Mange !". Pourtant, sans que son ancien acolyte ait fait le moindre mouvement, une nouvelle vague de douleur lui vrilla le tibia. Ne pouvant accepter une telle douleur d'origine inconnue, Yorick émergea de son cauchemar en haletant. Un coup d'oeil autour de lui lui apprit d'où provenait les coups qu'il recevait. Linkondo qui dormait à côté de lui dans le campement improvisé avait glissé de sa couverture posée à même le sol et gesticulait dans tous les sens comme s'il se battait contre un monstre inconnu. Dans ses mouvements incontrôlés, le Bokoblin avait donné quelques coups d'une rare violence à son voisin qui l'avaient sorti du royaume des songes. Soudainement complètement réveillé, Yorick saisit les bras du monstre et les plaqua au sol. Pour bloquer les jambes qui se comportaient comme des folles, il dut s'asseoir sur lui et s'appuyer de tout son corps pour arrêter les mouvements. Heureusement Krystal n'était pas là pour voir ça. D'une voix qui se voulait autoritaire mais pas trop forte pour ne pas réveiller Jielash qui, dormant un peu à part, n'avait pas été réveillée par les coups du Bokoblin, Yorick lui dit :
ꟷ Yorick : Linkondo. Arrête, ce n'est qu'un rêve ! Calme-toi ! Mais bon sang, tu vas te ...
Le bras gauche de Linkondo glissa hors de la poigne de Yorick et repris sa course folle. Malheureusement, ce dernier étant penché au-dessus du corps parcouru de spasmes du Bokoblin ne put éviter le coup de poing involontaire qu'il reçut en plein visage. Sous le choc, le jeune hylien relâcha son étreinte et se laissa tomber sur le côté. Sous la violence du choc, la pommette droite était déjà en train de se tuméfier. A coup sûr, il aurait un magnifique bleu le lendemain et il ne pourrait même pas lui en vouloir. Il jeta un dernier regard à Linkondo. Étrangement, il semblait s'être calmé. Yorick osa s'approcha prudemment de lui. Sous le clair de lune, il aperçut ses lèvres bouger. Ce n'était qu'un bruissement, mais on pouvait quand même entendre :
ꟷ Linkondo : Je l'ai battu. J'y crois pas, je l'ai battu.
ꟷ Yorick : Tu en seras ptet moins fier demain.
Linkondo était à nouveau calmé et ne disait plus rien. Yorick, quant à lui, resta assis et hébété. Après cette mésaventure, il n'avait plus du tout envie d'essayer de trouver le sommeil. Le temps qu'il s'endorme, il serait presque l'heure de se réveiller. En conséquence, il aurait passé des heures à se tourmenter et à perdre son temps. Alors il se leva et s'épousseta les genoux pleins de terre. Leur course poursuite après Krystal puis après Revali les avaient menés à dépasser le relais et même les Monts Géminés. Dans leur précipitation, ils avaient même dépassés un camp de Bokoblins, mais ces derniers, apercevant ce qui semblait être un congénère blanc courant après deux Hyliens et des chevaux, avaient trouvé le spectacle si ordinaire qu'ils ne daignèrent même pas proposer un coup de main. C'est ainsi que les trois compagnons rattrapèrent leur monture et trouvèrent non loin de là un petit camp sur la rive sud près d'une marre. C'était pas grand chose, mais cela suffirait pour le bivouac.
En faisant attention à ne réveiller personne sur son passage, il s'éloigna du feu de camp pour explorer les environs. Ils s'étaient installés pour la nuit sans même savoir ce qu'ils pourraient trouver dans le coin. En se déplaçant entre les arbres, il ramassa quelques champi d'Hyrule. Cela permettrait de compléter quelques plats à l'avenir. Oui, c'est ça. Il allait remplir leurs besaces et se rendre utile. Après tout, c'était toujours les autres qui s'occupaient de la nourriture. Même qu'il avait eu droits à quelques remarques. Pas méchantes, mais elles étaient vraies. C'était lui qui avait lancé le projet de créer un restaurant et il avait délégué les repas à ces camarades. Une seule fois il avait réalisé un plat. Il devait à l'avenir se rattraper. Il continua alors son chemin en s'éloignant de la rivière et du camp de Bokoblins qui restaient une menace. Il trouvera la petite marre. Après avoir déposé sur le bord sa collecte précédente près du camp, il se saisit des gourdes de chacun et s’attelât à les remplir d'eau propre et fraiche. Une fois toutes pleines, il profita de ce petit moment de solitude pour faire un brin de toilettes. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas eu le temps de se laver si bien qu'il commençait à sentir aussi mauvais qu'un Bokoblin non domestiqué. D'un mouvement habituel il retira sa vieille chemise élimée en l'attrapant par l'arrière. Il se rendit compte alors à quel point elle était sale. Autrefois d'un blanc crème acceptable, elle tenait plus maintenant du marron clair qu'autre chose et l'odeur des noix korogus qu'ils avaient récoltés semblait s'être imprégnée dans le tissus. Il n'y avait aucun doute sur l'état dans lequel devait se trouver le pantalon. Tant pis, la chemise à la main, il s'immergea dans la marre jusqu'à ce que l'eau lui arrive jusqu'au cou. L'eau était glaciale, mais il misait sur les bienfaits de cette baignade pour le motiver à rester dans l'eau. Pour se réchauffer, il fit quelques mouvements de brasse pour aller jusqu'au centre de cette marre. Elle n'était ni grande, ni profonde, si bien qu'il en fit vite le tour. Pour rester en mouvement, il tenta d'attraper les perches d'Hyrule qui y nageaient. Si les premières tentatives se révélèrent infructueuses, au bout de la quatrième fois, il arriva quand même à attraper son premier spécimen. Deux autres suivirent. Il les plaça à chaque fois sur la berge pour qu'elles s'épuisent en gigotant sur un lit de branche, assez loin pour qu'elles ne retournent pas à l'eau. Au cours de ces aller-retours, il avait cogné son pied contre un morceau qui lui avait semblé suspect. La nuit était loin d'être terminée, il pouvait toujours se permettre de céder à sa curiosité. Délaissant sa chemise à côté des poissons, il plongea au centre de la marre pour aller récupérer l'objet insolite. Il ne craignait plus le froid, mais sa tête n'était pas encore mouillée et le contact entre l'eau froide et sa nuque le fit frissonner. Complètement sous l'eau, il se rendit compte qu'il n'avait pas remarqué que ses cheveux avaient tant poussé. Plaqués par une couche de sueur, il devait avoir l'air sale. Mais il ne fut pas distrait par ses pensées. Il attrapa à deux mains le morceau de bois. Il était plus gros que ce qu'il pensait. Il s'agissait en réalité d'un coffre. Étonnamment léger, il semblait contenir une pierre qui touchait le fond de la boîte. Il la remonta le tout à la surface. Ce n'est qu'une fois arrivé au bord de l'eau qu'il se dit qu'il aurait pu l'ouvrir directement dans l'eau et ne récupérer que la pierre. Mais il aurait eu du mal de toute façon à la saisir si cette dernière avait été lisse. Peu importe, maintenant c'était fait. A l'aide d'une pierre qui se trouvait non loin de là, il fit sauter le cadenas depuis longtemps rouillé, puis ouvrit le coffre. Il en tira une pierre transparente aux multiples reflets. Il s'agissait sûrement d'une Opale brute. Une fois travaillée, elle pourrait devenir des bijoux, mais ils se contenteront de la vendre en l'état. Ils en tireraient un prix moindre, mais ils n'avaient pas le temps d'en tirer un meilleur profit. Cela pourrait lui permettre de racheter quelques flèches et des ingrédients pour faire à manger. Comme ça au moins, il n'aurait pas perdu cette nuit à ne pas dormir.