J'aime bien ta réflexion sur les ethnies non-concernées. Jusqu'où remonter en fait ? Il y a sûrement du y avoir des Japonais/Chinois aux États-Unis qui ont eu des esclaves noirs, tout comme on peut aussi englober les "Arabes" dans les ethnies qui ont participé à l'esclavage (et même certains peuples d'Afrique en fait). Est-ce que c'est un peuple en particulier qui est "responsable" ou des individus ?
J'vais faire un parallèle un peu maladroit avec la Shoah, mais un truc qui m'a toujours dérangé, c'est le fameux "devoir de mémoire" qu'on impose aux descendants européens, 3 à 4 générations plus tard. Évidemment qu'il ne faut pas oublier, et garder une forme de respect pour les descendants de ceux qui ont souffert de ces abominations humaines (esclavages/génocides), mais faire la distinction entre les coupables originels et leurs descendants est aussi primordial (tout en montrant à ceux-ci tout ce qu'ils ont gagné de par ces sévices, ce qu'on ne fait peut-être pas assez).
Ce n'est pas tant ça la question, évidemment qu'on peut s'amuser à regarder qui a pratiqué l'esclavage et qui n'en a pas pratiqué. La question du mot "nigger" utilisé par quelqu'un exclu des ethnies noires et blanches ne soulève pas de savoir si les ancêtres de l'individu en question ont effectivement été opprimé, mais plutôt s'il est influencé par le « système » qui contextualise le mot "nigger" autour de lui.
Par exemple, je suis pour ma part issu d'un mélange ethnique, à majeure partie slave, et je compte comme « blanc » au niveau ethnique (du moins aux États-Unis) ; en tant que tel, je suis avantagé par les sociétés à dominance blanche. Par exemple, encore aux États-Unis, je ne serai pas discriminé par les employeurs racistes, ni perçu comme un criminel par un policier lambda ; alors qu'on entend des tonnes de témoignages de gens de couleur qui sont sujets à un racisme aberrant justement de la part d'employeurs, policiers, figures d'autorité, et j'en passe (encore une fois, et j'insiste, je parle pour les États-Unis en particulier - même si la France est clairement pas un exemple à ces niveaux, qu'on s'entende). Et en ce sens, on peut parler de « privilège », qui me serait octroyé à tort par ma simple couleur de peau. Et ça n'a
rien à voir avec mes antécédents biologiques, le fait qu'ils ont souffert de la pauvreté sous l'URSS, que nombre d'entre eux étaient peut-être même des serfs, et gnagnagna.
Il faut donc regarder les influences de quelqu'un et pas sa descendance. Pour reprendre mon cas, quand j'étais plus jeune, il m'est arrivé d'utiliser le mot "nigger" pour « déconner ». Et je trouvais ça drôle, oui ; mais pourquoi ? Parce que j'étais influencé par d'autres gens qui l'utilisaient autour de moi, que je ne me rendais pas compte de son poids, et donc que je n'avais aucune conscience que j'étais en train d'être raciste. Là où je veux en venir, c'est que parfois (et c'est terrifiant), on peut se montrer raciste sans s'en rendre compte, voire tout simplement l'être (au moins un peu) sans le remarquer.
Pour en revenir à mon exemple de l'asiatique qui utiliserait le mot "nigger", le tout serait de savoir s'il le fait en étant influencé par une culture blanche, voire carrément juste en étant raciste lui-même (parce que j'ai déjà vu de beaux exemples de racistes asiatiques, et ce n'est pas parce qu'ils sont sujets à la discrimination eux aussi qu'ils ne peuvent pas en faire preuve envers les noirs - et inversement, etc.).
Si la blague "raciste"/"homophobe"/sur les handicapés/etc.. est dite sans aucune pensée raciste/homophobe/malveillante envers les handicapés/etc... elle peut être comprise correctement, on peut alors se moquer non pas de la "minorité" visée par la blague mais du contexte de la blague.
Par exemple, "Rabi Jacob" est drôle justement parce que l'on se moque de ce qui arrive au personnage antisémite (joué par louis de funès), alors que "Qu'est ce qu'on a fait au bon dieu" me mets mal à l'aise parce qu'on rigole avec les clichés des personnages racistes de ce film. On ne rit plus du raciste mais avec lui.
(Tout d'abord je précise que j'ai beaucoup apprécié la vidéo !)
L'exemple de Rabbi Jacob est, à mon sens, difficile. Oui, tout le but du film est de tourner en bourrique l'antisémite, c'est indéniable ; mais dans la réalisation ? On montre les personnages sous des formes très stéréotypées, et rien ne dit que ça ne pourrait pas énerver les communautés concernées.
Au final, je pense que c'est aux communautés visées de décider si quelque chose est offensant ou non. C'est encore le plus simple à faire, et ça évite des débats stériles sur ce genre de sujets quand on ne peut même pas être concerné.
D'ailleurs, ce film est intéressant, parce qu'il montre que les clichés sont pour beaucoup faux, mais que certains sont totalement vrai (la relation du Nord avec l'alcool), et il en rit, et ceux du nord en ont rit aussi. Mais était-ce parce que Boon vient du nord, donc ça passe ? (idem pour les inconnus, pouvaient-ils se grimer en noir parce que Légitimus était avec eux ?). Je ne pense pas uniquement, parce que les corses ont ri de bon cœur devant "L'enquête corse", qui pourtant n'a pas été fait par des corses.
Il faut avouer que certaines blagues des Inconnus deviennent d'un très sale mauvais goût si on retire Legitimus, tout de même (je pense à un sketch en particulier où il se noircit la peau ; un blanc fait ça, c'est du
blackface, c'est super limite. Or dans le sketch en question c'est amusant parce que justement, Legitimus a déjà cette couleur de peau, et la noircir ne rend la chose qu'absurde et doublement ridicule). Tout comme on pourrait s'amuser à dire que leur humour raciste envers les asiats est limite aussi, etc...
Encore une fois, aux communautés concernées d'en juger.
(J'ajouterais par contre qu'on ne peut pas vraiment comparer des blagues sur les gens du Nord ou les corses comme dans les exemples que tu as cités avec du vrai racisme... tout de même, il y a une différence entre rire un peu d'une culture (dont on est au fond proche, les Chtis et les corses restent français hein) et faire des blagues sur des stéréotypes racistes qui sont bassinés et répétés depuis trop longtemps.)
Que je sois clair : je ne suis pas du tout en train de dire que Rabbi Jacob et les Inconnus sont des sous-merdes racistes à condamner. Je tiens juste à spécifier que c'est difficile de définir l'humour raciste et pas raciste, a fortiori quand il est issu des propos d'acteurs aussi connus et respectés. Et ce n'est pas une tâche que j'ai envie de m'amuser à faire, très personnellement.
Quand je dis que l'humour raciste n'est pas drôle, je parle assez spécifiquement des gens qui sont racistes sans s'en rendre compte (et j'ai expliqué en haut de ce post ceux que ça concerne). Malheureusement, les seuls gens que j'entends faire de l'humour raciste, ce sont des gens issus de cette catégorie, voire carrément racistes sans s'en cacher... Comme l'a dit Ginger dans la vidéo qu'a partagée Coolben, c'est normal qu'au bout d'un moment ce genre d'humour fatigue, au même titre qu'elle est fatiguée de l'humour sur les femmes et les hommes efféminés (et je le suis autant qu'elle d'ailleurs).
Donc... ben, je vais encore une fois reprendre le propos de cette vidéo : oui, on peut techniquement rire de tout. Mais certainement pas avec tout le monde, et c'est à ça qu'il faut faire attention.
Et le but n'est pas de bannir le second degré, attention : juste de faire attention en l'utilisant, que son sens soit compréhensible. (Je pense par exemple à certaines en-têtes de Charlie Hebdo qui étaient vraiment limites de chez limites, comme par exemple « le Coran c'est de la merde, ça n'arrête pas les balles » ; non, Charlie Hebdo n'est pas une publication raciste, mais cette blague peut facilement faire rire assez grassement un bon gros raciste sans qu'il ne comprenne qu'elle n'est pas censée être faite pour ça.)