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Le topic des idées impopulaires
Rodrigo:
Ce qui est intéressant avec l'alcool, c'est qu'il est totalement légitimé dans la société et que seul un excès réellement démesuré (le coma éthylique) sera perçu comme réellement mauvais pour un jeune. Sinon, une étude belge avait montré qu'un étudiant sur 4 est saoul au moins une fois par semaine et que la majorité des étudiants voyaient l'alcool comme une composante essentielle de la vie étudiante.
En gros l'alcool est totalement imprégné dans notre société comme quelque chose d'évident et pas de si grave, alors que les étudiants développent des réflexes ... d'alcooliques en devenir, mais comme les conséquences physique ne se verront qu'à long terme, bah ce n'est pas grave. (et puis ça dépend du "type" d'alcoolisme ça me rappelle une image de Guiiil sur la perception de l'alcoolique selon ce qu'il buvait, boire un ou deux verres de vin par jour n'étant pas vu socialement comme une addiction) Bon, il y a sûrement des raisons historiques et sociologiques à cet enracinement de l'alcool dans notre société, mais avec un peu de perspective, le fait de se dire que c'est une drogue proscrite par une religion majeure n'est pas anodin.
Après, tout le débat se résume à "pour ou contre un état paternaliste ?" Si l'on croit en un véritable libéralisme (sociétal, pas économique), le libre arbitre de l'individu devrait primer et la société devrait le laisser user des drogues qu'il souhaite, tant qu'il n'occasionne aucun heurt au reste de la société, voire tant qu'il ne lui coûte rien. Et c'est là l'un des soucis de la cigarette, et sans doute de l'alcool, et des drogues potentiellement légalisables un jour : on ne tient pas compte du coût à long terme dans le prix du produit. Une enquête avait montré que le prix du paquet de cigarettes doublerait si on internalisait toutes les externalités négatives du tabac, eh bien je pense que ce serait super, et plus responsable. Et il faudrait faire de même pour l'alcool, autant pour dissuader sans doute les plus jeunes de s'y adonner trop vite que pour des questions de santé publique élémentaire.
Le problème, c'est que c'est politiquement très difficile à faire. Autant monter le paquet de cigarettes, c'est assez facilement justifiable, autant monter le prix de l'alcool tous les ans, les gens n'apprécient pas trop, pour des raisons principalement culturelles et par rejet de toute réflexion sur le sujet et la conception de ce qu'est l'alcool avant d'être une boisson.
Yuan:
Je partage ta pensée concernant la position de l'alcool dans notre société. Concernant le coma éthylique, c'est d'autant plus choquant que c'est littéralement une overdose, quand on ramène ça aux termes qu'on emploie pour les drogues. Pire même, le simple fait de vomir de l'alcool, c'est le corps qui rejette un abus de la substance - si techniquement c'est bien ça l'overdose, le coma éthylique est stratosphérique en comparaison.
La place historique et sociologique de l'alcool est aussi très importante, dans la mesure où j'estime que la religion chrétienne a joué un grand rôle à ce niveau. Beaucoup de traditions païennes occidentales accordaient une place importante au shamanisme et à ce qu'implique l'état de transe, et les champignons hallucinogènes jouaient un grand rôle là-dedans. De même, les cultures natives américaines vouaient une grande importance au tabac (que l'homme blanc a repris, mais c'est bien la seule chose), aux feuilles de coca, au cactus à mescaline, etc. Ne parlons pas de l'Orient qui accordait une grande importance culturelle à l'opium et au chanvre.
Si on accorde aujourd'hui une grande place gastronomique à l'alcool (avis que je partage), je continue tout de même de trouver hypocrite le fait d'y accorder plus de crédibilité qu'aux autres drogues, qu'elles soient aussi dures ou plus douces. Pour prendre l'exemple du cannabis, qui est toujours la drogue dont on parle le plus lorsqu'on mentionne la dépénalisation, il existe tellement de façon d'en consommer (dont des préparations très traditionnelles de haschich) qu'il est très prétentieux de prétendre que l'alcool serait plus noble. Et en réalité, ce schéma se retrouve pour à peu près toutes les autres substances, qui ont toutes su laisser leur empreinte culturelle (les couleurs de buvard de LSD ou les formes des pilules de MDMA pour prendre les exemples les plus urbains ; les préparations d'ayahuasca et d'infusions de peyotl ou de coca pour prendre les exemples les plus traditionnels et perdus aujourd'hui grâce à ces adorables colons), même si l'attrait n'est pas forcément gustatif.
D'ailleurs, à titre purement personnel, j'ai tendance à peu apprécier la sensation d'« être bourré » : il y a une sensation de désinhibition au point où l'on perd une totale conscience du savoir-vivre basique, et je trouve ça atroce qu'il soit admis socialement de se torcher au point de se vomir dessus, ramper au sol lamentablement, et de s'évanouir là-dedans. Sans parler des excès de violence qui peuvent avoir lieu sous alcool...
Je ne sais pas si je serai pour faire doubler le prix du tabac ; l'augmenter encore un peu, à la rigueur, pourquoi pas. En revanche, je te rejoins totalement sur le fait de faire monter les prix de l'alcool : c'est assez incroyable qu'une bouteille de tease soit aussi voire plus accessible qu'un repas complet quand on voit l'effet néfaste que l'alcool a sur les gens de milieux défavorisés (car l'alcoolisme s'y retrouve souvent ; les SDF en sont un excellent exemple).
Évidemment, culturellement, ça serait très complexe, mais ça serait peut-être aussi l'occasion de remettre les pendules à l'heure concernant la prévention contre l'alcool, et l'importance de considérer l'alcool comme une drogue, au même titre que celles qui sont illégales.
Et juste pour faire une petite parenthèse, je trouve ça très amusant de réfléchir concernant ce qu'on est amené à considérer comme drogue (même douce). Au fond, le café et le thé en seraient aussi, puisqu'on les consomme avant tout pour leur effet (puis les préparations se sont diversifiées, et c'est désormais gastronomique aussi).
Moon:
Je suis à la fois d'accord et pas d'accord avec ce que tu dis :
- D'accord dans le sens ou pour moi, l'alcool et le tabac font bien plus de ravages et à cause de l'excuse du patrimoine de la France (et moins avouable le marché financier). Surtout quand ils sont associés, ça fait pas mal de dégats (court ou long termes)
- Ok aussi pour dire que si on dépénalisait certaines drogues, ça limiterait le risque de marché noir et du risque de mauvaise qualité des produits (entre les drogues mélangés avec je ne sais quoi d'hyper cancerigène, les seringues usagées, ..)
Je suppose aussi que ça en déculpabiliseraient certains (mais je pense pas pour autant que l'oeil de la société changerait vis à vis d'eux, tout juste diront t'ils que la société en devient complice).
- Je pense qu'il y a d'autres substances psychotropes légales dont on parle très peu et qui sont dangereuses, notamment dans les médicaments, entre les hypnotiques surprescrits en France et dont on s'en sort jamais et quasi chaque personne agée y est dépendante, certains antalgiques qui contiennent de l'opium ou autres morphiniques.
Et même si je sors de ces substances médicamenteuses, il y a plein d'autres choses à usage ménager qui sont psychotropes et légaux (je me souviens que j'avais un pote à l'école qui était dépendant à la colle ...)
Il n'y a pas assez de prévention sur tout ça et je trouve ça dommage.
Après, à titre personnel, je serais contre la dépénalisation de ces drogues, y compris celles que tu appelle drogue douce (peut être exception sur le cannabis à usage thérapeutique) car tout comme l'alcool et le tabac, je pense que ça favoriserait l'entrée dans ces drogues et de sûr son utilisation chronique.
Je sais bien qu'on peut facilement trouver les marchés noirs surtout à l'école mais si la plupart testent ces drogues, je pense qu'ils sont trop pauvre pour s'acheter régulièrement ces produits (par essence, les prix peuvent s'affoler) alors que s'ils sont vendus en libre vente (qu'on me sorte pas la limite d'âge, c'est tellement facile de passer outre), ils seront à la fois plus abordable financièrement et obtenable de manière plus régulièrement.
Je suis d'accord pour dire que le cannabis en soit n'est pas plus dangereux que l'alcool, sauf qu'associé à ce dernier, c'est mortel. Et qu'on me parle pas de responsabilité personnel ou de messages de prévention, même si ça va marcher effectivement en temps normal, si quelqu'un a décidé de se bourrer la gueule, il le fera et encore une fois, faciliter l'accès à ce marché ne peut favoriser d'après moi que ce type de surconsommation "festive".
Et dans la partie liberté contre intérêt de la société, perso je suis un partisan du "ta liberté s'arrête là ou commence celle des autres".
Si tu veux mourir, ok, on ne peut empêcher quelqu'un de se suicider mais dans ce cas là, ne risque pas la vie des autres, n'encombre pas les urgences/les cabinets médicaux à cause de ta surconsommation, sans compter tous les frais liés aux soins médicaux derrière, ...
Bon en vrai, je suis moins extremiste (je fais exprès pour mieux expliciter mes propos) et je vois des alcooliques tous les jours des cancers liés au tabac ou autres, mais sur le fond, il y a de la vérité et je ne pense pas qu'on puisse enfoncer la société à cause de mauvais choix personnels (d'autant que pour la plupart des maladies liés au tabac que ce soit sur le plan cancerigène ou des arteriopathies, elles sont prises à 100% dont intégralement payé par la sécu et donc par nous et ça coute bonbon) .
Ah et juste un aparté, je te trouve bien injuste sur les aides apportés Yuan sur les personnes dépendantes, outre les associations, la plupart des hopitaux ont un service d'aide (et d'accès gratuit); pas mal de centres d'addictologie disposés ça et là et ça ne se limite bien sûr pas au subutex (qui reste un stupéfiant je suis d'accord).
Guiiil:
Pour ma part, la différence culturelle que je vois avec l'alcool (enfin surtout le vin et la bière) et le tabac, c'est qu'il a des assoc' qui se mettent autour d'un robinet, pour mettre une gorgée de vin dans la bouge, mastiquer un peu, et recracher. Et faire ça avec plusieurs bouteilles (y en a pour qui c'est même une vocation). D'ailleurs, ça marche aussi avec le café, justement à cause de la vocation culinaire.
C'est peut-être culturel, mais je ne pense pas qu'il existe d'association où les gens ouvrent un paquet de cigarette, en prennent chacune une, crapote un petit peu, et jettent la cig dans un cendrier, puis recommencent avec un paquet d'une autre origine et/ou d'une autre année en y allant de leur commentaire.
"Alors ça c'est de la coke qui vient d'un petit village des hauts sommets sud-américains, je garde le secret pour l'instant, faites vous un mini rail, et donnez moi votre avis ! N'oubliez pas d'éternuer juste après, sinon, vous ne pourrez pas tester le rail de José dans de bonnes conditions !" :astro:
Après, je te rejoints sur la dépénalisation, Yuan, on est pour moi dans une sorte de prohibition, et ça emmène exactement le même genre de problématique qu'à Chicago dans les années 30 (mafieux, règlement de compte...), et je ne pense pas que le manque d'argent empêche les gens de se détruire, au contraire même ! Puisqu'ils vendent et perdent tout ce qu'ils ont une fois que la spirale est lancée. Mais comme pour les bouteille de vin, faut pas se leurrer, y aura toujours de la contrebande !
Yuan:
Je tiens à revenir sur plusieurs points de ton post, @Moon :
--- Citation de: Moon le mardi 20 septembre 2016, 07:22:23 ---Après, à titre personnel, je serais contre la dépénalisation de ces drogues, y compris celles que tu appelle drogue douce (peut être exception sur le cannabis à usage thérapeutique) car tout comme l'alcool et le tabac, je pense que ça favoriserait l'entrée dans ces drogues et de sûr son utilisation chronique.
Je sais bien qu'on peut facilement trouver les marchés noirs surtout à l'école mais si la plupart testent ces drogues, je pense qu'ils sont trop pauvre pour s'acheter régulièrement ces produits (par essence, les prix peuvent s'affoler) alors que s'ils sont vendus en libre vente (qu'on me sorte pas la limite d'âge, c'est tellement facile de passer outre), ils seront à la fois plus abordable financièrement et obtenable de manière plus régulièrement.
Je suis d'accord pour dire que le cannabis en soit n'est pas plus dangereux que l'alcool, sauf qu'associé à ce dernier, c'est mortel. Et qu'on me parle pas de responsabilité personnel ou de messages de prévention, même si ça va marcher effectivement en temps normal, si quelqu'un a décidé de se bourrer la gueule, il le fera et encore une fois, faciliter l'accès à ce marché ne peut favoriser d'après moi que ce type de surconsommation "festive".
--- Fin de citation ---
Au contraire, les prix seront largement moins abordables une fois légalisés, car tous ces produits seront taxés ! Et qui plus est, un SDF qui désire s'acheter de l'héroïne (probablement la drogue la plus chère) le peut, car si on trouve le moyen d'investir une fois dans un petit tas et qu'on revend en montant très légèrement le prix au gramme, on se fait une marge. C'est là-dessus que le monde du trafic est bâti, et n'importe qui peut faire du profit (ou financer sa propre consommation) comme ça pour peu de le vouloir. Dans notre situation actuelle, il est justement plus simple de se procurer ce que l'on veut sans limite, alors que je ne suis pas convaincu que ça le sera si l'achat est régularisé.
Le cannabis est mortel associé à l'alcool, oui, mais l'alcool est déjà mortel tout seul... Personne n'est à l'abri de mourir étouffé dans son vomi après surconsommation d'alcool. Et bien entendu tous les accidents liés à la conduite ne sont pas à écarter de l'équation. Je pense qu'il n'y a pas de solution à ce niveau.
--- Citation de: Moon le mardi 20 septembre 2016, 07:22:23 ---Et dans la partie liberté contre intérêt de la société, perso je suis un partisan du "ta liberté s'arrête là ou commence celle des autres".
Si tu veux mourir, ok, on ne peut empêcher quelqu'un de se suicider mais dans ce cas là, ne risque pas la vie des autres, n'encombre pas les urgences/les cabinets médicaux à cause de ta surconsommation, sans compter tous les frais liés aux soins médicaux derrière, ...
Bon en vrai, je suis moins extremiste (je fais exprès pour mieux expliciter mes propos) et je vois des alcooliques tous les jours des cancers liés au tabac ou autres, mais sur le fond, il y a de la vérité et je ne pense pas qu'on puisse enfoncer la société à cause de mauvais choix personnels (d'autant que pour la plupart des maladies liés au tabac que ce soit sur le plan cancerigène ou des arteriopathies, elles sont prises à 100% dont intégralement payé par la sécu et donc par nous et ça coute bonbon) .
--- Fin de citation ---
Le fait de considérer la consommation de drogue comme une liberté est assez problématique en soi. On ne choisit pas d'abuser d'une substance, on ne le désire pas. De même que le suicide est davantage une conséquence de difficultés psychologiques non résolues qu'un choix. Je trouve même ça assez prétentieux de considérer ça comme tel (ça revient à ce que je disais dans mon premier post : quelqu'un qui « sombre dans la drogue » est un déchet aux yeux de la société).
Et encore une fois, j'invite à se pencher sur la question soulevée par le Portugal : est-ce que ça enfoncerait vraiment la société là-dedans ? Parce que pour le moment, le Portugal prouve le contraire.
Je reconnais avoir été assez catégorique concernant les aides apportées, mais ce n'est pas tant elles que je remets en question que le stigmate de la société concernant l'abus de drogues. Et faute est de reconnaître que même si l'accès à l'aide est gratuit, il est assez souvent accompagné d'un coucou à la police étant donné que la prise de stupéfiants reste illégale ; ça fait peur plus que ça n'incite.
Et @Guiiil :
--- Citation de: Guiiil le mardi 20 septembre 2016, 14:23:47 ---Pour ma part, la différence culturelle que je vois avec l'alcool (enfin surtout le vin et la bière) et le tabac, c'est qu'il a des assoc' qui se mettent autour d'un robinet, pour mettre une gorgée de vin dans la bouge, mastiquer un peu, et recracher. Et faire ça avec plusieurs bouteilles (y en a pour qui c'est même une vocation). D'ailleurs, ça marche aussi avec le café, justement à cause de la vocation culinaire.
C'est peut-être culturel, mais je ne pense pas qu'il existe d'association où les gens ouvrent un paquet de cigarette, en prennent chacune une, crapote un petit peu, et jettent la cig dans un cendrier, puis recommencent avec un paquet d'une autre origine et/ou d'une autre année en y allant de leur commentaire.
"Alors ça c'est de la coke qui vient d'un petit village des hauts sommets sud-américains, je garde le secret pour l'instant, faites vous un mini rail, et donnez moi votre avis ! N'oubliez pas d'éternuer juste après, sinon, vous ne pourrez pas tester le rail de José dans de bonnes conditions !" :astro:
--- Fin de citation ---
Justement, je me demande si tout cet aspect qui tourne autour de l'alcool ne serait pas tout simplement super bourgeois ? Sans parler du fait que la majorité des gens que j'ai connus étant intéressé par ça étaient à tendance alcoolique, donc je ne sais quoi en penser.
Je ne nie pas l'aspect culinaire de l'alcool, ni de son attachement à la culture de nombreux pays (il n'y a qu'à voir tout ce qu'on fait en Russie avec la vodka en plus de la boire). Mais je maintiens complètement ce que j'ai dit précédemment : d'autres substances étaient liées au patrimoine culturel d'autres cultures et une grande partie a été détruite par la colonisation (l'ayahuasca, boisson psychotrope à base de lianes, par exemple, n'a rien à envier à l'alcool en terme de complexité de préparation, et était au cœur de plusieurs civilisations mésoaméricaines et sud-américaines).
Je ne pense pas non plus qu'on parlera un jour de « goûter » certaines drogues chimiques, quand bien même elles varieraient (une cocaïne peut être plus pâteuse qu'une autre par exemple), mais je ne pense toujours pas que ce facteur isolé suffirait à les décrédibiliser en comparaison à l'alcool.
La majorité des fumeurs est capable de différencier des tabacs et d'en choisir qu'ils préfèrent. Et le tabac aromatisé a intéressé tout le monde de tout temps (coucou le narguilé sur lequel on casse un fruit). Donc je ne sais pas si la comparaison est si pertinente.
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