Auteur Sujet: Salon d'Ecriture Occasionnelle  (Lu 22057 fois)

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« Réponse #15 le: jeudi 11 janvier 2018, 21:44:31 »
Tu te lances des défis étranges mais le défi est réussi et c'est beau ce que tu as écris, Bravo !  :oui:
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« Réponse #16 le: samedi 03 mars 2018, 00:50:48 »
J'ai pas assez d'inspiration pour tenir une vraie heu... Galerie littéraire ? Du coup ce p'tit topic me convient bien, c'est une bonne idée ! C'est parti :miou:

  Je grimpai la pente avec difficulté, sans vraiment comprendre encore ce que je faisais ici. Mon souffle se saccadait, et j'étais forcée de m'arrêter presque tous les cinq mètres. Je n'étais pas vigoureuse du tout, mais cette côte était réellement ardue. Je profitais de chaque interruption -celles-ci durant environ une minute- pour admirer le paysage. Enfin, façon de parler. Il n'y avait guère de paysage ici, c'était une rue étroite, profonde, insondable, j'étais entourée de hautes maisons, pour la plupart assez anciennes. Quinze ans que je vivais ici, et c'était la première fois que je profitais de ce spectacle seule. Aucune autre structure n'était visible depuis cette rue, les habitations, hautes, cachaient tout le reste, c'était un peu coupé du monde. Je me souviens que je descendais en voiture cette rue tous les matins il y a cinq ans, pour aller à l'école.
Ah ! Je devais avoir l'air pathétique, ainsi épuisée, seule, transpirant dans le froid glacial du Cantal en janvier ! Mes mains avaient déjà commencé à devenir translucides, heureuse élue du Syndrome de Raynaud que j'étais. Je les mettais dans mes poches, ce qui créa une réaction de chaud-froid assez douloureuse. Ca faisait déjà dix minutes que je montais sans cesse à travers les rues, il était dix-sept heures. Je croisai un homme avec un bonnet, lui au moins avait compris qu'il faisait froid, je me sentais idiote, puis je vis une jeune fille dont le visage me rappelait vaguement quelque chose. Je ne la reconnus qu'après l'avoir dépassée, elle était dans ma classe il y a bien des années, c'était une fille timide, je me demandais ce qu'elle était devenue depuis.
La rue était assez oppressante, peu de gens osaient descendre, et j'avoue ne jamais avoir vu quiconque la monter. Je commençais cependant à en comprendre la raison, mes jambes me brûlaient terriblement. C'était pourtant un endroit magnifique, une vieille rue, au charme désuet, qui créait en moi un sentiment de mélancolie, voire de nostalgie. Je ne pensais pas qu'on pouvait ressentir de la nostalgie à mon âge, c'était un peu décalé et peu justifié, mais agréable.
Quand enfin je compris que j'étais arrivée dans ma rue à moi, mon visage s'illumina, j'en avais enfin fini avec cette montée. Je traînais un peu avant de rentrer, je devais être toute rouge et essoufflée. Ainsi, je ne rentrai que dix minutes après. La sensation de voyager seule m'avait emplie de bonheur, bien que je n'aie en réalité fait qu'un petit aller-retour dans ma propre ville, ce qui n'est pas exceptionnel, en relativisant...
Mon Artstation avec mes dessins : par ici

Hors ligne Chompir

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« Réponse #17 le: jeudi 08 mars 2018, 17:33:44 »
Petit texte intéressant qui doit raconter une fin de journée ou tu rentres à pied chez toi. :8): J'adore la façon de rendre ce moment aussi insignifiant si beau en pouvant écrire un petit texte dessus.  :^^: J'espère que tu nous proposeras d'autres petits textes par ici.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

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« Réponse #18 le: lundi 03 février 2020, 23:31:23 »
Bon bon voilà, un concours artistique me fait repasser dans le coin, et au lieu de mettre à jour ma galerie (mais fichtre, y a du taf...) je décide de venir poster un petit texte que j'ai écrit il y a quelques mois. Il y a pour moi un contexte, mais j'ai volontairement tenté d'écrire quelque chose qui peut se lire de manière isolée, et qui peut s'imaginer tout à faire en dehors de ce contexte (que je ne nommerai pas, du coup^^)
Bon, c'est pour un public averti, même s'il n'y a rien d'explicite, je préfère prévenir.

En bonus et à la suite de ce texte, je mettrai un lien vers un autre texte, nettement plus long, que vous pourrez aller lire si l'envie vous chante.

**************

Une nuit


     Elle attendait dans sa chambre, nerveuse. Elle portait une simple robe blanche en laine, confortable et rassurante, mais la douceur du tissu ne suffisait pas à diminuer son anxiété. Immanquablement, ses ongles rejoignaient ses dents, jusqu’à les quitter quand elle se serrait les mains. Avait-elle fait le bon choix ? Avait-elle eu raison de céder à ce désir qui couvait en elle depuis de longs mois, maintenant ? La sensation de chaleur qui envahissait son corps lui clamait que oui, et qu’elle n’avait que trop tardé, mais quelque part, son puissant sens des réalités lui lançait des reproches constants. Les conséquences allaient être ingérables, les retombées, si quelqu’un apprenait ce qui allait se passer ici ce soir, seraient probablement catastrophiques, pour elle et surtout pour son image.

     Il n’était pas trop tard pour reculer. Elle pouvait ne pas ouvrir la porte, feignant le sommeil. Elle pouvait avancer un malentendu, pour renvoyer son invité poliment, mais là aussi, elle craignait les conséquences, dans ce cas, beaucoup plus personnelles. Certes, pas de problème d’autorité, pas de bruits de couloir et autres ragots, mais ça aurait voulu dire la fin de cette relation piquante qui épiçait ses journées, l’abandon de cette occasion d’enfin remplir une partie du vide affectif qui la rongeait depuis tant de temps. Et plus prosaïquement, elle ne voyait pas comment elle pourrait gérer la frustration que le rejet de son désir immédiat engendrerait. Malgré la peur, malgré les doutes, tout son corps brûlait et palpitait d’envie longtemps inassouvie, et c’était alors qu’elle se laissait aller à cette sensation que l’on frappa doucement à la porte.

     Elle sursauta, et la panique refit surface, mais ce fut d’une voix douce qu’elle invita la personne derrière le battant à entrer. Elle sentait son cœur accélérer au fur et à mesure que la porte s’ouvrait doucement, et qu’il apparaissait. Il entra dans la chambre sans un mot, mais avec un sourire charmeur, qu’elle trouva un brin crispé, à moins qu’elle se fasse des idées. Il était toujours aussi beau. D’aussi loin qu’elle se souvenait, elle l’avait toujours trouvé agréable à regarder, mais elle n’avait jamais imaginé, jusqu’à peu, qu’il pourrait y avoir plus que de la contemplation entre eux. Cette pensée lui arracha un sourire, et elle leva les yeux vers son visage. Il venait de se retourner, après avoir refermé la porte en silence. Leurs regards se croisèrent alors qu’elle ouvrait la bouche, voulant parler mais ne sachant pas quoi dire. Elle n’eut pas à s’en soucier. Elle y vit un désir au moins égal au sien, mais aussi une étincelle de crainte, de retenue, qui la surprit chez cet homme habituellement si sûr de lui. Il y eut quelques secondes où le temps fut suspendu, puis il tendit la main et vint caresser sa joue, s’attardant sur la ligne de son menton. Irrésistiblement, leurs lèvres se rapprochèrent, et au moment où elles se rejoignirent, ce fut comme si les digues d’un barrage avaient cédé.

     Sans retenue, elle jeta ses bras autour du cou de l’homme qu’elle avait tant désiré, projetant son corps contre le sien. Ses doigts s’enfoncèrent dans ses cheveux, serrant plus intimement sa bouche contre la sienne. Ses mains à lui vinrent se plaquer contre son dos, l’étreignant avec force et passion. Leur baiser dura longtemps, temps pendant lequel leurs mains continuèrent leurs découvertes respectives. Elle explora les lignes de son dos, caressant chaque muscle de ses mains douces. Il parcourut ses courbes, dessinant les arrondis de ses hanches, de sa taille, de sa poitrine. De leurs gestes exploratoires, ils passèrent petit à petit sous les couches de tissu qui les couvraient encore, et le contact de leurs peaux fit monter leur excitation d’un cran.

     Leurs bouches se séparèrent, un instant, le temps pour leurs yeux de se rencontrer à nouveau. Ils ne montraient plus aucune crainte, plus aucun doute, seulement la flamme ardente d’un désir qui ne demandait qu’à être consumé. Sans la quitter des yeux, il la prit délicatement dans ses bras, la menant jusque sur le lit, non loin de là. Tout en le regardant, elle en profita pour déboutonner sa chemise, et défaire son pantalon. Une fois étendue sur les draps, elle entreprit de lui ôter ses vêtements alors qu’il remontait une main délicate depuis sa cheville jusqu’en haut de sa cuisse, soulevant sa robe par la même occasion. Puis, comme si le calme et la douceur avait trop durés, elle passa le bras derrière son cou et le plaqua contre elle, et l’embrassa langoureusement en lui mordillant les lèvres. La réponse ne se fit pas attendre, et il glissa ses mains le long de son corps, le dévoilant au fur et à mesure que la robe remontait. Leurs bouches se séparèrent le temps de laisser passer le vêtement, mais se retrouvèrent très vite. Totalement dévêtus, enlacés sur le lit, ils laissèrent libre cours à leurs envies si longtemps réfrénées et ce n’est que tard dans la nuit qu’ils s’assoupirent, l’un contre l’autre, épuisés mais heureux, flottants dans une bulle de félicité.

 

     Elle se réveilla en sursaut, et un coup d’œil par la fenêtre lui apprit que la nuit était bien avancée. La lune était basse dans le ciel, et inondait la chambre de sa lumière pâle. La jeune femme se mit assise contre la tête du lit, les bras autour des genoux. Son regard se posa sur l’homme à ses côtés, et elle sourit doucement. Elle savait que rien au monde ne lui ferait regretter cette nuit, même si le spectre des conséquences se faisait de plus en plus tangible. Là, maintenant, elle se disait qu’elle devait le réveiller, pour qu’il ait le temps de partir rejoindre ses appartements sans que personne ne puisse soupçonner qu’il avait passé la nuit avec elle, mais son sommeil serein l’en empêchait. Elle qui aurait parié qu’il aurait profité de son assoupissement pour partir sans bruit, elle était agréablement surprise de s’être trompée. D’un geste tendre, elle écarta une mèche de cheveux de son front, ce qui le fit frémir.

     Elle soupira. Les choses allaient être plus compliquées maintenant. Elle ne savait même pas ce qu’elle souhaitait réellement. Était-ce seulement l’assouvissement d’un désir ? La connivence de deux adultes enclins à passer du bon temps ensemble ? Y avait-il quelque chose de plus concret entre eux ? Désirait-elle aller plus loin ? Ce n’était pour le moment pas envisageable, pas dans leur situation professionnelle actuelle. Pour le moment, pour le reste du monde, rien ne s’était passé cette nuit et personne ne devait en douter. Elle hésita à le réveiller, pour lui demander son avis sur la question, mais se ravisa. Ce n’était peut-être pas le plus sage, ou le plus avisé, mais elle ferait comme ils avaient toujours fait, s’observer et agir quand ils atteignaient un point de rupture.

     Elle jeta un dernier regard à la fenêtre. La lune avait plongé vers l’horizon. D’un geste doux, elle réveilla son amant.

***************

Et le lien vers mon autre texte : Remplir le Vide


"Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi."

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« Réponse #19 le: mardi 11 février 2020, 10:40:21 »
Je viens de lire ton texte @Doutchboune et c'est un très beau texte, s'il y a un contexte, comme tu dis, sans l'avoir, on le lit tout aussi bien. En tout cas c'est une belle histoire entre ces deux amants et on peut s'amuser à deviner la situation de chacun. L'une une noble, et l'autre, surement un servant ?
Je prendrai le temps de lire ton deuxième texte et je viendrai en privé te dire ce que j'en aurai pensé. ;D
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« Réponse #20 le: mardi 11 février 2020, 13:18:23 »
Merci, c'est très gentil !
Niveau contexte, ton idée peut correspondre, en effet, mais pour le coup, le noble d'origine, c'est lui, et pas elle. Elle est roturière. Mais le contexte est un ordre militaire, et elle est sa supérieure hiérarchique directe (sa n+2 pour faire moderne  :R ), et un officier supérieur de l'ordre en question.

Après, même dans le cadre du RP correspondant, ça reste totalement fictif, c'est juste une issue possible de prémices lancés par le joueur de l'homme, mais s'il continue au rythme où il continue, y a peu de chances que ça arrive xD

Pour l'autre texte, il fait 11 pages word, donc il est bien plus long, mais c'est une nouvelle qu'on peut qualifier de fanfic car clairement située dans l'univers de World of Warcraft. Après, je pense qu'elle se lit sans souci même si on ne connait pas vraiment l'univers, il suffit de se dire que le peuple concerné est constitué d'elfes accros à la magie (ils dépérissent quand ils ne sont plus approvisionnés en mana, pour simplifier). Sinon, la mise en page de DeviantArt est telle que le petit texte de commentaire que j'ai mis se retrouve après le texte, mais ça non plus ce n'est pas très important ^^

Reste que je serais bien contente d'en avoir un retour  ;D


"Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi."

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« Réponse #21 le: vendredi 13 mars 2020, 02:13:58 »
J'ai été pris d'une furie d'écrire, donc j'ai rédigé un chapitre "spécial" à ma vieille fiction Les Crocs de Fenrir.

Spécial car, il ne s'inscrit pas dans l'action quand je le publiais ici. Il se situe des années plus tard, et c'est la conclusion d'un arc. Je vous livre donc un petit résumé du contexte, nécessaire à la lecture.

(Cliquez pour afficher/cacher)

(Cliquez pour afficher/cacher)

(Cliquez pour afficher/cacher)

Voilà. Enjoy à ceux que ça intéresse !



Face aux épreuves, chacun a sa façon de voir comment réagir. Certains les affrontent directement pour les résoudre, d'autres les ignorent en attendant qu'elles se résorbent. Il y a ceux qui font la part des choses pour mélanger les deux attitudes, et enfin, il y a ceux, perdus dans leur indécision, qui ne font rien. L'homme était de ceux-là. Face au confinement du quartier, il n'avait rien décidé. Quand les points de passage avaient été barricadés, il ne s'en était pas ému. L'angoisse de ses voisins ne l'atteignait pas. La virulence des soldats ne l'inquiétait pas. Il se tenait à l'écart, sans rien attendre, sans rien tenter. Il vivait, la conscience tranquille, son quotidien inchangé. Dans de telles conditions, il n'avait pas plus de raisons de craindre un bombardement, que de s'intéresser à la jouvencelle qui marchait face à lui.

Frêle, petite, vêtue d'oripeaux, elle irradiait non seulement de la joliesse typique des adolescentes, mais aussi d'une terreur sans égale. A peine avait-elle remarqué la présence d'un passant, son allure s'était figée. Une main contre le mur, l'autre à la poitrine, elle tremblait comme une feuille, avançant pas à pas, les yeux rivés sur la vieille pierre craquelée. Cette fébrilité était si forte que l'homme l'avait éprouvée à un niveau physique, presque palpable. Cependant, trop habitué à la souffrance, et trop englué dans son désintérêt affecté, il refusa de s'arrêter, ou même de s'adresser à la demoiselle. Il marcha à côté d'elle, baissant les yeux à son tour et les poings légèrement fermés, tiraillé par ses restes de conscience. Après quelques mètres, il reprit son souffle, et derrière lui, il entendit un soupir de soulagement. Là-dessus, il reprit sa route, ignorant qu'il venait de croiser l'une des personnes les plus recherchées de la ville.

Dos au mur, Hel ne pouvait plus faire un pas. Son cœur réclamait un instant de répit pour reprendre un rythme soutenable, afin que ses aisselles et son sternum finissaient de se tremper de sueur, et que ses jambes repassent peu à peu du coton à la chair. Pourtant, trop consciente de sa situation, elle ne prit qu'une très courte pause, et reprit sa route, claudiquant et jetant son regard sur tous les recoins. Elle avait encore du mal à comprendre ce qui venait de se produire. Dans son esprit, elle revoyait la scène comme si son esprit avait été détaché de son corps, et qu'elle n'avait pu que contempler ses actes, pendant que son cerveau tentait en vain d'en reprendre le contrôle. Ainsi, elle revivait cet instant de pure panique, sans trop savoir ce qui l'avait déclenché. Elle revoyait le moment où elle avait bondi vers la porte ouverte. Elle revoyait ses mains s'acharner sur cette seconde porte condamnée, tandis que ses deux gardiens la talonnaient. Elle revoyait, au comble de l'incompréhension, ses bras repousser la carcasse du gigantesque Hod, accompagné d'un hurlement strident. Et pire que tout, elle revoyait ses bras s'emparer d'un fauteuil, lequel traversait la vitre la plus proche... et ce n'était qu'une fois que ses jambes en avaient passé l'encadrement, que sa raison avait enfin repris le dessus. C'était une fois lancée dans le vide, qu'elle mesurait les conséquences de sa détresse. C'était une fois rappelée aux lois de la physique, qu'elle avait quitté son état second. Dans l'infime laps de temps, elle avait pu se préparer à la pire des douleurs, ou à la fin brutale... mais c'était finalement sur un tas de paille, dans une grange au toit ouvert, que sa chute s'était terminée. Malgré cela, elle s'était réceptionnée sur les chevilles, puis sur les fesses, ce qui n'avait pas été sans conséquence. Il lui avait bel et bien fallu lutter contre une intense souffrance pour reprendre son équilibre. Mais, toujours mue par sa peur, elle n'avait pas attendu que ses gardiens reviennent la chercher. Au prix de quelques efforts pour stabiliser ses mains, elle avait tourné la poignée de la grange, et elle s'était lancée, au hasard, dans la première rue venue. De là, elle avait marché, jusqu'à croiser un passant. Là, sa panique voulut la reprendre, mais elle savait, au fond d'elle-même, qu'elle ne pouvait plus compter sur des sensations brutes. Il lui fallait, désormais, compter sur l'ensemble de ses facultés, car elle n'était plus dans ce paisible étage d'un immeuble condamné. Elle n'était plus une jeune fille enchaînée à un mur, elle avait bien plus à craindre que la faim, la soif et cet épouvantable ennui. Désormais, elle n'était plus une otage. Elle était une fugitive.

Comme pour le lui rappeler, un hurlement se fit entendre, à quelques rues de là. Par réflexe, Hel sursauta et se retourna. C'était son nom, accompagné de phrases toutes faites, crié par un Ratatosk encore plus déboussolé qu'elle. Le son était trop lointain pour qu'elle risque de voir le hurleur débarquer dans la minute, mais il était trop proche pour être ignoré. L'adolescente se dirigea instinctivement dans la direction opposée aux cris, et pressa le pas. L'urgence lui fit oublier quelques instants ses douleurs et son souffle, jusqu'à ce qu'elle s'estime plus en sécurité. Alors, sans s'en rendre compte, elle se mit à pouffer.

"Pourquoi crie-t-il comme ça ? Pour que je sois sûre de sa position, et partir encore plus loin ?... Ils ont raison, ce garçon est vraiment... con comme un balai !"

Là-dessus, elle manqua de s'étouffer sur son gros mot, sur cette entorse à ses manières de jeune fille riche. Suite à cet interlude, elle reprit sa marche, aussi tranquille que possible. Elle avait pris assez de distance pour marcher simplement, sans faiblir l'allure. Grâce à sa toilette tout à fait ordinaire, les passants ne s'intéressaient pas à elle. Ils avaient d'autres chats à fouetter, de toute évidence. Maintenant, elle n'avait plus qu'à rejoindre la Gleipnir. Marcher, encore marcher, jusqu'à rejoindre un des douze points de passage. Une fois là-bas, tous ses soucis seraient enfin terminés. Cette idée la galvanisa pour de bon. Elle y trouverait des soldats qui la prendraient en charge. Elle recevrait un repas, elle remplirait un témoignage, et enfin, elle allait retrouver sa famille. Elle allait pouvoir serrer ses parents et sa sœur dans ses bras. Toute cette histoire ne serait qu'un souvenir de plus. Retour à son quotidien, le lycée, le théâtre, les promenades dans le paisible quartier de Draupnir. Finies ces journées éprouvantes sans savoir de quoi l'heure suivante serait faite... Le pire serait derrière elle, pour que le meilleur reste à venir. Presque malgré elle, sur cette formule un peu solennelle, elle se demanda ce qu'allait devenir le Blanc... cette idée lui fit voir mentalement son visage, son regard et ses mâchoires. Ce fut pour elle le moment de comprendre à quel point elle mettait la charrue avant les bœufs.

Rejoindre la Gleipnir ? Mais comment ? Elle n'était pas dans les belles allées de Draupnir. Elle était quelque part à Fenrir, elle n'avait pas le moindre repère. Les rues étaient presque désertes, et de toute façon, elle n'avait pas envie de demander son chemin. Comment savoir si elle n'allait pas s'adresser à un "canal" du Blanc ? Ramenée à la réalité, Hel se mit à observer son environnement, en repensant à ce jour, cet unique jour, où son père lui avait parlé du quartier pauvre.

"Ne te fais pas d'idées à son sujet, Hel. Tu n'y as pas été. Tu ne peux pas savoir si c'est vraiment l'enfer de violence et de misère qu'on décrit, ou si c'est juste comme ça qu'on préfère le voir. Tu ne peux pas savoir si c'est un quartier tout simple, bien rangé et ordonné. Si tu veux le savoir, il faudra que tu y ailles."

Elle y était, et le peu qu'elle voyait lui hurlait que la réputation du quartier était, en effet, un tissu de mensonges. Elle s'était imaginée, tour à tour, un lieu débordant de saleté, aux gens hagards et agressifs, ou un entrelacement de petites bâtisses anarchiques. Au final, Fenrir ressemblait énormément à Fafnir, mais fortement désargenté. Le pavement remontait aux temps anciens, la terre battue ressortait par endroits. Un arbre mort solitaire ornait un petit parc au sable maigre. Dans un coin, une charrette vermoulue accueillait un monticule d'ordures. Les façades des bâtiments étaient lézardées ou noires de fumée, leurs portes étaient écaillées ou défoncées, les fenêtres auraient mérité un solide coup de chiffon. Pourtant, malgré ce dénuement apparent, l'atmosphère était assez paisible. Il n'y avait pas cette tension des coins mal famés, comme cette ruelle obscure où Hel avait dû repousser les avances de son soupirant enivré. Un événement si marquant, si proche et si lointain à la fois, qui lui avait rappelé la faiblesse de son corps et l'appétit de l'homme. Hel ne put réprimer un frisson, et décida de se remettre en route. Ses yeux continuaient de papillonner, en quête du moindre panneau, du moindre repère. Logiquement, Fenrir est un lieu habité, pas une caverne. Les gens ne s'orientent pas en consultant les astres. Il fallait bien des directions. Certains angles portaient bien des noms de rues, mais ça n'allait pas l'aider. Hel avait besoin d'une flèche pour lui indiquer où trouver la Gleipnir. Si elle continuait de marcher tout droit, elle pouvait finir n'importe où. Pourtant, en désespoir de cause, c'est ce qu'elle continuait de faire, avancer, sans réfléchir...

"Eh, petite !"

Ce ne fut pas un petit sursaut, mais un léger bond, accompagné d'un hoquet de peur, qui agita l'adolescente. Incapable de garder une attitude désinvolte, elle pointa des yeux écarquillés sur les deux jeunes hommes qui l'avaient interpellée. Tassés sur un perron, ils portaient des vêtements tout aussi ordinaires que les siens. En fait, ils ne présentaient aucune particularité, de purs quidams, hormis le voile de doute qui déformaient leurs visages.

"Moi ?... Je... peux vous aider ?"

Hel avait essayé de se ressaisir, mais elle se sentit rougir en s'entendant parler. Cette fichue panique guettait toujours la moindre occasion de ressurgir. L'adolescente serra ses paumes sur les pans de sa robe rêche, espérant que la vilaine sensation l'aide à se calmer, mais les regards pesants n'y aidaient pas.

"Ben... Tu as l'air paumée. Tu n'es pas du coin ?
-Euh... non, pas du tout. Je suis de..."

Elle ravala ses mots d'extrême justesse, pour se retrouver encore plus désorientée. Il lui fallait un mensonge prêt à sortir et à convaincre, vite.

"Je suis de passage, on m'a guidée à l'aller. J'ai cru que je pouvais rentrer seule, mais... je ne retrouve pas mon chemin."

Si la jeune fille s'estimait assez satisfaite de sa trouvaille, ses interlocuteurs ne semblaient pas du tout convaincus. Ils échangèrent un regard plus suspicieux encore, avant que le même garçon ne reprenne :

"C'est pas génial pour une gamine de se balader comme ça par ici. Tu vas vers où, au juste ?
-Euh... Ne vous en faites pas pour moi, je vais me débrouiller.
-Est-ce que tu sais au moins où tu vas, là ?
-C'était... par là que je suis arrivée... A force de marcher, je vais bien reconnaître."

Elle n'eut que le temps de réaliser l'énormité qu'elle venait de prononcer avant que le visage des deux quidams ne se déforme de stupeur. Son vis-à-vis était presque debout quand il s'exclama :

"A force de marcher ?! Tu vas finir droit sur les remparts, si tu marches par là !
-Sur... les remparts ?"

Toujours incapable de se maîtriser, un sourire lui échappa. Les remparts. Si elle atteignait ce point de repère, elle n'avait plus qu'à tourner à gauche et les longer, jusqu'à la Gleipnir. Elle avait enfin un plan de route. Pourtant, son idée n'était pas du goût de son guide inopiné, qui s'était enfin levé pour se planter devant elle.

"Les remparts, gamine, c'est... c'est loin ! Tu en as pour au moins une heure. Et même après ça, si tu les longes, t'en verras pas le bout avant la nuit.
-Ah, mais je...
-Ecoute, si tu veux rejoindre Fafnir, le plus simple, c'est que tu prennes cette rue, là, à gauche... Tu marches tout droit, si tu tombes sur un mur, tu contournes... T'as qu'à garder ce cap. Tu tomberas sur la Gleipnir, à force."

La formule était douteuse, mais Hel n'avait que trop conscience qu'elle s'était comportée de façon plus que suspecte. Ils avaient sûrement compris depuis longtemps qu'elle n'était pas de Fenrir. Dans le fond, ils lui en avaient bien assez dit, et la proximité de cet homme la mettait mal à l'aise. Elle décida de couper court.

"Je... Je vous remercie sincèrement. Je vais suivre votre conseil."

Sans réfléchir, elle s'inclina légèrement pour appuyer ses remerciements, puis elle tourna les talons et s'élança, le pas toujours un peu gauche, sans se retourner. Elle s'engouffra dans la rue indiquée et reprit son errance, à une allure plus calme. L'espace d'un instant, elle se demanda si elle avait raison de faire confiance à cet inconnu, mais après tout, elle n'avait pas grand-chose à perdre, et ils n'avaient rien à gagner à lui mentir. Malgré cela, sa captivité l'avait rendue plutôt nerveuse, elle ne pouvait pas se défaire de ses doutes. Sa crainte la plus tenace restait, et s'ils étaient un "canal" du Blanc ? S'ils allaient galoper pour le retrouver et lui indiquer sa position ? Cette idée la saisit à la gorge si violemment qu'elle faillit trébucher. Le Blanc était un homme puissant de Fenrir, un maître de l'information. Son métier consistait à savoir ce que font les gens d'influence et à en informer ceux qui y voient un intérêt. Il écouterait n'importe quoi, n'importe qui. Ses oreilles et sa langue étaient son gagne-pain. Il suffisait qu'une seule personne la remarque pour qu'elle soit repérée... et ramenée à sa couchette, la chaîne au poignet. L'image de ce lieu d'inconfort, de ces interminables journées à regarder tourner le soleil, fit des ravages sur son estomac, et malgré le soleil au zénith, Hel se mit à claquer des dents.
Il fallait qu'elle se rende à la Gleipnir sans perdre un seul instant.

Le trajet ne lui laissa pas l'ombre d'un souvenir. Avant qu'elle ne s'en rende compte, elle avait atteint la vaste cour intérieure d'un complexe d'habitation aux allures de prison, et là, un brouhaha la ramena à la réalité. On y entendait des dizaines de gens crier, vociférer, exiger, supplier. Inquiète, Hel s'approcha lentement de la sortie de la cour, et elle vit une marée humaine, agglutinée contre une maigre ouverture entre deux barricades de blocs de bétons, surmontés de rouleaux de barbelés. La scène lui inspira des sentiments contraires. D'un côté, elle avait atteint la Gleipnir. De l'autre, elle avait été bien naïve. Cette frontière était fermée par les soldats. Elle l'avait entendue du Blanc lui-même. Chaque jour, il devenait plus difficile de la franchir. Il devait bien y avoir deux cents personnes entassées là. Sa seule porte de sortie était bouchée.
Il n'était pas question d'abandonner si près du but. Hel bloqua sa respiration et se lança dans la masse, profitant de sa petite taille pour se frayer un chemin à la force des coudes et de souplesse. Elle essuya quelques protestations indignées, mais chaque pied qui la rapprochait de son but lui faisait oublier cette grossièreté. A terme, elle se retrouva contre une barrière de fortune, face à un cordon militaire, une bonne vingtaine de soldats en uniforme bien alignés, le fusil à la main. Hel n'aurait pas pu se risquer à dire, à leur seule posture, si ces armes étaient chargées. En revanche, les traces de sang et les impacts de balles au sol répondaient largement à la question. Cette scène de violence la glaça d'effroi, pas tant par empathie pour les blessés, que par angoisse de rester coincée. Trop avancée pour reculer, elle tenta le tout pour le tout :

"Aidez-moi ! Je suis Hel, l'otage du Blanc ! Je me suis échappée, je veux rentrer chez moi !"

L'annonce ne suscita aucune réaction, ni de ses voisins de cordée, ni de leurs surveillants. La jeune fille retenta sa chance, en hurlant à pleins poumons, et cette fois-ci, elle obtint une réaction. Une jeune fille brune, à peu près de son âge, qui lui rétorqua :

"Arrête de mentir, toi ! C'est moi, Hel ! C'est moi qu'on va laisser sortir."

La fugitive se figea, et bégaya des dénégations. De son côté, la fausse Hel avait recommencé à crier ses mensonges. Évidemment, la nouvelle s'était répandue. Sans preuves ni témoins, toutes les jeunes filles brunes invoquaient son nom pour passer les contrôles. Ses hurlements valaient bien les siens. Gagnée à nouveau par la panique, Hel tenta d'escalader la barrière, et cette fois-ci, un soldat pointa son fusil sur elle en criant :

"Halte ! Descends de là, où je tire !"

Pétrifiée, Hel profita de l'oreille disponible :

"Monsieur, je veux sortir ! S'il vous plaît, dites-moi... Que dois-je faire ?
-Tu fais comme tout le monde, tu attends qu'on reçoive l'ordre de lever la barrière ! Et pour l'instant, tu descends de là, dernière fois !"

Toutes les forces l'abandonnèrent. Elle n'avait aucune envie de tenter une chance pareille. Elle avait échoué, si près du but. Elle était toujours prisonnière de Fenrir, une prison bien plus vaste que sa petite couche, mais d'autant plus dangereuse. Une prison remplie de milliers d'inconnus, dont quatre figures qui la traquaient. Envahie par l'apathie, l'adolescente rebroussa chemin. Plus proche de l'anguille que jamais, elle se glissa sans un mot ni un regard entre les corps massés. Revenue à son point de départ, elle sentit des larmes brûlantes lui monter aux yeux, et elle se mit à renifler bruyamment. Un hoquet lui échappa tandis que son corps tout entier se crispait de frustration.

"Eh ben, petite, ça ne va pas ?"

Trop irritée pour sursauter, Hel tourna la tête. Un jeune homme avenant la regardait avec un air inquiet. Plutôt petit pour un adulte, mais bien plus grand que la jouvencelle, il portait un costume à revers fatigué, ses cheveux blonds tombaient en cascade. Sa voix éraillée déparait étrangement l'ensemble. Tout à sa colère, Hel grogna simplement :

"Mêlez-vous de vos affaires."

Là-dessus, elle marcha, les poings serrés, vers les rues du quartier. Foutue pour foutue, elle allait marcher jusqu'à ce que ses pieds lui fassent mal, ou qu'elle retrouve le Blanc. Ou l'inverse. Plus rien n'avait d'importance. Dans sa tête cerclaient, tels des corbeaux affamés, des rêves de vengeance contre cet abruti de soldat. Elle ne regardait même plus où elle allait. Derrière elle, une voix caractéristique retentit :

"Il n'y a pas que la Gleipnir pour quitter Fenrir !"

Une phrase qui ramena une touche d'espoir. Hel s'arrêta brusquement et se retourna. C'était le jeune homme blond qu'elle avait croisé à peine plus tôt. Il gardait une certaine distance, comme pour ne pas la brusquer, mais sa main droite était légèrement tendue vers elle.

"On peut passer par certains souterrains... Ce n'est pas très confortable, mais c'est très utile. Par contre, avec les militaires dans cet état... Ils les connaissent, ces trous. Ça en laisse très peu. Mais il y en a encore."

Des souterrains... Oui, bien sûr. Le Blanc lui-même en avait parlé. Des égouts, des caves, des câbles sur les toits. Quand on est prêt à prendre des risques, on pouvait encore passer. Le jeune homme disait vrai.

"Je peux t'en montrer un. C'est assez loin, mais...
-Et on me laissera passer ?
-Oui, si tu es avec moi. Je connais les gars.
-Vous me promettez qu'il n'y a pas de risque ? Je peux vraiment aller... à Fafnir ?
-Oui, je te le promets. Par contre, viens par là, je n'ai pas envie de crier ça dans la rue..."

Le cœur serré, Hel fit un pas vers le jeune homme, avant d'être submergée par une épouvantable épiphanie. Elle cessa net son mouvement, tandis que l'homme élargissait son sourire :

"Jeune fille, si tu veux sortir de Fenrir..."

Mais qu'est-ce qu'elle était en train de faire ?! Le corps saisi de tremblements, elle regarda autour d'elle. Il n'y avait pas âme qui vive. Pas de témoins, pas de bruits, à part le brouhaha plus indistinct que jamais de la foule. L'endroit était parfaitement désert. Elle ne connaissait personne ici, surtout pas ce bienfaiteur impromptu. Même le cordon de soldats était loin derrière elle. Et elle avait failli se rapprocher de cet inconnu ? Au nom de quoi, de quelle inconscience agissait-elle ainsi ?

"... Non, je... Je ne préfère pas. Je... vais vous laisser."

Sur ces mots, elle tenta de courir, mais sa cheville la lançait trop, et de toute façon, il suffit de quelques enjambées à l'homme pour être à sa hauteur.

"Écoute, ma petite, moi, je veux juste être gentil...
-Monsieur, je vous remercie sincèrement, mais je..."

La main de l'homme se posa sur le poignet de l'adolescente, tandis qu'un sourire glacial éclairait ses traits. La poigne était ferme, et les doigts palpaient doucement la chair. Hel avait déjà connu ça. Ce fameux soir, dans la ruelle. Ce n'était pas une main sévère, ni une main aimante. C'était une main possessive, une main de désir. Le souvenir et la peur se mélangèrent en une fraction de seconde, et Hel poussa un hurlement.

"Lâchez-moi ! Au secours !
-Mais ferme ta !..."

Dans sa position, l'homme ne put que plaquer la tête de la jeune fille contre sa poitrine. L'odeur mâle lui emplit les narines, tandis que le tissu de sa chemise lui ravageait la figure. Au comble de la terreur, Hel tenta de le repousser, mais elle sentit ses pieds quitter le sol, puis elle entendit une voix déformée susurrer :

"Tant pis pour la gentillesse... Mais tu vas voir...
-LÂCHE-LA, BÂTARD !"

Pris par surprise par un cri défenestrant, le ravisseur obtempéra malgré lui, écartant les bras et laissant tomber le corps frêle, qui tomba au sol comme une poupée. Cette dernière n'eut pas le temps de se retourner, qu'elle entendait déjà un bruit sourd accompagné d'un gémissement. Passé cet instant confus, le bruit de deux respirations bovines emplit les lieux, suivi de plusieurs pas de course. Face à elle, deux paires de jambes, séparées d'une longueur de bras, et encore derrière, une petite foule qui se rassemblait. Ses yeux tentèrent de faire le point, mais n'eurent que le temps de voir une silhouette détaler, poursuivie par bien d'autres. Glacée jusqu'aux os, tremblant comme une feuille, l'adolescente fondit à nouveau en larmes, puis s'adossa lentement, très lentement au mur le plus proche. Là, elle joignit ses coudes et ses genoux, puis se mit à claquer des dents, les yeux écarquillés sur la poussière face à elle. Elle n'avait qu'une très vague idée de ce qui avait failli lui arriver, mais sa terreur la possédait à nouveau, pesant sur tout ce qu'elle avait risqué. Face à elle, la pointe d'une paire de bottes solides se plia, et une main blanche lui tendit un bout de viande séchée.

"Tu peux pas savoir à quel point je suis soulagé que tu ailles bien, Hel."

Cette voix chaude, mais tordue de colère, Hel la connaissait. C'était la voix qu'elle avait entendue pendant toutes ces soirées, son phare dans la nuit, sa seule certitude. La voix du Blanc. D'un geste, elle lui arracha la viande, et mit à la mâchonner frénétiquement. D'habitude, elle en détestait le goût et la texture. Ici, elle trouva réconfortant de sentir ses dents plonger dans la chair caoutchouteuse, la salive raviver les sucs, et de les avaler goulûment. Elle répéta ce rituel jusqu'à la dernière bouchée, en silence, sans prêter attention au Blanc qui se posait en tailleur face à elle en parlant aux quelques témoins encore présents. Quand elle fut assez calmée pour lever les yeux, ils étaient seuls dans la rue. Ce constat la vida de toutes ses tripes. L'aventure était finie.

"Si tu n'avais pas hurlé, tout à l'heure...
-Vous étiez là par hasard ?"

Elle se remettait à le vouvoyer. Difficile de savoir si c'était par reconnaissance pour son sauvetage, ou par amertume d'être redevenue son otage. Le Blanc tira un second bout de viande de sa veste, qu'elle refusa d'un geste de la main. Il répondit en mâchonnant :

"Bien sûr que non... Les deux garçons à qui tu as demandé ton chemin...
-C'était des canaux à vous ?
-Non, mais ils avaient entendu parler de moi. Ils ont cravaché pour me trouver... cravaché très sec, tu peux le croire. Quand ils m'ont dit qu'ils avaient vu une charmante demoiselle aux cheveux noirs courts, trop polie pour être du coin, j'ai failli faire une attaque. En tout cas, c'était malin de t'envoyer ici. Ils savaient que tu allais rester coincée... Ça me faisait un point de départ pour te chercher. N'empêche que j'aurais été moins vite à cheval pour venir..."

La conversation s'évanouit sur ces mots. Il y avait à la fois tant et rien à ajouter. Hel clapa la langue. A force de transpirer et de pleurer, plus la viande séchée, elle était déshydratée. Comme si la conscience de son état l'avait déridée, l'adolescente sanglota à nouveau, plus ratatinée que jamais :

"Les hommes sont tous des porcs...
-Écoute, Hel...
-Déjà, ce jour-là... où je... vous ai rencontré... Il avait voulu... me...
-... Je... C'est terrible, bien sûr, mais...
-... mais ils sont pas tous comme ça, oui, je sais...
-Enfin, tu as bien vu, quand tu as hurlé, une bonne douzaine de personnes sont venues. Pas pour ta fortune ou ta beauté... parce qu'ils ont entendu du danger. Et ils se sont lancées à la poursuite de... enfin, bref."

Le Blanc gardait sa distance tout en discourant. Il n'était même pas à portée de main. Il gardait d'ailleurs ses paumes en évidence sur ses genoux, comme pour montrer ses bonnes intentions.

"Hel... Tu en as bavé, je le sais bien, mais tu n'as que quatorze ans. Tu as encore...
-Arrête... votre baratin. Vous vous fichez bien de ce qui m'arrive."

Sur un ton un peu plus sec, le Blanc reprit en croisant les bras :

"Petite. Tu as empêché la purge au fusil de ce quartier et de tous ceux qui y vivent. Et  je ne crois pas t'avoir maltraitée...
-Tu m'as enlevée ! Enchaînée comme une criminelle ! Nourrie avec des déchets ! Abandonnée deux jours ! Tu as volé ma robe ! Tu as laissé un tueur me surveiller ! Et une prostituée !"

Les mots étaient sortis tous seuls, en même temps qu'un torrent de larmes, si violents et sincères que le Blanc en resta bouche bée. Le visage palpitant de fureur, Hel se moucha dans la manche de sa robe, et reprit, sèche comme un coup de fouet :

"Tes beaux sentiments, tes nobles intentions, je m'en tape. J'ai lu tes romans à quatre sous. Tu n'es pas un héros.
-C'est drôle... On m'a dit la même chose, une fois...
-Tu es un criminel. Tu m'as enlevée. La ville te jugera.
-Tout ce que j'ai fait, c'était pour...
-Tu es un criminel ! Point ! Tes raisons, tu te les gardes !"

A court de souffle, Hel inspira bruyamment, suant comme une bête. Il pouvait bien faire ce qu'il voulait, à présent. Plus rien n'avait d'importance pour elle. Elle avait vidé son sac, elle était à nouveau prisonnière de Fenrir et de Hvedrung. Comme on lui avait annoncé, à part attendre que ça passe, elle n'avait plus d'options. Souffrir, jusqu'à la fin de son épreuve, ou de sa vie. Et pourtant, en pensant au second choix, elle sentit sa poitrine se serrer. Elle ne voulait pas ça. Elle voulait continuer... à croire que le meilleur était à venir. Ses larmes, décidément intarissables, revinrent mouiller le tissu de sa robe. Face à elle, c'était un mur de silence, ébranlé par son éclat de voix. Un instant, fugace comme une brise, long comme une mélodie, passa, avant que l'homme ne se relève et dise, d'une voix aussi blanche que son surnom :

"Suis-moi..."

Revenue à son rôle d'otage, Hel obéit, sans poser de questions. Elle suivit sa silhouette plus que sa personne, perdue dans ses pensées, ou son absence de pensées. Ce ne fut pas le brouhaha qui la ramena à elle, au contraire, ce fut le silence qui l'entoura. Autour d'eux, les gens s'écartaient, quitte à repousser leurs voisins. Dans cette ambiance surnaturelle, presque sacrée, le duo arriva face à la barrière. De l'autre côté, les soldats s'excitèrent comme un cortège. D'un geste lent, le Blanc fouilla la poche intérieure de sa veste, ce qui poussa plusieurs soldats à épauler en criant des sommations. Finalement, le criminel sortit de son vêtement une bande de tissu noir, terminé par une dentelle blanche, qu'il agita au-dessus de sa tête. La pièce comportait quelques verroteries, une broderie grossière. C'était la manche d'une petite robe qui semblait dispendieuse pour le tout-venant, mais bon marché pour un œil exercé. Hel connaissait parfaitement ce vêtement. C'est celui qu'elle portait en arrivant à Fenrir. C'était la manche de sa robe.

"Je suis le Blanc, et je vous présente Hel, la vraie ! Je vous demande de la prendre en charge. Je me rends !"

Il avait ponctué sa seconde phrase en posant la main sur l'épaule de la jeune fille. Encore sous le choc de son agression, le premier contact l'avait dégoûtée, mais à présent, elle sentait que cette main était pleine de frayeur. Elle leva les yeux, et vit un visage déconfit, au bord des larmes. Une voix pincée glissa à ses oreilles :

"Je suis désolé."

De tout son temps en sa compagnie, jamais elle ne l'avait entendu dire ces mots. Elle n'eut toutefois pas le temps de goûter sa surprise, car déjà, deux baïonnettes les séparaient, tandis qu'une paire de mains gantées la soulevaient sous les épaules, avant de la poser doucement sur le pavé derrière la barrière, et de lui indiquer d'une tape le chemin du poste de garde. Confuse, l'adolescente exécuta machinalement toutes les consignes qu'on lui donnait. Avant de s'en rendre compte, elle était installée devant une table basse, dans un fauteuil garni de coussins, une couverture sur les épaules, une tasse d'infusion chaude entre les mains. Il lui fallut encore l'entendre de la bouche d'un officier pour bien le mesurer.

Elle était libre.

Mille mercis à Yorick26 pour la signature !

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« Réponse #22 le: vendredi 01 mai 2020, 21:02:51 »
Tout le monde peut mettre sa création artistique littéraire ici ?

Hors ligne Anju

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« Réponse #23 le: vendredi 01 mai 2020, 21:04:08 »
Bien sûr, le salon a été créé pour ça. L'objectif est de permettre à ceux qui écrivent peu ou n'ont écrit qu'une fois de poster leurs textes sans avoir à créer une galerie.

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Salon d'Ecriture Occasionnelle
« Réponse #24 le: vendredi 01 mai 2020, 21:37:40 »
Du jour à la nuit, des ténèbres à la lumière
Glissent les sables du Temps.
Ferme les yeux, sens le vent
Qui t'enveloppe de sa douce crinière.

Vois ton esprit, traverse le couloir des ans,
Reviens à de meilleurs jours.
Les souvenirs, rêves sourds,
Chassent les larmes et les tristes sentiments.

Comme une étoile dans la froide obscurité,
La nuit ne pourrait te taire.
Luis, ta joie est ta lumière,
Jusqu'à ce que l'Aurore ait tout illuminé.

Jette ce masque de vieillard qui t'enlaidit,
Laisse partir ta rancune.
Illuminé par la lune,
Tu marche aveugle, seul, vers un but indécis.

Lorsque les années auront apaisé tes peurs,
Tu regarderas ton âme.
Tu verras les sombres lames
De ton noir destin amplifier jusqu'à tes pleurs.

Fuis donc cette douleur qui te ronge et te souille.
De la dépouille à la rouille,
De la cendre à la poussière,
Le Temps lui-même a fui ceux qu'il n'a pas su plaire.

Revêts-toi des habits blanc de la Lumière,
Celle-ci te guidera.
Ne te retourne pas, va,
Va vite, évanouis les ténèbres de l'air.

Cours éperdument sur le sentier indécis,
La pénombre te poursuit.
Ta lueur semble faibli,
Les ténèbres t'ont-elles déjà englouti ?

Du givre au feu, du néant à l'éternité
Tournent les règles du Temps.
Evanouis dans le vent,
Le Temps semble t'avoir désormais emporté.

Bon évidemment ça vaut pas les textes de Doutchboune qui a le vrai feeling en littérature :^^:.
@Doutchboune: Aurais-tu fait terminale littéraire ? Bon après à l'époque ça s'appelait peut-être pas comme ça...

« Modifié: dimanche 03 mai 2020, 09:45:48 par Ravage »

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« Réponse #25 le: lundi 04 mai 2020, 08:53:42 »
Moi ?!

Heu, non, pas du tout, j'ai fait bac scientifique, fac de science et je travaille dans la recherche scientifique  :^^:
Je m'y suis mise un peu par la force des choses (faire du RP sur forum, ça incite à écrire), mais à la base, écrire, c'est pas trop mon truc  :sweat:


"Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi."

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« Réponse #26 le: lundi 04 mai 2020, 11:39:41 »
Comme quoi, le talent, on l'a ou on l'a pas. Ca ne s'apprend pas :^^:

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« Réponse #27 le: lundi 04 mai 2020, 11:52:57 »
Je dirais pas ça. A côté de ça, j'ai beaucoup lu, et je me suis intéressée aux explications de texte que j'ai pu faire/lire. J'écris peu (et pas si bien que ça par rapport à beaucoup de gens ici) mais j'essaye de faire attention à pas mal de choses, comme le rythme, le champ lexical, éviter les répétitions (ou en faire volontairement). Essayer de faire passer de la tension, des émotions, en fait c'est surtout ça que j'arrive à écrire (enfin, j'espère). A côté de ça, je ne sais pas vraiment construire un scénar, un univers...

Bref, tout ça pour dire que je suis loin d'avoir le talent d'un vrai écrivain, et pour beaucoup dans mes textes, il y a de la réflexion sur sa construction, il ne faut pas croire que j'écris directement ce que je publie (et certains passages ne sont toujours pas très heureux, mais mon manque de patience fait que j'ai pas pris le temps de changer...)  :sweat:  Finalement, j'essaye de faire le même travail que quand on fait la composition pour un dessin.

Et le travail sur son texte (rythme, figures de style, construction...), bien sûr que ça s'apprend  :^^:


"Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi."

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« Réponse #28 le: lundi 04 mai 2020, 14:55:57 »
Mais j'ai pas dit texte, j'ai dit talent :^^:

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« Réponse #29 le: mardi 05 mai 2020, 17:25:24 »
Je voulais surtout dire qu'écrire un texte correct (et je pense que c'est valable pour tout), c'est pas une question de talent  v.v  Et je ne pense pas être talentueuse, vraiment, vu comme mes textes ont tendance à sortir au forceps  v.v


"Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi."