C'est vraiment trop d'honneur, merci
Bon, je sais pas trop par où commencer. En premier lieu, j'ai 70h de jeu dans les pattes, et un NG+ bien entamé, donc je pense pouvoir avoir un petit avis sur la rejouabilité.
Le premier critère sur lequel la plupart des joueurs jugent un jeu From Software, c'est sa difficulté. C'est autant ce qui a fait les lettres de noblesse des Souls, mais aussi ce qui terrifie encore aujourd'hui de nombreux joueurs. Je ne vais pas dire si c'est justifié sur les Souls, tout ce que je peux dire, c'est que finir les Souls ne permettra pas aux joueurs de finir Sekiro sereinement. Je dois dire pour la défense du jeu que j'ai été sans doute très très mauvais. Sekiro est un jeu de rythme qui demande énormément de concentration et de patience. Pratiquement tout ce que l'on apprend dans les Souls en terme de réflexes ne servent à rien dans le jeu, voire le pénalisent. Une poignée seulement de boss se jouent de la manière des anciens jeux, mais avec une telle nervosité, et demandant tant de réflexes, que le joueur se retrouve vite devant un mur ; mur qui s'écroulera plus ou moins vite selon le degrés de patience de celui qui tient la manette.
Et pour la rythmique elle-même, je ne pense pas que nous soyons égaux. Pour cette raison le jeu est en plein "bad buzz" à cause de sa difficulté, le journal Forbes l'a harangué, les joueurs ne suivent plus le délire de Miyazaki, et j'ai déjà vu des gens passer 10 heures ou plus rien que sur le boss final. Moi en tout cas je ne suis pas naturellement calé sur la rythmique du jeu et je pense que Sekiro laissera bien plus de joueurs sur le bas-côté de la route que les Souls en leur temps, et c'est, à mon avis, à cause de cette rythmique particulière demandée par le gameplay, ajouté au fait que le jeu donne peu le temps de respirer au joueur.
Autant le dire tout de suite, pratiquement toutes les craintes émises par les joueurs avant la sortie du jeu se révèlent être l'extrême inverse dans le jeu. Le jeu va devenir facile à cause de la résurrection ? Finalement c'est le plus dur des jeux FS. Il n'y aura pas assez de boss ? Il y en a plus d'une cinquantaine, et très peu d'entre eux sont des tendres.
Le jeu s'avère être un boss rush. C'est un fait qui doit être compris et accepté assez vite. Pour cette raison les développeurs ont décidé de ponctuer tout le premier tiers du jeu avec des demi-boss qui nous apprennent toutes les facettes du gameplay. Cette raison pratique a deux conséquences diamétralement opposées : soit on accepte de faire des boss à la chaine à la manière d'un Cuphead, soit on n'accepte pas ; on regrette le manque d'exploration comme dans un Souls, et chaque boss devient une corvée.
Cette facette que l'on nous met directement sous le nez, si elle est acceptée, sait nous récompenser : le deuxième tiers du jeu est bien plus porté sur l'exploration de zones à la DA extraordinaire, et les vrais boss sont d'anthologie.
En parlant de DA extraordinaire je ne mâche pas mes mots, c'est même la grande force du titre dans sa globalité. Ça a toujours été une des force des jeux From, et encore une fois ils ont été au rendez-vous, chaque zone (ou presque) est unique et classe, moi qui pourtant n'étais pas très porté sur l'ambiance Japon féodal (qui m'a fait bouder Nioh), j'ai été conquis par certains niveaux et les points de vue qu'ils offraient.
Mais si cette DA a elle-seule permet de dire que Sekiro se démarque, qu'en est-il du gameplay ? Pour ma part une petite déception par rapport au grappin et à la prothèse qui sont largement sous-exploités. Je n'ai pas dû utiliser le quart de mes outils de prothèse et c'était plus pour m'amuser sur les ennemis de base qu'autre chose. L'affrontement des boss se joue presque toujours de la même manière, et cette manière est la déviation (c'est à dire l'équivalent des parades dans Dark Souls). Il y a peu d'autres façons de les battre : il faut des réflexes et de la déviation. Un concept extrêmement important dans la mesure où la barre de posture déterminée par notre succès de déviation (ou non) est bien plus importante que notre barre de vie elle-même.
Cela signifie qu'un ennemi peut mourir sans que sa barre de vie soit vide, ce qui est primordial sur certains boss. Ce concept, original en soit, empêche les affrontements de pouvoir être variés et joués différemment. Un "défaut" compensé par le fun engendré par un tel système, mais qui commence peu à peu à montrer ses limites en terme de rejouabilité, comme il était craint depuis des mois déjà.
Cette faille, donc, est "remboursée" au joueur par les sensations et l'amusement provoqué par la nervosité et la jouissance du gameplay. Mais savoir si la compensation est suffisante ne dépend que du joueur. Pour ma part il me parait assez difficile de ne pas éprouver de fun en jouant au jeu, tant tout est fait pour donner un sentiment de puissance à celui qui a la manette en main.
Mais les jeux de ninja et de shinobi sont pour ainsi dire toujours condamnés à être très difficiles, et Sekiro ne déroge pas à la règle. Notez que ce n'est pas un problème en soi tant que l'on reste dans l'état d'esprit de persévérance et de dépassement de soi. Beaucoup de boss principaux exigent des heures et des heures d'entrainement avant la maitrise finale. Ce qui était déjà le cas dans les autres jeux From, mais ici il faut rajouter deux boss situés l'un après l'autre vers la fin du jeu, tous deux extrêmement durs. Cette partie du jeu est une source précieuse pour débattre de la limite plus ou moins brumeuse entre l'amusement et la frustration, le fun et l'énervement. Il va sans dire que le joueur accepte la difficulté si le jeu est juste, hors il peut arriver que le jeu soit injuste lorsque sa caméra fait n'importe quoi, défaut déjà présent dans les Soulsborne, mais magnifié ici par la nervosité des combats et l'obligation d'être au corps-à-corps avec l'ennemi ;de toute évidence la caméra est incapable de suivre avec la précision qu'on lui demande.
On peut donc opposer à la rejouabilité deux obstacles : le manque de diversité dans le gameplay et la difficulté qui donne au joueur la perspective de devoir refaire des heures de combats. Car il est n'est pas rare que les dits-combats ne passent qu'à un fil, la progression du joueur étant finalement assez lente et peu perceptible.
Pour donner une juste récompense à cette nécessite, les développeurs n'ont pas hésité à inclure dans le jeu pas moins de 4 fins, toutes différentes, avec chacune des boss inédits. Comme si atteindre une fin était une bonne récompense pour faire recommencer le joueur.
Mais la récompense, cependant, c'est de recommencer est de se rendre compte que l'on maitrise les déviations et les subtilités de gameplay. C'est d'être le chasseur et non plus le chassé. Si je devais énoncer le gros point fort du jeu ce serait son gameplay, couplé à un excellent sound design. Chaque coup de lame résonne.
Malheureusement cet équilibre assez précaire est desservi par un recyclage de niveaux assez honteux pour un jeu moderne, et un level design pas toujours à la hauteur. Pourtant le challenge et l'enrobage qui l'entoure laisse le jeu bien gravé dans la mémoire du joueur, c'est cependant à lui et à lui-seul de choisir s'il a aimé l'expérience ou non, tant la même cause peut avoir, dans ce cas-ci, deux conséquences diamétralement opposées.