Après plus ou moins six heures de jeu, voici mes impressions sur le jeu que je voulais tester depuis des années :
Baroque... Il n'a pas volé sa réputation. Conceptuel à l'extrême, il porte son nom avec une maestria incommensurable. Mais ça, c'est seulement si on se base sur une définition du mot "baroque" un peu plus détaillée que celle du Petit Larousse...
Ce qui choque le plus, dans ce titre, c'est sa volonté omniprésente de revenir aux origines mêmes du "jeu vidéo". Pas question de cut-scenes à rallonge toutes les dix minutes, ni de boss démesuré à toutes les sauces. L'intrigue est présentée de la façon la plus simplifiée possible, au risque (voire avec l'intention) de devenir passablement obscure. On en sait assez pour se faire une idée, mais on sait aussi que les choses ne sont pas toujours aussi limpides qu'elles ne le paraissent... C'est un peu dommage, l'univers du jeu étant plus riche qu'on ne le croirait, entre les affaires de Blaze, d'Ordre de Malkuth, de Consciousness Orbs et autres Koriel, ça n'aurait pas fait de mal d'avoir un minimum d'explications. On peut toujours consulter la galerie de personnages et le manuel, qui fournissent des données sporadiques.
Précisons également, parce que
ça me permet d'étaler ma science ça justifie le gameplay un peu simpliste, que le jeu n'est pas un titre original : il s'agit d'un remake. Le titre original était sorti en 1998 sur Saturn, uniquement au Japon. La version PS2, ainsi que celle sur Wii, offrent des graphismes refaits, une vue à la troisième personne et un challenge à trois niveaux (celui de l'original étant... le Hard).
On compare fréquemment
Baroque au titre underground par excellence du sol européen,
Lucifer's Call et, par extension, à la saga des
Shin Megami Tensei. Croyez-en le fan averti : c'est à peu près aussi aberrant que de comparer le Nutella au beurre de cacahuète. La forme se ressemble plus ou moins, si on ferme les yeux, mais pas besoin d'en goûter beaucoup pour s'apercevoir que la saveur et la texture sont très différentes. En définitive, le jeu de St!ng s'apparente plus volontiers aux
Silent Hill. Il en reprend notamment l'aspect profondément psychanalytique, les tromperies de l'apparence et les situations kafkaïennes.
Toujours dans le "fracassons les idées reçues", les graphismes ne m'ont pas semblé aussi moche qu'on veut bien le dire ; faut dire que c'est un point, en bon fan de
MegaTen et
NieR : Gestalt, dont je fais très souvent abstraction (sauf quand on touche le fond du puits). À titre personnel, j'estime que les environnements et les monstres sont assez réussis. En revanche, la modélisation des personnages principaux fait quand même assez pitié. Le héros, en particulier, semble être le petit frère du héros de
Star Ocean 3 (dont j'ai croqué le nom) et les cheveux ressemblent un peu à tout... sauf à des cheveux. De la part d'un jeu en simili-cell shading, ça ne dérangerait pas, mais dans un univers voulu réaliste, on se croirait presque en 2003. Pour un jeu sorti en 2008, ça la fout mal. Cependant, n'oublions pas l'adage du gamer : "il y a une grande différence entre
détaillé et
esthétique". Même si les personnages ne sont pas jolis, on ressent un vrai plaisir à arpenter la Neuro Tower, les étages étant bien pensés et l'OST, mélange de metal et d'électro, soutenant aussi bien l'action que le mystère des situations.
D'ailleurs, le principe du jeu, quel est-il ? L'objectif de base, celui qui nous est fixé par Archangel, est "d'atteindre le fond de la Neuro Tower" afin de soigner le monde d'une vague de chaleur qui a perturbé la planète et se faire absoudre d'un péché, au passage. Quel est-il, ce péché, on en sait foutre rien au départ : le personnage étant amnésique et muet, on en sait pas plus que lui. Le joueur doit donc incarner un jeune homme aux cheveux bleu sombre, vraie gueule d'ange, et charcuter tous les Meta-Beings sur son chemin pour descendre d'étage en étage. Un Dungeon-RPG dans la plus pure tradition.
Le gameplay est minimaliste à souhait : une touche pour lancer un combo, une autre pour lancer une attaque spéciale. Ajoutons-y un inventaire ultra-limité (à peine 20 emplacements) parmi lesquels quatre types d'équipements (les épées, les manteaux, les fausses ailes et les parasites), ainsi que la possibilité de jeter des objets pour infliger des dégâts, et on aura fait le tour. Les objets en tout genre, qu'ils soient de soin ou d'attaque, sont obtenus totalement au hasard, en tuant des monstres ou en les trouvant par terre. Pas de mouvements d'esquive, ni de garde, juste les déplacements, avec tous les écueils qu'on peut citer (et il n'y en a pas qu'un) à la caméra des jeux 3D à la troisième personne. Quand on doit affronter un seul Meta-Being (nom générique des mobs du jeu), ça va, il suffit de marteler l'attaque spéciale. Quand on en a neuf à gérer en même temps (vécu) il faut se souvenir d'un autre adage de gamer : "si le jeu a un gameplay, c'est pas pour faire joli, alors tu piges ce que le jeu veut que tu fasses, pis vite !".
En plus, le jeu joue sur la complémentarité de deux jauges : les HP (on meurt quand on en a 0) et la Vitalité. Cette dernière se vide sans arrêt, plus rapidement quand on prend un coup ou qu'on porte une arme lourde. On en regagne en tuant des monstres ou en mangeant des Cœurs (ou plutôt des fruits en forme de cœurs mais chut). Tant qu'il en reste, on récupère des HP régulièrement. Quand elle atteint 0, on perd des HP à la même allure qu'on en gagnait. Rien de mieux pour nous foutre la pression et instaurer le besoin urgent de latter du streum à la chaîne, tout en nous décourageant de fouiller soigneusement les étages. Particulièrement épineux sur les premiers étages, le problème s'assouplit quand on atteint le niveau 6 ou 7.
D'ailleurs, à propos de pression, il est temps de répondre à la question qui tue : le jeu est-il aussi dur qu'on le dit ? Oui et non ! Il a des passages hyper pointus, notamment quand on est encerclé d'ennemis ou qu'on n'a plus de monstre sous la main pour regagner des points de VT, mais ce sont là des cas isolés qui font bien grincer les dents ; sur la globalité, il est plutôt tranquille (mais je ne suis pas encore allé très loin). Au surcroît, à certains étages se cachent des PNJ avec qui il faut interagir pour altérer la fin du jeu, ainsi que la longueur de la Neuro Tower. Si on compte s'arrêter à la plus mauvaise fin du jeu (que j'ai eue) il n'y a que seize étages, et en mode Normal, rien d'insurmontable si on prend la peine de sauvegarder à chaque étage et de reprendre sa sauvegarde à chaque KO. Le jeu peut alors se terminer en moins de dix heures. Si on vise le 100% de complétion, je gage qu'on puisse multiplier le chiffre par dix et le potentiel crise de nerfs par cent.
D'ailleurs, et c'est à savoir, quand les HP tombent à 0, ce n'est pas un Game Over, c'est la mort. On peut continuer le jeu, auquel cas on redémarre au pied de la Neuro Tower, mais en ayant perdu tous ses équipements et toute son expérience, comme si tous nos efforts n'avaient été qu'un mauvais rêve. On reprend les mêmes et on recommence. Un peu comme si on devait finir le premier
Castlevania avec une seule vie. Les étages de la Neuro Tower n'auront pas changé d'organisation, mais les couloirs reliant les pièces et les portails de changement d'étage, eux, seront placés d'une autre manière. Les paroles prononcés par les PNJ seront aussi légèrement différents, et en définitive, le jeu nous encourage à mourir pour faire progresser l'histoire.
En somme,
Baroque est un authentique jeu d'affect. Serez-vous sensible à son ambiance mélancolique et torturée, à son challenge bien présent et à la symbologie des Meta-Beings, ou serez-vous rebuté par son aspect technique très inégal, son gameplay très bancal et sa narration obscure au possible ? Maintenant que vous savez à quoi vous attendre, il n'y a qu'une façon de le savoir : tentez l'expérience !