Auteur Sujet: K. ~ Partir et autres expériences.  (Lu 46884 fois)

0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ Un peu de fantaisie
« Réponse #45 le: mardi 06 décembre 2011, 22:49:27 »
Bonsoir !

Voici, en cet hiver tant attendu, avant de commencer mon projet Memento Mori, Memento Vivere. - remerciements à Wolf pour les droits d'auteur sur la signature - la première partie d'une nouvelle qui date déjà. Je l'ai commencée à la fin de l'été, je n'y ai pas touché pandant une certaine période, alors, de peur qu'elle stagne, je livre une première partie. C'est une longue nouvelle, mais il s'agit de quelque chose de parfaitement légitime puisque sur un ton léger et parodique je parodie les codes de l'heroic-fantasy. L'on y trouvera donc des stéréotypes elfiques et emphatiquement héroïques, une princesse qui ne se fait même pas capturer, de la magie divine, des armes de mêlée gemmées, des distinctions de classe, ainsi qu'une liste non-exhaustive qui me remet en question par rapport à mon statut d'ex-joueur de WoW.

*

•Un peu de fantaisie

L’aube à la lueur des espérances fleuries aux matins pacifiques du royaume d’Yÿsœndrägr faufilait ses doigts fluets fascinant les paladins emplis de gloire et de justice pourfendant les ténèbres par leurs lames en adminium forgées dans la roche de cristaux de thorium, les mages dont les flamboiements mystiques contribuèrent aux victoires de la Quatrième Bataille de la Plaine des Artisans, les archers que la grâce aérienne et l’agilité imprévisible innée de leurs corps promulguaient au rang d’Élus dans la Guilde des Travailleurs de Plumes, les elfes de la Plaine qui usaient du mana hérité de la quatre cent-deuxième divinité du Vent mieux que personne, ainsi que les autres qui ne faisaient pas partie de l’Élite, à leur grand chagrin. Leur condition sur laquelle le Roi, les conseillers, les paladins appartenant à l’Élite de la Grâce mise en exergue par l’héroïsme que leur conféraient leurs gemmes de cristal, fermaient les yeux comme les avait fermés Ælexshärtrza la Reine Suprême de la flamboyante cité capitale d’Hyrle-Urllow pendant la fâcheuse posture du peuple humain, fut tant représentée par le Troisième Humain de la Providence dans le troisième cycle, chassé injustement de la cité, dont les derniers mots ornent encore le colossal portique d’or pourpre aux portes de la ville.

Ce fut au tour du mythique héros du royaume de lire l’inscription, s’avançant avec la solennité du Prince d’Agahür lorsqu’il parcourait la nef de la Cathédrale d’Arthanc s’inclinant sous la lueur de la paix d’antan.
Nous reviendrons. Nous reviendrons et nous serons des millions, lut-il.
C’est dingue, ça me rappelle quelque chose. Mais quoi ? entendit-on de la voix cristalline de Zödæ résonnant si souvent de son entière douceur sur l’autel du Temple elfique des Lunes Perdues.
Zödæ était une elfe de l’Azur née dans les derniers feux de la Guerre des Temps Immémoriaux. Ses cheveux blonds ne trouvant d’égal que dans son esprit triomphaient des cœurs de toutes les races humaines, elfiques, insurgées, hyalennes, mais jamais des nains ni des gnomes qui n’avaient dans leurs pics perdus pour seule compagnie que leur caleçon d’obsidienne et leur bière à la main. Princesse de la contrée lointaine d’Ælyn, elle brillait dans l’usage éthérien du mana conféré par les quatre cent-quatorze divinités en lesquelles elle croyait, ce qui n’était pas toujours réciproque.
Mais c’est pour le jeune glorieux héros Lynken que son cœur s’envola tel un rougeal phénixien brumeux parcourant la Plaine Azuréenne au crépuscule des déesses, il y a douze ans humains de cela. C’est en l’an 722, le deuxième jour de Solaris du calendrier humain, que Zödæ et Lynken scellèrent leur amour sous la bénédiction du soleil et des Lepidopteræ pourpre-argentés.

Lynken le descendant de la noble famille d’Atrëæ régnant depuis quatre cycles sur le royaume d’Yÿsœndrägr, était un homme, quoi qu’en puissent dire ses longs cheveux blonds, son rouge à lèvres et son Rimmel, qui lui valurent d’être maintes fois comparé au charisme sexuellement ambigu d’un elfe de sang de la contrée lointaine de Quel’Thalas, mi-elfe du Feu mi-humain. Maniant comme personne l’arc à flèche unique, technologie avancée recherchée durant trente-deux cycles d’années par le  peuple hyalenne contribuant à sa renommée mondiale, car personne n’était assez ridicule pour user d’une telle arme, Lynken était tout aussi fort pour s’enorgueillir d’avoir triomphé du mal par quarante-deux fois et pour prononcer des maximes vides de sens que l’écho chantait à travers l’éther mais que personne au monde ne comprenait.

Lynken accompagné de son arc solaire à flèche unique en hêtre incrusté de pyrite et de la main douce de son amante franchit les portes de la capitale. La magnificence des colossales sculptures du peuple humain ornant la solennelle entrée d’Hyrle-Urllow mettait à l’épreuve son sens de l’art et de la parole même.
- Waouh. C’est beau, dit-il afin de prononcer à juste titre de sa juste valeur une juste phrase vide de sens.
Mais enfin, Lynken, tu es déjà venu ici, lui souffla d’un ton aussi aimant que la douceur de la lune son éternelle amante.
Chut, lui murmura-t-il pour que le lecteur n’entende pas, c’est pour le quota de phrases débiles à remplir dans un roman d’heroic-fantasy. Maintenant, contente-toi d'acquiescer que mon ego puisse être satisfait, et avance avec moi sous les acclamations de la foule en délire qui n’attend que nous.
Oui, mon amour, ma vie. Après tout je suis une princesse blonde adjuvante du héros.

Et tandis qu’ils marchaient sur le ponton de pierre lisse blanche doublé du tapis pourpre réservé aux héros des Sept Royaumes, résonnaient des hurlements derrière les murs adossant la statue du Septième Commandeur de la Légion d’Argent.
Le Héros incarne notre seul espoir ! Le héspoir incarne notre seul eros !
Non, là, tu t’embrouilles, mec, entendit-on de la voix d’un second Garde de l’Élite.
L’Élite n’autorise que de droit exceptionnel de s’exprimer tel ce que vous dîtes.
Sans avoir fourni de traduction de ses paroles prononcées à l’instant, le Roi Suprême Daphn Wÿrnm Yensen II recouvert de sa cape en peau rare de loup blanc des Montagnes Septentrionales vendue à prix d’or brandit sa lame royale de diamant massif au pommeau de jade extraite de sa main des mines de la Gloria. L’ouïe du peuple résonnait du bruit du diamant tranchant la jonction dorsale de la tête et du corps, tandis que la tête désormais silencieuse d’un Garde de l’Élite poursuivait sa course jusqu’au trottoir de la cité.

Oh, une tête, s’aperçut Lynken.
À ces mots que personne n’entendit, le Roi accourut dans la direction de l’elfe du Feu triomphant, le postérieur face à la statue du Commandeur à genoux sur tapis.
Ô Grand Maître Vénéré Dont La Lueur Suprême S’Étend Par Delà La Lueur Du Firmament Divin, se prosterna le Roi lui-même.
Alors, déjà, tu me diras où t’as appris l’art de la lèche, et ensuite, quitte à continuer là-dedans à te ridiculiser devant nous-même, couche-toi à mes pieds et lèche-les, réagit un Lynken offusqué de la scène.
Non, non, quand même pas, y’a des limites, oh ! se releva Daphn Wÿrnm Yensen II le Roi Suprême de la flamboyante cité capitale d’Hyrle-Urllow en dépoussiérant sa tunique à torsades d’or et de lapis lazuli. Le Conseil de Garde de l’Élite a décidé la nécessité de votre intervention. Ainsi que celle de votre, hum, là, votre truc.
Regarde Lynken, il a besoin d’être ridiculisé et puni par nous-même, c’est-y pas mignon ? sourit Zödæ, offusquée mais prenant un malin plaisir à révéler grâce à sa puissance éthérienne le caleçon à fleur de sa Majesté Daphn Wÿrnm Yensen II.
Donc, vous avez besoin de nous pour quoi, au final ?
Le Mal a commencé à vouloir étendre son empire au loin des frontières des terres brumeuses d’Ysengnärkl.
Le peuple fut abasourdi au point que cinquante-trois pour cent de la population assistant autour à la cérémonie publique tomba en syncope.
Les frontières des terres brumeuses d’Ysengnärkl ? Mais c’est à cent deux géopades du royaume ! s’insurgea Lynken tout en précisant au lecteur ignorant que les géopades sont décidés comme étant des unités de mesure de cet univers incongru.
Certes, mais nous ne tenons plus à prendre de risques inconsidérés en laissant le Mal s’approcher trop près de nos terres et notre population, répliqua le Roi.
Mais il n’y a rien à plus de vingt-trois géopades d’ici dans la direction d’Ysengnärkl !
Soumettez vous au silence. Je suis le Roi de ce Royaume.
Cependant c’est toi qui étais à deux doigts de me lécher les pieds à l’instant à peine.
Certes. Mais, il n’empêche que vous deux êtes les héros de ces terres, élus par les divinités  pour chasser le Mal par votre puissance incommensurable. Vous obtiendrez donc notre reconnaissance éternelle si vous consentez à accomplir la quête qui vous est demandée.
Encore ?
Il faut croire, rajouta Zödæ. Qu’est ce qu’on fait ? On accepte ? Parce que ça fait quand même loin, on s’éloigne un peu de la quête principale, je pense.
Nom de la soixante-quatorzième divinité de l’Eau, tu penses ! s’écria Lynken. Hum. Trêve de sérieux. J’en ai un peu marre de toutes ces quêtes annexes. C’est quoi la récompense ?
15 000 XP, armure de pyrite royale, soutien-gorge orné, flèche unique de basalte, baguette de mana prézorkienne, 200 000 Rubis.
Ils s’émerveillèrent.
Nom de la quatre-vingtième divinité de l’Azur, ça c’est du stuff ! s’écria l’elfette.
Ah ça, ma petite dame, c’est pas des quêtes de lopettes ! •Accepter. •Refuser.

Lynken et Zödæ reprirent en main leur héroïsme et leurs armes, parés de leur meilleur équipement gemmé d’obsidienne et d’or pourpre, acceptèrent leur quarante-troisième quête et partirent en direction des plaines mortuaires, des horizons verdoyants, des océans marécageux jusqu’aux impénétrables terres oubliées d’Yÿsœndrärg desquelles personne n’était encore ressorti.
On va pas me faire savoir que je suis le seul héros qui peut triompher du Mal dans ce royaume de treize millions de justes paladins, de gentils elfes efféminés, de beaux humains blonds aux yeux blonds, de méchants orc-garous, de gobelins kaki maîtres dans l’art  de la copulation avec les trolls, de forgerons et joailliers émérites, ainsi que, tiens, le temps que je parle, nous sommes déjà arrivés.
Déjà ? s’étonna Zödæ qui n’avait subi les diatribes de cette ignominie que depuis le temps incroyablement long d’une minute.
Oui, mais, tu ne diras rien, j’ai speedhacké, de plus c’est une des incohérences de cet univers.

Le nom de la zone inconnue s’afficha en caractères gothiques ambrés : Le Bourbier de la Groupière, tandis que la carte se dénudait de son brouillard de guerre.

Mais ils pourraient pas nous sortir des noms de zones qui veuillent dire quelque chose, des fois ? s’insurgea Zödæ.
Tout a une origine. Les Tomes Elfiques de la Bibliothèque des Jours Incendiés transcrivent les derniers mots du Deuxième Humain de la Providence, qui, sombrant dans la folie au point de parler aux Gavials des Ombres, leur adressa ses mots dans son dernier souffle de haine envers la cité : « J’ai quitté le groupe hier. »
Mais, mais il a dit « le groupe hier », c’est masculin ! Le nom de la zone est féminin, ce n’est pas logique !
C’est une parodie d’heroic-fantasy, on a jamais dit que ça devait être logique.
Ah oui, je suis un femme, c’est vrai, se soumit-elle.

Et ils marchèrent, et ils marchèrent, au milieu des Crocodylæ blancs, des Hirudinés des sables, des Élémentaires  et des Nénuphars sporadiques, affrontant des dangers incommensurables, risquant jusqu’à leur vie et leur mort, mais triomphant toujours grâce au divin pouvoir de l’amour et surtout aux coups de flèche unique dans les membres des ennemis qui s’y offraient.

Et tandis qu’ils traçaient dans la fange leurs victoires héroïques, les forces noires du Mal  poursuivaient leur course en direction de la chute d’Yÿsœndragr. Désormais loin à trente géopades de leur terre natale qu’était les Quatre Premiers Royaumes régis par le pouvoir exécutif d’Hyrle-Urllow, les deux élus des déesses amoureux sous la lueur ardente des feux du crépuscule courraient jusqu’à rompre leur force vers l’horizon de la Mer de l’Eau saillante des âmes perdues.
Je commence vraiment à me demander si ça a un sens, haussa les épaules Zödæ.
Un quoi ? perdit certaines connexions de son organe cérébral Lynken.
Un sens, d’autant plus quand je vois à quelle sauce nos verbes introducteurs sont placés, se couvra-t-elle le front avec la paume de la main.
Un sens ? Mais qu’est-ce que c’est ?
Oh, je sais pas trop.
Est-ce que ça a un rapport avec l’Eau saillante des âmes perdues ? demanda-t-il afin de fuir ce sujet qui n’avait plus de rapport qu’avec une œuvre précédente dont on ne doit pas prononcer le nom. Je sais pas, ça ressemble à « océan ». Un peu.

Au fil de ces débats à l’immense portée métaphysique, l’énigmatique silhouette noire horrifique se dessinait à l’horizon, dépassant la vision de la mer au calme inébranlable dans sa force naturelle face à laquelle personne ne pouvait rien. Il marchait en direction de Lynken et Zödæ dans un rythme épique. Ils marchaient en direction du Mal dans un rythme épique.
Du Mal ? s’étonna Lynken à mi-chemin, à la nage sur l’Eau saillante des âmes perdues.
Non, on a dû mal lire. C’est théoriquement impossible que l’on croise le mal à mi-chemin au hasard, sans aucune armée ni solennité ; nous sommes les héros et il est le méchant, il périra par l’épée dans un cri héroïque médité de nous deux.

Ils avançaient chacun au rythme d’une musique épique nommée The Day Before The Fight Between the Good and the Evil. Ils se croisèrent, à la nage, parce que le Destin l’avait écrit ainsi.

Mais ils ne firent que se croiser. À peine trois décanes, ou si peu, plus tard, ils rebroussèrent chemin.
J’ai un mauvais pressentiment, frissonna Lynken.
Par les douze divinités de la Trinité, mon aura sent au loin les émanations maléfiques qui rendent notre royaume comme à feu et à sang, prédit Zödæ de sa voix sensuelle ayant si souvent déclamé les Hymnes de la Terre sur l’Autel d’Yÿsœndrägr.

L’aura des ténèbres prit les yeux de la belle elfe de l’Azur. Les pouvoirs célestes des fées et des déesses pénétrèrent l’épée divine du héros.

Ainsi, c’est vous ! Je vous attendais, Lynken et Zödæ, jeune héros de la prophétie, et jeune princesse destinée, je n’ai besoin plus que de vous pour ressusciter mon Maître !
Le Seigneur du Mal Incarné n’obtint point de réponse.
Offusquez-vous, par les esprits des Ténèbres Emprisonnées ! Je connais votre nom alors que je ne vous ai jamais vus !
C’est normal, c’est la magie, dégaina-t-elle sa Cime de Dévotion Crépusculaire au mana éthérienne.
Mais, vous voulez dire, que vous n’êtes pas un PNJ ?
Non, Lynken. Je suis ton père.

*

Les plans de la " deuxième partie " sont prêts depuis le début, j'ai choisi cette division uniquement pour aider au confort de la lecture et ne pas me prendre pour PdC. N'hésitez pas à commenter, à conseiller, ainsi qu'à jeter un œil sur ma première nouvelle du concours, Deus Sex, qui est déjà publiée mais que je posterai sur cette bibliothèque à la fin du concours.

Bonne lecture, à bientôt !
« Modifié: samedi 28 avril 2012, 22:17:12 par un modérateur »

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ Deus Sex
« Réponse #46 le: vendredi 30 décembre 2011, 15:14:32 »
Bonsoir !

En raison de la passion utilisée pour le Concours et évènements récents qui donnent à savoir que la littérature n'est pas morte (Ironie), le Concours littéraire est annulé. Ma déception en témoigne, mais cela me permet de poster officiellement mes deux textes, Deus Sex ainsi que Alpha & Omega, deuxième ne pouvant donner suite. Voici donc la nouvelle écrite pour le première thème, Enfance, demandant d'écrire à l'instar d'un enfant qui voyait une fin du monde imminente. L'originalité m'a valu un bon résultat pour ce premier tour, donc le thème laissait une libre interprétation. N'hésitez pas à aller voir la présentation de l'épreuve sur le topic du Concours ! Sachez que j'ai également voulu commencer une nouvelle pour les rattrapages ; je ne l'ai pas terminée, depuis la date limite je ne l'ai pas continuée, le texte m'intéressant moins. Elle restera peut-être inachevé, mais je la garde sous la main pour avoir un texte à compléter par la suite.

*

•Deus Sex

Il fait froid. Papa il dit que l’été est mort. J’aime bien l’été, plein de jours j’allais à la piscine, je jouais avec tous mes copains, je mangeais des glaces, parce que Maman elle aime m’acheter des glaces aux Smarties et moi j’aime les manger. Le jour de mon anniversaire, y’avait plein de copains à moi, et on a mangé presque que des glaces aux Smarties. Après on a joué dehors, parce qu’on était tout le temps dehors dans mon jardin, il faisait chaud mais on a trop rigolé. Mais Papa il dit que j’en aurais plus, des anniversaires comme ça. Papa il dit que tout va être détruit, que tout le monde va se casser la gueule et que ça sera bien fait. Des fois il crie tout seul ou contre Maman. Il crie que c’est pas la peine parce que tout va finir, que c’est pas la peine de gueuler, alors il crie contre Maman, parce que de toute façon c’est la fin du monde, que le monde il a qu’à crever à cause de la guerre, pris par les armes et les chars et plein de gros mots. Et puis à la télé ils ont dit ça aussi. À la télé ils parlent tout le temps de la fin du monde dans des films avec des gens qui crient. Comme Papa et Maman. Papa il aime pas les films comme ça, il dit que la télé dit n’importe quoi, il dit que c’est pas fait pour les gosses, en plus il me dit que ça fait peur. Alors moi je regarde pas.

Maman, avec moi, elle m’aime. Elle m’aime beaucoup ma Maman, beaucoup plus. Maman elle me dit toujours qu’il y aura pas de fin du monde, que je dois pas écouter Papa, il y aura jamais de chars et de guerre. Alors j’ai pas à avoir peur. Après, on fera plein de jeux, j’irai à l’école, j’apprendrai à lire, je suis déjà allé à l’école et j’ai eu plein de bonnes notes, alors Papa, Maman, et moi, on était contents. En plus j’aurai plein d’amis et ça sera comme à mon anniversaire. Mon anniversaire cet été, c’était le meilleur de toute ma vie.

Je m’appelle Kalvin et j’ai huit ans. Je suis né en 2012, il paraît qu’en 2012 c’était la fin du monde, mais y’a rien eu. Alors peut-être que cette année y’aura rien. Je sais pas moi. Papa il dit que c’est bientôt. Si ça se trouve, la fin du monde ça existe pas, c’est juste Papa qui fait des cauchemars ou qui lit trop de livres sur la fin du monde, parce que lui il regarde pas la télé. Moi j’aime la télé. Je regarde tout le temps Pokémon Burning Asphalt & Shining Blood New Season: Arena Champions avant l’école, comme ça Papa il me dit que ça peut compenser. À l’école, on parle pas de la fin du monde, on apprend plein de choses avec les copains et le maître et la maîtresse.

Y’a que Papa qui parle de la fin du monde. Mon Papa il crie après moi, il dit que c’est qu’avec Maman, qu’il compte plus, que c’est son problème. Papa il dit même que c’est sa faute, et que c’est tout. Si ça se trouve, y’a que Papa qui aura sa fin du monde. Mais je sais pas, il va pas mourir à la guerre, il travaille pas dans tout ça, mon Papa il travaille sur un navire dans un bureau, ou c’est ce qu’il dit. Mon Papa il m’amène toujours des jolies images de bateaux sur la mer, et de baleines dans l’océan. Il veut partir après la fin du monde sur son joli bateau pour voir la mer parce que ça sera que son problème, il parlera avec les poissons, les oiseaux, les oiseaux et les poissons, qu’ils seront ses seuls amis à lui et qu’ils vont se comprendre. Mais je sais pas où c’est l’océan. De toute façon Papa il dit que pour l’instant il attend la fin du monde. Il dit que ça va tout changer et que ça sera tant mieux. Il dit que c’est que contre lui et Maman, Maman elle dit que c’est que avec elle et Papa. Ils me disent toujours que c’est pour mon bien ou bien que c’est pas grave pour moi. Des fois faut qu’ils parlent. Mais ils crient.

Mais moi je sais pas ce que c’est la fin du monde. Peut-être que Papa et que Maman ils vont mourir, peut-être que mes copains ils vont mourir ou peut-être que je vais mourir. Même si Maman et Papa ils m’ont déjà dit que la mort, c’est pas pour moi, ou c’est que eux qui la comprennent. Mais moi, je suis déjà allé à un enterrement, quand ma Mémé elle est morte. Mais Maman elle dit que je m’en rappelle pas parce que j’étais tout petit, mais avec la musique, c’était triste alors elle a pleuré. Et mon cochon d’Inde aussi, il est mort, mais il était trop mignon. Elle s’appelait Tenshi. J’aimais toujours lui donner à manger des graines et à boire dans son petit biberon. Elle venait toujours vers moi et elle était trop douce, on aurait dit qu’il voulait me faire des câlins. Mais à la fin de sa vie, elle est partie, Maman elle m’a dit qu’elle s’était endormie très longtemps. Mais j’étais petit, maintenant je sais qu’elle se réveillera plus. J’ai beaucoup pleuré quand je l’ai enterrée dans le jardin, avec un peu de foin et un peu de sciure.
Maintenant je suis grand. Moi, je sais pas si on va pleurer lors de la fin du monde, parce qu’on dit qu’on va mourir.
Moi, je veux pas mourir. Je veux manger les tartines de riz moléculaires au Tofu préparées par Maman, et puis aller à l’école avec mes copains rigolos, et puis faire des bisous à Lola, et puis avoir des enfants, et puis devenir cosmonaute, et puis aller sur Saturne avec Lola.
De toute façon, Papa il me dit que je risque rien, que c’est pas mon problème, que je m’en foutrai. Mais je sais pas ce que ça veut dire.

En plus, on dirait que c’est demain ou la semaine prochaine, la fin du monde. On dirait que le monde il va bientôt exploser, parce que Papa a dit que ça va être terrible. Moi, ça me fait peur. Je suis peut-être tout seul, parce que mes copains ils en parlent pas. Mes copains ils disent qu’ils ont vu des trucs que dans les films, avec des bombes, des extraterrestres, des météorites, des explosions, ou des attaques de Kinder Bueno géants. Peut-être que c’est ça, la fin du monde. Peut-être que ça veut rien dire du tout. En tout cas, à la télé c’est pas comme ça. C’est toujours dans les films que Papa regarde, et Papa il dit que c’est dans peu de temps. Papa il a dit qu’il était sûr du temps, mais il voulait me le cacher. Alors, Maman, elle est gentille avec moi, elle veut pas que j’entende Papa. Alors elle me donne des bisous, pareil que quand le matin je vais à l’école. Elle me borde le soir, dans mon lit, avant de faire dodo, elle me dit « je t’aime », même des fois, je l’entends pleurer mais elle elle voulait me le cacher.
De toute façon, Papa il dit que la vie continuera pour tout le monde, il est bizarre, mon Papa. Il dit que j’aurais qu’à faire des études de droit numérique intermondialiste comme tout le monde, que j’aurai un beau diplôme électronique orné de dorures et de longs rubans pourpres comme tout le monde, que j’aurai trois enfants virgule huit comme tout le monde, que j’irai vivre en Nouvelle-Chine ou en Amérique et que je n’aurai pas d’avenir dans un bureau pour signer de la paperasse pendant soixante-dix ans, comme tout le monde. Mais moi c’est pas ce que je veux.

Ce que je veux, c’est pas la fin du monde. C’est savoir ce que c’est. Ça a pas l’air d’être la guerre. Mais c’est calme. C’est tout calme. Papa il crie plus, Maman non plus. Ils parlent plus. Je sais pas. Mais Papa, il a dit que c’était demain. Il a peut-être voulu me le cacher, mais je l’ai entendu et Maman aussi.
Demain, il va chez le juge. Ils vont divorcer.

De toute façon Papa il dit que c’est qu’une histoire de cul.

*

En prime, comme je l'ai posté pour Game Over, je vous offre l'avis du jury.

Citer
Avis Raphaël
Forme : [7,25/10]
Un texte stylistiquement intéressant car il reproduit le langage d'un enfant (même si à huit ans, faut pas charrier, un enfant ne parle plus d'une telle façon) (1,5). Pour ce qui est du respect du thème, je n'ai rien à redire si ce n'est que je trouve que la possibilité de montrer l'impact psychologique sur l'enfant n'a pas été exploité, dommage (1,5). En ce qui concerne l'orthographe je n'ai rencontré aucune faute (2). Texte assez clair, sans incohérence même si les structures enfantines nuisent un peu à la compréhension. (1.75). Pour ce qui est de l'originalité du texte, je suis désolé mais j'ai trouvé que c'était assez convenu, même s'il est fortement probable que si la fin de l'humanité devait arriver par la guerre. Du coup ça met du plomb dans l'aile au texte (0.5)

Ressenti personnel: [8/10]
C'est un texte que j'ai globalement apprécié malgré un certain manque d'originalité. La grande trouvaille c'est le style enfantin et l'utilisation du présent de narration qui rendent le texte authentique, je soutiens toutefois qu'un enfant de huit ans ne parle plus d'une telle façon. Autre chose, les références multiples qui jalonnent le texte tel que les Pokémons ou bien les Kinder Bueno, même si elle font sourire et sont assez amusante, grillent un peu l'ambiance sensée être lourde et dramatique, un choix malheureux.

Note finale [15,25/20]



Avis Lu
respect du thème: 4/5 rien à ajouter
originalité/reflexion: 4/5 de bons éléments
orthographe/lisibilité: 4/5 on a du mal à définir le genre du cochon d'Inde
appréciation personnelle: 4/5
La conclusion m'a bien fait rire. Le récit tourne un peu en rond, certains paragraphes auraient pu être écourtés.

note: 16/20



Avis John
Magnifique. J’ai d’abord cru que le style extrêmement enfantin le serait justement trop, un cliché total de ce qu’on s’imagine quand on pense à la façon de parler d’un gamin… et, très vite, cette diction passe et paraît justement moins bête qu’elle n’y paraît. Sur ce point, chapeau.
Et l’histoire… l’histoire est, sans équivoque, maîtrisée avec brio. Sans détours, je dirai que c’est, me semble-t-il, une approche parfaitement réaliste et intelligente de ce qu’un enfant, dans ce contexte, à la fois naturel et aimant, et effrayant et anormal, aurait lui-même.
Deux-trois fautes, un peu bêtes, comme une répétition et une confusion futur/conditionnel. Rien d’important, mais justement, dans un texte qui ne fait presque pas d’erreur, tomber dessus est d’autant plus remarquable.
Autrement, on est perdu, on est confus, on veut savoir mais on ne saura jamais, et ce qu’on sait c’est pas clair, et ça, ça, ça marche mais parfaitement. Ce n’est pas de l’ignorance frustrante; c’est de l’ignorance parce qu’on est dans le même état que le personnage, et que le personnage, il n’en sait rien, lui.
Un gros, gros souci toutefois : la phrase finale. Je n’ai absolument pas compris. C’est une histoire de cul ? Ils sont dans une secte ? Ils sont dans l’armée ? Je pense bien qu’il y a une subtilité dans le thème « fin du monde », une volonté d’originalité, de « ah le salaud, bien vu ! », mais… je vois pas. C’est bête, parce qu’en plus ça pourrait être très efficace, renversant… Mais ça, par contre, ce n’est pas évident. Vraiment dommage.
Au final, je dirai que ce texte est extrêmement mature et intelligent, dans une simplicité joliment mesurée.
16/20



Note
15,25+16+16=47,25
47,25/3=15,75
15,75/20


Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ Alpha & Omega
« Réponse #47 le: vendredi 30 décembre 2011, 23:03:10 »
Voici donc la duologie du concours, avec le texte de la deuxième épreuve, nommé Alpha & Omega, formule grecque qui aurait pu donner suite à un troisième texte, pour conclure en beauté. Mais soit, le texte est assez fini par ce qu'il traite, la note en introduction indiquera quelques détails. Parce qu'en effet, le deuxième thème du concours, Musique, demandait d' " écrire une musique avec des mots ", injonction relativement relative. Je pense que beaucoup ont laissé libre cours à leur interprétation, j'ai voulu me donner une contrainte qui m'a passionné ; écrire selon une musique, en respectant son rythme. Il est difficile de forcer un rythme de lecture donc j'ai établi une moyenne de temps qui correspond lorsque je l'ai testée.
Alors, je serai capable d'écrire un plaidoyer complet sur la musique utilisée, oui je serai capable de faire bouffer du verre pilé en empalant sur un grappin le premier qui m'en parle, mais sachez que Lux Æterna est l'originale présente dans le film - qu'on connaît tous v.v -, et correspond le mieux au contexte. ça et ça n'ont jamais existé. JAMAIS.

*

•Alpha & Omega

Nota : La version de cette musique qui correspond au rythme de la lecture doit être jouée pendant votre lecture du texte. Elle est la seule piste nommée ainsi que l'on trouve dans le film, replacée dans son contexte. Je ne force pas votre rythme de lecture ; mais lorsque j'ai essayé afin d'établir une moyenne, il devait être un peu plus rapide que la moyenne. N'hésitez pas à relire sans la musique ou plus lentement pour pouvoir analyser plus en détail.


Les bureaux de verre et d’acier ne surplombaient rien d’autre qu’une désolation. Ils le regardaient livré à leur jugement. Ses crevards étaient peut-être là, à recompter leurs verres, leurs armes, ou leurs cris, à ne vouloir même pas crever la bouche ouverte dans les ruines de leurs illusions, tout ce qu’il leur voulait. Le peuple ne pouvait pas l’ignorer, les voitures voyaient ce qu’elles voyaient, la foule s’attroupait, les chiens n’assumaient pas ce qu’ils avaient crevé, tous, tous les vautours venaient montrer du nez un homme qui avait peur de se retourner après avoir dormi sur ce qui était avant.
Ce qui était, il ne s’en souvenait plus. Ce qui restait, il en avait peur. Que des ruines quand il se retourna enfin. Que des planches de bois brûlées, des tables craquées, des cadavres d’alcool et des peaux mortes d’hommes, de femmes, d’enfants. Que des livres tombés, des poussières de couvertures, des pages arrachées, des lettres perdues.
Il n’attendait pas ça. Non. Il voyait de ses yeux vides, il n’y avait plus rien, ce n’était pas qu’un rêve, il ne voulait pas le savoir et pourtant le savait, il aurait voulu hurler. Ce n’en était pas encore décidé, les ombres qui alimentaient leur morne quotidien lui auraient dit. Il voulut hurler à la face de la foule de la force des ses larmes et de ses cris. Rien.
Il n’y avait rien qui quittait ses tripes. Il était vivant dans une ville dont il avait peur, au milieu d’une foule oppressante qui ne faisait rien là. Personne ne criait, personne n’entendait. Il était écrasé par une peur d’être seul et entouré de tous, réalité quelconque, sans aucun souvenir. Que des ruines, et lui. Il attendait.
Encore. Il attendait de s’éveiller, pour se consoler, ou de s’endormir, pour espérer. S’il n’y avait plus rien, si plus rien ne restait, si personne ne vivait, s’il croyait que rien n’était réel. S’il n’avait plus à voir que les yeux crevés, que les rêves perdus, que les Songes d’une nuit d’été embrasés dans leur lit. S’il le pouvait encore, il n’avait plus qu’à croire. Ou bien, il lui semblait, qu’à se souvenir.

Il se souvenait. Il avait voulu, parce qu’il était jeune, espérer encore en la littérature, les livres, les brouillons, et les poètes maudits, il avait dès ses premiers printemps ouvert, entre deux ruelles et trois planches de bois, sa bibliothèque, celle qui laissait la ville en dehors du tumulte, celle qui préservait les feuilles écrasées par une société qui le rendait fièrement misanthrope jusqu’aux veines. Et il espérait. Au début, elle vivait, chantait-il autour de voix douces de femmes, de verres d'absinthe, de menthe à l’eau et de senteur de Fleurs du mal. Au début, ils lisaient, ensuite, ils écrivaient. C’était ce qu’il voulait, qu’ils soient un, deux, vingt, cent ou des millions, ainsi rien n’était mort. Enfin, ils oubliaient.
C’étaient les mêmes qu’il voulait réunir pour découvrir cette vie qui brûlèrent un soir les sols par l’eau-de-vie, qui nourris par la folie mirent à sac les pages, abattirent les planches, broyèrent les tiroirs, violèrent les femmes saoules en déchirant leurs seins, achevant le reste sur les hommes et les enfants, et défoncèrent les portes en croyant aux conquêtes.
Il avait vu les corps. Il les avait vu, impuissant, prisonnier, brûlés par ce qu’il restait. Il avait vu les bras survivre aux agresseurs, les filles résister aux pulsions décharnées, il les avait vu tous jusqu’au dernier. Il avait vu les derniers livres brûler leurs derniers mots, les dernières illusions crever jusqu’à ses yeux. Que des derniers feux de la violence.
Que de la culture perdue qui jouait une partie qui n’en finissait pas. Réduit à un jeune patron de café vivant ses dernière heures. Il subissait sa perte, celle de ce qu’il voyait, jusqu’à être réduit à en fermer les yeux ; les hurlements de foule, les senteurs de whisky, le goût de la folie, et les copeaux de bois qui le heurtaient aux jambes. Il les avait vus tous. Il n’oubliait rien. Il devait fermer les yeux. Il ne pouvait pas les rouvrir. Mais il ne rêvait pas.

Il ouvrit les yeux. Il soutenait le présent. Il était regardé par la réalité, par le peuple dans lequel les fous étaient peut-être, par ceux qui aimaient le spectacle de l’homme désœuvré. Ils le voyaient jouer. Ils le regardaient perdre. Ils le voyaient tourner sur lui-même, encore et toujours, dans une histoire dont il n’était  même pas le héros.
Il était soudain retombé dans une réalité. Perdu parmi les perdus. Soumis à la nature qu’il avait voulu haïr. Alors peu importe ce qu’il avait fait, peu importe ce qu’il ferait, puisque son passé était déjà perdu, puisqu’il n’y avait pas d’avenir. Mais il n’était plus temps de se complaindre sur ses illusions perdues, de vomir ses regrets, ou de pleurer sur les perdus. Ça y est ; il s’était réveillé sur ses ruines, il le savait déjà. S’ils l’avaient torturé, s’ils avaient tour à tour craqué les verres sur son crâne, s’ils l’avaient jeté dehors, s’ils avaient éraillé vingt ou cent livres déjà vieux, peu importe. Il ne pouvait oublier, il ne pouvait espérer, il en était plus que fier. Il voulait seulement faire subir à la foule toute l’indifférence qui habitait ses veines. C’était sa vengeance. La vengeance qu’il adressait à sa résignation ou à sa soif d’attente. Désormais. La haine qu’il vouait à son public ou à ses meurtriers. Maintenant. La folie issue de son passé ou venue par son présent. La folie.
Il courut dans la foule, il revint sur ses ruines. Il fermait les yeux. Il les ouvrait. Il pleura. Encore. Il clignait devant la foule. Son temps était suspendu, son propre corps l’écrasait. Il finit par sombrer sur le sol, s’écroulant face à aux champs de la folie, allongé dans la ruine. Il imaginait venir de nouveau dans un café tout neuf. Il ouvrit sa porte. Il sentit une feuille.

Il rêvait enfin, allongé, livres ou ruines, la société le regardait encore. Du haut des bureaux de verre et d’acier.

*

Je précise également que je trouve ce texte d'actualité et correspondant bien aux évènements. Je ne dirai pas jusqu'à dire qu'il est un hommage, mais il m'a tenu à cœur - si tant est que j'en aie un - de l'écrire.

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ Memento Mori, Memento Vivere.
« Réponse #48 le: mardi 31 janvier 2012, 22:41:14 »
Après des ébauches travaillées à la plume en plein cœur de l'hiver qui se faisait attendre, après avoir concrétisé le projet que je voulais écrire depuis près un an, après avoir fini paradoxalement Misanthropie, mon Amour., après avoir haï et hurlé ma haine pour le Temps, après avoir vécu les joies et les souffrance inhérentes à l'activité d'auteur, Memento Mori, Memento Vivere. est officialisée et vient de naître comme un long projet personnel, qui, malgré tous les plans, malgré la connaissance du commencement et de la fin, malgré le calcul de tout, ne peut au final absolument pas se deviner.

Il y aurait à dire avant de commencer ; pour vous laisser découvrir avec mon écriture et celle des faux auteurs, une précision cependant. Chaque chapitre, puisque cela m'avait plu dans mon précédent, s'accompagne d'une musique, qui constitue uniquement une référence et n'est pas introduite avec la volonté de correspondre au rythme, ce qui imposerait une contrainte trop lourde. Vous pouvez la voir comme une référence, une musique ou chanson qui correspond au thème, qui peut peut-être s'écouter en même temps, mais là n'est pas son but. Mes chapitres postés s'accompagneront toujours de mes courts textes personnels de présentation, cela me permettra d'introduire plus tard la division en trois parties.

Vous lirez le premier mot, la première phrase, le premier texte, je connais le dernier mot, je connais ce que j'écris. Je publierai à un rythme régulier, même si je me détache de la politique du résultat, mais, puisqu'il faut se soumettre au temps, j'en serai. Je poste le Prologue, un dernier jour d'un premier mois, un hiver attendu dans lequel le froid viendra enfin, dans un prochain post afin d'aérer la mise en page. Je remercie John de m'avoir soutenu et vous souhaite une bonne lecture de ce court prologue, un bon partage, un bon questionnement et de bonnes critiques, mais pour introduire avec une citation autre que la dernière phrase de ce Prologue : " Tout ce qui doit être dit ne peut parfois l'être avec des mots. ".

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ Memento Mori, Memento Vivere.
« Réponse #49 le: mardi 31 janvier 2012, 22:41:33 »
*

•Memento Mori, Memento Vivere.

Prologue : Alpha


Naître dans un monde commencé sans le temps et fini par le temps. Vivre là où l’on naît, là où l’on est élu. Survivre sur une terre que l’on n’a pas voulue.

L’œuvre à laquelle ils croient, s’ils veulent encore savoir d’où viennent leurs origines, où ira leur destin. L’œuvre née des Déesses, elles les seules à connaître l’Alpha et l’Omega, le commencement et la fin, les premiers et le dernier. Ce qu’ils veulent savoir, ce qui leur coûtera, ce pour quoi survivre est devenu leur lot avec le temps. La voici, qu’ils contemplent, qu’ils assument la bête ; la destinée des Hommes créés par le Destin qu’ils ont créé eux-mêmes.

Rien d’autre que le monde, le bien, le mal, les Hommes, ne sont nés des Déesses. Ils ne connaissent rien d’autre que ce qu’ils peuvent savoir. S’ils veulent croire en nos biens, à trois triangles d’or scellés dans un lieu saint, la liberté est leur. Pour avoir créé une seule preuve d’existence, pour avoir élu les destins de trois Hommes, pour avoir incarné le sacré et la haine, le bien et le mal, l’élite divine leur doit d’avoir leur religion, et de n’être rien d’autre que la proie de leur foi. Les Déesses sont lâches, lâches pour laisser leur monde à ce qu’elles ont voulu, mais les Hommes le sont, les Hommes l’ont été, été jusqu’à leur fin.

La terre n’est pas née, la terre n’est pas morte. Bien ironique sort pour l’œuvre qui est nôtre que d’être sous le temps. La terre est créée, la terre est détruite, peu importe quand, peu importe la mesure, peu importe quelle bête l’a voulu ; c’est une réalité que les Déesses savaient, qu’elles savent et qu’elles sauront. L’héroïsme des héros, la lâcheté des lâches, les vies qui sont soumises au hasard et les morts qui ne le sont pas ; nous, Déesses, le voulons.

Alors qu’ils croient, qu’ils guettent, qu’ils attendent et qu’ils hurlent, qu’ils écrivent, qu’ils parlent, qu’ils vivent et qu’ils se tuent, qu’ils poignardent, qu’ils tirent, qu’ils se jettent et s’entassent ; auront-ils autre chose tant qu’ils ne seront rien ?

Nous laisserons les Hommes et nous nous retirons. Nous n’avons donné rien d’autre qu’une  marque d’existence ; croire sera leur peine, leur joie, leur vie. Pour des statues scellées, pour des guerres, pour des fous, nous serons leur pierre brute, nous serons la mère d’un monde encore naissant, nous serons les auteurs du destin de lecteurs.

Ce n’est pas tous les jours qu’on écrit un Prologue. Qu’ils soient libres.

Écrits des Déesses. - Textes intemporels non destinés aux hommes. Non-datés.

*
« Modifié: mercredi 01 août 2012, 22:21:32 par un modérateur »

Hors ligne Suijirest

  • Skull Kid
  • *
  • Messages: 5923
  • Ci-gît Suijirest
    • Voir le profil
K. ~ Memento Mori, Memento Vivere.
« Réponse #50 le: mercredi 01 février 2012, 15:01:58 »
Pour des raisons diverses et variées je me devais de lire cet écrit que tu nous promets depuis longtemps.

J'ai parfois du mal avec tes écrits un peu (beaucoup ?) surréalistes, mais j'ai trouvé ce Prologue très lisible, bien plus que Thanatos mon ami.

Les thèmes qu'il aborde font partie de mes convictions, ça pique ma curiosité. J'y relis même ma devise fondamentale à un passage :

Citer
La terre est créée, la terre est détruite, peu importe quand, peu importe la mesure, peu importe quelle bête l’a voulu ; c’est une réalité que les Déesses savaient, qu’elles savent et qu’elles sauront.

"L'humanité est issue de rien et elle y retournera", à peu de choses près.

J'attends le prochain chapitre, résolument !

Mille mercis à Yorick26 pour la signature !

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ Première partie : Le temps des dagues.
« Réponse #51 le: vendredi 24 février 2012, 01:03:30 »
Voici le premier chapitre de Memento Mori, Memento Vivere, par la même la première partie. Je divise en effet le texte intégral en trois parties, qui chacune se dérouleront dans un temps différent selon une évolution. Je suis fier de ce travail et je pense que je vais prendre un grand plaisir à écrire la suite, même si, ce mois-ci, le temps va probablement me manquer ; je me tiens tout de même à un rythme régulier. Dans ce premier chapitre, sobrement intitulé comme beaucoup d'autres, on trouvera un léger fond issu du dernier Zelda, on y lira de l'éphémère, du présent, de la logique, et de la chaleur humaine marquée par des dialogues. Ça changera ; j'avoue que j'ai moins l'habitude donc j'ai joué sur les sens et sur une accentuation des détails, le contexte de la musique devrait aider.

C'est là que, justement, je précise : la musique n'est pas directement censée s'écouter en même temps, ce qui des fois, si je place une chanson de Brel par-dessus un poème, s'avèrera par exemple impossible. Voyez-là plutôt comme une référence, une influence qui présente le chapitre généralement, donne un ton, bien que je ne travaille pas sur le rythme, plutôt sur le thème et la forme. Vous êtes bien sûr libre de l'écouter en même temps, mais je place une musique en simple mélomane comme j'introduirai un texte par une citation ou une dédicace ? Vous n'irez pas baser tout un livre sur la dédicace qui se trouve en introduction, n'est-ce pas ? v.v

Sur ce, n'hésitez pas à partager, à commenter, à réfléchir, à entrer dedans, à aimer ou à haïr, et sans plus tarder, j'ouvre le temps !

*

Première partie : Le temps des dagues

I : Éros


— Tu penses à l’avenir ?
Accoudé à mon livre relié en cuir orné du nom Les cultures divines, cette interpellation le ferma brusquement. La poussière recouvrant ses mots s’envola dans la salle, puis se coucha sur la table en bois clair, neuf, et lavé. Je n’y pensai plus.
— Quel avenir ? lui répondis-je.
— Celui que tu verras, si tu en vois un. Je sais que tu en as peur.
— Comme tout le monde, non ?
Il m’adressa un clin d’œil. Il n’avait ni l’œil, ni le nez, ni la bouche à avoir peur.
— Je sais que toi aussi, tu as des peurs à écorcher sur le bureau, à brûler dans les livres, à perdre dans la bibliothèque que tu aimes investir par la nuit et le froid. Tu as peur comme tout le monde, et même plus, mais tout le monde n’a pas les mêmes peurs que toi, me rassura-t-il.
— La bibliothèque a une bonne odeur, et même plus.

Kiko se leva alors ; je le suivis du regard tandis qu’au sein de la bibliothèque, vivant dans l’espace que je voyais rester, il sentit la bonne odeur d’un livre non choisi. Nous riions du fond de la salle de cours.
— Je ne t’ai pas perdu, Link ?
— Non ! Où que tu ailles, je te suivrai, tu le sais !
— Même si je vais tendre ma main dans la rubrique des Perspectives historiques probables ?
— Aie peur pour ta part ! Ce n’est pas moi qui ai choisi de travailler la chevauchée céleste au détriment de ces ouvrages !
Debout, il posa le livre spontanément sur le bureau près de moi, le retournant, regardant en arrière, tandis que mon envie respirait son parfum.
— Et bien il n’a pas d’odeur et ce que tu deviendras pour l’avenir est aussi arbitraire que ce choix, continua-t-il en claquant calmement sa lourde couverture. Tu le sais et tu en as peur.
— C’est normal, non ?
— Bien sûr que c’est normal, toutes les choses du monde sont normales mon ami.
Je m’étonnai en libérant mon rire. Je lui répondis à l’instar de l’avenir :
— Quel monde ?
— Celui que tu vois. Est-ce que tu peux savoir quelque chose que tu ne peux que croire ?
— Bien sûr que non.
— Alors qui tu deviendras, où tu le deviendras, pourquoi et comment ; n’en aie pas peur, n’aie pas peur de ce qui est normal, tant que tu es devenu.

J’hésitai de nouveau à lire l’ouvrage scientifique que je travaillais, mais Kiko continua en m’apportant sa chaleur humaine. Je pouvais le croire. Kiko était honnête et travailleur, tout ce qu’il disait et entendait était vrai. Il n’avait pas peur mais ne se flattait pas d’en profiter, il avait choisi l’éducation pour les besoins de son humble famille, il était enfin un homme et un ami.
— Tu penses à la jeunesse ? lui demandai-je en suspendant la lecture.
— La jeunesse, elle deviendra comme l’avenir, elle n’existe pas, me répondit-il en souriant et poursuivant la sienne. Les livres, ils restent. Qu’est-ce qui existe d’autre ? Nous sommes là, toi Link et moi Kiko, nous lisons, nous volons, nous aimons de belles filles, par quoi voudrais-tu qu’on soit bouffés ?
Je levai les yeux face à lui, nous ne les fermions pas. Nous souriions ensemble et nous avions raison. Surtout lui lorsqu’il me répondait.
— Par quoi voudrais-tu que je continue ?
— Par ce que tu voudras. Mais tu sauras quand tu deviendras.
— Je ne deviendrai rien.

— Si ! éclata-t-il en arrachant des pages. Tu deviendras, dans le cas le plus triste, rien, mais même ceux qui sont rien ont un avenir. Rien, ça s’envolera, je ne souhaite à personne de devenir rien d’autre, mais ce n’est pas toi qui crèveras la gueule rompue dans les friches devenues marécages, non ce n’est pas toi, Link, je te le garantis. C’est ce qu’il y a en bas sur une terre ! Sur la terre ! Leur terre, c’est là que tu veux t’écraser ? finit-il par crier.
— Si ce n’est pas moi ce sera mon fils.
— Link, cette salle de cours grande et libre, ce tableau sur lequel je viens de griffonner, ces senteurs  de craie, ces chants de l’air, ces bureaux en bois brut qui ne blessent pas nos mains, ils sont à nous. Ils ont été investis, ils le seront peut-être, mais tu n’as pas de raisons, pas de raisons d’avoir peur. Le ciel restera et tu aimeras ton fils.

Je regardai le ciel et entendis Kiko fermer les yeux. Je soupirai en même temps.
— Je suis désolé, Link, nous rassura-t-il.
— Ce n’est rien, nous avons tous le droit d’avoir peur. Tu as peur, toi ?
— Tu me vois humain ?
— Hélas, oui.
Il sourit humainement.
— Tu penses que le monde n’est pas grand-chose ? m’affirma Kiko.
— Par rapport aux déesses ?
Il rit humainement.
— As-tu déjà vu une déesse, sinon par les statues, à travers les livres, ou par les bouches des hommes ?
— Et toi, as-tu déjà vu l’avenir ?
Il me regarda, lié par le fond des yeux, ressentant mon savoir, puis décida de lire la suite, coupant le dialogue mais n’attendant que moi.
— Dans l’avenir je serai un héros, j’aurai un fils, et je le nommerai pour te rendre hommage. Je sais ta confiance. Kiko est un beau nom, il est un très beau nom, mais tes lettres ne te flattent pas.
— Je le sais, je n’ai pas choisi mon nom. Mon nom est trop violent pour un enfant, beaucoup trop pour le tien. Ne lui fais pas porter ce fardeau, pas à un enfant, je sais ta conscience. Garde un souvenir de ton ami pour que je lui explique, quand je serai son oncle par le cœur, ou son ami.
— Mon fils, je le nommerai par une lettre K, pour ta violence, celle de la terre, celle de la guerre, le tragique de la lettre qu’il brandira pour ou contre l’honneur. Il l’adoucira, il la cachera dans trois autres, trois comme les trois triangles des Déesses qui existeront ou n’existeront pas dans l’avenir, entre deux dernières qui les feront languir, et entre une première qui bloquera son vrai nom. Mon fils, ou une descendance, si elle n’est pas crevée par la guerre, sera gaucher comme moi. Peu importe l’avenir, Ikau en aura un. C’est cela le plus triste, je pense.
— Ikau, c’est un nom d’homme. Un nom d’homme de dagues, sourit-il pour nous deux.
— Ce ne sera à aucun homme de devenir un héros.
— Pas encore. Pas encore, mais au présent, attend. Attend, c’est le plus triste que je puisse te souhaiter. Mais c’est avec le cœur empli d’espoir que je souhaiterai ton voyage vécu par aucun homme, ta liberté céleste et ton vent d’avenir, ta quête héroïque digne de l’honneur des livres historiques.

Je me demande enfin pourquoi je n’ai pas cru. Il venait de suivre, me rassurant avec l’art d’un seul ami, véritable, et humain.
— Il suffit d’y croire ! me dit-il. Dis-moi, dis-toi, dis-nous enfin, que tu es trop jeune et trop âgé pour ne pas croire !
Je me rappelle ne pas avoir pu répondre.
— Link, écoute-moi, je me lasse de te parler en maître. Ce que nous connaissons, ce sont les Déesses, le bien et le mal qu’elles laisseront incarner, peut-être toi, et le monde, ou le ciel, qu’elles ont laissé sous elles. Ce sont les fragments de civilisations, les savoirs qui s’envoleraient sur terre, les croyances qui chuteraient du ciel. Ce sont peut-être les héros passés, ou les héros futurs. Mais rien d’autre que les livres, ou les hommes, ne l’écrivent ou le disent. Bien maigre savoir ; bien maigre peuple. Alors il ne nous importe peu que l’Histoire vive son dernier commencement lorsqu’elle le voudra, finit-il par mépriser.
Je lui flattai l’épaule pour calmer l’inquiétude.
— Tu sais finalement que le monde n’est rien, lui fis-je remarquer. Mais tel que ton cœur me connaît, alors tu n’as pas de raisons de me dire que j’ai peur.
— Oui, Link, bien sûr, je pense comme toi. Je pense, je crois, je sais que la terre est si basse, que l’on attend sans faire un héros qui attendra autant, que les Déesses ne lui viendront même jamais, et pourtant. Je sais qu’on oubliera la civilisation, que la culture, le passé, le présent et l’avenir, et notre pauvre fric sera envolé dans le but d’en créer un pire, je sais même qu’il n’y a pas d’avenir, je sais que je ne sais pas.
— Ikau, ne…
— Kiko, me corrigea-t-il avec un sourire.
Je pris peur face à ma langue.
— Ikau sera-t-il ainsi ?
— Ne t’en inquiète pas et pense à nos pensées. Mais je t’ai dit que te parler en maître me lassait.
— Ne t’inquiète pas non plus. Tu n’as pas de raisons, lui rappelais-je.
— Bien sûr. Je n’ai pas de raisons d’avoir peur de l’avenir si je vis au présent.
 
Sa conclusion ouverte, je m’en souviendrai à vie. Je me demande encore pourquoi j’avais peur.
— Tu as peur de la nuit ? me sourit-il après avoir senti nos livres et carnets.
— Pas plus que du jour, logiquement.
— Alors volons vite au bar de la Citrouille, réchauffons-nous auprès de la patronne de taverne,  regardons la scène et écoutons sa voix, buvant ses soupes, sentant la chaleur et le bois, et nous flattant, tous, de ce présent qu’on aura !
— Et si on veut parler, si c’est autour de nous et autour d’un bon verre, on a jamais fini ! continuai-je.
C’est là que nous nous sommes levés ; il me dit :
— Alors ne te demande pas pourquoi ; tu as un présent, tu as de belles amours, et peu importe. Quand nous aurons fini pars dans ton lit, fais l’amour à Zelda ; quand le jour se lèvera tu le verras, l’avenir.
 
Je me demande toujours pourquoi.

Premiers carnets : Les douceurs jeunes - Link, Célesbourg, datés probablement d’avant Termina.

*
« Modifié: mercredi 01 août 2012, 22:15:42 par un modérateur »

Hors ligne Prince du Crépuscule

  • Chef Skimos
  • ***
  • Messages: 3280
  • Vous reprendrez bien un peu de pavé ?
    • Voir le profil
K. ~ I : Éros
« Réponse #52 le: lundi 27 février 2012, 18:45:43 »
Bon, je finis ma petite tournée ici.

Par contre, désolé, mais ça va être court, parce qu'en fait... j'ai à peu près rien compris. :|

Le prologue ça allait, et puis c'était logique que des écrits non destinés aux humains paraissent sibyllins, pour leur donner un aspect intemporel, un peu sentencieux, tout ça. Mais hélas, le premier chapitre n'est pas passé non plus, et je n'en vois pas trop la raison. J'ai pas compris où tu voulais en venir dans ce dialogue. En plus ils se parlent très bizarrement, avec des formulations pas évidentes. Du coup j'ai eu beau m'accrocher, j'ai eu un peu l'impression de me retrouver face à un texte rédigé dans une langue que je maîtriserais trop mal pour l'appréhender sans dictionnaire. Et autant dire que je suis pas trop fan de cette sensation en tant que traducteur en herbe.

Voilà, désolé, j'ai peut-être un pet au cerveau, mais pour moi ça reste trop obscur pour que je m'y plonge avec plaisir. C'est sûrement le fruit d'une intention, d'une réflexion, tout ça, mais... sans explication, je suis perdu. Cela dit, je t'invite bien entendu à continuer, d'autant que tu sembles très enthousiaste à l'idée de poursuivre ce projet. Je voulais pas jouer les rabat-joie, hein. :o

Bon, ben... pardon pour ce commentaire inutile et bonne continuation ! :niak:


Yuan du pays de l'amûr tûjûrs

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ II : Vox Dei
« Réponse #53 le: mardi 03 avril 2012, 00:54:12 »
Bonsoir !

En cette date fatidique symbolique, s'il me faut la choisir, voici le Chapitre II que j'ai écrit durant ce mois dernier, en parallèle de ma nouvelle pour le PJE, Mehr Licht!. On ne sait pas qui parle, on se sait pas vraiment à qui il parle, c'est pour cela que j'ai tenté de rendre un fond, une trame à suivre qui peut être plaisante et plus intéressante que d'autres chapitres où la forme prime sur le fond. Il a donc été assez rapide à rédiger et va présenter le contexte de cette première partie par différentes " séquences " de ce texte relaté. Le texte est toujours accompagné d'un thème musical, cette fois-ci sur des paroles d'un auteur à paroles accompagnées d'un fond qui se veut angoissant, qui correspondra – avec un peu d'anticipation – au fond politisé, descriptif et critique, mais qui tranchera avec la forme plus théorique et claire, pour cause.

Comme toujours n'ayez pas peur, accueillez ce chapitre, n'hésitez surtout pas à formuler vos critiques et à poser vos questions avant les prochains, que j'écrirai malgré l'été. Sur ce, pour éviter de vous pendre tout au long de mes écrits, je vais dormir ; bonne nuit !

*

II : Vox Dei


Quand le peuple se mit à douter de ce qui était bien et ce qui était mal, j’étais là.
Si j’avais eu le choix, j’aurais fait les éloges du peuple libre, de notre belle utopie. Mais c’est en terminant mes glorieuses études que le peuple finit son autarcie. Au commencement étaient les sociétés primitives, qui, d’après les sources connues, ne maîtrisaient pas le langage ; les ouvrages examinés de la première étude anthropologique référée en annexes mentionnent qu’ils communiquaient par des sons non-voisés, des gestes, mais, dans les principaux cas courants, n’hésitaient pas à faire usage d’armes. La majorité conserve des bâtons et ossements servant d’armes de mêlée, qui, frappant au flanc ou aux jambes, causaient déjà une mort brutale et sans  longue agonie.
Nous avons hérité de ces porteurs de mort honorable et discrète, mais les armes à distance ont pour certains eu raison de notre courage.

Revenons à l’autarcie. Pour subvenir à ses besoins, utilisant alors ses dagues et, pour les plus abjects et lâches, ses arcs, le peuple se questionna, peu à peu, face à la mort. Connaissant pour certains ma personne et mon succès, on m’envoyait des lettres ; « Qui a le droit ? » ; « Que faire si un camarade s’est jeté à la mer en nous criant adieu ? » ; « Est-ce bien d’élever un cheval pour le cuire et le manger ? Ou est-ce mal d’abattre un homme qui menace de voler mes richesses et brûler ma demeure en forêt ? » me révoltaient. Mais, faisant fi de mon cœur, je pris le monde en main. Porté par une massive foule d’hommes libres et égaux, je montais, choisi en l’âme et conscience du peuple, à la tête du pays. Je ne démens pas, bien au contraire, que mes études longues successivement en Stratégie puis en Art logique, avant de m’orienter en dernière science en Magie, ont approfondi ma maîtrise d’un pouvoir politique, auquel je pourrais associer l’art, puis, en dernier recours si le destin m’oblige, la force.
Cependant la force me paraissait – et pour cause, je confirmai peu de temps ensuite qu’elle l’était – non légitime en terme de liberté du peuple. Je me contentai donc d’expliquer des lois afin de commencer à les voir nous régir. Nous, moi, le gouverneur, comme eux, le peuple ; cette autorité imposée par ma seule personne était trop radicale. Nous devions agir.

-

Quand le peuple a approuvé qu’un seul homme ne pouvait être humain pour les soumettre aux lois, j’étais là.
Certes, il m’appréciait et appréciait mes lois ; en tant qu’artiste et passionné, la logique des arts fut ma priorité ; je rendais la lecture possible pour tout le monde, ainsi que la peinture pour offrir de la vie à nos décorations et notre patrimoine ; voir la maison de chacun des hommes libres était une preuve que notre pays était le berceau de l’art littéraire et pictural. La musique également prit une importance dans ma volonté, même dans mon pouvoir ; les moyens pour jouer, écouter, et partager des sons fleurissent dans les cultures, ne demandant qu’à être fêtés, qu’à offrir leur pouvoir, même à changer le monde ; qu’ils le puissent. Mais s’il y en a un qui soit assez vil, fourbe, et infamement faux, pour se faufiler sur la folle vérité de notre société, sa seule récompense n’est que son exclusion. Une si belle société ne saurait tolérer un art aussi caché, aussi clandestin, qui n’a pour vivre que masques et décors illusoires ; je parle du théâtre. Je parle du théâtre d’Ikau, ce fou qui souhaite encore exercer en marge de nous tous, cet assassin qui revendique son rôle d’acteur, d’homme, dit-il, cet ingrat qui ose n’accepter pour seul honneur que l’honneur de la fausseté. Et si l’art n’était pas un prétexte pour rallier à sa cause des peuples révoltés contre la liberté, ce rat aurait peut-être la grâce et m’aurait honoré de ne pas être tué de ma propre lame.

Mais en grand homme, je fus le premier à mesurer ce que l’on nomme le bien et ce que l’on nomme le mal. Je n’omis cependant pas de nuancer ; comme restent en vigueur les lois originelles, la mort est le crime le plus mauvais et blâmable si elle n’est jamais légitimée ; dans le cas de la défense, de la haine, du rapport de force stérile et vain, elle est une solution entendue s’il n’existe pas d’autre choix. C’est pourquoi nous tentons d’éviter tant que possible la guerre que nous subissons, et que nous avons provoquée.
La guerre force à ne pas punir les crimes les plus odieux, car même le plus unique des hommes sombre dans l’anonymat ; l’anonymat, la masse, le peuple rend tout possible et régner seul n’offre pas d’autre solution que de le rendre monstre.

-

Quand le pays fut pillé par un enfant sans rien d’autre que sa troupe, ses jouets, et ses masques, j’étais là.
Vous vous en souvenez. Vous vous souvenez des raisons pour lesquelles j’ai fondé cette Élite. Tous, absolument tous approuvaient mon projet ; gouverner seul étant, pour eux comme pour moi, autant illégitime, je composai neuf membres pour siéger, dont moi-même. Les intellectuels ayant formé mon esprit, ainsi que mes plus brillants camarades, joignirent la partie et l’approbation. Nous étions libres, nous savions discourir et faire aimer un peuple. Vous étiez tout, avant, nous étions raisonnés à l’unisson, en jouant sur le fond, en jouant sur la forme ; parmi les neuf que nous étions, les régimes de chacun alliaient des idées libres jusqu’à dictatoriales, ornées par des discours de dictatoriaux jusqu’à libres. Bien sûr le plus lâche fut le plus apprécié ; c’est ainsi que le fond équilibré sur la forme modérée de notre chef Ridley régna par leur hégémonie. Parce qu’il s’est lié avec notre acteur ? Parce qu’avec Ikau ils étaient comme frères, même si le chef ne cessait de le dissuader ? Voici ce qu’on en fait, des stratégies, voilà où nous mènent les passion. Mais, sans ma gouvernance, être lâche a toujours été leur lot. Leur destin, s’ils l’ont voulu.

Vos lois s’en sont trouvées bien arrêtées lorsque le bref et vil pillage du pays fut agencé. D’aucuns avancèrent que je me trouvais moi-même sous ce masque ; que de calomnies. Jamais je n’agirai pour le mal par la fausseté, jamais je ne serai lâche au point de me dérober aux yeux de la société par le simple biais d’un simple manteau d’affabulation. Ce complot n’a pas lieu d’être, pas plus que le constat dans lequel nous nous trouvons. Alors notre pays étant plus dévasté par vous que par les troupes originelles, nous ayant envahis à l’aube et étant reparties au coucher du soleil, pour le prétexte d’une guerre de religion, pour chercher une unique ressource, l’heure est à assumer votre peur. Le mal ne nous a rien fait.

-

Quand la paranoïa nous a envahis, nous a obligés tous à vivre dans la peur, nous a embrigadés pour que l’on abatte nos semblables sous une guerre civile, sous le seul prétexte de la défense et de la méfiance, j’étais là. 
Si nous avons voulu durcir nos lois, je ne demandais pas à ce que le peuple en veuille nous renverser. Nous avons décidé des lois plus dures, des vraies lois, pour que le peuple les subisse plus que ne les vive. Nous régnions enfin. Mais qui régnait ? Vous ? Ainsi, c’était facile d’avoir peur ; c’était plus difficile de ne pas assumer en face les débris de nos actes. Pourquoi ne pas prendre de risque ? Pourquoi ne pas rester ? Et nous voici. Et nous voici ainsi, sans roi, sans peuple, avec une Élite qui a fui sans raison, pour aller laisser crever ses enfants. Contre une politique à laquelle on ne se confronte même pas, en reculant, à petits pas, avec l’arc ou la lance aux plus courageux. Pour une Élite exilée que j’ai moi-même créée.

Maintenant que je suis seul être informé, je refuse d’être le messager entre vous et notre peuple. Qui avait habitué notre si bel état à vivre dans l’utopie ? Qui voulait être libéral en imposant sa parole ? Dites que c’est moi ; rendez-moi coupable ! Et je changerai d’opinions ! Je changerai de lois, je serai dictateur, le fond de ma pensée sera démesuré et je serai cruel ! Plus rien ne sera libre et je serai haï ! Mais je ne vivrai pas plus chez une autorité qui perd son propre contrôle, qui écrase par ses lois un peuple idéal, sans autre choix que, entraînés à la guerre, de se révolter, que de mettre à nu sa fureur et sa haine, voulant juste rester libre, brûlant ses réserves, massacrant ses frères et brûlant ses armures. Les voici, vos lois. C’est notre destin.

-

Et quand vous avez fui, j’étais là.
Puisque je suis tout seul, je m’en retournerai. J’en reviendrai à ma dictature natale, et j’irai jusqu’au bout de mon unique exil. Je me chercherai jusqu’aux neiges sauvages, jusqu’aux marais anciens, jusqu’aux déserts perdus. Mais j’irai pour la vérité. Jamais je ne vivrai dans une politique lâche, jamais je ne provoquerai de guerre, jamais je ne vous pardonnerai, et jamais plus je ne délivrerai un art digne d’Ikau. Jamais je ne serai faux même si je dois tuer. Jamais je ne serai nous même si je dois mourir.

Alors c’est ainsi que je prendrai le risque de gouverner seul, vrai. Pour conclure, moi, Ganondorf, je m’exilerai et je serai un monstre. Pour la vérité.

Réquisitoire de Stratégie, Art logique, et Magie : De la liberté à la dictature — Idéaux et limites d’une Élite - Ganondorf Dragmire, Termina, datés probablement d’avant le Temps.

*
« Modifié: mercredi 01 août 2012, 22:17:02 par un modérateur »

Hors ligne Suijirest

  • Skull Kid
  • *
  • Messages: 5923
  • Ci-gît Suijirest
    • Voir le profil
K. ~ II : Vox Dei
« Réponse #54 le: mardi 10 avril 2012, 02:05:35 »
Je ne sais pas si c'est le fait qu'il soit deux heures du matin ou la journée bien chargée que j'ai eu, mais je pense avoir pas mal compris le sens de ton texte.

Mais on ne peut pas le résumer en quelques phrases, ça va assez loin et ça peut se mettre en parallèle avec pas mal de choses. J'tiens juste à dire que le twist final m'a bien retourné, je ne m'y attendais pas.

Bref, j'ai aimé, dans mon état actuel (totalement lessivé) ; il faudra voir ce que ça donne dans un état plus "éveillé", juste par curiosité.

Mille mercis à Yorick26 pour la signature !

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ III : Le chœur de la superbe
« Réponse #55 le: samedi 28 avril 2012, 22:33:02 »
Bonsoir !

Même s'il faut croire que j'aime les locutions grecques et latines, voici le III° chapitre de Memento Mori, Memento Vivere., fiction à laquelle je me consacre exclusivement et qui va peut-être connaître un rythme plus rapide en raison de mon temps libre, mais paradoxalement, qui me sera plus difficile à appréhender en raison de l'été qui n'es pas une bonne saison pour écrire. En tout cas, je souhaite continuer mais pour l'instant, apprécions ce quatrième écrit qui présente un personnage – principal ? à vous d'analyser ou d'interpréter – ainsi que le contexte général de la première partie – inutile de préciser que le pays est en guerre.
Je préviens donc que le chapitre est particulièrement brutal dans la forme et dans le fond, dans une de mes traditions. Ne jouez pas la bienséance choquée par des mots, ce ne sont rien d'autre au final que des mots, que des lettres, qui, dans ce chapitre, sont prononcés par le personnage sans qu'aucune action n'ait lieu. Autre précision, comme il est présenté sous forme d'entretien, je compte en tourner une captation audio sous peu, avec moi-même et une camarade. Je placerai l'audio (Je pense éventuellement présenter une piste vidéo, mais pas sûr) à la place de la musique d'accompagnement, mais à l'heure actuelle je vous propose le texte brut ; l'oral présentera des nuances pour marquer la distinction texte-scène, c'est pourquoi, à ma grande habitude, le texte paraît particulièrement faux.

*

III : Le chœur de la superbe

Captation audio de La gloire de Naæviî [À venir].

— Naæviî Lordæron…
— Appelez-moi Naæviî.
— Je respecterai votre choix, cela est mon rôle. Notre pays est donc fier de présenter cet échange, honorant votre rôle dans le parti des Libres, vous portant à la réputation de trois cent cinquante-neuf victoires contre les Oppresseurs, dans la rage de notre guerre civile, hélas. Vous avez choisi un espace de répit pour que l’on se confie…
— Pour que je me confie, si vous le souhaitez. Mais vous avez raison, ici, au bord de mer le monolithe qu’est le Pic Noir ne nous fera plus sentir les pas, un par un, de chacun des guerriers, ni la putréfaction des corps, de certains mes corps. Un jour, c’est inconcevable, mais il sera détruit. Si la stratégie décidait la cause la plus radicale pour la Paix, c’est une explosion à la racine qui mettrait fin à cette barrière. Et, plus de guerre, plus de vies, plus de morts, plus d’Élite, plus de religion. Il faut se rendre compte qu’on profane la paix, prêts aux pires horreurs pour tous se mettre à mort, depuis des nuits que j’ai perdu le courage de compter, pour la seule croyance en trois déesses que personne ne voit. Moi, je ne crois qu’en l’Homme et en la femme, et c’en est bien assez, et c’en est même trop. Vous souhaitiez questionner ma réputation ? Continuez, soyez libre, je ne vous tuerai pas. Je ne vous terrifie pas ?
— Non, ne vous inquiétez pas. Comme vous venez si légitimement de nous le rappeler, vos talents d’archère et votre haute stratégie vous ont accordé une place d’honneur parmi les anonymes soldats défenseurs de la Paix.
— C’est un beau paradoxe. C’est même un beau vers, vous avez douze pieds. J’aime les beaux poèmes, et j’en écris parfois. Si c’est cela qu’il faut pour ne pas sombrer dans un oubli, parmi les deux tiers de damnés dans cette terre, je veux bien m’y résoudre. La Paix, pour ceux qui veulent l’écrire par une majuscule, ce n’est rien qu’un prétexte, ce n’est qu’un sentier. Il se trouve que sur mon sentier une des semences n’est autre que la mort, je ne fais qu’avancer derrière de l’éphémère et devant une fausse paix, c’est une fin. Moi, je préfère la fin à la cause, c’est un peu le prix de la liberté.
— Vous n’avez pas été libre non plus de naître sur cette terre et de vous marier sur cette guerre.
— Je vous donne raison. Je préférais bien sûr notre amour idéal avec Ikau, mais au milieu de nos plaines mordorées, prête en enfanter de notre fruit en sa compagnie, caressant mon corps et nettoyant mon sang dans notre maison encore en bois clair et brut, la guerre éclata trop peu de nuits après. J’ai un enfant qui est venu au monde sous les flèches et qui veut y repartir par l’épée.

— En serez-vous aussi fière ?
— Je n’ai pas à être fière. Son père le confronte à l’épée et la dague, moi, selon ce qu’on dit, ma mère est morte d’une flèche dans le dos quand elle me mit au monde. S’il me faut une arme aussi  précise, rapide, et dure, mon arc en bois noir dentelé sur le dos, épointé aux deux angles plus qu’une dague ne peut l’être, je ne le quitterai jamais. Avec je peux tuer aussi bien qu’avec une autre. Oui, puisque vous me le demandez, il est efficace, il a tué ; moi aussi, j’ai tué, je ne suis pas de celles qui reportent leurs fautes. Si j’ai l’air d’une lâche, j’ai plus d’une fois crevé des crânes à la pointe de l’arc, sous la seule force de mes mains qui le portaient et l’aidaient à s’abattre par sa force sur mes proies. C’était bref. Vous croyez que j’en suis fière ?
— Je ne crois rien, autant que vous peut-être. 
— Vous ne pouvez pas en tant qu’humain croire moins que moi. Seul Ikau croit moins que moi. Moi, sa femme, qui est rentrée à la guerre en marchant sur des cadavres, parmi les entrailles répandues dans les creux de la terre, contrainte, même le jour, à se cacher dessous pour dormir calmement, même en pouvant finir réveillée par le poignard sous la gorge, moi, celle qui a déjà éventré par le simple coup de la pointe de mon arc une si jeune femme sous les yeux de son homme, moi, celle qui a déjà fracassé le crâne d’un enfant, ne sachant ni parler ni marcher, sous les yeux de sa mère, pour que ma seule arme d’hast voie son décor de verre incrusté de sang s’en souvenir encore.  Il y a des femmes qui n’ont eu pour dernière vision que le sang de leur homme couler sur leurs cheveux, et il y a des hommes qui ont eu pour dernier baiser la douceur de mes seins. Si j’oublie cette mort au summum de la beauté, alors leurs lois divines me donnent autant de honte de mes propres lois humaines, alors non, je n’ai pas à être fière et mon Orgueil, mon arc que j’ai nommé, n’a plus qu’à être brûlé. Mais c’est le prix, monsieur, c’est la guerre, et l’ère de la corruption n’est pas sitôt finie.

— Redoutez-vous qu’un jour on ne voie que vos seins ?
— Ou l’inverse, autre chose que mes seins !
— C’est selon vous, vous qui êtes maîtresse de vos forme et de vos chairs.
— Mais je vous en prie. Le corps, c’est notre lot, quand on n’a rien d’autre. Je n’ai jamais connu mes parents, je ne connaîtrai pas mon passé, je ne suis qu’une guerrière qui s’acharne à tuer, alors, pour le prétexte de la paix, ce sont mes mains qui forcent l’arc, ce sont mes pieds qui foulent la terre, c’est mon sexe qui tente tous les hommes prêts à tous se rouler sur le sol pour me toucher un instant. Un jour des gens seront fous, un jour on bavera plus que pour mes bracelets plaqués d’or aux poignets, mes lèvres éclatantes de rouge sang, mes boucles d’oreilles aux diamètre très ample, mon front pâle long et fin, plus que pour mon visage couvert par la lumière blonde de ma chevelure attachée. Un jour on me plaquera par l’épaule, on se déchaînera, on me dépravera, on bavera d’ardeur sur mon nombril, et, sous une armure brûlante, sur moi qui serai nue, on me violera, on se branlera dans mon corps, je serai rien d’autre qu’une main prostituée et maculée de sperme. Un jour j’aurais un gosse d’un père que personne n’aura connu et qui deviendra peut-être un héros. Mais je suis une femme et autre chose qu’un vagin soutenu par des pattes, j’ai un arc et une arme lourde, violette, à deux mains ; si on veut jouer à la lutte entre deux corps-objets, je peux jouer aussi. Et moi, je veux jouer. Vous auriez de quoi payer une nuit ?
— Je… Je, mais, enfin… Je suis marié.
— Moi aussi. Ikau aussi.
— Un jour vous serez plus qu’un corps. Le peuple vous respecte et vous le promet.
— Nous l’assurerons. Je n’hésiterai à tuer pour être autre chose qu’une pute. Un jour. Vous pensez qu’un jour une femme sera portée à la tête d’un pays ?
— Peut-être pas à la tête. À moins que le sort ne lui soit favorable. Comptez-vous vous hisser à cette réputation ?

— Je ne compte rien d’autre une fois que cette guerre sera terminée. Je souhaite uniquement retrouver Ikau, aimer mon fils, poser sa main sur la mienne, pour ne plus jamais finir soumis à une guerre. Quand il connaîtra l’amour, son père maintiendra que ce n’est pas plus idéal, mais ça brisera l’ennui. Ça.
— Maintenez-vous que vous vous ennuyez ?
— Je pense que tout le monde s’ennuie dans l’amour. Nous, nous ne sommes plus gamins, nous nous sommes rencontrés peut-être par hasard. C’était juste son jeu dé fréquenter la haute ; moi, sous la sévérité de mes aristocrates et des hautes guerrières, régentes de la stratégie et des conférences tactiques, je me suis exilée au plus loin de leurs chaires, de leurs maîtres, de leurs élèves, je n’ai fait rien d’autre que les abandonner. Ma première nuit au froid réchauffée d’une unique toge, Ikau s’est exilé à l’autre extrémité de notre société. Nous nous sommes aimés, il m’a ramenée chez lui, je l’ai ramené chez moi. Sans honneur qu’il était il vint assassiner une prochaine proie, qu’il ne connaissait pas, que je connaissais plus, puis son œuvre accomplie, il m’embrassa et pour la première fois, je savourai la voix d’un homme revêtu simplement d’une redingote et d’un doux pantalon. Nous aimons encore. Mais sous la guerre.
— Résistez.
— C’est ce que nous faisons. Ikau est rusé, il est faux, il joue sur les scènes et derrière les rideaux ; sa seule fierté va pour son déshonneur et ses deux dagues. Il a baptisé sa fidèle dague gauche Memento Mori et j’ai baptisé sa dague droite Memento Vivere. Quand il tue par l’arme à gauche il en est capable de me tuer moi-même. Mais Ikau n’a jamais aimé voir tomber les hommes sous ses frappes, il veut la mort discrète, douce, silencieuse ; juste ce qu’il faut de sang sur sa veste. Il ne peut y avoir qu’un héros sur cette terre ; moi, je pourrais me plonger dans le poids du sang que j’ai fait verser, il caresse le sang laissé sur la lame puis l’oublie sur sa langue ; le sang coule par nous deux, les morts se comptent pour nous deux. Il n’y a rien d’autre que les litres de sang qui nous rendent héros, et pourtant Ikau ne sera jamais aimé ; moi si. Nous nous aimons même si la guerre nous écrase. Mais nous nous aimons trop, pour qu’encore une fois l’homme se lasse de la femme et n’exulte plus que dans son corps. Voilà où il nous traînera, l’amour.
— Vous avez toujours une raison. Vous n’en doutez pas.

— J’en aurai une. Si un jour on me la retire, si je ne la perds pas, je me retirerai. Si un jour la guerre devient notre seule histoire, qu’elle se souvienne de moi : de pulsions et d’instincts, de sang et de présent, d’arc, et d’épée. Un jour ça s’envolera. Mais j’ai trop de souvenirs pour avoir un futur.
— Et pourtant.

— Un dernier mot à dire ; personne ne me volera jamais le dernier mot. Même lui.

La Gloire de Naæviî, captation audio retranscrite pour Termina, datée de la guerre civile.

*

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ IV : Hermès
« Réponse #56 le: mercredi 16 mai 2012, 18:34:39 »
Bonsoir !

Pour commencer la deuxième " trilogie " de la première partie, voici le chapitre du mois, que je me permets de publier à un rythme plus rapide en raison de mon temps libre. Sans rester enfermé dans une politique de production, la rapidité d'écriture, avec laquelle je publierai pendant ces vacances en moyenne si je ne fais rien d'autre deux chapitres par mois, m'a pas empêché de le travailler comme d'habitude avec les choix et les effets qui sont les miens.

Rien de spécifique à signaler, pas de difficulté ; le chapitre, un peu plus long, est moins violent, sauf la dernière lettre, mais rien n'est concret. Un peu – plus – d'affectif, de cœur, et de " conneries abstraites " pour lier les trois personnages principaux de cette première partie, qui connaîtront leurs suites. À vous de questionner si il existe vraiment un personnage principal. Autre chose, je renoue également avec Jacques Brel pour la musique d'accompagnement, sûrement la première dune longue marche pour cette Chanson des Vieux Amants que je vous recommande d'écouter séparément (Simple histoire d'attention ou concentration) parce que les textes de chansons ne sont pas sans sens.

Après les deuxième et troisième chapitres, plus oraux, je renoue avec une écriture ici servie par un style épistolaire de quatre parties, n'hésitez pas à critiquer quelle que soit votre remarque ; bonne lecture !

*

IV : Hermès


Lulya à Ikau, plaines orientales de Termina. Temps probable : derniers pourparlers de l’Élite.

Ikau ; on se connaît depuis longtemps déjà. À l’origine grandie au son tribal de nos tambours de guerre, plus élevée par les armes que la diplomatie, enfin mûrie par la pauvreté du peuple mais par l’amour des autres, je te connais. Je sais que tu es de ceux qui se laissent connaître, ne dis rien, Ikau, ne cache rien. Tu es l’homme qui s’est laissé aimer, que j’ai rencontré, que j’ai aimé moi-même. Ne me laisse pas croire que c’est toi qui gagne, seul, seul à profiter de l’amour comme d’une parcelle de terre ou d’une ration de viande.
Notre amour, à nous deux, ne sera ni cru, ni cuit, il ne se paiera pas, ce n’est pas cette chose-là que ces gens-là vont mendier ; je ne sais pas ce qu’il est et je le cherche encore. Embarquons-nous ; tu partiras avec moi, nous nous emmènerons et je t’amènerai. Si nous ne savons pas où, tant pis, nous serons libres, et le vent et la mer nous rendrons encore jeunes, on s’amusera enfin, peu importe, tu aimeras. J’attendrai.

Écrire sans répondre, j’effleure ton visage long creusé par tes joues creuses, je remonte ton nez, seul organe enfantin superbement intact, je te vois fermer tes yeux bleus creusés, par ton sommeil perdu ou ton regard de haine, je caresse ton front haut au teint gris, et comme ma plume s’allonge sur son papier, ma main sans écorchure se perd enfin dans tes cheveux, et j’entends ta voix trop grave et trop profonde qui me souffle ce que tu me chuchotes quand on s’enlace tous deux. Alors je sais toujours que l’on s’aimera enfin, tu es déjà charmé comme tu l’as été toujours. Je ne crois pas t’écraser, alors ne crois pas perdre ; l’amour est l’unique guerre qui n’a pas de gagnant.
Non, je ne crois écraser personne, j’ai vécu dans l’enfance la plus triste qui soit. Au temps où mes cheveux caressaient mes yeux, je dévouais mon corps pour chercher ce qu’il faut d’eau, une infime trace pour sauver ma famille, moi, encore si jeune. Parfois sous la pluie écrasante je partais, j’aillais mendier aux riches indifférents de subir ma misère. J’ai haï ces gens-là mais j’en cherche encore d’autres.

Et puis, morte de froid, une nuit, si souffrante que la pluie m’indifférait même, mes larmes et l’eau avait le même goût, je t’ai vu, moi. Tu était grand, austère, tu étais un monolithe et moi, couchée, je me suis levée et je ne t’ai pas cherché un instant de plus. Tu t’es baissé toi-même puis tu m’as aimée. Je n’avais ni question, ni doute, ni peur, je savais que la pluie ne tombait plus, je savais et je sais que notre amour devra être idéal. Nul besoin d’un mariage ou d’une quelconque preuve ; nous sommes deux humains, pas des pays en guerre. J’attendrai vite avant que cette terre ne se déchire.

Aime-moi, Ikau, encore.

-

Ikau à Lulya, Ancienne plaine de Termina, Nord-Est. Temps probable : Naissance de l’insurrection.

Lulya ; tu es si jeune que tu peux être ma fille autant que moi ton père. Tu as beaucoup appris, tu sais bien mieux écrire. Mais je reste celui qui t’as pris sous mon aile, je resterai un père et tu ne pourras t’y opposer. Tu n’apprendras pas seule, et tu n’auras jamais fini d’apprendre. Je sais que comme toute fille tu seras révoltée, que tu voudras alors savoir ce qu’est vraiment le monde ; le monde n’est vraiment rien, je te le cacherai. Pour toi je partirai dans les risques, et la guerre, je t’en offrirai l’espoir que tu attends. Tu resteras cachée, ne m’en veux pas, comme tous les hommes qui aiment ou qui veulent aimer je ne veux que ton bonheur. Et le bonheur de n’importe qui est plus riche que tu ne le crois. C’est ce que tu veux toujours et que tu as voulu.
Mais ne sois pas gamine, n’oblige rien ni personne à me suivre. Garde-toi mon amour mais ne garde que ça. Tu connais bien mieux ces conneries abstraites qui ne font couler aucun sang, tu ne parles que de cœur, d’un cœur immatériel qui n’est celui de personne.

Je n’en sais rien, ma fille, je n’ai pas grandi là, moi. J’ai grandi dans les caves accrochées aux égouts, bouffant de la nourriture de n’importe quel rat crevé, appris à manier la dague dès mon enfance puis l’épée, clandestin, sans honneur ni espoir. C’est ma seule fierté de voir ma main gauche tenir de ma main entière ma dague platinée, lame prête à briser l’irrigation névralgique de n’importe quel homme pour mon dernier but, celui de voir périr la guerre et la lâcheté d’un gouvernement traître.
Crois-moi, la réalité ne te fera pas t’y plaire. Tu ne voudrais pas me suivre par pur amour, par pure folie et seul moteur du cœur, toi tu devras rester dans ton idéal jeune et dans ton innocence, dans un imaginaire que je n’ai jamais eu. Crois-moi, je serais prêt à me sacrifier, pour toi et pour mon but. Tu me diras que tu ne veux que me suivre mais que tu ne peux pas, mais je veux être ton père pour mieux te protéger : tu vaux mieux qu’une gamine, Lulya, tu es bien mieux. Tu me diras que je vaux mieux aussi, que je ne suis pas forcé de finir fou pour ta seule beauté, qu’enfin je peux écrire avec ma seule raison qui ne plaira jamais. Mais je ne suis écrivain que pour des lettres d’amour, et l’amour, ce n’est rien.
J’ai cru n’avoir qu’un seul affectif envers Naæviî, ma première, ma conquérante. Je ne te laisserai pas gagner au-dessus de moi ; je ne veux pas que tu ne deviennes qu’un corps. Tu parles sûrement mieux, mais tu crois que l’amour n’est pas comme la guerre. Gamine. Gamine que tu es et que j’aime.

La guerre ne se crée pas en un seul instant, ni l’amour. Il faut du temps, c’est tout, il m’a fallu le temps d’apprendre mes deux dagues, le temps d’assassiner sans pitié ni folie, le temps de réfléchir aux morts propres et calmes pour les agir enfin. Il faut du temps pour aimer, du temps pour haïr et un temps pour regretter. J’ai appris à abandonner ma haine et ma froideur pour la chaleur d’un cœur voulant quitter un corps. J’ai appris à être vrai. Mais, pour toi, je joue. Je joue à être vrai.

Apprends-moi, Lulya. Toujours.

-

Naæviî à Ikau, Ancienne plaine de Termina, Nord-Est. Temps probable : Rupture du peuple et fuite de l’Élite.

Je me souviens. Le souvenir d’un nom écorché sur un arbre. L’oubli d’une première fête, au soleil, sur les plaines. Le regret d’avoir vu ton corps nu à la première aube. Parler une nuit face au feu avant de se connaître. Voir naître cet enfant. Lui avoir tout appris et t’avoir tout appris.

Ainsi tu m’as trahi, Ikau. Ton « seul affectif » n’était qu’un de tes jeux, tu n’as rien d’autre à faire que de baiser d’autres femmes, peu t’importe maintenant. J’ai vu le temps de lire tes lettres à ta Lulya, et de lire ses lettres à son glorieux Ikau. Je regrette le nombre de ces mots que vous avez écrits, j’enrage de ne jamais t’avoir surpris trot tôt, mais j’exulte de pouvoir me venger par mon entière fureur.

Haine. Si le mot « haine » était gravé mille fois sur chaque goutte de sang que j’avais fait verser tout au long de ma vie, elles ne suffiraient pas à exprimer le milliardième le plus insignifiant de toute la haine que j’éprouve pour elle. Haine. C’est tout. Sache pourtant que je regrette et que je t’aime. Il n’y a que toi que j’aime et que j’aimerais toujours ; même si je ne suis qu’un corps et qu’avec moi tu couches comme sur un animal. Je n’aime pas être trahie, je brûle de voir ta ruse exercée contre moi, Ikau, toi qui m’avais appris qu’il n’y a ni de bonne ni de mauvaise tromperie.
Alors tu baisses ta garde, et j’en ai profité. Toi qui n’aurais pour rien abandonné ton vice, un instant je surprends un cœur au fond de ta poitrine, vibrant, grave. Je défaille quand j’écris ; ici, dans notre ancienne demeure, mon bras tremble au moment où ma plume se pose sur mon papier. Je vais pâlir, Ikau. Mais aussi j’ai appris et je te trahirai. Toi qui aimes jouer alors nous jouerons, comme aux origines, comme deux enfants. Nous finirons par nous trahir et je ne regretterai plus.

Ce n’est en rien vers toi que ma haine m’emporte. Toi, tu as su comprendre que toute seule, la raison ne plaît pas ; elle séduit, mais toi, tu as joué au vrai, à l’homme qui peut aimer, pour une autre que moi, pour une seule femme. Tu gagnes ma fierté. Mes louanges, je ne m’y attarderai pas, je suis une femme vraie. Je la laisserai attendre ; ce n’est que pour toi Ikau, pour ne jamais te perdre, parce que je suis fidèle et que je te veux.
Rebelle-toi si tu veux ; mais tu sais que contre moi tu ne gagneras rien à jouer au héros. Sauf moi.

-

Naæviî à Lulya, Ancienne plaine de Termina, Est. Temps probable : Principaux feux de la guerre civile.

À cet instant tu meurs. Je ne m’étendrai pas, tu me connais déjà, je n’ai qu’à te faire peur, moi, mon arc et mes flèches, mes pas craquant le sol face à n’importe qui accolé aux rochers ou à n’importe quoi. Nous ne nous affronterons pas n’importe où ni quand, je sais ce que j’ai à faire ; toi, tu n’as qu’à attendre de voir la grande Naæviî triompher de ta peau, quand tu seras couchée, par terre, m’implorant pour toutes mes richesses possédées par toutes les armes du monde de terminer tes jours.

Et tu ne sais pas quand, tu ne sais rien. Tu ne sais rien de la vie, tu ne sais rien de la guerre, mon Ikau t’as tout caché sans te laisser le temps de voir un seul homme mort ; mais mes traits t’apprendront que rien n’est plus vrai que la guerre. C’est ma vérité, celle des instincts et des pulsions, celle de la gloire, celle que tu n’aurais jamais le temps de voir quand j’écrirai ton nom à la pointe de mon arc grâce à ton propre sang.

C’est tout ce qu’il restera de la beauté de ton corps, d’un nom auquel mon homme m’a subrogée, d’une traîtresse que j’exulte à haïr et que je terminerai comme elle a vécu ; dans le silence immense, Lulya.

Correspondances - Entre Ikau, Naæviî, et Lulya, Termina, datées d’entre les pourparlers et la guerre.

*
« Modifié: mercredi 01 août 2012, 22:17:56 par un modérateur »

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ V : Assassins du temps perdu
« Réponse #57 le: jeudi 07 juin 2012, 16:56:35 »
Bonsoir !

Voici le chapitre capital, avec un titre qui fait taire mon éventuelle réputation de monomaniaque des noms grecs et locutions latines. Le déclencheur du thème principal, en quelque sorte, qui ouvrira au fil du texte tout ce qui est en rapport avec. Comme le II°, le chapitre se veut clair et scientifique, en le souhaitant accessible tout en gardant des éléments qui font sens et qui donnent son intérêt à l'écriture. C'est un chapitre pour lequel je me suis posé beaucoup de questions, donc n'hésitez pas à réagir, à dire ce qu'il vous produit, s'il vous plaît, s'il vous intéresse, et tout critique plus ou moins constructive. Souhaitons donc une longue vie à la dynastie des personnages qui débute dans ce texte relaté, avant-dernier de la première partie, puisque je vais très sûrement écrire en tant qu'auteur-narrateur pour la troisième "trilogie ".

Mais pour l'instant, bonne lecture et bonne écoute – ou ré-écoute, prenez le temps, ironie du sort ! Dernière chose non sans importance : j'ai posté une version du texte entier, que je mettrai à jour, en .pdf sur la page d'accueil, uniquement pour MMMV. à l'heure actuelle. Le format sera plus agréable à lire, mieux mis en forme donc donnant plus l'aspect d'un livre, que vous pourrez même imprimer si vous êtes hermétiques à la lecture sur l'écran, ce qui est compréhensible.

Au temps !

*

V : Assassins du temps perdu


Il y a des choses dans ce monde qui ne sont pas normales. Que des hommes vivant seuls s’estiment maîtres absolus, et déclarent des guerres parfois d’un seul regard, dépasse l’ordre des hommes. Que les hommes laissent leurs vies derrière eux quand ils tombent à la guerre n’est pas dû qu’au hasard. Que les hommes aient besoin pour vivre de manger des créatures vivantes et de boire de l’eau issue de l’extérieur demeure inexpliqué. Et que le peuple entier, sans exception aucune, soit appelé des « hommes » est profondément triste.

Toutes ces choses du monde qui ne sont pas normales ont besoin d’être sues. Elles le devaient déjà à l’époque à laquelle je suis apparu au sein de l’Élite, pour le juste bien du peuple. J’étais dès lors convaincu que la politique révèlerait au peuple des vertus bienfaisantes ; mais moi, responsable de la science parmi d’autres responsables, cru et soutenu par l’ensemble de l’Élite unie, nous fîmes le douloureux constat que le bien n’avait rien pour s’offrir au peuple.
Vous m’accuserez, comme tous, d’avoir été trop lâche et, par honte, d’avoir fui ; rejetez-moi du monde, jetez moi des flammes encore si vous savez où je suis ; peu importe où j’ai fui, je vis juste dans un lieu où je peux réfléchir, travailler et agir pour mes propres projets qui sont aussi les vôtres. Peuple de Termina, peuple du monde, la science, cette recherche que je peux embrasser durant toute ma vie, vous gardera des erreurs que la politique a commises. J’en suis persuadé.

Si je ne peux que le penser, c’est parce que personne ne nous a cru, tandis que nous, nous avons laissé fuir la confiance en vous. De la même manière, peu importe mon exil, peu importe mon avenir déjà derrière moi, je ne verrai peut-être pas grandir ma création ; nous savons désormais que j’ai l’âge d’un sage, et qu’un temps de ma vie aurait pu plus longtemps rechercher ma science. J’estime donc légitime cette œuvre de ma vie, je peux donc le prouver car je le sais ; j’ai soixante-quatre ans.

-

Le temps s’est imposé nécessaire dans ce monde. Le destin de ce même monde sera entre mes mains, depuis le passé, pour notre présent, et pour votre avenir.

Au commencement, depuis nos sociétés primitives, nous avons eu l’usage de regarder les cieux, de calculer les astres, et d’en déduire les cycles du jour et de la nuit. Ceux qui les cherchaient les étudiaient eux-mêmes ; ils estimaient avoir raison de n’obéir à personne, sinon à la flore, aux collines boisées ou même au scintillement de la nuit, et de s’approprier le savoir pour leur propre intérêt, estimant que le jour succède à la nuit, mais sans compter les années, sans vivre à leur rythme.
Aujourd’hui, aucune de ces créations humaines n’est nécessaire. La nature ne nous sera plus utile ; il vous sera inné d’obéir au temps, qui ne verra personne le régir mais qui s’imposera plus haut. et plus tard. Bientôt on oubliera que ce fut la discorde causée par la science, on se souviendra de cette naissance glorieuse de notre humanité, et l’histoire se comptera avant et après le Temps. Les secondes constituent les minutes, les minutes constituent les heures, les heures constituent les jours, cette avancée des jours constitue donc l’histoire. Là réside notre inextricable problème ; malgré l’étude logique de l’environnement, nul ne pourra laisser, comme des feuilles tombées sur l’humus au bas des arbres, des chiffres et des mesures pour, selon le besoin, savoir quand nous sommes. Peuple de Termina, peuple du monde, si le gouvernement humain fut pour tous un échec, je vous forcerai à obéir à une seule science, au temps, qui n’est rien d’autre que la science du hasard.

Si le nombre arbitrairement précis de vingt-quatre heures constituera un jour, de l’aube au crépuscule, de la nuit à la nuit, nous saurons que demain sera le premier jour après le seuil du temps. Mais, par facilité, les œuvres de la terre pourront être remplacées, et leur disparition ne sera plus un manque. Si l’utilité de s’y référer fut primordiale, il sera abordable de s’y accommoder pour être en mesure de construire, par exemple, de nouvelles horloges.

-

Seul reclus au centre de mon espace d’études, je ne peux pas nier que les horloges sont belles. Sans m’émerveiller, pour rester sérieux, le rebond d’une aiguille face au chiffre d’une heure, et le son régulier du « tic-tac », du « oui » et du « non » inhérents aux pendules, soulèvent une émotion qui pénètre mon cœur comme les mathématiques percent mon cerveau.
Si je ne me laisse plus emporter par les flots de ma loyale passion, il est bon de reconnaître qu’on doit exposer les heures, montrées par les horloges réparties sur la terre, dans le pays, voire dans le monde. Implantées peu à peu, elles montreront aux hommes, par leur exactitude, l’avancement du temps. Ainsi, pour la guerre elles nous seront utiles ; de nouveau des stratégies pour se battre tel jour, porter un coup une heure, tirer à l’arc d’une tour que l’on sait protégée à un délai de quatre minutes, et seulement quatre minutes, une nuit seulement, pourront être calculées.

Mais, sans y croire toujours, nos ennemis aussi pourront s’approprier cet arme qu’est le temps. Si tel est le cas, l’avenir est à double tranchant ; l’ennemi pourra bien travailler son temps pour ses stratégies, mais dans un meilleur espoir, le concept deviendra valeur universelle, unifiant les hommes et engendrant la paix. Si cette paix est jouable, il est à supposer que personne ne prétende à vivre hors du temps. Mais l’heure est à la guerre, et elle ne se terminera pas avant que la première horloge ne se voie construite : les architectes la pensent déjà en haut d’une tour, au centre de Termina, régnant sur le village qu’on nommera Bourg-Clocher.

Le principe est simple. Comme la politique, il suffit de montrer, de donner un repère, répété chaque jour pour lui donner le temps de rester gravé dans votre mémoire, oubliant la période où vous viviez sans, et vivant chaque jour au rythme de l’horloge. Vous aurez l’habitude de vivre avec le temps comme vous viviez avant ; les mesures précises, les plus concrètes possibles, remplaceront les cycles astraux imprécis et fastidieux. Je ne veux que vous libérer d’une tâche trop laborieuse afin qu’à juste titre, vous gagnez plus de temps, vous viviez plus vite, encore et toujours.

Mon amour face à l’humanité me sera sûrement nuisible, mais je ne veux pas que le temps soit votre ennemi ; croyez-moi. Mais quand bien même vous vous rebelleriez, il sera trop tard.

-

Je ne suis pas Ganondorf, que malgré son pouvoir je ne porte ni dans mon cœur ni dans mon âme, ou même un autre membre mégalomane et égotique. Non, croyez-moi, je ne vous veux que du bien, et c’est dans le plus grand silence que je vais faire naître l’œuvre de ma vie – ou plutôt de ma vieillesse. Longtemps j’ai été vous, je vous promets une avancée dont l’histoire se souviendra toujours. Longtemps j’ai été vous, je vous promets que le nom de Termina restera gravé autant que le mien, si ce n’est plus. Que mon nom et mon âme soient ensevelis, peu importe ; mais j’ai seulement peur de ne pas voir le temps mûrir. Moi-même je suis vieux, je ne pourrais sûrement plus voir fleurir ma science, et ce fils artificiel, venant de s’élever de moi, se passera de son père pour votre bonheur.

Si je fais une erreur, si je l’ai déjà faite, j’ai assez d’expérience pour être préparé à la révolte du peuple, comme je l’ai déjà vue. Je m’en garderai bien. Vivez en paix, soyez libres, je n’ai plus qu’à me reposer dans la sérénité, à savourer la douceur de la fin de vie d’un homme qui a donné son âme pour ses habitants, à me laisser apaiser en comptant les heures et les dialogues de l’horloge en hêtre, celle que j’installerai sur mon mur en bois noir.
J’ai été politique, responsable, j’ai pris des risques comme tout le monde en aurait pris pour tous ; le temps semble prétendre à moins de risques d’échecs : car lorsque mes jours seront terminés, le temps sera seul maître en ce monde. Nous le verrons courir ou se laisser passer, nous en aurons peur, il causera peut-être certains crimes propres à lui, comme la guerre naquit de la religion, ou la révolution avortée naquit de l’Élite. Le temps, c’est mon fils. Il est sorti de moi.

En espérant seulement que l’histoire de l’Élite restera gravée ; laissez-moi voir la vie et mourir.

Théorie et création du Temps – De l’oubli de la paix à l’Histoire de la guerre - Rébellion Nullstein, émérite de l’Élite responsable de la science, An 0, Mois 0, Jour 0.

*
« Modifié: mercredi 01 août 2012, 22:19:27 par un modérateur »

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ VI : Morituri te salutant
« Réponse #58 le: dimanche 08 juillet 2012, 23:09:53 »
Bonsoir !

Voici le sixième chapitre dont je suis assez fier, contrairement au précédent. J'en ai tiré les enseignements, donc je l'ai écrit de manière plus vivante – c'est ce que j'ai voulu faire sur le dernier –, la principale différence reposant ici sur le dialogue. Une première partie est encore un monologue pour présenter le contexte et connaître l'identité de ce fils héroïque, tandis que dans la suite j'ai renoué avec un discours particulièrement agonistique (théâtral en somme). J'ai pris bien du plaisir à écrire ce chapitre, je me suis rendu compte que je suis plus à l'aise avec ce genre d'écrit, qui renforce mon intérêt pour l'écriture de théâtre. Sans l'estimer pauvre, c'est un chapitre qu'au contraire j'ai bien travaillé, qui a ses subtilités que vous pourrez chercher ou trouver, et qui n'attend que vos retours autant au niveau de la forme que du fond.

Mon mois va être occupé et le prochain chapitre me demandera du temps, donc cette période va sûrement être moins régulière que le reste, mais peu importe ; récemment je me suis remis en question, et je tente de retrouver un élément que j'avais oublié dans l'écriture : le plaisir. Parfois, c'est aussi simple que ça, bonne lecture.

*

VI : Morituri te salutant


À mon père que je n’oublierai pas.

Mon père a toujours été mon père par le sang, par le cœur et la voix. Nous nous aimions comme si nous avions été frères, nous avons vécu ensemble comme un père et son fils ; il m’a appris à lire pour savoir ce que veulent les hommes, à écrire pour pouvoir humilier leur ego, à lutter pour devoir me révolter et ramener à la terre ce qui est à la terre. Comme un dieu il maniait ses deux dagues, cependant que moi, amoureux de l’épée qu’il m’avait offerte, je rêvais de m’élever à son talent.
Mon père a tout voulu pour réaliser mes rêves ; il m’aidait à lire des livres que le peuple entier taxait d’insensés, il m’apportait des plumes d’animaux lointains pour que je puisse savoir et aimer écrire, il me frôlait de sa dague tandis que je lui dégainai d’une demi-seconde et de ma main gauche, Guerre, ma svelte épée. Toujours est-il qu’elle est longue et qu’elle tranche plus que tout. Si les dagues de mon père sont taxées par ses ennemis de coupes-papiers, toujours est-il que si elles coupent du papier, elles peuvent couper un homme.

Mon père n’a jamais juré ni par la taille, ni par la force. Il est grand et j’espère qu’un jour, je serai aussi grand que lui. Mais dans le cœur, si tant est qu’il en ait un, nous sommes frères. Souvent, le plus petit est roi, et l’ampleur d’une épée ne sert qu’à compenser l’étroitesse d’un esprit ou la bassesse d’un art. Du haut de sa superbe, que j’avoue humblement avoir partagée, il estimait ses dagues semblables à son talent. La vitesse invisible de sa silhouette, la finesse assassine lorsqu’il jouait de ses lames, et la haine qui l’élevait à chacun de ses pas avaient pour destin d’en avoir fait un homme fier.
En artiste de théâtre comme en fier assassin, il gagne son honneur. S’il exècre celui de ma mère, sa mariée, il ne recherche rien ; s’il est un peu aimé, ne le gêne pas, pas plus que d’être haï. Il est de ces grands maîtres dont le seul honneur est d’être déshonoré. Je crois que c’est un peu triste, pour mon père, de n’être aimé que pour ce qu’il paraît. Je ne comprends pas pourquoi, parce qu’il y a tant de choses dans ce monde qui sont belles, il faut se faire faux, se cacher des hommes et de la terre, et regarder le reste avec mépris du bas de son terrier. C’est ce qu’il veut m’apprendre. Mais j’estime être en droit de ne pas tout comprendre, parmi les droits que j’ai ; après tout, je suis son fils.

Mais je ne dirai pas que je ne suis que son fils. Si je veux devenir à l’épée ce qu’il est à la dague, et si je veux devenir à mon destin qui il est à moi-même, je peux être un héros. Je peux vivre comme lui sans devoir récolter la folie de ma raison et la haine de mon amour ; je peux mourir comme il ne le voudrait jamais. Oui, je me souviens maintenant.
Je me souviens. Nous étions dans le seul étage de notre demeure, entourée par le bois clair des arbres où soufflait le vent, armé de Guerre, ma longue et large lame dans ma main droite, et Memento Vivere, sa dague la plus néfaste tenue par sa main gauche. Quand j’ai crié ma liberté de droit face à mon père, nos propos se choquaient au rythme de nos armes. Nous étions père et fils.

— Ikau, je veux partir.
Sa réaction reste et restera dans ma mémoire une expression cruciale. Jamais je ne l’avais appelé de son prénom Ikau.
— Pourquoi ne me nommes-tu pas comme mon fils à ton père ?
— Parce qu’Ikau est ton nom, et qu’il reste ton vrai nom, Papa.
— Sache comment tu m’appelles, reste déterminé, Kafei, mon fils.
Je parai sa dague prête à subrepticement percer mon épaule droite.
— Je suis déterminé, et je sais que je veux partir, amorçai-je enfin dégainant mon épée tout droit contre son cœur.
— Tu crois que je n’avais point deviné ? Tu crois beaucoup, Kafei.
Je retournai brusquement Guerre en sa direction, tout contre mon dos.
— Tu crois que je n’avais point deviné que, pendant que j’éclipsais ta Memento Mori, tu passais derrière moi le couteau sous la gorge ? affirmai-je alors que, doucement, il s’éloignait.
— Ce n’est pas un couteau.
Il garda sa même dague en appuyant le bras sur le pommeau de Guerre.
— Je sais bien, je ne suis pas de ceux qui croient autant que tu ne peux le penser, continuai-je en résistant encore et encore.
— Tu n’as pas à croire si tu veux partir. Tu ne partiras pas à la guerre, mon fils.
J’arrachai enfin à sa force ma chère arme que son corps éprouvait.
— C’est ce que je voulais, répliquai-je en tranchant l’air dans son horizon.
— Ce n’est pas aussi facile. Ne relâche pas pour autant toute ton attention.
Memento Vivere passait une deuxième fois derrière ma gorge. J’eus bien peur qu’il me tienne.
— J’ai toujours voulu partir et je le prouverai, Ikau.
Quoi qu’il n’eut pu dire, je m’élevai par-dessus son bras frêle et, tête frôlant le sol, j’arrachai sa dague gauche. Je renversai volontairement Guerre, le tranchant de la lame à la main, pour tromper, par le pommeau, l’équilibre de ses jambes. Une fois qu’il fut à terre, je crois, je jetai Memento Vivere par dessus son épaule. Avec le dernier bruit d’une dague crevant le bois au mur, l’entraînement prit fin.

— Papa, je suis persuadé d’être en bonne posture, lançai-je à mon cher père se relevant alors d’une vitesse glorieuse. Je lui tournai le dos.
— Kafei, tu m’as lancé une arme. Tu as été lâche. Tu veux agir en guerre comme ta mère le fait. Je ne peux pas te laisser partir à la guerre attaquer à distance. Tu n’as pas encore l’orgueil de Naæviî pour éclater tes pulsions, pour meurtrir la terre au nom de tes désirs, et conquérir la guerre pour ne prouver rien d’autre que ta nature. Ce n’est pas sous cette réalité que j’ai voulu t’élever, tu peux te révolter contre moi et mes masques, mon public, mes rideaux ou mes dagues, mais sache que si tes pulsions et ta vérité les plus profondes ont pour destinée de se montrer à la guerre, il te faut les trouver.

— Je les trouverai. Si je ne meurs pas avant, avec le dernier espoir et la dernière épée que mon corps soutiendra.
— Tu ne mourras pas avant, Kafei, j’en suis sûr. Tu es fort, stratège, et tout aussi agile, mais ton espoir craquera, tu n’en as pas besoin, tu n’as pas besoin de cœur pour toutes ces conneries. Résister sera futile et ton cœur craquera. Il craquera.

Nous jetâmes nos armes à terre.
— Ce ne sera pas difficile, que ce soit à la guerre où n’importe où, d’être un héros, Papa. Je ne jetterai pas d’arc, je le jure. Mais l’arc ou l’épée ne changeront rien, absolument rien au destin de héros.
— À ton destin de héros ? me rit-il au nez. Kafei, mon fils, tu as autant d’orgueil que d’héroïsme, je n’en doute point. Mais je resterai ton père, tu ne m’oublieras pas, alors permets-moi d’affirmer que tu perdras ton temps à devenir un héros sur un champ de bataille. Si tu ne perds pas autre chose parmi les arcs, les haches, les corps éviscérés et les crânes calcinés qui te feront vomir. Quel bel héroïsme.

Je sais que mon père avait pour habitude de me manipuler. Profondément vicieux au sens glorieux du terme, il savait mépriser, je savais l’endurer. Mon orgueil se voulait fier ; en jouant son propre jeu, je lui prouvai que mon cœur était à la hauteur de ma destinée.
— J’ai de l’espoir mais je sais que je n’en aurai pas besoin, je suis naïf mais je sais que je ne dois pas l’être, je suis jeune mais je sais que je l’ai toujours été. Expose tes arguments. Quelle belle autorité.
— Kafei, mon fils, tu ne me prouveras pas que tu sais tant te battre tant que tu ne pourras pas t’extirper triomphant d’une confrontation autrement qu’en jetant n’importe quelle dague. Certes, tu es lâche. Certes, tu pourrais te défendre et sortir victorieux, même plus, si tu crois que les dieux te sont soumis.
— Mon espoir, ma jeunesse, et mon temps, j’en ferai mes armes, lui dis-je, souriant et gagnant.
— Mon fils, quel âge as-tu depuis que tu es venu en ce monde ? Depuis ce qu’on appelle le Temps, j’ai pu calculer que tu as déjà douze ans, cela t’importe-t-il tant ? Mais tu restes trop jeune pour être un héros, pour vivre tes pulsions et battre tes ennemis, pour marcher comme tout le monde dans les champs dévastés par le plus profond des désespoirs, pour éviscérer comme tout le monde de ton premier couteau le premier rat qui court pour survivre à ta faim qui n’en finira pas de te faire crever, et pour finir n’importe quel soldat dans n’importe quelle guerre au nom des anonymes défenseurs d’une croyance, comme tout le monde. Tu n’es rien de ta mère et tu n’as pas ses armes, tu es jeune et naïf, profites-en encore. Alors pars si tu veux, pars pour tuer ton père et mourir en héros. Si tu crois avoir le droit.
— Alors si je n’ai pas le droit, je prendrai le gauche.

J’étouffai mon seul pleur qui pouvait me trahir.
— Je te ferai honneur, Papa, je serai faux.
— Soit tu restes un enfant, soit tu tueras ton père. Je te vois pour un jour héros, et moi, pour une nuit, je veux une heure de gloire.
Le crépuscule tombait. Je souriais en silence tandis qu’Ikau pleurait, en silence aussi. Je soupirai encore.
— Quand le jour se lèvera j’aurai quinze ans, Papa. Depuis que je suis né, depuis mes quinze  années qui seront miennes demain, je ne veux que partir. Tandis que je le ferai pour le bien du pays, tu le ferais pour le mien ; parce que tu  es mon père et que mon père m’aime.

Il leva sa dague, ma main serrait ma lame qui pointait à la fenêtre. Aujourd’hui j’écris juste avant de mourir.

Seconds carnets : « Pour ton bien » - Kafei, Termina, An 12, Mois 12, Jour 15.

*
« Modifié: mercredi 01 août 2012, 22:20:06 par un modérateur »

Hors ligne HamsterNihiliste

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1891
  • Pouet pouet
    • royrhoam
    • Voir le profil
    • Tumblr
K. ~ Partir. [1 Juin - 1 Juillet 2012]
« Réponse #59 le: vendredi 13 juillet 2012, 02:46:53 »
Bonsoir,

Aujourd'hui, ce soir, cette nuit, ce matin, j'ai décidé de livrer une partie de moi-même, dans un certain élan de pulsion ou de liberté, je ne sais pas, mais je le veux. Depuis le début de l'hiver, j'écris un texte que j'ai appelé Partir. . J'ai décidé de le commencer librement, sans travailler, en écrivant d'une manière orale et par ce que l'on serait tenté d'appeler écriture automatique. J'écris en blocs, les seules indications sur mon manuscrit et dans le texte sont les dates ; je précise la date à laquelle j'ai écrit tel " Point ", c'est tout. Entre chaque " points " je joue également sur le premier et le dernier mot, souvent contraires, et c'est tout ce qu'il y a à rechercher, je pense. C'est clairement une expérience personnelle, comparable à l'innomable Thanatos, mon ami, mais dans ce dernier il y avait une volonté, un imaginaire, je voulais le faire partager parce que j'écrivais un fond sans une forme ; là, non, j'écris " vrai ". Je crois.

Si je n'ai jamais trop su ce que je voulais en faire, j'ai voulu commencer à poster l'extrait le plus récent parmi cette humble bibliothèque, j'en posterai peut-être des nouveaux au des anciens, mais une chose est sûre, voici un Partir, un texte (qui compte au moment où j'écris 10 959 mots, soit plus que MMMV.) que je nomme et que j'écris " pulsionnel ".

*

Point au 1 Juin 2012.

Temps. Le temps indique n’importe quelle heure de la nuit, puisque la nuit, c’est calme. Tout est calme, aussi calme qu’eux deux qui se parlent sur les chaises en face dans le salon, tous deux autour d’un verre et d’une jolie lumière, tout simplement jolie. Lui est triste, une larme toute simple coule sur sa joue, et l’homme qui est en face, qui ne s’appelle pas « l’autre », trouve si belle une larme sur la joue d’un ami.
Un temps ils ne se disent rien.

— J’ai pris le train hier. Devant moi, parce que tous les sièges étaient dans la même direction, il y avait un type qui lisait Cauwelært et deux femmes qui lisaient Harlan Coben. Les gens sont cons.
— C’est des romans de gare. Ils ont le droit. Les gens ont le droit d’être heureux, tu sais. C’est pas parce que toi ça te rend pas heureux que eux, si ce qu’ils font leur plaît, ils sont des imbéciles qui sont nés quelque part.
— Je sais bien, c’est ce que je dis. Tu sais bien que quand t’es pas normal les gens qui sont heureux ça te rend malheureux. Et moi j’suis pas normal, c’est triste. Moi j’aimerai lire Harlan Coben ou Marl Lévy et en être heureux, qu’est-ce que tu crois, plutôt que d’écrire comme moi et d’être malheureux. Au milieu des filles qui bouquinaient – qui lisaient, pardon –, il y avait ma place, pendant un temps de train qui aurait pu être plus long. Il y avait une place libre à côté d’une fille qui dormait. Je m’y suis installé et je l’ai regardée pendant tout le voyage. Je l’ai regardée, c’est tout. Je n’ai pas vu son visage, je n’ai pas vu ses lèvres, je n’ai pas vu ses seins, mais je l’ai regardée parce qu’elle était belle et c’était tout. C’est quelque chose qui m’a rendu heureux. C’est pas si compliqué, t’as raison.
— Oui. C’est ce que je t’ai dit. Les femmes sont aussi belles que les paysages dans tes trains.
— C’est pas ce que j’ai dit. Balance pas des trucs mièvres, ça veut rien dire. J’ai trouvé cette fille belle et j’ai pas besoin d’en dire plus. J’ai pas besoin de l’aimer, pas besoin de l’épouser, de la baiser et de lui faire des gosses, pas besoin de me masturber, je l’ai trouvée belle, c’est tout.
— T’as pas de volonté. T’as pas d’espoir.
— J’ai pas de volonté pour quoi ? Parce que ne ne veux pas accoster une fille n’importe où – même dans un train – en lui criant « T’es bonne ! » ? J’ai pas de volonté parce que je ne veux pas, c’est tout. Si je veux aimer une fille je l’épouserai, un jour, si je me retrouve un cœur et que je regrette enfin d’avoir voulu ne jamais aimer.
— Tu trouveras quelqu’un, un jour. Ne t’inquiète pas.
— J’ai envie. Mais je veux pas, c’est tout. J’ai le droit. Si on dit que l’amour c’est libre, et que je dis que c’est aléatoire, j’ai bien le droit de rien en espérer, si je dois espérer quelque chose, non ?
— Ne t’emporte pas. Je veux t’aider. Je veux juste t’aider à ne plus regretter.
— C’est pas parce que t’estimes avoir réussi ta vie que tu l’as réussie. C’est pas parce que t’as épousé une femme, que t’as de beaux enfants, et que t’es avocat que tu peux t’estimer normal. Et si personne n’était normal dans ce monde et que j’étais le seul à l’être ? Et si rien n’était normal ? Et si je m’appelais Truman Burbank ?
— Tu n’es pas normal mais qu’est-ce que ça peut te faire ? Rien. Rien.
— Oui, tu as raison, rien. Il y a tellement de choses dans ce monde qui ne sont pas normales que ça ne me fait rien. Que j’écris parce que j’aime et que si je fais quelque chose, même au fond d’un cœur que je n’ai pas, même petit, même caché et c’est tout, c’est parce que ça me plaît, et c’est tout. Il faut que tu me le dises, s’il te plaît, dis-le moi, que je n’ai pas de plaisir et que j’me force à tout. Dis-moi qu’il suffit d’un rien pour avoir du bonheur et que partir ça me fera pas de mal, parce c’est ce que je veux, partir, partir, partir.
— Abandonne ce que tu fais et pars.
— Je pourrai pas.
Il pleure un instant et puis il continue.
— Tu vois j’te l’avais dit. Je peux pas partir parce que je peux pas, parce que j’suis prisonnier d’moi-même et qu’j’ai pas d’volonté, parce que je me dis que je veux et que je me dis que je peux pas.
— Parce que t’as pas d’espoir ?
— Ouais, j’ai pas d’espoir et je le regrette. Et pour ne plus regretter il me faut partir. Et pour ne plus partir il me faut regretter. C’est con. Et pourtant, et pourtant, et pourtant tu te rends compte que le lieu habité le plus au Nord du monde est une base géologique russe, indienne, française ou même je ne sais pas au Groënland ? Tu te rends compte qu’il y a des îles au large de l’Irlande où personne n’a jamais mis les pieds ? Tu te rends compte qu’avec Google Earth il me suffit de rechercher Clifden depuis ma pauvre ville natale pour savoir où, quand, et comment, je peux y partir ? Tu te rends compte qu’il y a deux nuits j’imaginais les îles Kerguelen bien plus au Nord qu’elles ne le sont ? Et tu te rends compte que le partir le plus lointain où j’ai pu partir c’est à Paris, à cinq cent kilomètres, en peut-être six heures de voiture, et cinq cent kilomètres sur l’échelle de l’espace c’est rien, et six heures de voiture sur l’échelle du temps, c’est rien. Rien. J’aurais pu ne pas naître. J’aurais pu naître il y a cent ans et crever à la guerre, j’aurais pu naître en même temps que Molière et crever dans la pauvreté, j’aurais pu naître en même temps qu’Alexandre le Grand et avoir le rêve d’un monde déjà uni, sans nations, sans conquêtes après moi, sans guerres, sans communisme et sans idéal, car l’idéal, on y serait, tu te rends compte que j’aurais pu avoir un idéal ? J’aurais même pu être un composant d’un gaz d’une étoile qui naîtra dans un milliard d’année, j’aurais pu être un tyrannosaure, j’aurais pu être une planète qui a toujours existé mais qu’on découvrira très bientôt dans plus de trois cents ans, j’aurais pu être l’Univers, j’aurais pu être mon fils, j’aurais pu être toi, je pourrais être moi. Dis-moi que je suis moi et que j’ai des raisons de croire en ce monde. Dis-moi qu’il y a des choses belles dans ce monde et que comme tout le monde je peux avoir de l’espoir. Dis-moi, dis-moi oui, je t’en prie, espère-moi, dis-moi oui.

— Oui.
Ils ne se disent rien, puis l’homme du « oui » continue de parler à l’homme du « partir ».
— Tu peux partir. Il ne  suffit pas de vouloir, il ne suffit pas de pouvoir, il ne suffit pas de femme, il ne suffit pas d’espoir, il ne suffit pas de sexe, il ne suffit pas d’écrire, il suffit de rien dire et de partir. Ne cherche rien, n’explique rien, partir c’est oublier, je devrais pas écrire autant, partir, je devrais pas l’écrire avec une majuscule, partir c’est être tout le monde, partir c’est être rien, partir c’est oublier, partir c’est affirmer que l’amour d’un partir dans le cœur d’un humain c’est le plus bel amour qui soit, partir c’est partir, partir c’est rien, partir c’est tout. Alors pars. Et ne dis pas que t’as pas le temps.

Il ne pleurait pas. « Partir » était déjà de dos. Une dernière fois se crever les yeux devant l’ordinateur. Il souriait. Il pleurait de sourire.
— Voilà. En soixante dix-sept étapes, en voiture, en parcourant 2020 kilomètres, et dans 22 heures et six minutes on est à Clifden, dans le comté de Galway, au Connemara, en Irlande, quelque part sur terre, alors prends fais tes affaires, suivons-nous ensemble, arrêtons de parler, d’écrire et de pleurer, et partir loin du temps.

Point au 1 Juillet 2012.

*