Auteur Sujet: Errements Poétiques - [ Poème : Mutique ]  (Lu 185710 fois)

0 Membres et 3 Invités sur ce sujet

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Femme(s) fuite(s) et fin(s) ]
« Réponse #240 le: vendredi 20 avril 2018, 21:39:36 »
Ne pas se fixer

Tu parles d'elles
Tu parles d'ombres
Qui es-tu

A manier ce j'aime
Impérieux
Je suis toi je me moque
Je suis toi une de ces voix
Tu ne vois pas ?

Et les femmes toi
Qu'en sais-tu ?
Elles vraies
Qui peuvent être courbes
OU POINTES
Qui comme tout
Sont mouvements-signes

Et toi ! RIMAILLEUR (l'es-tu même ?)
Tu penses les enfermer ?
Sors dans le plis
De la vie tu es vieilli

Créatures papiers
Érotisées ah
A ta mesure
Enfermées  dans tes rêves
Trop faux

Faut-il coucher cela ?
Dehors la vie couche-la
Trouve une vraie
Qu'on aime tant sans besoin
De piailler

Fallait-il seulement parler ?
A la prochaine rencontrée
Tais-toi lyrique qui ampute

Laisse-la donc parler.
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Ne pas se fixer ]
« Réponse #241 le: dimanche 06 mai 2018, 02:26:52 »
J'écrirai autrement

J'ai tout jeté
Toi là
Tu entends ?

Jetés vos yeux
Hantés !

Nos mondes sont dévastés
D'autres à lever !

Dur mon langage ?
Tant de rage
Pas de message

Un nouveau monde !
A nommer dis-je
Et que vivent
Ceux qui sauront s'y couler
Il débordera d'été

J'y écrirai autrement
Ce sera sec et méchant
Plein de cassures et de vent

D'autres vous crèveront
Elles naîtront
De l'ivresse du son
Elles suivront tout du long

Je les imagine
Elles réapparaitront ?

Je vous jette vous
Femmes hommes du trou
Comme moi saouls !
L'alcool avec un autre goût
Demain
Avec tes reins
Qui nous rendra fous !
Et ce sera bien

Sans vous
Il faut que je dise
Être fou
Mais toujours saoul

Qu'on m'excuse
D'être si mou
Demain si dur !

Je serai mouvement
Le pouls du monde !
J'essaierai
Et qu'importe ?
Si j'échoue

J'aurais voulu écrire
Et dire
Le redoux ce monde
Si fou
Si saoul.
« Modifié: dimanche 06 mai 2018, 17:35:51 par Synopz »
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Sentinelle

  • Chercheur en Korogus
  • *
  • Messages: 1170
    • Senti_nelle
    • SW-3963-6822-3987
    • Voir le profil
    • Artstation
Errements Poétiques - [ Poème : J'écrirai autrement ]
« Réponse #242 le: dimanche 06 mai 2018, 10:11:06 »
C'est toujours agréable de venir se plonger quelques minutes dans tes poèmes, tu nous en proposes régulièrement et c'est vraiment sympa. :oui: Continue comme ça !
Mon Artstation avec mes dessins : par ici

Hors ligne Chompir

  • Grand guerrier Piaf
  • Sorcier Sheikah
  • ****
  • Messages: 7538
  • Piaf dans l'âme
    • Code ami 3DS 4914-4674-5458

    • Code ami Wii U chompir

    • ChompirPZ
    • SW-4357-7164-4611
    • Voir le profil
    • Forums de Puissance Zelda
Errements Poétiques - [ Poème : J'écrirai autrement ]
« Réponse #243 le: dimanche 06 mai 2018, 11:40:54 »
Je trouve vraiment que cette dernière est vraiment forte et dégage quelque chose. C'est peut-être l'un des poèmes que tu as écrit qui m'aura fait le plus ressentir ce genre de chose. En tout cas comme d'habitude elles sont toujours aussi exceptionnelles et agréable à lire.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : J'écrirai autrement ]
« Réponse #244 le: mercredi 09 mai 2018, 18:37:15 »
Merci à vous deux pour vos commentaire de temps à autre ! En voilà une nouvelle.

Femmes théâtre et humains

N'ayez pas peur mais c'est ce moi
Qui vous dépeint ici
Amies amantes pas de répit !

Pauvre demi-rimeur qu'on voit là
Hanté de ces mythes plats
Ah comme si vous
N'aviez qu'à vous donner
Seulement amantes allez
Je ris de ma laideur

On a fait savez-vous
Un théâtre pour la poésie
Masques femmes
Précieuse synesthésie (bien fictive !)
Je me crée donc quand j'écris
Rêves de cruelles lascives
Amoureuses transies ou enfuies

Et celles humaines
Pleines de chair vraie dans la vie
Comme je l'ai déjà dit
Brisent cent fois les frontières impies
De ces mythes sales de poésie

Vous donc véritables
Que l'on décrit et flétrit
Humaines regrettables
Ne craignez rien

Je vous sais toujours le droit
De forger vos yeux-lois
De nommer encore les choses
D'une nouvelle prose
La vôtre

Chaque jour je vous laisse
Tous les choix
Humaines beautés
Loin des rêves de pierre
Capables d'exister
Loin des mythes surannés
De la poésie dépassée.
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Femmes théâtre et humains ]
« Réponse #245 le: vendredi 11 mai 2018, 04:32:17 »
Jamais tu ne sauras combien je t'ai attendue

Comment te dire
Comment enfermer
Le son du passé
Intolérable

Tout est mort
Il n'y a plus que moi
Mortifié
Qui dit des fables

Comment es-tu allée
J'ai perdu ma face
Tu n'existes plus aimée
L'amour s'efface

Si fatigué de pleurer
Tout est si loin-flou
J'ai tant gratté ce passé
Il a rongé mes ongles

Jamais tu ne sauras combien je t'ai attendue.
« Modifié: vendredi 11 mai 2018, 04:38:32 par Synopz »
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Jamais tu ne sauras combien je t'ai attendue ]
« Réponse #246 le: lundi 14 mai 2018, 19:34:33 »
Voilà ma petite tragédie relue, corrigée et aérée, réalisée pour la deuxième manche du concours Breath of the Style  :oups:

La Nostalgie d'Hyrule

Tragédie en trois actes

Personnages

Mipha Esprit de la défunte Princesse et Prodige des Zoras, amoureuse de Link
Link Prodige des Hyliens, fraîchement réveillé d'un sommeil d'un siècle et amnésique
Din, Nayru et Farore Déesses créatrices du monde
Hylia Leur fille et leur exécutrice en Hyrule
Le Chœur des morts Victimes de la défaite du Héros



[Link, désigné Prodige par la race des Hyliens, a été laissé pour mort un siècle auparavant, échouant dans sa tentative de repousser un mal millénaire nommé le Fléau. Ses compagnons d'alors, prodiges désignés par chaque race d'Hyrule, ont péri, leurs esprits piégés dans des machines de guerres mythiques aux formes animales qu'ils dirigeaient. Seule la Princesse des Hyliens, Zelda, a survécu et contient le mal depuis un siècle, dans un monde ravagé. C'est à elle que Link doit son sommeil de cent ans et sa survie. L'action prend place dans une de ces créatures mécaniques, en forme de gigantesque éléphant, nommée Vah'Ruta, corrompue par le Fléau. Link s'y rend pour la libérer de cette influence, encore incertain, traversé par des souvenirs qu'il ne comprend pas réellement, et servant une cause qui lui semble trop grande pour lui. Mipha, Prodige et Princesse des Zoras y a trouvé la mort : elle se manifeste sous forme d'esprit interpellant Link. Le Chœur, les déesses et Hylia commentent l'action et réfléchissent à la trajectoire des êtres d'Hyrule : leurs devoirs, leurs errances, leurs échecs, la fatalité de leurs destins, toujours condamnés à rejouer la même légende et le même combat.]


   Note de l'auteur : Il est évident que, pour des besoins dramatiques, les caractères de Link et Mipha connaissent des modifications par rapport au scénario du jeu. Néanmoins, il faut replacer cette modification dans le cadre d'une tragédie : Mipha est une princesse et il y a une volonté d'insister sur son « haut rang » en tant que personnage, ce qui peut expliquer sa relative hargne par rapport à la timidité du personnage décrit dans le jeu. L'amertume générale se veut aussi une interprétation de ce que peuvent bien ressentir des gens enfermés avec eux-mêmes pendant cent ans. Enfin le registre relativement soutenu de langage, peut-être surprenant pour Link, est aussi à considérer du point de vue du genre tragique.


Acte I
Scène 1
Le Chœur, Link, Mipha


Le Chœur : Tout va encore se jouer, voilà. Ah ! Pauvre Hyrule fatiguée… Sous le coup de ton implacable destin, nous sommes bien évidemment tombés. Que pouvions-nous faire d'autre ? Rien. Encore ce que vous appelez « légende » sur cette terre. Nous sommes mille âmes, trop tôt fauchées, toutes suspendues à la réussite de quelques jeunes gens trop verts. Ils ont échoué alors. Et une fois de plus le même pantomime de destinée : ne dites rien Héros, Prodiges, vies trop courtes, détruites dans leur début pour des causes trop grandes. Maintenant revenez des morts ! Animez vos petits membres, pleurez, automates de la gloire et de l'histoire, recommencez les mêmes gestes, espérez cette fois que vous le terrasserez, Élus. Hé, déesses, qu'avez-vous fait ? Ce Fléau n'en peut plus de mourir, et pourtant, en vie, vous le laissez. Tous dans l'ombre encore, nous ne pouvons que regarder… Voilà, il entre, la ronde est relancée. Tourne encore Hyrule, tes enfants n'ont pas fini de chanter.

La lumière tombe sur le Chœur. Des bruits de pas étouffés se font de plus en plus entendre. La lumière croît progressivement.

Link pénètre dans la créature. Les murs suintent la corruption et l'humidité. Les voix résonnent.

Link : Je crois connaître cet endroit, mais je ne sais plus. J'ai des éclairs… Des odeurs, des murmures me reviennent. Mais il n'y a plus qu'une odeur de mort ici. Pourtant, pourtant… Il me semble qu'il y avait autre chose, de la chaleur, je crois. Oui ! C'est ça, de la chaleur qui montait au fond de mes entrailles.

Il balaie la scène du regard autour de lui.

Elle est partie cette chaleur. Je crois.

Mipha entre en scène et se glisse en silence dans le dos du Héros.

Mipha : Non. Elle n'est pas partie. J'aurais aimé qu'elle soit plus distincte dans ton esprit. Je suis heureuse de te revoir, Link.

Link : Ah ! Tu dois être… Mipha. C'est bien ça ?

Il semble mal à l'aise.

Je… Te voir me fait quelque chose. Nous nous sommes connus, je sais. Te voir là, pâle, translucide me blesse. Impa m'avait dit pourtant mais… Quelque chose me fait mal.

Mipha : Comme tu dis : « nous nous sommes connus ». Bien connus même. Je ne pensais pas que la mémoire te ferait défaut, Link. Mais ça ne change plus rien, je suppose. Je suis heureuse de te voir, oui, j'en suis sûre désormais.

Link : Et bien… Moi aussi. Je suis venu te libérer, Mipha ! Je vais terrasser la bête. Tu pourras enfin te reposer, enfin te laisser aller !

Elle se tait longtemps.

Mipha : Me libérer ? … Pour aller où ? Je suis une morte. Cette attente ou ce néant « libérateur »… Link, Link… Quelle différence ?

Il la regarde. La lumière décroît.


Scène 2
Les déesses, Hylia


Le fond de la scène est légèrement surélevé. La lumière diminue au premier plan où sont Link et Mipha et s'allume progressivement au fond. Sur une large balustrade, les Déesses discutent.

Din : Ton fils est perdu, sœur. Cette Zora pourrait briser sa détermination.

Hylia : Ne comprenez-vous jamais rien, Mères ? Quel amour pour ces êtres sortis de vos ventres !

Farore : Hylia, Hylia… Ce n'est pas ce qu'elle souhaitait dire. Ils n'ont pas le choix. Le Héros a échoué une première fois. Cette terre ne survivra pas à une deuxième erreur. Ses souvenirs sont encore confus, il ne sait pas qui il est, il ne sait pas que la femme-poisson l'aimait. Il serait mieux qu'il ne le sache pas.

Nayru : Mon élue attend depuis trop longtemps. Je crains que la détermination du Héros faiblisse si trop de cette vie brisée lui revient.

Hylia : Je ne vous comprends pas, Mères. Je ne vous ai jamais comprises. Pourquoi cette terre ? Pourquoi ce cycle toujours et indéfiniment recommencé ? La terre des légendes est fatiguée. Son sol est usé, imbibé du sang que verse le Fléau depuis tous ces millénaires, rendu acide par l'amertume de cette pièce jouée trop de fois. Mettez-y un terme.

Din : Ton incarnation parmi les Hyliens amollira toujours ton cœur, ma fille. Nous n'avons pas à intervenir. Nous n'interviendrons pas. Tu le peux, toi. Mais tu connais aussi les limites de tes actions. Nous avons lancé les rouages de ce monde, les légendes y ont germé, son cycle ne connaîtra pas de fin, son devenir ne nous appartient plus même. Nous sommes spectatrices, tu es notre bras, tu réajustes la composition, tu ne peux en changer les grandes lignes.

Hylia :  Vous ne comprenez pas. Il se souviendra, évidemment. Et vous ne voyez pas… Toi, Farore ! Tu n'entends pas la détresse qui point dans le cœur de ton champion ? Plus rien n'est entre ses mains, il est là dans un monde déserté après un siècle écoulé. Je sens son cœur, je sens tout et je pleure avec lui… Il n'a que des fragments. Elle va lui dire, beaucoup déjà va lui revenir, et ce sera beaucoup de souffrance. Encore. Il est dépossédé de lui. Et nous sommes là le regarder. Honte à nous !

Nayru : Silence maintenant, fille ! Laisse-nous voir. Nous te manderons pour agir, peut-être, si ce que tu dis se produit. Ou bien nous ne le ferons pas. Les Dieux ne s'abaissent pas pour rien, Fille.

La lumière décroît.



Scène 3
Link, Mipha


Link : On m'a dit de venir. Voilà, je suis entré, non sans difficulté, dans ta créature. Mais j'ai besoin d'aide, je sais que je suis venu ici pour combattre. La vieille femme – Impa – me l'a dit : quelques mécanismes, et surtout une lutte contre un puissant ennemi pour récupérer l'usage de la machine…

Mipha : C'est donc tout ce qu'elle a bien voulu t'offrir, n'est-ce pas ? Pas de place pour autre chose, voyons, quelle sotte je fais après un siècle d'errance !

Link : Je ne comprends pas ta colère, même si je sens que je le devrais, Mipha. Tout est confus pour moi. M'accompagneras-tu dans ce cheminement ? Je reprendrai ta créature, pièce par pièce, et tu me rendras mes souvenirs morceau par morceau.

Mipha : Nous pouvons faire comme cela, Link. Mais je ne peux garantir que tes souvenirs soient plaisants. Ta quête n'en sera peut-être pas simplifiée. Celui qui avance sans savoir se rend esclave du destin, mais il n'a pas conscience des fils qui l'agitent et des chaînes qui le retiennent…

Il respire profondément et prend son temps pour répondre.

Link : Je dois le savoir. Je dois le savoir, Mipha. Sinon, que suis-je ? Voilà quelques semaines que je me suis réveillé et je ne suis personne. On m'a parlé de grands destins, de légendes, d'une princesse qui m'attend depuis un siècle, et je suis assailli de partout. Tout m'échappe, tout me tombe des mains… Les souvenirs, les couleurs, les goûts, le vent et le fond de l'air : ce monde était le mien, cette vérité grouille en moi, mais ce n'est plus ma place. Ce n'est plus mon temps, je cours partout, je m'agite vainement sur cette terre et je sens sa lassitude, ma lassitude, comme si des millénaires et des millénaires de soit-disant « Héros » courant et labourant ce sol pour une lutte jamais achevée me revenaient. Je n'ai plus qu'un nom, je n'ai plus ni fa   mille, ni amis, ni cadres, ni repères : le destin a choisi pour moi et j'avance, alors, un peu plus ou un peu moins… Redonne-moi de l'épaisseur, Mipha. Redis-moi qui j'étais avant de devenir un exilé, un fantôme du passé dans mon propre royaume dévasté.

Elle a un long regard triste.

Mipha : Je te redirai qui tu es. Malgré moi, sans doute. Il faut nous presser, Link. Le temps est compté pour te rappeler ta figure, pour terrasser le Fléau qui corrompt ces murs, pour hâter la délivrance de cette Hyrule harassée. Va au loin, prends le temps de rassembler les bouts de ton être, donne-toi dans l'action, déjoue quelques uns des pièges et mécanismes secrets qui parsèment cet éléphant de fer et de fureur, placés par le malin et reviens. Rien ne sert de hanter ton cœur si tu ne sais triompher de ces épreuves.

Link : Mais… Ne peux-tu me le dire…

Mipha, vivement : Non, Link ! J'ai attendu ici pendant cent longues années. Laisse-moi le temps. Va, maintenant. Ne sois pas si avide de savoir, nos vies brisées n'ont pas d'autre spectacle à offrir que celui du pathétique, je crois.

Link : Je… Très bien. Je vais revenir sous peu, Mipha. Nous parlerons.

Scène 4
Link, Le Chœur

Link parcoure la scène plusieurs fois touchant et examinant le décor, actionnant quelques mécanismes étranges qui y sont dissimulés.
 
Link, pour lui-même : Je ne suis pas sûr de la comprendre. Elle semble m'en vouloir et en même temps être profondément désolée pour moi. Que va-t-elle me dire ? Une peur sourde croît en moi. Qu'y avait-il entre elle et moi ? Quelle est cette vie qu'on m'a volée ? Tout tourne ! Ce vieil homme, à mon réveil, ce roi d'Hyrule, le père de la princesse, s'il avait eu pitié de moi, il m'aurait renvoyé à mon long sommeil. Allez, va, maintenant, Link, ils t'appellent « Héros », et tu cours, et tu souffres. De jour, de nuit, par monts et collines, tu déjoues les pièges, tu défais les adversaires, ta gloire sera au firmament, dans cette terre qui t'a oublié, qui te méprise même pour un échec dont tu ne te souviens qu'à peine, tu ne peux qu'avancer, encore. Voilà, les secrets de la bête ont été éventrés. Le fantôme de la princesse des Zoras m'attend. Si nous pouvions lire le destin et les signes de ce monde comme j'ai lu carte et boussole pour avancer ici, quelle joie ! … Mais non. Nous sommes dans la brume. Nous sommes perdus, à l'aveuglette, toujours sommés d'avancer, sans savoir si un gouffre n'est pas à nos pieds. Je continue…

Il quitte la scène, une carte et une boussole à la main. L'air perdu.

Le Chœur : Elle va lui dire qu'elle l'aimait. Fatalité, fatalité ! Elle va lui parler de cette vie fauchée. Il va se souvenir de la princesse. Vraiment commencer à se souvenir d'elle. Pas l'apparence de princesse translucide d'une race étrangère qui hante ces lieux. L'autre, bien sûr, la princesse dorée qui retient le mal au cœur du monde. Il souffrira. Mais la légende va se dérouler, implacable. Il courra vers elle, l'autre restera, et ainsi de suite. Il sera manipulé par les Parques inflexibles d'Hyrule, comme chaque fois, par un amour incertain.


***


Acte II
Scène 1
Link, Mipha, Le Chœur

Mipha attend déjà au milieu de la scène. Link entre par un coté.

Mipha : Te voilà donc, Link. Tu as facilement déjoué les trappes de Vah'Ruta. Bien. Nous allons parler alors. Je suis prête. J'ai ravalé mon amertume, pesé mes mots, je vais te raconter une histoire.

Elle ferme les yeux, se concentre un moment. Elle sourit tristement à Link.

Il y avait chez les Hyliens un grand prodige et ce grand prodige, c'était toi. Mais tu le sais déjà. Mais t'a-t-on dit tous ces entraînements, ces exercices physiques éprouvants ? Cet isolement, ce dévouement de chaque instant à ta mission qui était demandé ? T'a-t-on dit ?

Link : Je… Je l'imaginais plus ou moins.

Mipha : Non. Tu ne peux pas l'imaginer. On a pris nos vies, on a chanté à nos peuples et à nos familles que c'était un grand honneur de défendre Hyrule, et sans doute avait-on raison. Mais quel prix, quel prix… Nous sommes rentrés dans le grand manège des légendes de cette terre, dans le grand manège qui a pris nos vies. Nous avons été choisis, toi et moi, j'ai abandonné mon frère, mon père, mon peuple. Nous avons travaillé d'arrache-pied, sans relâche, je revois encore les courtes nuits d'entraînement, la peur et l'angoisse de ce retour imprévisible du Fléau. Nous n'étions pas prêts, nous avons été trop arrogants, on nous a fait croire que tout se passerait bien, mais après tant de millénaires, nous ne savions plus. Les Dieux se sont joués de nous, Link…

Link : Je n'ai pas tout oublié, Mipha. Les choses remontent, reviennent petit à petit. Je sais que nous étions proches, nous nous sommes connus enfants. L'écho de ton rire d'alors sonne à mes oreilles depuis que j'ai pénétré ici et que je t'ai revue… Que nous est-il arrivé, hors de cette défaite, pour que tu sois si amère ? Bien sûr, je sais que nous avons donné nos vies, je ne me souviens plus, mais je garde une connaissance secrète, un pressentiment, une impression de ce que j'étais, de ce que nous étions… Et par bribes, à chaque heure, des scènes et des images se font une place dans mon esprit. Dis-moi.

Elle a le même sourire triste. Elle reste immobile. Long silence.

Mipha : Je t'aimais. Et tu as grandi, et nous nous sommes détachés, moi qui avais cru que devenir Prodige achèverait de me lier à toi, je ne pouvais savoir que la Princesse d'Hyrule allait ravir ton cœur.

Quelque chose semble se réveiller en lui.

Link : Que.. Quoi ? Zelda ! La Princesse ! Je… Nous nous aimions elle et et moi ? Je… Et tu m'aimais ? Mipha, je...

Elle a un geste sec du bras.

Mipha : Ne t'épuise pas, Link. Regarde-toi. Même à travers les affres du temps, même amnésique, c'est elle que tes mots ont appelé en premier. Je ne viens qu'après… Ce n'est pas grave. Je t'aime toujours, je ne souhaite que ta réussite. Pardonne mes attaques et mon dédain. Tu parleras à ma famille, tu leur diras combien je regrette, mais tu leur diras aussi que j'ai tenu, que cent années durant, je n'ai pas cessé de vouloir accomplir ma mission… Ils seront fiers, et moi, une fois le Fléau gisant à terre, je disparaîtrai sans bruit, sans une seule parole.

Link : Je ne souhaitais pas… Je ne voulais pas… Je ne voulais pas blesser ton cœur, Mipha.

Mipha : Ni toi, ni moi n'avons eu le droit de vouloir quoi que ce soit, Link. Je ne sais pas ce qui aurait pu arriver. Mais j'aurais aimé avoir le droit… Oui, juste le droit de retourner au Domaine Zora, le droit de voir encore les cascades s'embraser dans les fins de journée bleues de l'été… Le droit d'essayer de te reconquérir, le droit de voir si j'allais y parvenir ou échouer. Le droit de voir si la timide et discrète Mipha pouvait prendre le pas sur l'héritière d'Hyrule. Mais tout cela fait partie du plan, je suppose, les grandes Déesses d'Hyrule n'ont que mépris pour ces Prodiges, ils ne sont que les rouages. C'est après tout la légende du Héros, de la Princesse et du Malin, pas l'amourette du Héros et de la Zora…


Scène 2
Les déesses, Hylia


Farore : Elle l'aime, la sotte. Qu'elle n'aille pas tout gâcher ! Comment va-t-il réagir ?

Hylia : Elle n'est pas sotte, vous ne réalisez pas, vous les Déesses immortelles et toutes-puissantes d'Hyrule. Toute sa tristesse, tout son amour, tous ses regrets, ressassés et digérés pendant un siècle dans les murs corrompus de la créature où elle est morte, où le peu qui lui restait lui a été définitivement confisqué. Sa mort ne lui a même pas été donnée, nous les avons maintenus en vie ces prodiges, nous les avons laissés pourrir dans l'ombre en attendant le retour du Héros. Jamais la légende d'Hyrule n'a autant montré toute sa cruauté à ses protagonistes… Ils savent maintenant, l'insidieuse idée a fait son chemin dans leur esprit, a rongé leur vertu et leurs certitudes : ils sont les victimes pathétiques de causes trop vastes, de divertissements de Dieux qui regardent s'agiter sans fin ce cycle de combats et de retours : le Héros, la Princesse et le Malin, comme elle dit, il n'y a de place pour rien d'autre.

Din : Tu lui parleras ma fille. Tu lui diras que ce cycle est le dernier ou que sais-je… Que tout cela a du sens, enfin ! Nous ne pouvons nous permettre de dévaluer la légende d'Hyrule, il faut que les Hyliens continuent à croire en leurs Dieux et dans le sens que ce monde abrite. La trahison de Demise, il y a si longtemps, n'était qu'une méprise, mais la création doit aller, c'est ainsi, nous avons rééquilibré les choses en te mettant au monde, en forgeant ce cycle de légendes et ce monde doit voguer jusqu'à son terme désormais.

Hylia : Je ne sais moi-même quoi lui dire, mais j'obéirai bien sûr, Mères… Mais pourquoi… ? Pourquoi ne pas intervenir, pourquoi ne pas mettre un terme à cette folie, pourquoi laisser ces êtres façonnés de vos mains répéter la même histoire, aller de gloires en défaites sans interruption. Le monde est fatigué, Hyrule est une vieille femme, qui a trop enfanté, et enfanté trop de tout : sauveurs et démons. Libérez-la, laissez-la aller.

Nayru : Les Dieux ne touchent pas aux mondes qui sont les leurs, ma fille. Tu le sais. Nous équilibrons quand il faut équilibrer et nous regardons. Les créations sont là pour être déployées jusqu'au bout. Ils continueront, se sauveront, finiront par définitivement échouer, nous ne pouvons nous-mêmes le savoir. Tu es la seule à pouvoir influer sur ce cours, dans les limites que nous avons prescrites. Nous ne mettrons pas fin aux légendes. Nous attendons, nous ne nous abaissons pas, et la machine tourne encore. Nous verrons pour combien de temps.


Scène 3
Link, Mipha


Mipha : Te souviens-tu, Link ? Nous avons passé tant de temps ensemble. Nous avons découvert, joué, ri au domaine… Des heures et des heures tous les deux, l'amitié et la complicité incongrue de l'Hylien et de la Zora. Je te revois la première fois que ton père t'a conduit dans le royaume des hommes-poissons, tu te cachais derrière lui, tu n'étais qu'un enfant. Tu as si vite grandi, et je sortais moi aussi à peine de l'enfance. Il y a si longtemps que je n'avais pas songé à tout cela.

Son regard s'abîme au loin.

Link : Je crois m'en souvenir. Des chimères dansent au fond de mes yeux, mais ce ne sont que des ombres. Je revois tes paumes chaudes qui soulageaient mes blessures, mais cette lueur est indistincte. Et quant à notre amour… Oui, je le sens, je le sais, il me semble. Une torpeur douce, un sourire, le bruit des cours d'eau. Un amour frais d'enfants, une joie simple.

Mipha : Bien sûr, rien qu'un amour d'enfants… Ton amnésie te fait dire plus que tu n'aurais voulu, c'est sans doute mieux ainsi. A la Zora, l'amour d'enfants, à la belle et glorieuse Zelda l'amour du Héros. Ces années recluse ici m'ont rendue exécrable, Link. Peut-être est-il temps de mettre fin à cet échange qui ne mène plus nulle part. J'ai fait ce qu'on attendait de moi, j'achèverai ce travail. Nos amours n'ont plus de raison d'être discutées ici. Elles ne sont plus chéries que par moi. Je suis las, j'ai hâte de me reposer enfin.

Link : Mipha, je… Je ne sais tout à fait ce que je dis, j'ignore encore tout à fait qui je suis, je ne voulais pas te manquer de respect et…

Il bafouille et se tait. Elle reprend brusquement.

Mipha : Le sombre gardien de ces lieux t'attend désormais, Link. Un des visages du Fléau. Celui qui m'a ôté la vie, celui qui me vaut de te regarder aujourd'hui, morte, sauver une terre où je ne vivrai plus. Loin de ma famille, loin des miens dont j'ai déçu la confiance. Loin de toi que j'aimais, alors que tu t'en vas sauver une autre qui est encore de ce monde et qui a eu ta préférence.

Link : Mipha… Que dire ? Je…

Mipha : Rien. Il n'y a vraiment rien de plus à dire. Va, Link. Va. Libère-nous.

Il la scrute longuement. Il veut parler puis se retient au dernier moment. Il quitte tout à coup la scène en courant. Elle reste seule au milieu, tombe lentement à genoux, prostrée. La lumière décroît.


***


Acte III
Scène 1
Les déesses, Hylia

Nayru : C'est fait. La bête est morte.

Hylia : Il n'y a pas que la bête qui est morte. Il y a quelque chose qui vient de mourir aussi dans le cœur de vos élus. Link aime la princesse, il n'abandonnera pas sa mission. Mais quelle amertume pour lui quand il va retourner dans les plaines meurtries de ce monde évidé par le mal et par la folie d'une histoire sans fin, qu'il verra comme tout est si absurde…

Farore : Qu'importe, qu'importe ! Tu te tortures trop, ma Fille ! Tu es assise parmi les divinités, nous ne pouvons épargner aux peuples de ce monde tous les tourments.

Hylia : Sans doute.

Din : Les autres prodiges nous poseront moins de difficultés. Le plus dur est passé désormais, mes sœurs. Hylia, tu feras comme nous l'avons demandé. Tu parleras au Héros, tu le rassureras.

Hylia, de façon volontairement exagérée : A vos ordres, Mères.

Les trois déesses quittent la scène.


Scène 2
Mipha


Mipha : Vous êtes satisfaits, Dieux et Déesses ? Il est parti. Il va occire le mal qui règne ici, je redeviendrai le pion utile à la défaite du Fléau que je devais être et je m'évanouirai. Je ne lui en veux pas, vous le savez. Au contraire, oh… Il est perdu. Il est perdu et ne sait même pas à quel point justement il est perdu. Qu'il retourne à la princesse, qu'ils nous survivent… Adieu à vous que je n'aurais jamais revus : Père, mon frère, Sidon. Comme tu dois être grand, désormais. Si j'avais su, ah. Je n'ai jamais pu vous dire au revoir. J'aurais tant voulu. Je ne suis plus qu'un amas de tremblements et de regrets. Il faut en finir, il faut en finir. J'ai été trop vieillie, je ne suis plus de ce monde, on m'en a jeté en dehors depuis trop longtemps.

Scène 3
Link, Mipha

Link revient sur scène. Il semble éprouvé, ses vêtements sont déchirés à de nombreux endroits, il est couvert de blessures superficielles.

Link : Il est temps de nous quitter, Mipha. Ma compagne, mon amie, ma Prodige… J'aurais aimé te donner plus, être à la hauteur de tes souvenirs et pouvoir partager les miens.

Elle sourit, infiniment triste.

Mipha : Tu ne m'as pas déçu, Link. Jamais. Ce monde m'a déçu. Ne pleure plus pour moi, va-t-en sans te retourner. Un jour lointain, nous nous retrouverons peut-être, loin de ce monde, de cette terre, ailleurs. Tu auras recouvré toute la mémoire, tu sauras ce que nous avons eu ensemble. Un jour, dans cet ailleurs, tout sera différent, si le destin le veut bien. Salue les miens et dis leur que je suis allée chez les Déesses en paix. Va retrouver Zelda, elle est forte depuis si longtemps, elle mérite ton aide.

Link : A bientôt, alors, Mipha… Je suis désolé.

Mipha : Oh, crois-moi. Je suis la plus désolée de nous . Puisse la vie qui t'a été à nouveau offerte en ce monde être belle. Au revoir.

Il veut la toucher. Il ne peut s'approcher d'elle.

Link : Alors… Au revoir.

Il quitte lentement la scène, en continuant de la regarder. Elle reste là longtemps. Seule.


Scène 4
Link, Hylia, Le Chœur


Link est devant l'entrée de la créature. Le clapotis du lac se fait entendre dans le lointain. Il lève les yeux au ciel.

Link : Mère, Hylia… Pourquoi tant de douleur ? Pourquoi nous avoir tous abandonnés ? Les prodiges ont atrocement péri. Ma vie est un champ de ruines. Suis-je condamné à errer pour satisfaire aux envies du destin ? Pourquoi ce mal revient-il toujours ? Aurai-je la force d'encore arpenter ce royaume sordide de chaque coté pour le vaincre… ?

Hylia, dont on n'entend que la voix : Tu as l'amour d'une mère, Link. Ne demande pas aux Dieux ce à quoi eux-mêmes ne peuvent répondre : les Déesses d'Hyrule seules savent de quoi il en retourne. Le cycle est là pour être parfait, ne perds pas foi, un jour, un jour, ta lignée en viendra à bout. Tant de souffrances ne sont pas vaines. Le mal est là pour être un jour terrassé et tout s'éclairera. Garde le regard haut, ne perds pas de vue tes objectifs. Je veille toujours sur toi, Héros, la mère des Hyliens ne te quitte pas. Et la Princesse d'Hyrule te garde aussi dans son coeur depuis toutes ces années, c'est pour toi qu'elle continue de tenir, elle a invoqué ton nom de si nombreuses fois...

Un grand espoir semble l'animer.

Link : Vous l'avez entendue ? Vous en êtes sûre ? Elle a toujours foi en moi ?

Hylia : Elle t'attend. Elle est ce qui te reste. La terre d'Hyrule porte encore des rumeurs de vos rêves et de vos déclarations. Va, Link. Comme je dis, c'est ce qu'il te reste, tout ce qu'il te reste. N'écoute pas trop la rumeur du vent qui balaie Hyrule, et qui est trop vieux, trop fatigué, trop chargé. Ne te retourne pas, mon enfant. Mets-toi en route.

Link quitte la scène.

La lumière décroît. Le chœur résonne dans l'obscurité.

Le Chœur : Hyrule, Hyrule… Tout recommence. Il est parti. Entre dans notre ronde, Princesse des Zoras. Nous sommes le Chœur de ceux qui sont tombés sous les assauts du destin. Broyés, broyés dans l'Histoire, nos vies égarées aux quatre vents viciés qui parsèment ce vieux royaume. Qui se souviendra de nous ? La légende n'a qu'un nom : le Héros, la Princesse et le Malin.


Fin
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Théâtre : La Nostalgie d'Hyrule (Concours d'écriture) ]
« Réponse #247 le: vendredi 18 mai 2018, 02:02:16 »
Comment puis-je encore me rappeler de toi ?

Tu me laissas
Il y a un millénaire de cela

J'ai vu passer tout ce millénaire !
Amer pour mes mille nerfs
Plus là n'est-ce pas

Les aubes m'ont volé ton visage
Errant dans ces parages
Noyés floutés sans âge

Un millénaire de pas
Patiemment paralysants
J'avais tes yeux ton cœur tes dents

On ne m'a laissé que ton nom
Où je tourne en rond

Tu as pris le présent en partant.
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Comment puis-je encore me rappeler de toi ? ]
« Réponse #248 le: lundi 04 juin 2018, 19:02:42 »
Peur(s) de fou(s)

T'ont-ils jeté partout ?
Parbleu fou
Jeté au trou
Sans lumière

Alors où aller dans l'univers ?
Cœur vis et écrous
Toute moralité
Il faut la crever

Toujours noyé
Dans le tout
Fou peur de l'être ?
Plein de trous

Dans lesquels tomber
Mots raison vacillent
Vie du flou de la vie
Peur de tout !

Séjour aux abysses
La peur ploie ton cou
Sais-tu chaque fou
N'est pas toi viens

Respire avec nous.
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Chompir

  • Grand guerrier Piaf
  • Sorcier Sheikah
  • ****
  • Messages: 7538
  • Piaf dans l'âme
    • Code ami 3DS 4914-4674-5458

    • Code ami Wii U chompir

    • ChompirPZ
    • SW-4357-7164-4611
    • Voir le profil
    • Forums de Puissance Zelda
Errements Poétiques - [ Poème : Peur(s) de fou(s) ]
« Réponse #249 le: lundi 04 juin 2018, 19:21:47 »
Tes poèmes sont toujours aussi agréable à lire et toujours aussi beau. J'ai aussi pris le temps de lire ta participation pour la deuxième manche du concours et je trouve ça audacieux d'avoir choisis de partir sur une tragédie. Ce qui est sur par contre c'est que l'histoire de Mipha est celle qui colle le mieux au genre et c'était vraiment très réussi. Une très belle participation, je te souhaite bonne chance pour la troisième manche.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Peur(s) de fou(s) ]
« Réponse #250 le: samedi 09 juin 2018, 03:25:37 »
Mourir est un accouchement toujours dérangeant

Mourir
Est un accouchement
Toujours dérangeant

Et l'éclat ! Ah !
Tout ce qui se donne là
Dans le moment

Tes yeux se vident
Flot déversant
D'autres s'emplissent
Laissez mes vices

Pourtant j'aime
Cette vie ici !
Justement

Vivre
Est un accouchement
Ratant réussissant
Dans tes cils mille

Tout s'invente toujours
Cette vie est mot
Épelée
JAMAIS DITE AU BOUT
« Modifié: samedi 09 juin 2018, 15:06:01 par Synopz »
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Mourir est un accouchement toujours dérangeant ]
« Réponse #251 le: mercredi 27 juin 2018, 18:51:50 »
Ce post ne préjuge rien de mon retard au concours d'écriture et n'est pas lié à lui :niak:

Vivre face au soleil

Comment vivre face au soleil
Seulement
Surchargés par l'humaine veille
De nos abysses pénétrantes

Crois-tu dis
Qu'il faudra changer la vie
Seulement lentement
Dis oui !

Vivre face au soleil alors
S'écouler dans chaque rayon
Loin du fond ?
Il n'y a rien de mort
Seulement
Pas de révélation

Il n'est que nous certes
Nouvellement nés
Tant mieux !
Avec tous les degrés du soleil
A goûter

Exquise nuance
Des plis de la vie tous brûlants
Seulement
Nous ne savons pas vivre
Nous ne voulons pas craindre

Lentement forcément
Face au soleil
Nous serons des créatures belles
Seulement humaines
"La moralité est la faiblesse de la cervelle"
Disais-tu

Seulement
Nous serons éternels
Toujours mortels gavés de plis
Nous saurons vivre avec fracas
Mort et envie toujours déjà debout
Face au soleil.
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Vivre face au soleil ]
« Réponse #252 le: dimanche 05 août 2018, 23:55:58 »
Le plomb

Je me souviens de tout
Sous le ciel plombant
D'Août

Août plombant
Un mois trop mûr
Pris en pleine poire

On récolte les filles
Et les solitudes
Cap plein sud
Rayons de plomb

Avons-nous jamais
Aimé ces terres ?
Dans un lointain passé

Écrasé je me souviens
Terrifié d'oublier la Terre
Déjà plombée

Août l'été est mauvais conseiller
Je finis broyé soleil
De ne pas oublier.
« Modifié: dimanche 24 février 2019, 12:29:39 par Synopz »
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !  

Hors ligne Chompir

  • Grand guerrier Piaf
  • Sorcier Sheikah
  • ****
  • Messages: 7538
  • Piaf dans l'âme
    • Code ami 3DS 4914-4674-5458

    • Code ami Wii U chompir

    • ChompirPZ
    • SW-4357-7164-4611
    • Voir le profil
    • Forums de Puissance Zelda
Errements Poétiques - [ Poème : Le Plomb ]
« Réponse #253 le: lundi 06 août 2018, 17:34:18 »
J'ai pas grand chose de différent à dire que d'habitude mais c'est toujours un réel plaisir de voir un nouveau poème par ici et de le lire, les mots sont toujours aussi beaux et enivrants tout comme les titres qui annoncent toute la couleur du poème (d'ailleurs j'aime essayer de deviner de quoi va parler le poème en voyant le titre). Sinon j'ai beaucoup aimé le dernier qui colle bien à la période.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

Hors ligne Synopz

  • Tokay bizarre
  • *
  • Messages: 1592
    • SW-3011-1035-4361
    • Voir le profil
Errements Poétiques - [ Poème : Le Plomb ]
« Réponse #254 le: jeudi 23 août 2018, 20:53:54 »
Voici mon petit texte pour la manche finale du concours, normalement relu, corrigé et mis en page ! J'avais un peu de retard cette fois-ci, mais, l'été aidant, je n'ai pas trouvé le temps plus tôt !  :8):

Le Septième roi

« Mon pays se trouvait au milieu du désert.
Le jour, un vent incandescent l'embrasait.
Et quand la Lune se levait, le vent devenait glacial…
Le vent apportait avec lui la mort…
Jamais un vent aussi malfaisant n'a soufflé sur la terre d'Hyrule.
Étais-je jaloux du vent d'Hyrule ? Ou le destin en avait-il décidé ainsi ? ... »


- Ganondorf, The wind waker


***

Quelque part, bien longtemps après le Héros du Temps.


   « Princesse ! Il est nécessaire que vous m'accordiez toute votre concentration désormais ! »
   
   Le précepteur semblait excédé. L'inattention de la jeune fille croissait de jour en jour. Rien ne semblait capable d'intéresser la fille du Roi à l'épais volume orné de complexes dorures représentant les armes de la famille royale. Cette somme accumulée par les Hyliens depuis des siècles et des siècles s'intitulait Histoire et Traditions des Dépendances de la Couronne d'Hyrule. Il s'agissait d'un incontournable de l'éducation de tout jeune noble, et plus encore de celle de la princesse d'Hyrule en personne.

   « Je ne m'intéresse pas à toutes ces vieilleries poussiéreuses, maître ! La légende des déesses est simple : je sentirai leur appel et j'agirai au mieux à ce moment-là. Vos circonvolutions politiques et historiques n'ont pas d'intérêt pour moi, je suis élue par le destin !

Le vieil enseignant soupira longuement, réajustant ses petites lunettes sans branche au sommet de son long nez fin. La jeune fille se rapprochait doucement des limites du raisonnable.

- Vous semblez très sûre de vous, jeune fille. J'ai hâte de voir votre pouvoir divin à l’œuvre, mais peut-être devriez-vous considérer que je ne suis pas ici simplement pour vous plaire, mais également pour vous apporter des choses dont vous ne mesurez pas encore le poids ? »

   Il était précepteur de la famille royale depuis des décennies, entré au service du père de Daphnès Nohansen Hyrule, qui régnait aujourd'hui. Le sang des Sheikahs, affaibli et mêlé par des années de métissage, coulait dans ses veines, il pouvait, par l'entremise des générations, rattacher sa lignée à la légendaire Sage de l'Ombre, Impa. Il se demandait souvent si l'antique nourrice de la princesse qui allait s'éveiller en tant que Septième Sage avait elle-aussi connu son lot de désillusions et d'exaspérations en élevant la plus grande souveraine d'Hyrule. Cette pensée le rassurait : tous ces personnages mythiques et légendaires, tous ces élus des Déesses n'étaient au fond que des humains, hantés par le doute moral, la peur de l'échec, terrifiés par leurs propres errances et leurs propres abysses.

   « Vous avez la fougue des gens de vôtre âge, bien sûr. Mais je suis sûr que vous serez heureuse de savoir que vous êtes sans doute mon élève la plus… Déterminée, dirons-nous ! Soupira-t-il en se tournant vers la grande baie vitrée qui donnait sur les vastes jardins royaux.

La jeune fille sourit effrontément, plus ravie de cet état de fait qu'elle n'aurait voulu le montrer.

- Peut-être que ces listes barbantes de dynasties ne sont pas pour moi, reprit-elle, testant chaque fois un peu plus les limites du précepteur. Je sais où est le juste, ma famille le défend depuis l'aube de ce monde, comment pourrais-je avoir cure de ces incessantes querelles politiques ? Choisissez autre chose, maître : la littérature, les arts, même les interminables discours philosophiques de vos lointains ancêtres Sheikahs me passionneraient plus… »

   Sa tâche n'était pas insurmontable, mais les grands accomplissements demandaient du temps et des efforts, et non une quelconque inspiration surhumaine. Il en allait de même de l'ordre de ce monde : les déesses n'étaient pas concernées par ces affaires de bien et de mal, l'émergence du malin ne relevait pas d'une quelconque erreur – comment des Dieux auraient-ils pu se tromper ou se révéler incapable de corriger leur création ? Bien au contraire, c'était l'équilibre des forces qui maintenait ce monde vivant. Quelle grandeur dans un monde toujours bienheureux ? Quels récits, quelles croyances, quels dépassements des êtres sans épreuves, chutes et alternances des forces sur la terre d'Hyrule ? Cette conviction ne pouvait s'afficher en public, bien sûr, la famille royale d'Hyrule avait bâti sa légitimité politique sur cette croyance eschatologique d'un bien unique et final que les Dieux réservaient au monde d'Hyrule une fois le malin exterminé.
   Mais, lui, Sevnès, lointain descendant du peuple des Ombres, dispersé et chassé, accomplissait une mission bien particulière, que lui avait confiée Daphnès Hyrule, la mission immémoriale que remplissaient les Sheikahs auprès de la lignée de la Déesse Hylia depuis l'aube du monde : transmettre le savoir plus ancien et plus fin d'un monde radicalement absent aux notions de bien et de mal. Loin de la croyance en un monde organisé avec ordre et bonté par les déesses, il devait, grâce aux arcanes, aux légendes, aux grimoires et aux épaisses considérations ésotériques de ses ancêtres, former patiemment l'esprit de la progéniture royale à percevoir au-delà des apparences.

   Il se retourna posément vers la jeune altesse qui attendait patiemment et poliment qu'il reprenne la parole, tout en parvenant pourtant à exprimer sur son visage une insolence qui relevait du tour de force. Il fallait qu'il change de méthode. Elle était désormais trop grande et trop intelligente pour obéir à ses instructions sans se poser de questions.

   « Le fait que les chroniques que nous abordons soient celles du peuple du Désert a-t-il à voir dans votre réticence ? Pensez-vous qu'il n'y ait pas d'intérêt à comprendre comment ces femmes – votre peuple aujourd'hui – ont pu laisser croître le mal en leur sein ? Comment cet homme, fait, au fond, comme vous et moi, de chair et de sang, a pu accueillir en lui la malédiction du Démon qui agite cette terre depuis son origine ?

La jeune fille semblait surprise de ce retournement de situation mais ne voulait pas perdre la face.

- Bien sûr, maître que tout cela a à voir avec mon désintérêt ! Je ne comprends guère pourquoi il faudrait me pencher sur les écrits du Désert qui datent d'avant leur entrée dans notre royaume. Ces femmes vivaient recluses et farouches, le mal a saisi leur animalité et leur sauvagerie, et il n'y a aucune compréhension séditieuse à donner au Roi du désert. Il n'a apporté que le mal, la désolation et l'ambition qui rongeaient son cœur sur cette terre.

Elle était déstabilisée, et tentait tant bien que mal de cacher cette surprise par son agressivité. Sevnès décida à cet instant précis qu'elle était finalement réellement prête.

- Que pensez-vous qu'il s'est produit quand les armées d'Hyrule ont franchi les rocheuses Gerudo, ma jeune élève ? Qu'ont vu ces fières femmes quand le Roi d'Hyrule et sa garde ont pénétré leur cité interdite aux hommes, triomphants sur leurs montures ?

La jeune fille n'en croyait pas ses oreilles. Son maître d'habitude si placide et impassible se mettait subitement à interroger ses croyances les plus profondes, des croyances largement partagées par l'opinion commune sans discuter.

- Je… Je ne sais que dire. Les nécessités du combat et l'horreur de leurs actes…

- Nous viendrons un jour, qui n'est pas si lointain, aux propres exactions d'Hyrule envers les peuples qu'elle a soumis à ses lois. Et vous verrez que l'horreur est un bien que les races de ce monde se partagent en abondance, quoiqu'elles aient aussi bien des choses intéressantes à faire valoir.

La princesse semblait outrée et effrayée en même temps.

- Je ne comprends pas comment de tels propos peuvent franchir la barrière de vos lèvres, maître ! Que dirait-on si l'on vous entendait discourir de cette manière ? Souffla-t-elle.

Il inspira profondément, tout à fait calme, et, en vérité, même amusé de voir l'adolescente entêtée revenir à ses postures enfantines une fois mise en face de la complexité du monde.

- Votre père, le Roi, m'a donné toute latitude pour vous faire comprendre un certain nombre de réalités. Votre quinzième anniversaire est désormais passé, il est bien temps de quitter les habits de l'enfance, et vous commencerez bientôt à tenir des rôles officiels au nom de votre famille et de votre lignée. Il est donc temps que vous preniez conscience que votre sang divin n'est pas nécessairement un blanc-seing moral absolu. Votre précocité et votre intelligence me poussent donc à vous former progressivement. »

   Le précepteur Sheikah se retourna habilement vers la grande bibliothèque qui recouvrait de haut en bas un des murs de sa sobre salle de travail. Il saisit une clé qui ne le quittait jamais et fit coulisser un large panneau de bois sombre,  derrière lequel étaient abrités des livres plus anciens encore que ceux déjà exposés dans son antique collection. Il saisit alors un livre à la couverture cuivrée et couvert d'arabesques étranges et le déposa devant la jeune fille, de grandes lettres traçaient un titre en ancien Hylien : L'Epopée du Désert – Troisième Volume : Le Septième Roi. La princesse laissa échapper un sifflement à mi-chemin entre l'inquiétude et l'excitation.

   « Maître. Je ne comprends pas. Voilà près de quatre siècles que la détention ou la lecture de ces ouvrages sont passibles d'exécution publique. Leur simple évocation n'est réservée qu'aux cercles d'érudits de la citadelle. Mon père me laisserait donc lire ce que la couronne d'Hyrule qualifie d'immonde propagande fallacieuse depuis des générations ?

Sevnès prit le temps de sourire doucement, sans rien trahir de ses intentions.

- Mon élève, ma dame, Zelda, trente-quatrième porteuse de ce nom si glorieux, si les chroniques des Sheikahs sont justes, ne vous faites pas plus bête que vous ne l'êtes. Vous allez me faire confiance, et vous allez lire cet ouvrage, sans que nous ayons par ailleurs besoin de l'évoquer davantage. Vous comprendrez alors que le bien et le mal sur la terre d'Hyrule sont des notions souvent étranges, c'est le destin de ce monde dans sa globalité qui prévaut, les équilibres vont et viennent, et les créatures qui peuplent ces lieux sont obligées de s'élever pour les construire. Je vais maintenant vous laisser seule et sans instructions, vous allez lire cet ouvrage, je suis sûr que vos capacités en ancien Hylien sont bien suffisantes pour déchiffrer cette traduction directe de la langue du Désert, établie environ quarante ans après que le malin eut été scellé. »

   Le précepteur s'arrêta là et ne rajouta rien. Il se permit – geste rare et très éloigné de ses habitudes – un clin d’œil discret à la jeune fille. Il sortit sans un bruit de son bureau, abandonnant l'adolescente face au volume. La jeune fille demeurait abasourdie : que se passait-il ? Qu'était-elle supposée comprendre ? Son père était-il véritablement d'accord avec cette démarche ? La suite des événements la laissait désemparée et brûlante de questions, mais son insatiable curiosité reprit vite le dessus. Elle prit le livre tabou et secret dans ses deux mains, appréciant la texture granuleuse et chaude de sa couverture de cuir. Elle n'en croyait pas ses yeux, une dizaines de décrets royaux devaient réguler la circulation des anciennes œuvres Gerudo, plus encore concernant un récit de la vie du Seigneur du Mal. Fallait-il donc entrer dans la peau de ses ennemis pour les comprendre ? Elle tourna les premières pages sèches et jaunies et s'absorba dans la lecture de cette épopée qui lui laissait enfin voir un point de vue autre sur l'histoire du Royaume.

***

L’Épopée du Désert

Le Septième Roi

Chant I
Le chant qui voit le plus grand des Rois venir sur cette Terre et les Hyliens l'agresser
 
Le soleil très haut étreignait le sable,
Le jour où il vint, Roi inestimable.
Né d'une amazone, fils de la déesse,
Il porta, loin, du désert la caresse.
Fière Gerudo qui lis ces lignes :
Incline-toi donc, montre-toi digne !
Ici repose le chant très sacré
Du Roi qui laissa Hyrule brûlée.
Ganondorf Dragmire, c'était son nom,
Donna aux Nomades tout leur renom.

Les chiens d'Hyrule et leurs femmes soumises
Aujourd'hui règnent grâce à la traîtrise :
Loin de tous leurs mensonges arrogants,
N'oublie rien jeune fille, laisse le vent
Sur les dunes te dire comment ces lâches
Nous attaquèrent fort et sans relâche.
Nous dirons toujours l'Histoire perdue
De notre gloire illustre mais vaincue
Que ce puissant Roi, jadis, nous confia
Bien avant que toi, fille, tu soies là.

Ô déesse du désert je t'invoque :
Puisse mon chant traverser les époques !
Il naquit dans la cité des aïeux
Six Rois avant lui, le dernier d'entre eux.
Fort, pieux et attendu, il fut loué,
Partout célébré, prêt à triompher !
Deux sœurs magiciennes furent choisies,
Occultes et puissantes, guidant sa vie.
C'est donc qu'à peine sorti de l'enfance
Il avait déjà d'un Dieu la prestance.

Encore jeune, fier, tout indompté,
Dans la pyramide des voleurs-nés :
Il se saisit, brûlant, du noir trident,
Et sut les secrets d'un pouvoir brillant !
A l'Est, l'orgueilleuse Hyrule se levait,
Sûre de de son pouvoir, elle se dressait.
Le Roi du désert prit donc compagne,
Une fière rousse remplie de hargne :
Sa mère l'avait nommée Vateah,
Et c'est pour elle qu'il se consuma !


Chant II
Le chant qui voit le Roi assailli et humilié par les cruels Hyliens dans l'attente de sa vengeance

Pourras-tu jamais entendre ceci ?
Puissant, respecté et rempli de vie,
Il gardait et ses femmes et son amante,
Loin des rêves d'Hyrule, menaçante.
Mais par un funeste jour de malheur,
Vateah, beauté rouge de chaleur,
Fut, dans un défilé étroit, saisie,
Ils prirent son honneur, son corps, sa vie :
Guerrière farouche, humiliée et tuée,
C'est tout ce qu'Hyrule sut nous donner.

Tu écouteras, fille, ces perfides,
Te dire qu'il se dressa contre eux, avide.
Mais le sable, lui, conte une autre chose
Que tu ne pourras jamais lire en prose.
Ce Roi ombrageux, touché en lui-même,
Jura d'atteindre le pouvoir suprême,
Pour abattre le vent mauvais d'Hyrule
Qui laissa tout le désert incrédule.
Il défia donc ce peuple orgueilleux,
Harcela leurs villages sous leurs yeux.

Les fils de la Déesse, venus du ciel,
Jugèrent son arrogance très mortelle.
Dix longues années de guerre vinrent alors,
Défait malgré lui, dans le désert d'or,
De ces gens honnis, il fut le féal,
Guettant, dans l'ombre, un moment idéal.
Il lut beaucoup, solitaire et très froid,
Découvrit des textes et de vieilles lois,
Qui parlait d'un pouvoir d'or, d'un démon,
Qui soumit le monde par son action.

Alors, cerné par tous ces noirs desseins,
Il accueillit ce pouvoir en son sein
Pour la gloire et la survie du désert,
Pour son aimée, il prit une vie amère.
N'oublie jamais, jeune fille à peine née,
Le sacrifice du Roi vénéré.
Il récita donc des formules antiques
Face aux dunes, de nombreux mots mystiques,
Prêt à tout contre les Hyliens cruels
Dont le vent souffle, toujours perpétuel.


Chant III
Le chant qui voit le Roi se venger, commander la Terre et devenir égal aux Dieux

Des années, il mûrit son prompt retour,
Instruit par ce Dieu, Demise, qu'un jour,
Le pouvoir luisant des Déesses acquis,
Il régnerait sur tous ses ennemis.
Il sut, dans la grise maison du temps,
Qu'il y avait derrière la lame d'argent,
Ce pouvoir doré qui exécutait
Les vœux fous de celui qui le touchait.
Allié à un Dieu noir, plein de vengeance,
Il forgeait, patient, sa dure sentence.

Il terrifia donc la princesse élue
De sombres visions offertes à sa vue.
Celle-ci trouva un très jeune garçon,
Qui partit, sûr, avec abnégation :
Ouvrir le long chemin vers le pouvoir,
Dont elle s'imaginait vraiment savoir
Qu'elle pouvait l'utiliser à ses fins
Pour repousser notre Roi tout d'airain.
Finalement, ils ouvrirent la porte,
Et le seigneur humilia ces cloportes.

Ganondorf devint un Dieu très puissant,
Béni par le pouvoir d'or séduisant,
Sur lequel il avait mis ses espoirs.
Et ce Roi d'Hyrule, imbu de sa gloire !
Lui qui se croyait le héraut du bien,
Fut, bien vite, traîné avec les siens,
Sur un échafaud battu par la pluie,
Où il perdit sa prétentieuse vie,
Comme jadis avait été souillée
Vateah, rouge, jamais oubliée.

Sept années, lui, le septième, fit craindre
Les Gerudo à ce peuple malingre.
Eux qui se croyaient justes, forts et bons,
Avaient vu leur empire moribond
Dévasté, mis au pas dans un linceul,
Vaincu, mort de n'avoir pas laissé seules
Et fières et tranquilles les femmes nomades.
Ses vastes palais à colonnades,
Ne privèrent pas Hyrule de sa chute,
Fort punie de sa belliqueuse lutte !


Chant IV
Le chant qui voit le Roi subir le plus injuste des châtiments par les traîtres Hyliens avant son retour prochain

Mais les Dieux ne soutiennent pas toujours,
Ceux qui défendent la gloire et l'amour.
Face aux piques aiguës d'Hyrule affamée
Notre chance finit bien par tourner.
C'est donc, hélas, aidés par leur Déesse
Que le jeune garçon et la princesse,
Revinrent, menacèrent notre Roi
Qui restait, ici, dans le désarroi.
Car, vengé, ayant asservi le monde
Son âme restait coite et vagabonde.

Mais, malgré tout, laissé par le destin,
Puissant, terrible, ce Roi tout d'airain,
Par ce jeune homme trop vert fut occis,
Enfermé dans un froid monde sans vie.
Châtiment miséreux, honteux, terrible
Infligé par la morale inflexible,
Des ces sages, princesse et grand héros
Qui croient, chaque fois, voir le vrai du faux,
Eux qui donnent tant de vastes souffrances
Au nom de leur « bien » et de son engeance !

Alors bien sûr, on le couvrit de honte :
On raconta que, comme dans un conte,
Il n'était là que le mal incarné,
Mais le Malin peut-il vraiment aimer ?
Jamais donc, tu sais, on ne chantera
« Il protégea les siens, celle qu'il aima ».
Non, porteur de la volonté des Dieux,
Appelé là pour faire tanguer le jeu,
Il reviendra le faire basculer,
Dans ce monde toujours si alterné.

Toi, fille du désert devant ces vers,
Tu sais que les peuples dans l'univers
Vont, viennent et gouvernent les cœurs, les âmes.
Le juste, l'amour, le laid et l'infâme,
Toujours discutés, ils tournent et varient
Selon qui domine dans cette vie.
Quand Hyrule triomphante dira :
« Choisie des Dieux, éternellement là »,
Tu sauras que les Dieux donnent, rieurs,
Au hasard du bien, du mal, le bonheur.


***

Seule compte, fière Gerudo, grande rousse,
La force de vivre dans un monde où tout pousse !
Coule dans un flux farouche, brûlant, guerrier,
Loin de ces valeurs mouvantes, dites toujours fixées.
Notre gloire reviendra, prouvée à nouveau,
Sanglantes, vivantes et prêtes à vivre le flot.


***

Bien des années plus tard.

   Je me souviens de ce vieux maître. Bien sûr que je m'en souviens, j'y repense souvent aujourd'hui. Mon maître Sheikah, ou du moins, apparenté à eux, Sevnès. Qu'aurait-il fait lui, maintenant ? Alors, qui a raison quand le monde s'effondre ? Où est le juste et où va la gloire de cette famille régnante qu'on dit « choisie par les Déesses » ? De leur point de vue, de son point de vue, à ce Roi-démon du passé, nous sommes les méchants, nous sommes le mal. Comme nous, il est choisi par ces Dieux pour faire advenir quelque chose sur ce monde, nous ne savons pas quoi, un mouvement, un dépassement, une création et une destruction sans fin.

   Comment en vient-on à pactiser avec un démon ? Voilà une question que je ne me serais jamais posée toute seule si ces vieux écrits Gerudo n'étaient pas tombés sous ma main. Il était le mal, et cela me suffisait bien. Mais j'ai lu, j'ai su, j'ai du admettre qui j'étais, d'où je parlais, sans plus jamais pouvoir me draper dans la joie assoupie d'une justesse morale qu'on croit toujours défendre. Il revient désormais, et nous n'avons pas les armes pour lutter. Hyrule balance d'un coté et de l'autre, toujours menacée par le déséquilibre, alors je ne peux qu'être moi, me battre pour les miens, pour ce que je crois, rien ne viendra jamais définitivement couronner et absoudre mes décisions morales.

   Voilà, je suis face aux portes de ce temple où j'ai autrefois vu mon père faire tant d'invocations aux Dieux. Mais, pour une fois, je sais que les miennes seront entendues. Non qu'elles soient plus justes, ou plus en faveur du bien, mais les déesses d'Hyrule ont trop joué avec l'homme du désert, le mal immémorial sur lequel nous avons bâti notre légitimité. Il est revenu, et nous avons attendu le garçon tout de vert vêtu. Il n'est jamais venu. Cette légende aussi n'était-elle qu'un tissu de mensonges ? Maintenant, ce sont aux Dieux de redonner de l'équilibre à ce qu'ils ont façonné. Je sais, sans doute, que nous n'y survivrons pas. Mais, je ne sais plus rien, j'ai changé de vue sur ces choses, depuis mon adolescence obstinée et bienheureuse. Où est le juste ici ?

   « Déesses d'Hyrule ! Nous n'avons plus d'armes, nous n'avons plus rien à sauver, nous nous offrons à vous ! Déchaînez la tempête sur ce monde, scellez Hyrule, nous ne pouvons repousser le Malin, entendez-nous ! Faites tonner l'éclair, déchirez le ciel, versez vos larmes sur cette terre bientôt brûlée, si Hyrule ne peut être sauvée, ne la laissez pas entre ses mains. Le mal seul ne peut régner. Entendez-nous, par pitié, grandes Déesses dorées... »

   Je me tais. Ma suite n'ose pas faire un bruit. Savent-ils que nous avons fini ? Les Dieux sont responsables, mais je ne peux leur dire. Dehors, un vent mauvais souffle, des trombes d'eaux comme les nuages d'Hyrule n'en ont jamais données frappent les carreaux du temple du temps. Ma fille est sur une de ces hauteurs, une de celles que préserveront les Dieux, je l'espère. Si cela leur plaît, si cela agite le monde, je ne sais pas. Moi, Zelda, princesse d'Hyrule, je ne sais pas ce que veulent les Dieux, je ne sais pas où ils ont mis le mal, car j'ai vu par ses yeux, je ne le pardonne pas, je crois toujours que nous avions raison. Mais, puis-je le prouver ? Je ne crois pas.

La pluie tombe. Hyrule continue de balancer.
"Là tu te dégages / Et voles selon."


La galerie des Errements Poétiques, c'est ici !