Auteur Sujet: Errements Poétiques - [ Poème : Mutique ]  (Lu 186006 fois)

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Errements Poétiques - [ Poésie : Août ]
« Réponse #195 le: jeudi 08 septembre 2016, 23:07:07 »
Mot

" Tout dire en un mot.

Piquant traversé là pétillant
Et qui emporterait tout !

Les revers du monde tous perforés
Par des noms chuchotés
Mais revers de la médaille
Connaître l'indicible ?

Te dire tout ce qui triture en moi
Fait fondre et dissoudre
Trois signes sur le papier
Où mettre ma peine encrée.

Un mot
Plein de langueur et à peine !
Quelques ombres.

Je cherche par tous les vers
Sans arrêt jusqu'à ce qu'ils
Me grignotent.

Un mot.
Te dire une fois
Comme le monde sonne faux. "
"Là tu te dégages / Et voles selon."


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Errements Poétiques - [ Poésie : Ab Universo Sensi ]
« Réponse #196 le: mardi 27 septembre 2016, 00:07:06 »
Ab Universo Sensi

"Ils feront tomber
Chaque bout d'histoire

Hommes toujours échoués
Sur ces lits nus
Traçant chaque soir
Jours effacés

Hé ! et la question
Qui traine 
Là rampante

Toi qui vins avant
Que savais-tu
Que j'ignore ?

Il a du en mourir
Et des bons et des mauvais
Et des qui ont aimé
Et des qui ont péché
Sur tous les coins vastes
De cet astre

Des qui criaient
Des qui tonnaient
Amant voleur héros
Menteur mendiant masque

Qui surent plus
Sûrement
Tremblèrent aisément
De tout sens

Combien de baisers retournés
De verves brisées de cœurs grisés

Et des empereurs et des pauvres
Et des filles de joie et combien de lois
Enfouies oubliées abaissées

Dis-moi
Combien de révoltes et d'envies
Combien d'ivresses évanouies
A pu garder la nuit

Et sûrement des comme toi
Nymphes
Au fond des bois
Qui sait

Même à vrai dire
Des que j'aurais aimées
Avec vices et désir
Sangloté

Tant de figures
Tant d'univers
Tous agglomérés empilés
Embrasant la voûte
D'un vert emporté

Des que j'aurais pu connaître
Des milliards de peut-être
Frères alliés amis fous !

Tournant avec vous
Au faîte du monde
Tous à la ronde
Du monde
Qui tombe

Humains esquifs passés
Creux des os
Sillons farouches

Après tout après tout
Humains et semblables
A nouveau aimables

Où avons-nous marché ?
Où sommes-nous allés ?
Car devant l'univers brisé


Je crains
De m'oublier."





« Modifié: samedi 01 octobre 2016, 00:24:13 par Synopz »
"Là tu te dégages / Et voles selon."


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Errements Poétiques - [ Poésie : Ab Universo Sensi ]
« Réponse #197 le: jeudi 27 octobre 2016, 00:13:21 »
Crispa Maria

"Manger tes boucles
Souples

Cheveux cheveux
Au coeur de l'orage
Brun et suave
J'oublie mon âme

On a tout caché
Derrière le sombre éclat
De tes cheveux
De tes noirs yeux

Secs comme les bourrasques
Brûlant comme la pluie
Secrets comme les batailles
Inattendus
Du fond de cette grisaille

Je surnage dans leur océan
Combien de temps
Combien de temps
Mèches

Amenez-moi par le fond
Le gris du ciel est
Trop profond
Tous les rêves vieillis des marins
Rebondissent sur les embruns

Je veux l'abysse
Tes lèvres frémissent
Par le fond
Par le fond

Cils bouche pommettes
Venez vous aussi
Par le fond
Par le fond

Sous les flots
Orage
Fais tout chavirer
La barque est usée

Trop de chansons
Dans les ports de mon corps
Trainé dans chaque crevure
Par le fond

Trop de filles de joie
Sur la route
Trop de romances
Que la mer porte
Trop de complots
Allez vent emporte
Par le fond

Tout un univers
Que j'aperçois
Entre les éclairs
Par le fond

Il faut couler désormais
Boucles faites sentir
Le sel le désir
Couler couler couler
Par le fond

Corps et biens
Qu'il ne reste rien
Dans tes cheveux
Sombrer tout ton long
Allez dis-je

Par le fond."
"Là tu te dégages / Et voles selon."


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Errements Poétiques - [ Poésie : Crispa Maria ]
« Réponse #198 le: mercredi 04 janvier 2017, 21:21:13 »
Sic Transit Amantum Gloria

" J'ai tant parlé de toi
Que mes lèvres
Sont sèches

Qui a volé
Le cours des choses
Je chavire

Je n'ai pas tout dit
Craquelures
Qui durent
J'ai froid

Alors hé
Pourquoi
A-t-on tout pris
Sommets des mers
Vallée des vers
On a rapproché
Le ciel on l'a fermé

Rend-moi
Mes lèvres
Rongées va-t-en
Demain je pars

Qu'ai-je oublié
Dans hier
Le vin le monde
Et le reste

Sic transit
Amantum gloria
Et ainsi de suite.


Ces années ont fui
Par toutes mes plaies."
"Là tu te dégages / Et voles selon."


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Errements Poétiques - [ Poésie : Sic Transit Amantum Gloria ]
« Réponse #199 le: jeudi 20 avril 2017, 23:08:36 »
Rêver à Vide

" J'ai déposé les lèvres l'ardeur
Nos voix nos voix
Éventrées vidées évadées
Divines fêlures
Désoxydées à la vinasse
J'en crache

Alors
Je t'écris pour que tu ne lises pas
Pour que tu ne pleures pas
Que tu ne me ries pas au nez
Jadis et moi et reine et toi
J'ai d'autres boucles
Tissées maintenant tu sais
Et encore une fois
Le sort d'oublier
Écrire les errances

Elle est la nuit et
Je veux tant encore
Sur tous les creux
Mettre mes doigts le désir
Il y a tous les sentiers
Qui me font pleurer

J'ai tout désappris
Tout oublié
Mais rien
On en meurt on dit
Pas guéri le mien

A trop dire on verra
On sème on voit
Il fallait prendre la main
Mais hé demain je te dis
J'ai attendu j'ai vu
A l'aube je viendrai

Ils ont brûlé le monde
Encore un tour une ronde
Triste on y vivait bien
L'année prochaine les cerises
Ou après si fatigués
Ou jamais ma belle
Ça dépend de la mise

Alors je brûle aussi
Comète brisée
Je rebondirai cruel
Dans chaque coin
Cœurs routes déesses
Que rien ne cesse
Allez
Une pièce. "

"Là tu te dégages / Et voles selon."


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Errements Poétiques - [ Poésie : Rêver à Vide ]
« Réponse #200 le: mardi 19 septembre 2017, 01:29:35 »
Heure d'échecs

"Infinie tristesse
Dans la moelle des horloges
Constitutive

Pouah
Je voulais cracher
Toujours frôlé
Par le ballet
Cœur au bord des lèvres

Nul lieu à dire
Que dira-t-on Alors
Seulement
On te l'avait dit

L'échec de dire
Cavalier Reine
Stratégie
Échec

Fou envolées Tours
Tiraillements surpris
Echec

Pièces renversées
Au bord de gagner
Voix coupée

Le cœur des heures toujours
Damier noir puis blanc puis noir
Toujours le gris
A vomir

Qui pourrit déjà les heures
Échec et mat
De dire."
« Modifié: samedi 13 janvier 2018, 00:12:38 par Synopz »
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Errements Poétiques - [ Poésie : Heure d'Echecs ]
« Réponse #201 le: mardi 19 septembre 2017, 12:56:44 »
Il y a peu de commentaires pour ce sujet, ce qui est dommage.

J'aime bien ce poème, le thème de l'échec est vaste et peut donner lieu à des trucs sympas. ^^
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Errements Poétiques - [ Poésie : Heure d'Echecs ]
« Réponse #202 le: mardi 19 septembre 2017, 17:23:16 »
En effet, il y a pas eu beaucoup de commentaire. Pourtant la dernière fois, je m'étais dit que j'en ferai un. :oups: (faut croire que j'avais oublié.)
En tout cas j'aime beaucoup le style que tu as. Ecrire un poème n'est pas une chose simple et tu te débrouilles vraiment bien.
Un grand bravo à toi. :miou:
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Errements Poétiques - [ Poésie : Heure d'Echecs ]
« Réponse #203 le: mardi 19 septembre 2017, 20:47:06 »
Wow, deux commentaires à la suite, le compteur s'emballe comme jamais ! Ca fait très plaisir, tout de même de temps en temps !

En vérité, y a une époque où j'avais un peu plus de commentaires, quand j'ai commencé ce sujet, j'étais plus jeune et la section littéraire de PZ était bien plus active, puis il y avait ma fic aussi (Ne retournez pas la lire, je crois que je ne cautionne plus du tout)  v.v

Haine, pour le thème de l'échec, je voulais créer une sensation de chassés-croisés, le passage des heures, le rythme des pièces de nos vies qui avancent, on tente des approches raisonnables avec la reine, et irrationnelles avec le fou, mais le damier est comme les heures monotones, noir, blanc et plein de gris là où se meuvent les pièces. Et le tout se rejoint à travers le jeu de l'éche d'une vie, de l'échec de dire ce gris qui habite les heures et qu'on n'exprime pas...

En tout cas, c'est très agréable d'avoir des réponses, car ça fait effectivement un bon bout de temps que j'en avais pas eues alors que, malgré mes modestes contributions ici et ailleurs, je commence à trainer par ici depuis un bon moment  v.v
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Errements Poétiques - [ Poésie : Heure d'Echecs ]
« Réponse #204 le: mardi 19 septembre 2017, 21:52:20 »
Aha, je vois. Même en parlant normalement tu es poète. :(8:

Le manque de ressentis, retours ou commentaires peut rapidement décourager, un artiste, personnellement je ne peux qu'applaudir ta persévérance. ^^

Bonne continuation. :-*
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Errements Poétiques - [ Poésie : Heure d'Echecs ]
« Réponse #205 le: mardi 03 octobre 2017, 01:11:14 »
Ressac

"Ressac
Dis-je
Les femmes
Comme le chagrin

Ressac
Casse !
La force
Des choses
Comme on dit

La force
De devenir
Tout me tombe
Des mains

Jeunes années
Arrêtez de parler
Je suis sourd
Ça bourdonne
Et ça tonne
Admire

Ceux qui passent
Ressac
Chaque marée
Chavire
Larguez
Les amarres
Ha !
Bien bonne !

Mer pleine de
Roulis
Pis même !
Ressac dans ce
Bric-à-brac
De mes yeux
Verts
Comme la mer

Souquez sec
Alors !
Tangue tournoie
Puisqu'il faut
Ressac
Claque
Tout en vrac !
Encore."
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Errements Poétiques - [ Poésie : Ressac ]
« Réponse #206 le: mardi 03 octobre 2017, 16:53:04 »
J'aimes beaucoup ta petite dernière. Il y a pas mal de musicalité avec des césure non ? (j'essaie de sortir les thermes pour le bac français et j'en suis pas sur. :hihi:)
Le thème est très sympa en tout cas. Bravo.  :^^:

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Errements Poétiques - [ Nouvelle : Aelis ]
« Réponse #207 le: jeudi 05 octobre 2017, 23:41:07 »
   
Aelis


   Chaque jour a toujours ressemblé à celui-ci. En tout cas, au fond de moi, c'était toujours comme ça. Je ne comprends pas vraiment, pour tout dire. Mais pour moi, chaque jour a toujours été pluvieux, même en plein soleil, le jour était plein d'ombres, avec le ciel faisant comme un couvercle sur nos vaines agitations. Je ne revois que la pluie battant le béton, aussi gris que le ciel qui s'y déversait. Mais une fois, ce fut différent. On m'avait laissé sortir, par pitié ou dédain, je ne sais pas trop. Je revois cette fille sur le bord du trottoir qui bougeait, tremblante, d'un pied sur l'autre. Elle paraissait comme absente au monde, déjà évanouie, presque diaphane, prête à rejoindre des abysses incertaines au moindre coup de vent. Je ne me souviens pas de ses vêtements, pas même de ses yeux en réalité. Elle était une idée abandonnée sur le fond de mes errances. Une promesse en devenir que tout amenait à s'éteindre comme les précédentes. Une beauté de roman, irréelle, avec son visage voilé par la pluie, comme livré à tous les fantasmes. Livrée au mien, en tout cas, elle l'était. Une voiture s'arrêta à sa hauteur, d'un jaune pimpant, qui ne faisait que rehausser la grisaille maladive de ce bout de jour imprécis.

« Aelis, rentre ! »

Le nom avait fusé, solitaire, presque écrasé et insignifiant à coté de la dureté sèche de l'ordre. Je n'avais pas de nom, mais elle, elle en avait un.

« Aelis »

Je me souviens bien de l'effet que ça me faisait. Oui, ce A tranchant, tout de suite apaisé par ce L coulant, cette rasade d'eau fraîche au sommet d'une aride arrête d’Été. Enfin, ce S final, comme une vie enfin achevée, tranquille, calme, glissant vers son terme. J'ai longtemps chéri son nom, avant de savoir qui j'étais. Si tant est que je le sache aujourd'hui. Mais je ne l'ai pas oubliée, elle était la première que je croisais à avoir un nom. Un nom. Quatre ou cinq lettres pour se sentir exister, trois traces de noir sur la page blanche de nos existences évidées et c'est bon : « on est quelqu'un ». J'ai beaucoup ri, quand j'ai appris que les hommes se partageaient leur prénoms. Alors vous les échangez ? Et la force de votre être se dilue doucement dans l'arrogance de tous ceux qui s'arrogeront ces trois formes sur du papier, qui vous les raviront, se les approprieront, penseront qu'elles ont été tracées pour eux… Fous. Fous. Fous, dis-je… Mais vous l'avez toujours étés. Aelis… Joli nom, peu courant. Tu étais belle, mon rêve aux cheveux bruns indistincts.
   Je n'étais pas là depuis très longtemps quand j'ai croisé la fille-avec-un-prénom. Je ne saisissais pas tout ce que cela voulait dire. Mais son nom m'appartenait, le murmure des gouttes me l'avait offert, à moi, voleuse de parole, tapie au fond de moi. Le jaune de la voiture emportant cet éclat inconnu loin de moi m'obsédait. Il était trop jaune, trop incongru, trop brillant pour le monde de contrastes que j'habitais ; rien ne m'a jamais plus tourmenté que l'idée qu'une couleur si vive puisse imprégner et même transpercer la trame du monde. Tout n'a toujours été qu'ombres. Ces couleurs trop intenses étaient comme des mirages, des possibilités d'une alternative toujours reconduite, toujours source de déceptions futures et inépuisables. Je te préférais toi-qui-as-un-prénom, avec tes traits flous, les nuances marrons et miel de tes mèches, la promesse que formaient élégamment la courbe de tes hanches et le creux de tes seins… Je n'ai par contre aucun souvenir de tes yeux. Sans doute parce que ton prénom suffisait à les remplacer. Il brillait du même éclat poli et sombre.

   Je me suis beaucoup moqué de cette histoire de noms. J'ai pourtant moi aussi pâli devant la logique d'affirmer son ineffable originalité par le biais de lettres mille fois partagées au cours de l'histoire. Le problème était que le tien était le seul que j'avais jamais entendu.

« Aelis »

J'ai fait ce que n'importe quelle personne comme moi – qui hante des couloirs blancs et dénués de toute nouveauté, de toute imagination, de tout mouvement et de tout accomplissement – aurait fait. J'ai fait usage de ton nom, beauté future, déjà fleurie à mes yeux, mais aussi déjà fanée. Néanmoins, je ne pouvais te le retirer, je ne pouvais demander à la plus singulière des choses qui ait frappé le théâtre de fumée de mon existence de s'effacer devant moi. Les hommes en blouse disaient toujours : « Vous n'êtes rien, vous mettez le début à la fin, on ne pourra rien pour vous, vous ne comprenez rien ». Ils se trompaient, je comprenais, je ne voulais simplement pas leur répondre. Ils ne m'ont donc jamais entendu dire mon nom. Ils ont passé des années à me le demander, mais, je n'avais rien à leur répondre. Je n'avais pas de nom, je suis venu dans ce monde comme on en repart : anonyme. Mais puisqu'ils me voyaient tout faire à l'envers, j'ai fait pareil avec ton nom, froide amante. J'ai mis la fin au début et le début à la fin.

« Selia »

J'ai pris pour construire mon amer et futile reflet la seule chose qu'on m'avait jamais donnée, ce prénom fugitif que tu as laissé dans un coin d'après-midi trop gris. Et tu sais, brillante Aelis, étoile déjà morcelée, c'est drôle car ce nom c'est un peu ce que j'ai fait avec toi : « Et elle Se Lia à elle... ». Je t'ignorerai toujours mais je te suis attachée, voilà la seule identité qu'ils m'ont laissée avoir, que ces heures creuses et fissurées m'ont accordée. Selia. Celle qui se lia. Se lia à quoi ? A rien, à une promesse de rien, à mille vies possibles déjà perdues, parce que je ne sentais pas comme vous, ne comprenais rien à rien, m'arrachait les cheveux, plongeait dans la folie, ne mangeait pas, pleurait et riait des heures durant… Je suis comme vous, je suis cette vie dont vous ne voulez pas, je suis l'amer au creux des secondes, l'éternelle détresse qui vous brûle. Je suis tous ces chemins détournés, ces travers jamais empruntées, ces coins possibles que vous avez eu peur de voir.

« Selia »

J'ai chéri ton nom jusqu'au dernier instant, lui qui m'a donné vie, corps, âme, pensée, chair. Aujourd'hui, c'était le le deux mille quatre-cent quarante-huitième jour depuis que je me suis réveillé ici, sans nom, sans devenir, sans paroles, sans famille, sans âme. « Folle », c'est tout ce que leurs gestes ont réussi à crier à travers la brume qui enferme mon âme et la fait s'engouffrer dans des trous de ténèbres dont je ne ressors qu'à grand peine. Je ne sais même pas ce que ce mot est censé vouloir dire, je n'ai rien dans cette vie. Étais-je quelqu'un d'autre avant ces alternances de néons, de murs blancs et de délires indicibles ? Ça n'a aucune importance. Ça ne veut rien dire pour moi.
   Ce son fruité et aqueux est la seule chose qui a brillé dans ma vie. Ce prénom doux que tu ne voulais pas m'offrir, je l'ai pris, et tu n'en sais rien. Je le crierai au monde comme un défi, après l'avoir fait devenir moi, je me diluerai avec lui, ultime trace d'un passage déjà archivé, rangé au cas « Incurable » de l'hôpital. Incurable de la vie. Définitivement.
   Aujourd'hui il fait gris, comme tous les jours. Mais il fait rouge aussi. Une couleur vive, irréelle, irrattrapable. J'ai ouvert mes veines. Et sur ce grand mur face à moi, je leur ai dit, en lettres vermeilles et brillantes : « Selia ». Ils ne comprendront pas. Je leur aurai dit pourtant, ils voulaient tout me prendre, il aura fallu que je devienne quelque chose pour qu'ils finissent de me vider. Tu m'as offert de pouvoir cesser d'être en étant, fille abandonnée, mangée par une de ces couleurs trop vives qui font rêver. Rouge brûlant, je me vide. Les gouttes perlent sur le clic-clac de l'horloge. Celle qui se lia se délie maintenant, au firmament d'une vie brisée. Le gris des jours et le blanc des couloirs, une touche de jaune aveuglante, et du rouge. Je souris. Je pleure.

J'ai chéri ton nom.
« Modifié: mercredi 25 avril 2018, 18:14:35 par Synopz »
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« Réponse #208 le: lundi 23 octobre 2017, 23:40:20 »
Le Monde est un lieu brisé

"Le monde est un lieu brisé
Où je danse
Ravagé

Ma belle !
Monte à moi
Ma belle !
Pleure avec foi
Ma belle ! Ah !
Oublie-moi

Trépané le monde
Je suis là
Mais coincé dans ses tréfonds

J'irai partout
Météore brûlé
Et tu ne seras pas mon voile

Évaporée
Poussière d'étoile
Tu ne me suivras pas."
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Errements Poétiques - [ Poème : Le Monde est un lieu brisé ]
« Réponse #209 le: mardi 24 octobre 2017, 14:08:55 »
J'ai vraiment bien aimé ton dernier poème, la nouvelle aussi était très belle et vraiment très intéressante. J'ai vraiment aimé cette histoire qu'elle racontai, qui est un peu dur au final mais qui est vraiment magnifique. Tu as vraiment un style très particulier et envoûtant je trouves. 
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