Auteur Sujet: Errements Poétiques - [ Poème : Mutique ]  (Lu 186023 fois)

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Errements Poétiques - [ Nouvelle : Le Septième roi (Concours d'écriture) ]
« Réponse #255 le: mardi 11 septembre 2018, 18:48:48 »
L'amour finit de mûrir en Septembre

Engloutie par la ville
Au soleil de Septembre
Elle n'a pas reparu

La fin de l'été mord
Rideau-ballet des voitures
Elle n'a pas reparu

Le désir tiédi mais pointu
À abandonner-dompter
Elle n'a pas reparu

Les rayons éclataient
Constellaires déversés sur la voie
Elle s'est faite soleil

Fille noire de lune fondue
Torpeur de Septembre
Elle s'est faite soleil

Inaccessible désormais
Elle est devenue astre
Elle s'est faite soleil

Amante de moire
Effacée disloquée
De ce jour plus rien

Tombée à maturité
Dans Septembre brûlé
De ce jour plus rien

Pas un reste depuis
De ta solaire envolée
De ce jour plus rien.
« Modifié: mardi 11 septembre 2018, 18:58:50 par Synopz »
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Errements Poétiques - [ Poème : L'amour finit de mûrir en Septembre ]
« Réponse #256 le: jeudi 20 septembre 2018, 00:43:27 »
Je connais une fille qui n'aime pas la poésie

Fi je connais une fille 
Qui n'aime pas la poésie !

Elles sont toutes foudres
Ces fines filles qui essaiment
Loin des poèmes

Celle-ci est ardente
Granitique mais
En fusion sous la coquille
Sacrée fille
Un peu cynique

Son tour rocailleux
Crisserait
De me voir faire des vers
Avec son feu
Moi trop mielleux calciné
Pour son goût cristallisé !

Drôle d'idée cette fille
Qui n'aime pas la poésie
Trop débile

Je ne la connais guère
Sous ses atours de pierre
Fille-foudre-feu
Je te parcoure
Tant que tu veux

Éphémère
Piégé au feu
De ton corps de roche
Où irons-nous
De proche en proche ?

Peut-être de ci de là
Sur les pentes de toi
Si je veux bien
Si tu es là

Tu n'aimes pas les poèmes
Fi des galets ciselés !
Les pavés de ton corps
Nous appellent à cheminer

Pleins de rire-foudre
Partons donc !

Moi sais-tu
Je n'aime pas que les sonnets
J'aime aussi marcher
Même sans feu à la fin et
Sans poésie ni refrain

Même juste pour le chemin.



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Errements Poétiques - [ Poème : Je connais une fille qui n'aime pas la poésie ]
« Réponse #257 le: jeudi 20 septembre 2018, 11:30:37 »
Deux très beaux poèmes, surtout le dernier que j'aime tout particulièrement, il est vraiment très beau. Comme d'habitude c'est un réel plaisir de les lire, tu as vraiment un énorme talent.
Sinon je n'ai pas encore pris le temps de lire ta participation au concours littéraire mais je promets de la lire et de la commenter Synopz.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

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Errements Poétiques - [ Poème : Je connais une fille qui n'aime pas la poésie ]
« Réponse #258 le: mardi 25 septembre 2018, 18:12:58 »
Parmi les deux dernières je préfère amplement le second qui me semble beaucoup plus accessible et simple. Du coup j'en profite que mieux et je l'apprécie encore plus. La fille qui n'aime pas la poésie tu en fais une description d'une fille un peu superficielle dont les premières strates visibles sont belles à voir avec un caractère bouillant dessous, mais qui ne s'intéresse pas à l'âme et le cœur et à ces choses là dont fait partie la poésie.

Ce poème est très intéressant à lire et à comprendre.

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Errements Poétiques - [ Poème : Je connais une fille qui n'aime pas la poésie ]
« Réponse #259 le: mercredi 21 novembre 2018, 22:20:58 »
Femme-Foudre

Tu demandes une autre écriture
que je prendrai éloignée
de toutes ces faces lisses
où règnent les amours trop polis !

Mais étrange éclair
tu es face-feu et toute tempête
Tu me ballotes je tiens
car j'ai vu dans tes vents
les mouvements rapides
qui tuent l'amour

abstrait trop
abstrait


Je voulais un esquif taillé
dans le grain de ton corps lisse
Lisse mais âpre en bouche
ce n'est pas ainsi qu'on boit le feu
que déverse la foudre de tes yeux

Tu n'es pas digérée sans creux
il faut goûter les vibrations
que tu laisses dans les nuages du monde
Femme-foudre petite
rythmique !

rythmique

ry-th-mi-que


Comme le son des éclairs
que contient ton corps
qui piquent mon corps
pleins d'incendie

Flux ! FL-UX !

Il faut t'aimer au ras du sol
avec joie
Une joie solaire
rasante

Je t'aimerai
comme on savoure la mousse
aérienne et légère
comme on savoure le ciel

Femme-trait femme-foudre femme-air
tu zébreras multiple ma peau
Toujours physique
et voulue

Tu te tiens
femm'esthésique
au ras du monde

Les figures rondes
des amours trop parfaits
pour durer

Je les rejette

L'un l'autre dans les mains
libres du monde de l'Un
nous aimerons le magma
chaud craquelé ou froid
de nos deux êtres qui sont là


avec toi


« Modifié: mardi 01 janvier 2019, 12:50:00 par Synopz »
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Errements Poétiques - [ Poème : Femme-foudre ]
« Réponse #260 le: dimanche 30 décembre 2018, 16:27:47 »
J'avais pas pris le temps de lire ton dernier poème Synopz et il semblerait qu'avec le temps, j'ai même complètement oublié de le lire. :^^':

J'ai vraiment bien aimé la construction de ce poème qui est vraiment sympathique je me suis même demandé comment lire r-y-t-h-m-i-q-u-e et F-L-U-X !. C'est un poème en tout cas très bien travaillé dont je n'arrive pas bien à trouver le sens, il a ce côté abstrait qui lui donne du charme.
Merci à Haine et Jielash pour le kit <3

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Errements Poétiques - [ Poème : Femme-foudre ]
« Réponse #261 le: jeudi 10 janvier 2019, 14:00:11 »
Femme-amour

Je te veux sais-tu
Femme-amour
A tous les coins

De rues de vies sais-tu
Femme-foudre éclair de ma vie
Comment m'es-tu venue ?

Tout un corps lisse
A peine une esquisse nue
Dans mon fantasme sais-tu

Longtemps je t'ai attendue
Comme on attend
Les trains qui ne passent pas

Je ne t'ai pas voulue sais-tu
Comme on ne veut pas
Les femmes qui ne vous regardent pas

Désirée mutiquement
Comme on désire
Oniriquement

J'étais vide à tous les carrefours
Lorgnant des vides esthétiques
Des passés squelettiques

Femmes-emportées
Tourment des temps
Le cortège des tant pis !

Femme-amour sais-tu
Tu étais femme-fumée alors
Poupée d'un funambule de l'âme

Tu vins dans ces parages
Fragrance-vie l'envie faite femme !
Promesse de voyage

Qu'est-ce sais-tu
Toucher ce qu'on voulait humer
Toucher ce qu'on voulait toucher

Et j'ai touché sais-tu
Ta peau l'envie
Lisse courbe de toi

J'aime ton feu sais-tu
Feu de foudre puissant
Qui aime tient pousse

Qui parfois brûle
Ardente sensualité
Comme sais-tu brûle la vie

Tes tréfonds sais-tu
Je les ai vus
Magma sous la coquille

Crie ! Aime ! Vole !
Tant en toi à libérer
Flot incandescent

Je veux le voir
Te voir sais-tu à l'infini
Femme-diffractée

Maintenant tu sais
N'est-ce pas ?
Femme-plurielle

Dans le feu-foudre-vent
Viendras-tu ?
Passions-combats-caresses

Nous en aurons d'autres
Des désirs et pleurs
Des douleurs et sourires

C'est l'amour du jeu
C'est la nature du feu
C'est l'amour sais-tu
« Modifié: mercredi 06 mars 2019, 17:09:31 par Synopz »
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Errements Poétiques - [ Poème : Femme-amour]
« Réponse #262 le: jeudi 10 janvier 2019, 15:39:01 »
Ce poème était très joli. Etonnemment j'ai quelques larmes qui ont coulé, mais je ne sais pas si c'est du à la lecture ou à la fatigue. Peut-être  qu'est-ce un peu des deux. Il y a une chose que j'ai tout bonnement aimé dans ce poème, ce sont les petites exceptions qui confirment la règle. Au départ, je me suis dit "Oh il a marqué "Femme-foudre" au lieu de "Femme-amour" parce qu'il s'est trompé avec le poème précédent", et puis tu te rends bien compte que ce n'est pas le cas. Tout est fait exprès et du coup on réfléchit au sens de tout cela. Plus que la première lecture, tu nous obliges à prendre le poème à bras le corps dès le début. Et ça c'est cool.

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Errements Poétiques - [ Poème : Femme-amour]
« Réponse #263 le: vendredi 11 janvier 2019, 12:06:51 »
Je rejoins Yorick, ce poème est très beau et j'ai aussi quelques larmes qui ont coulé à la fin. D'ailleurs cette fin... elle est magnifique. Le poème prend tout son sens à la fin.
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Errements Poétiques - [ Poème : Femme-amour]
« Réponse #264 le: dimanche 24 février 2019, 15:59:19 »
Le goût du temps

Des coups de lèvres et des vies passées
A attendre bien des printemps

La terre a porté des fruits
Des soirs très sucrés et chauds
Bien des rumeurs toutes perdues

Jeunes soirs oui n'annoncent pas
Chaque tempête sur les feuilles
Courte année avant l'automne

Mieux que bourgeon on devient graine
Printemps sans fin amour repris.


NB : Ce poème est une reprise et un dialogue avec le poème Le temps qu'il faisait le 14 Mars de Paul Eluard, dans le recueil de poèmes et de dessins, Les Mains libres, qu'il a réalisé avec l'artiste surréaliste Man Ray. Ci-dessous, le poème original et le dessin qui a inspiré celui-ci.

(Cliquez pour afficher/cacher)
« Modifié: dimanche 24 février 2019, 16:01:09 par Synopz »
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Errements Poétiques - [ Poème : Le goût du temps ]
« Réponse #265 le: dimanche 24 février 2019, 18:53:12 »
Bonsoir Synopz, à l'instar de tes précédents poèmes, j'ai beaucoup aimé ta reprise. La beauté du texte m'a, sans que je m'en rende compte, mise la larme à l'oeil durant la lecture. Ton poème m'a d'ailleurs plus émue que celui de Paul Éluard. Et diable, comme j'ai aimé ton poème Femme-amour qui m'a prise aux tripes ! Je trouve les vers si percutants et magnifiquement bien écrits.

Un grand bravo pour ton travail, en espérant bientôt lire tes futurs poèmes.

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Errements Poétiques - [ Poème : Le goût du temps ]
« Réponse #266 le: samedi 16 mars 2019, 23:10:25 »
Ceci est un premier chapitre (beaucoup) trop court d'une histoire qui me trotte dans la tête depuis un moment et dont je ne sais si j'en ferai ou pas quelque chose, mais, qui sait ? Je me suis donc dit que si elle pouvait paraître intrigante à certains ici, ce sera peut-être l'occasion de la poursuivre, mais je ne promets rien !  :8):

La Brèche

Chapitre I : Alyse Mandéa

   « Te souviens-tu, Alyse ? Nous allions toujours aux champs. Là-bas, derrière, dans les vastes hectares herbeux de ton père, au-delà de la maison en lourdes pierres tordues et mal ajustées. La montagne semblait se ratatiner dans le soleil d'été : les alpages inondés de rayons osaient à peine frémir sous la brise, le silence était roi. Toi et moi n'étions pas parfaitement heureux, mais, au moins, nous pouvions courir. Courir sans fin. Rappelle-toi. Le sol lui-même semblait bourdonner sous le poids des insectes, les fleurs débordaient de grappes d'abeilles, comme autant de fruits impromptus. Nous sautions de chaque coté du torrent presque asséché, les grands galets ronds et polis nous faisaient trébucher. Quand je ne serai plus là, rappelle-toi, Alyse, promets-moi de te rappeler cette façon dont les sommets et le ciel semblaient s'embrasser, la montagne et l'air devenaient tremblotants et indistincts dans la chaleur, prêts à se rencontrer et à fusionner l'un avec l'autre. »

   Le douzième jour de la quarantaine de Fédéor pointait timidement à l'est, perçant difficilement la grisaille monotone d'un hiver trop long. Les toiles à demi-déchirées se froissaient lamentablement sous le vent montant de l'aube. Un silence de plomb régnait, de ceux qui ne peuvent naître que d'une immobilité morbide trop longtemps prolongée. Le camp de réfugiés du Despotat d'Occara se tenait là, frissonnant et pâle, tel qu'il avait toujours été, tel qu'il serait toujours. Alyse Mandéa se tenait sur un des promontoires de terre dénudés qui surplombaient cet entrelacs de misère et de structures sordides. Elle s'était réveillée avant l'aube, comme chaque jour depuis qu'il était mort, ses yeux bouffis et gonflés par les larmes luisaient dans l'air froid et gris. Il lui avait bien dit de ne pas pleurer, mais quelle farce ! Chaque lever de ce soleil pourri et sombre la ramenait à une nouvelle baignade dans les sanglots et l'aigreur. Voilà neuf mois qu'elle vivait dans la Brèche, le plus grand camp de réfugiés du monde connu : une accumulation sans fin de boue, de tentes, de maladies et de maux étranges. Neuf mois ici, et quatre, désormais, qu'elle passait seule. Et quatre mois également, depuis lesquels elle n'avait pas posé un vrai mot sur le papier. Quatre mois sans rimes, quatre mois qu'elle n'écrivait plus la Chanson. Les larmes recommençaient à poindre.
   La Chanson la hantait chaque nuit, mais il n'y avait rien à faire. Alors elle se levait toujours avant l'aube et rien de plus. Le monde avait définitivement pris une teinte trop grise pour que les mots puissent encore s'écouler, passer la barrière de ses lèvres et prendre forme sur le papier. Comment tout ceci avait-il pu arriver ? A quel moment le monde avait vu ses fondations vaciller et emporter l'ordre des choses avec elles ? Sur le flot ravageur du réel, les hommes tentaient toujours de nommer, d'enserrer dans des sons et des signes rassurants, l'écoulement aveugle et le mouvement perpétuel de l'univers. Et elle, Alyse Mandéa, une des seize rhapsodes des plateaux de l'Est, qui couchait le monde et les hommes sur le papier, elle ne participait plus à cet effort pluriséculaire de nommer les choses, en prose, en rimes, pour noter le passé et forger le monde à venir.

   Elle ne pouvait pas passer. Comme tous ceux qui attendaient ici, elle ne pouvait pas avancer, et cette immobilité physique se transformait chaque jour un peu plus en prison mentale, émotionnelle, spirituelle. L'Empire de Salifsa, à l'Ouest, bloquait le passage de la Brèche, seul point de communication entre les plaines fertiles du delta de l'Anéan et les plateaux arides d'Occara, dont les structures féodales millénaires se trouvaient désormais en voie accélérée de désagrégation. Elle devait  fuir, avancer avant qu'on ne la reconnaisse, qu'on l'interpelle… Non pas qu'elle eût quoi que ce soit de reconnaissable ou que sa charge fût connue par les autorités militaires de Salifsa qui tenaient la place, mais parce qu'elle avait été envoyé ici pour cela, pour passer, pour faire vivre encore un peu dans la mémoire des hommes ce monde occarain sec, fier et solitaire, dont les rhapsodes n'avaient pas fini de s'adresser au monde.
   Le temps s'écoulait, l'histoire avançait, le pouvoir de Salifsa venait de loin, tout comme le déclin et l'agonie d'Occara avaient inéluctablement progressé. Que faisait-elle ici dans la succession des pouvoirs, des règnes, des lois et des hommes ? Elle perpétuait une tâche trop grande pour elle, mais qui lui était dévolue depuis l'enfance, comme à d'autres, sans raison autre que l'instinct d'un prédécesseur qui l'avait choisie ; un rien, une préférence – la couleur de ses yeux, peut-être ? -, une remarque particulière, un acte inconscient de sa jeunesse qui, dans les yeux d'un autre, l'avait désignée pour poursuivre une tâche millénaire, comme il y en a d'autres, comme il y en aurait toujours…

   « Peste ! » cria-t-elle.

   Elle laissait les mêmes pensées s'enfoncer en elle, comme à son habitude, les mêmes monologues rances, les mêmes rengaines abstraites et gâtées par la répétition. Son quotidien ne parlait pas de querelles politiques ou de la succession des âges, il lui enjoignait plutôt de trouver de quoi se nourrir, de quoi survivre un jour de plus dans le tas de boue et d'immondices qu'était ce camp.  Le soleil avait avancé – si tant est qu'on l'on pût voir le soleil à travers le gris voile d'hiver qui s'attachait aux sommets environnant la Brèche – et huit heures du matin s'approchaient.
   Elle se leva, essuya d'un geste mécanique les habituelles larmes qui traçaient des sillons dans ses joues maculées de poussière et se mit à marcher d'un pas vif. Alyse Mandéa n'avait pu trouver qu'un seul rôle pour survivre, le seul rôle qui pouvait expliquer la tranquillité dont elle jouissait comme jeune femme solitaire dans un camp de réfugiés lugubre : elle écrivait. Bien sûr, pas la Chanson, rien de brillant à l'oreille, mais elle consignait les petits riens de ces réfugiés sales et souffreteux qui s'amoncelaient : les comptes, les testaments, les lettres qui, sans doute, une fois remises au commandement militaire du camp, ne partaient jamais…

   Écrivaine publique ! Cette pensée sonna méchamment sous son crâne quand elle prit sa place dans la petite tente bleue délavée qui lui était allouée, près de tous les semblants d'institution qui faisaient vivre le terre-plein central de la Brèche. Avoir appris à combiner les mots, les sons, les rimes, à chanter les hauts faits dans les Trois langues pour écrire des inventaires et des lettres creuses aux abords d'un col infranchissable, entourée de mourants, de femmes éplorées et d'enfants voués au trépas. Elle imaginait le rire cruel et sans fin de son maître s'il avait pu la voir dans cette situation ! Un étroit sourire aussi rare que furtif apparut sur sa bouche quand l'idée lui traversa l'esprit :

   « Alyse Mandéa, sept-cent trente-huitième rhapsode de la seigneurie Mandéa, je te fais maîtresse des Lettres et des Vers, bonne à noircir des pages de comptes de troupeaux, de lettres plaintives de veuves et de testaments vides de sens ! »

   Une femme desséchée comme les lieux en comptaient tant entra en face de sa petite table noire. Une lettre creuse, pour s'enquérir des nouvelles de proches déjà enterrés quelque part dans les montagnes, les vallées et les plateaux qui avaient autrefois formés le domaine d'Occara. Elle soupira en silence, elle avait eu de la compassion autrefois, mais elle n'en avait plus à revendre, plus depuis qu'il était mort. Sa plume se posa sur le papier pour tracer ces lettres banales, elle cessa de réfléchir pour un jour de plus.
« Modifié: lundi 22 avril 2019, 22:49:10 par Synopz »
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Errements Poétiques - [ La Brèche - Chapitre I : Alyse Mandéa ]
« Réponse #267 le: vendredi 05 avril 2019, 04:09:19 »
Vouloir la vie

Cent tu en voulus
La cent-unième vint

Et que dis-tu ?

" Comment serait-elle ? "
Pas assez conforme à tes folies ?
Nulle rime ici
Rien que des promesses d'ici

Tu grandiras dans la vie
Ou tu t'écrouleras

Nul charme dans les vers
Juste la vérité qui est fer

Tranchante et simple

Oseras-tu ne pas la toucher ?
La vérité d'ivresse

Quand le sens et la paresse
Ne peuvent s'imposer

N'est-ce pas drôle ?
Tu dois changer

Tous le disent.
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Errements Poétiques - [ Poème : Vouloir la vie ]
« Réponse #268 le: mercredi 10 avril 2019, 18:10:22 »
J'avais oublié de commenter alors que je voulais le faire... En tout cas je voulais te dire que ce poème est un vrai coup de coeur, la vérité comme tu le dis que tu mets dedans est tranchant mais c'est pour autant magnifique et très parlant. C'est un vrai plaisir à la lecture.
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Errements Poétiques - [ Poème : Vouloir la vie ]
« Réponse #269 le: lundi 22 avril 2019, 22:35:49 »
@Chompir Je n'avais pas pris le temps de te remercier pour ce commentaire, j'apprécie beaucoup que tu passes donner ton avis régulièrement sur ma galerie, c'est vraiment un truc important ! Est-ce que tu as jeté un coup d'œil au début d'histoire que j'avais posté récemment ? J'ai eu aucun retour dessus, je serais curieux de savoir ce qu'en pensent les gens !

Je poste à une fréquence un peu moins élevée cette année parce que je suis plus pris à l'extérieur mais je continue à essayer de mettre des choses ici, ça me tient à cœur !
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