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La Tour du Rouge : [Random | Très court] Sans titre #1

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Great Magician Samyël:
Hohoho, je suis de retour! :niak:

Bon, tout d'abords, je vous donne une bonne occasion de relire l'ensemble du Cycle, étant donné que toute l'histoire, depuis le premier chapitre (Dieu, ça commence à remonter!) jusqu'à maintenant a subit un gros lifting orthographique! Bon, il doit surement en rester pas mal, mais une très très grosse partie, essentiellement des fautes de frappes, d'inattentions, ou simplement de pure connerie de ma part a été corrigée! :niak:

Voilà! Je pense que ça lui a fait du bien à ce cher Cycle ^^ Tout cela pour fêter ses 50 pages word! Enfin, bientôt, je n'en suis qu'à 48 pour le moment ^^

Nehëmah==> Ca me fait plaisir de te revoir dans le coin, j'attends tes commentaires au tournant donc :niak:

PdC==> ho oui <3 Content que ce chapitre t'ai autant plu^^ Mais bon, pour le parachèvement du Cycle, tu as encore le temps :siffle:

Hé oui, le petit magicien trace doucement son petit bonhomme de chemin. Les voiles d'un bateau le conduise à présent vers le Continent si redouté...

Mais voyez plutôt ça vous même dans la fin du chapitre 14, le plus long à ce jour étant donné qu'il fait 10 pages word! :) Bonne lecture!

EDIT: et c'est donc moi qui inaugure la 4ème page de la Tour ^o^



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Chapitre 14 : Mon nom est Zackary, je suis magicien. (2ème Partie)


Le capitaine empocha les pièces avec un regard avide.
-Très bien, nous partons dans quelques instants, il y a des cabines à l'arrière, si tu désires t'isoler où déposer ton barda.
Samyël le remercia d'un signe de tête en raccrochant la bourse à sa ceinture. Il se rendit au pont inférieur, trouva une cabine libre et y stocka ses affaires -arc, épée, sac et carquois. Il se frotta le cou en pensant à ce qui l'attendait sur le Continent. Une certaine anxiété lui nouait les entrailles, il ne savait pas pourquoi. C'était toujours comme ça avec le Continent. Il n'y faisait plus attention; il s'y était habitué avec le temps.
Samyël regarda par le petit hublot. Il ne voyait rien pour l'instant, à part les petits docks de Gontarion. Il était assez excité à l'idée de partir en mer. C'était sa première fois, et il se demandait ce que cela faisait. Sentir le roulis sous ses pieds, l'air marin sur son visage...
C'est en songeant à tout cela qu'il remonta sur le pont. Des hommes finissaient de charger les marchandises que le bateau passeur acheminerait jusqu'à Port-Ebène. Il n'y avait pas beaucoup de passager en plus de lui, peut être cinq en tout. Mais le bateau n'était pas bien grand non plus, ce petit nombre de voyageur arrangeait donc le capitaine. Selon ses dires, la traversée durait environ trois heures, avec un bon vent arrière. Et justement, une brise venue du sud soufflait depuis les hauteurs de l'île.
"Tout semble être fait pour que j'aille sur le Continent", pensa Samyël tandis que la caresse du vent effleurait son visage.
Il laissa son regard vagabonder dans le bleu étincelant de la mer. A quelques kilomètres plus au nord, perdu dans sa brume, le Continent étendait sa sombre masse partout à l'horizon. C'était une vision impressionnante pour qui n'y était pas habitué.
Samyël ferma le poing. Il était prêt. Il l'avait toujours été.

   
-Dit Jorge, t'y crois toi, à ces histoires de fantômes?
-Pff, bien sûr que non. Ce ne sont que des racontars de marins ivres. Ne te prend pas le chou avec ça.
-...
-Il n'y a rien qui se ballade sur ces mers hormis des vaisseaux composés d'équipage humains rentre toi bien ça dans le crâne.
-Oui, mais comment expliques tu la disparition de l'Intrépide II le mois dernier?
-Un tempête les aura surpris et ils se seront échoués un peu plus loin sur la côte; ce sont des choses qui arrivent.
-Oui, mais quand même! Quatorze navires en un an. Ça fait beaucoup, rien que pour Port-Ebène.
-Bon écoute Tom. Tu commences à me chauffer les oreilles avec tes prétendus fantômes. Si tu as si peur que ça, tu ferais mieux de rentrer chez tes parents et cultiver tes patates.
Samyël, accoudé au bastingage, observait le lent balai des mouettes criardes en écoutant la conversation des marins d'une oreille distraite. De quoi parlaient-ils?
-Mais je te jure que c'est vrai! C'est le fantôme du vieux Barbu, il est revenu hanter les mers pour se venger.
-Et qu'est-ce que tu en sais toi? Tu l'as vu?
-Non... Mais je le sais!
-Mais oui, et moi je suis la grande tante de l'oncle du roi.
-Fais le malin, mais tu rigoleras moins quand tu l'auras en face de toi...
-Tu vas trop loin dans tes propos, fais attention ou tu pourrais le regretter...
-Ha! Ca prouve que tu y crois toi aussi.
-Ca ne prouve rien du tout. Mais tu sais très bien qu'il n'est jamais bon de parler de malheur sur un navire... Aller, aide moi plutôt avec ce cordage, au lieu de fabuler...
L'autre marin, Tom, grommela quelque chose mais s'exécuta.
Au fur et à mesure que le temps passait, le Continent se faisait de plus en plus précis. Ils ne tardèrent d'ailleurs pas à entrer dans la chape de brume qui entourait ses côtes.  Le silence se fit sur le pont, et les marins s'activaient sans un bruit.  Le Continent avait disparu de la vue de Samyël, caché par le brouillard qui ondulait doucement sur l'eau. L'apprenti magicien avait l'impression de se trouver au coeur d'un monde devenu entièrement gris.
-Impressionnant n'est-ce pas?, dit soudainement le capitaine, qui s'était rapproché discrètement, rompant par la même l'aphonie générale.
-Oui, très, répondit Samyël sans même se retourner.
-Il n'est pas courant de voir une personne de ton âge se rendre sur le Continent.
-Je le sais.
-Puis-je te demander ce que tu vas y faire?
-Je me rends à Arendia.
-Dans quel but?
-Je... Je souhaite m'enrôler dans l'armée, mentit le jeune garçon, tandis que la mise en garde de Rirjk lui revenait à l'esprit.
-Hum, intéressant....
-Dites, qu'est-ce qu'on entend là?
-Ce n'est rien, sûrement une mouette. Avec cette purée de pois le bruit de leurs battements d'aile est amplifié, n'y fais pas attention. Tu as de la famille sur le Continent?
-Non. Du moins, je n'en ai pas connaissance.
-Dans tous les cas, sois prudent. L'Arch'Land n'est plus ce qu'il était, depuis le début de cette guerre... Surtout, ne dis jamais quelque chose qui pourrait s'apparenter à un blasphème pour ces foutus fanatiques, ils y verraient une bonne occasion de...
Voyant que le capitaine ne semblait pas vouloir continuer sa phrase, Samyël se retourna vers lui dans le but de le lui enjoindre. Ses yeux s'agrandirent alors d'horreur et de stupeur; sa bouche s'ouvrit sur un cri tandis qu'un liquide chaud s'éclaboussait sur son visage. Il tomba à la renverse.
Là où quelques instants plutôt se trouvait le Capitaine, il n'y avait plus qu'une paire de jambe. Toute la partie supérieure du corps avait disparu, sectionnée proprement à partir du bassin.  Un mini geyser de sang s'échappait de la plaie béante, et les membres, encore crispés, restaient debout. Samyël contemplait cette vision de cauchemar sans comprendre, et les souvenirs de la chose qui l'avait poursuivi dans la forêt un soir lui revinrent en mémoire. Samyël les entendaient. Les battements réguliers d'ailes géantes, cachées dans la brume. A quoi pouvaient-elles bien appartenir?
Les jambes de feu le capitaine partirent en arrière, lentement, comme dans un rêve. Lorsqu'elles touchèrent le pont dans un bruit mat, un cri perça le brouillard. Une main déchiquetée voltigea dans les airs, tournoyant sur elle même, et vint s'écraser sur Samyël. Le jeune homme la repoussa au loin avec dégoût, puis la peur franchit une fois de plus la barrière de son esprit. Ses yeux se changèrent en deux pupilles démentes qui cherchaient frénétiquement un endroit ou se réfugier. Un rire nerveux le parcourut alors qu'il rampait dans les entrailles et l'hémoglobine du capitaine.
Tout était calme sur la mer. L'on n'entendait que le vol de créatures inconnues, et les lamentations des mourants. Mais tout allait bien. Oui, tout allait bien. Il allait se cacher derrière cette caisse, là, puis il se recroquevillerait, la tête dans les genoux en attendant que cela passe. Une mauvaise passade, voilà tout. Ce n'était qu'un songe, non?
Une corne de brume résonna dans ses oreilles, mais le son était flou, indistinct. Il crût entendre des rugissements, ponctués d'hurlement d'agonie. Mais ce n'était pas son problème.
Samyël les entendaient, les choses. Il ressentait leurs pas lents et lourds à travers le bois du pont. Il entendaient leurs grandes ailles battrent en rythme.
Une main attrapa son mollet. Il leva les yeux et son regard rencontra celui d'un homme dont la peau de la partie gauche du visage avait été arrachée, laissant l'oeil pendre au bout du nerf, inerte. Le marin semblait lui dire quelque chose. Mais Samyël se refusait de l'écouter. Pourquoi venait-il l'importuner? Soudain, une forme sombre apparut au dessus du blessé. Deux petites flammeroles rouges, semblables à des yeux, étaient fixées sur lui.
Samyël aimait bien le rouge. C'était une jolie couleur. La même couleur que le liquide qui forma une traîné lorsque l'inconnu fut tiré de force dans la brume.
Samyël se mordilla le pouce en remuant d'avant en arrière. Il entendait des tambours quelque part. C'était peut être son coeur. Il battait vite. Il ria de nouveau. C'était un joli son.
Des échardes de bois lui tombèrent dessus. Il ne s'en rendit pas compte. Ce sera bientôt finit de toute façon. Il n'y avait plus beaucoup de cris.
Et puis soudain, ils n'étaient plus là. Repartis dans les brumes de la mer. Envolés.
C'était fini, enfin.
Samyël s'autorisa un sourire. Une goutte de sang coula le long de son pouce. Il agita sa main afin d'atténuer la douleur. Puis il se releva. Il y avait des gens par terre, beaucoup de gens. Et puis le pont était rouge, tout  rouge. Comme ses cheveux. Oui, ses jolis cheveux...
Et il rit.
Et rit encore.  

Il ouvrit les yeux doucement. Face à lui s'étalait l'infinie bleutée du ciel. Et sous lui un sol instable, tangible. Il sentait l'iode et l'odeur de la mer. Il voyait les mouettes qui volaient là haut, en criant joyeusement. Le vent était calme, doux.
Samyël se mit sur son séant, l'esprit encore embrumé par la sieste qu'il venait de faire. La surprise s'inscrivit sur son visage lorsqu'il constata qu'il était au beau milieu de l'océan. Sur une petite barque. Son épée, son arc, son carquois et son sac traînaient sur le fond plat. Mais que faisait-il là? Il fronça les sourcils. Que s'était-il passé? Il se rappelait avoir pris le bateau à Gontarion. Puis il y avait eu le voyage, et le Capitaine qui était venu le chercher. Et une légende, sur un certain Barbu. Mais au delà, le vide mémoriel.
Finalement, il haussa les épaules. Il avait sûrement du chuter dans l'escalier menant vers le pont inférieur, et le choc l'aurait assommé, provoquant par la même une petite amnésie. L'équipage, paniqué, aurait cru qu'il était mort et l'aurait mis à l'eau. C'était sûrement ça, il ne voyait pas d'autres explications. Mais c'était curieux qu'ils aient mis ses affaires dans la barque. Avec des rames qui plus est. Et puis, pourquoi avait-il les mains pleines de peinture rouge?
-Etrange journée, souffla-t-il en s'étirant.
Il bâilla à s'en décrocher la mâchoire, puis se retourna afin de voir s'il était proche de la côte. Sa bouche resta grande ouverte, et ses yeux s'agrandirent d'émerveillement.
Face à lui, s'étalant dans l'horizon de toute leur verdoyante splendeur, les côtes Continentales. Il se trouvait à trois ou quatre kilomètre du cap d'Ebène, mais il distinguait au premier plan l'immense cité de Port-Ebène, le plus grand carrefour maritime et commercial du monde, après Arendia. Samyël pouvait voir les centaines de navires, goélettes, galions, frégates et caravelles qui mouillaient dans les eaux du port, avec leur florilège de voiles bariolées. Plus loin, il apercevait la grande plaine de l'Arch'Land, et ses forêts géantes. Et encore plus au Nord, les deux embouchures Est du fleuve Nyr.
Cette vision avait quelque chose de magique et de rassérénant.  Les angoisses liées au Continent avaient disparues. Seul restait un sentiment d'extase et d'excitation.
Sans attendre une minute de plus, il saisit les rames et les mit en mouvement afin de se rapprocher des quais du port. Le vent charriait déjà jusqu'à lui les effluves des docks où l'on déchargeait les précieuses marchandises, venues de tous les coins de l'Arch'Land: épices, herbes aromatiques, armurerie, étoffes, oeuvres d'arts, nourriture, bois, acier, pierres précieuses, or et la liste était longue encore. Un énorme navire fendit les eaux en longeant la petite barque de Samyël. Celui-ci observa le béhémot de bois et de cordages, admirant sa voilure colorées, sa figure de proue en forme de femme aux jambes de poisson, et les fiers guerriers en armures rutilantes qui se tenaient alignés le long du bastingage.
Dieux, que c'était impressionnant.  

-Salutation Messire.
Samyël finit d'enjamber le rebord de sa barque afin de prendre pied sur les quais. Il récupéra ses affaires dans la foulée puis se retourner vers son interlocuteur. C'était un petit homme d'âge mur, vêtu d'une toge orangée; il tenait un parchemin dans sa main droite, et une plume dans la gauche. Un jeune garçon le suivait, transportant une bouteille d'encre.
-Salutation, Monseigneur, répondit l'apprenti magicien en s'inclinant légèrement.
-A l'entente de votre accent, je déduis que vous n'êtes pas Arkandéen (c'est ainsi que l'on nommait les habitants de l'Arch'Land), mais Solanéen, est-ce exacte?
-Effectivement.
L'homme esquissa un petit sourire, tout en restant extrêmement courtois, chose qui étonna Samyël, du fait de la grande différence d'âge qu'il y avait entre eux.
-Êtes vous au courant des lois sur le mouillage en vigueur dans ce port?
-Et bien... Je crois que non.
-Laissez moi vous expliquez, si vous le voulez bien.
-Je vous en prie.
-Merci. Afin de contrôler le trafique maritime, je suis dans l'obligation de vous demander nom et prénom.
-Je m'appelle Samyël. Mais je n'ai pas de nom.
-Orphelin?
-Oui.
-Que venez vous faire en Arch'Land?
-Je me rends à Arendia.
-De la famille?
-Une formation.
-Quel genre?
-Militaire.
Au fur et à mesure de leur dialogue, le commissaire Docker, tel qu'on les appelait, prenait des notes sur son parchemin.
-Je vais devoir prélever de votre pécule une taxe sur le mouillage de votre embarcation.
Le jeune garçon se retourna, et regarda son "embarcation" en se grattant la tête.
-Heu... D'accord. Combien vous dois-je?
-Tout dépend du temps que vous souhaitez laisser votre esquif ici.
-Et bien justement, je ne souhaite pas le conserver. Je continuerais mon voyage à pied.
-En êtes vous sûr? Le chemin est long jusqu'à Arendia.
-Je le sais, je suis résolu.
-Bien. Dans ce cas je suis autorisé à vous racheter votre bien, au nom de Port-Ebène, si vous le désirez.
Le commissaire sortit une petite bourse des manches de sa toge, et y prit une trentaine de piécettes en argent, tout en comptant à voix haute.
-Voilà ce que je peux vous en donner.
-Vendu, annonça Samyël avec un sourire tout en empochant la monnaie.
-A présent si vous voulez bien m'excuser...
L'homme s'inclina puis reprit sa route, toujours accompagné de son jeune page.  

Les enfants le regardaient d'un air émerveillé. Leurs petites bouches béaient d'un trop plein de joie.
Le vieil homme envoya la flamme dans les airs. Puis de l'autre main, il en fit jaillir une nouvelle. C'est ainsi qu'il commença à jongler avec le feu. Les bambins qui faisaient office de spectateurs battaient la cadence avec leurs minuscules mains potelées. Les adultes regardaient de loin. Leurs visages étaient sombres.
Magie, Blasphème.
Zackary lança alors les boules, l'une après l'autre, au dessus de sa tête. Puis il ouvrit grand la bouche, et les avala, une par une, sous les applaudissements et les rires de sa jeune assistance.
-Merci, messeigneurs, vous êtes trop bons envers moi, ria Zackary en s'abaissant dans une parodie de salut. Pour mon prochain tour, j'aurais besoin de l'aide de l'un d'entre vous. Qui est intéressé?
Des dizaines de mimines se levèrent à l'unisson à grand renfort de cris d'excitation.  Le vieil homme sourit devant la fougue de la jeunesse et en choisit un au hasard.
-Viens, approche. Voilà. Comment t'appelles-tu?... Ian? Très bien. Regardez bien les enfants. Dans un instant je vais faire...
-Pas un geste de plus, engeance!, cria soudainement quelqu'un à l'autre bout de la place.
Zackary releva la tête. C'étaient deux hommes, deux soldats. Ils portaient la livrée immaculée du Corps Expéditionnaire. L'un tenait fermement une hallebarde étincelante à bout de bras, et l'autre pointait sur lui une arbalète peu engageante. Sur leur visage se lisaient une colère intense et une détermination sans faille. En quelques secondes, le silence se fit sur la place, les gens regagnaient leur maison ou l'auberge la plus proche, afin d'assister à la scène bien tranquillement. Les mères avaient rappelé leurs enfants.
-Allons bon, qu'est-ce que c'est encore?, grommela le vieillard.
-Ne fais pas un seul geste, où nous n'hésiterons pas à faire feu! Lève les mains bien haut, et pas d'entourloupe ou on te tire comme un lapin. Voilà, c'est très bien.
Les deux miliciens s'approchèrent doucement, méfiants. Zackary les regarda approcher sereinement. Que lui voulaient-ils?
-Où est votre bâton?, demanda le hallebardier quand il fut suffisamment près.
-Mon bâton, quel bâton?
-Ne faites pas le malin avec moi, démon!
-Mais qu'est-ce que vous me voulez à la fin?, s'écria le vieil homme en pointant son index.
Les deux soldats, visiblement à cran, prirent ce geste anodin comme une incantation. Ils prirent peur. Le manche de la hallebarde cogna violement contre la tempe gauche de Zackary, qui s'effondra sur le sol en gémissant. Une botte vint le frapper au visage tandis qu'une main le saisissait au collet pour le remettre à genoux. Le vieillard, sonné, se laissa faire.  
-Comment oses-tu encore te montrer? Hein? , lui cria l'homme à l'arbalète en lui pressant l'arme sur le crâne.
Le vieil homme releva la tête et ouvrit la bouche pour parler...
-Grand père?
Deux mains s'abattirent soudainement sur les épaules de Zackary. Les yeux de ce dernier s'agrandirent de surprise. Les soldats sursautèrent et levèrent leurs armes. Un étrange gamin aux cheveux rouges s'était approché sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Le nouveau venu fixait le vieil homme avec un regard où l'on pouvait lire la colère.
-Grand père! Qu'est-ce que tu as encore fait? (Il leva les yeux vers les deux miliciens) J'espère qu'il n'a pas causé de problème à quiconque?
-Que... Mais... Qui...
L'homme à l'arbalète reprit ses esprits et braqua son arme sur le petit fils présumé.
-Silence! Tu es un parent de ce monstre, de ce... magicien! Donc tu en es un aussi!
Les yeux du garçon d'agrandirent de surprise à leur tour, puis il éclata de rire, à tel point qu'il se tint par les côtes. Les deux missionnaires se regardèrent, décontenancés.
-Allons messeigneurs, ce vieux débris n'a pas une once de magie en lui. Vous savez, il se fait vieux, (en chuchotant) et entre nous je crois qu'il n'a plus toute sa tête. Il a besoin de se faire remarquer.
-Quoi?, s'insurgea Zackary en tentant de se relever mais il se fit remballer par son petit fils.
-Papy, je t'en pris. Je crois que tu as fait suffisamment de bêtises pour aujourd'hui. On ferrait mieux de rentrer, mamie doit s'inquiéter.
Le vieil homme grommela quelque chose mais se releva docilement.
-Messieurs...
-Attend petit.
-Qui a-t-il?
-Que fais-tu, équipé comme tu l'es?
-Je... Heu... Je...
-Fi dieux garnement! Tu n'as donc pas encore été revendre cette antiquité chez le marshal ferant? Et tu iras te débarrasser de fichu arc, tu sais très bien que je n'aime pas que tu joues avec ce genre de chose!
-Mais, Papy! C'est oncle Bill qui me l'a offert le mois dernier!
-Je n'en ai que faire, tu fais ce que je te dis! Fils de malappris!
-Je le dirais à mamie, et elle te grondera!
-Quoi? (Zackary saisit son petit fils par l'oreille) Tu oses me menacer?
-Aïe, arrête, tu me fais mal!
-Stop!, cria alors l'arbalétrier. C'est bon, circuler! Mais que nous n'ayons plus d'ennuis avec vous, ou vous y aurez bon. Vu?
-Vu.
-Vu.
-Très bien. Maintenant, disparaissez.
Petit fils et grand père ne se le firent pas dire deux fois, et ils prirent le large. Ils traversèrent un dédale de rues et d'avenus, avant de finalement se stopper sur une place bondée de monde.
-Merci, jeune homme. Je crois que je te dois une fière chandelle, fit le vieil homme, en reprenant son souffle. Comment t'appelles-tu?
-Samyël.
-Samyël...
Une lueur étrange passa dans les yeux du "grand père", qui disparut aussitôt.
-C'est un nom peu courant. Mais il est beau, soit en fière.
-Ne vous inquiétez pas pour ça... Et vous, qui êtes vous?
-Mon nom est Zackary, je suis magicien. Enchanté, jeune Samyël.
-Magicien?
Le jeune homme sourit et secoua la tête.
-Je comprends mieux pourquoi vous avez eu des ennuis. Si vous mentez à tout bout de champs sur un sujet aussi sensible...
-Je ne mens pas. Ce n'est que vérité, répliqua Zackary sur un ton sec.
Samyël leva les yeux vers son nouvel ami, et révisa son jugement lorsqu'il aperçut les flammes qui dansaient dans les yeux du vieillard avant de disparaître aussi vite qu'elles n'étaient apparues.
-Que? Mais... Vous... Je veux dire vous êtes vraiment...
-Certes il m'arrive de fabuler par moment, mais jamais je ne masquerais cette vérité. Pourquoi un homme devrait craindre de vivre car il est ainsi fait?
Il retrouva son sourire habituel.
-Mais pourquoi n'avez vous rien fait tout à l'heure?
-Hum... Qui sait? Peut être ne suis-je pas vraiment ce que dis être. Et puis après tout, je me fais vieux, je n'ai probablement plus toute ma tête, conclut-il sur un clin d'oeil entendu.
Samyël sourit.
-Mais vous avez encore l'esprit vif.
-Il est vrai. Il le faut, de nos jours.
-Que comptez vous faire à présent?
-Hum, j'avoue que je ne sais pas trop. Je vais où mes pas me guident, sans trop réfléchir. Je ne sais de quoi sera fait demain, mais cela me va très bien.
-Dans ce cas, je veux que vous m'enseigniez.
Zackary le regarda d'un air étonné.
-Que veux-tu que je t'enseigne?
-Les Arts, bien sûr, murmura Samyël tandis qu'un petit globe lumineux naissait dans sa paume, pour mourir aussitôt.
-Ho. Je vois. Très intéressant. Ainsi il reste encore de l'espoir pour nous autres.
-Il semblerait.    
-Très bien, jeune Samyël. Tu m'as convaincu, j'accepte. Tu te rendais quelque part, je me trompe?
-Non. Je vais à Arendia.
-Hum... C'est un long voyage. Quel en est le but?
-Je veux entrer à la Citadelle.
-Parfait, ainsi il en sera. Le chemin vers la capitale est long, et pendant ce voyage je m'attellerais à te préparer pour tes études. Sais-tu te servir de ton épée?
-Malheureusement non...
-Dans ce cas je t'apprendrais aussi. J'étais bon escrimeur dans ma jeunesse...
-Vraiment?
-Oui oui, je ne suis pas un aussi vieux débris que tu ne le penses.
-Excusez moi, je ne voulais pas vous insulter je...
-Silence. Ce n'est rien, "fiston", le coupa Zackary avec un nouveau clin d'oeil. Mais sache que je me montrerais un professeur sévère et intrangisant.
-Cela me convient parfaitement. Combien de temps dure le voyage jusqu'à Arendia?
-Ho, environ six mois à pied, je dirais, en gardant un rythme moyen. Ce qui nous laisse amplement le temps. Il y a quelque chose qui m'intrigue chez toi.
-Oui?
-D'où te vient cette étrange teinte des cheveux?
-Je n'en sais rien. Même mon grand père n'a jamais su me répondre.
-Je vois... Ba, sûrement un caprice de dame nature. Tu as de la chance, à ce qu'il se dit, le rouge est à l'honneur chez les dames Arendiennes. En te débrouillant bien, tu pourras passer les nuits d'hiver bien au chaud.
Zackary lui adressa un petit sourire malicieux.
-Bien, assez bavasser. Va donc m'acheter une lame pour l'entraînement. Puis nous nous mettrons en route. La Nord nous attends, jeune apprenti!


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Et c'est ainsi que ce clos la deuxième partie du Cycle. Que de chemin parcouru déjà... ^^ Et moi je vous dis à la prochaine!

Prince du Crépuscule:
Rends-nous Rirjk! On en veut pas de Zackary, ce vil usurpateur! >.<

Non, plus sérieusement je vois quez la tradition des vieux mages, enseignant à un jeune élève plein de promesse se perpétue. Je l'aime déjà ce bon vieux Zackary, (à part son nom, j'aime pas Rirjk c'était mieux m'enfin bon ^^') et à chaque fois que je rencontre un vieillard magicien comme ça, il me fait penser à Zeddicus Zull Zorander, plus communément nommé Zedd dans un cycle qu'il me semble que tu connais. ;)

En tout cas, quand je parlais de parachèvement dans mon autre commentaire, je parlais évidemment de la finition de la deuxième partie, et non du cycle en lui-même! Oh non quelle idée, j'en suis horifié! Quer ce cycle perdure et vive très très longtemps, pour nous émerveiler encre et toujours. ^^ (Vive le Roi! lol) Que dire sinon que cette partie se clot sur de nouvelles données, sur de nouveaux personnages, sur une nouvelle aventure, un tout nouveau souffle? J'attends la troisième avec on ne peut plus d'impatience, mêlée d'excitation quant à savoir ce que notre cher Samyël deviendra. J'ai dans l'idée que ça me plaira autant sinon plus, si c'est possible. Bref, en tout cas cette deuxième partie de chapitre était vraiment excellente, et malgré sa longueur, ton talent et ton habileté narrative permettent de se fondre très rapidement dans l'histoire et de toujours vouloir tourner la page, même quand on ne peut plus hélas. Ce tournant dans ta fabuleuse fiction méritait bien l'un de mes commentaires. ^^

La première partie avec ces monstres marins était un peu confuse à mon sens, néanmoins j'ai beaucoup aimé, ça clôt parfaitement le long épisode de la vie de Samyël sur Solanéa, l'île plus si paisible que ça en fin de compte. Après, la rencontre avec le vieux Zackary était des plus intéressantes, j'ai vraiment apprécié la manière dont tu as amené ce personnage, à nous le faire découvrir puis à partager la quête de Samyël. J'attends de voir ce que ça rendra et la façon dont Zackary officiera à ses côtés, mais voyons que dire... Patience! ;)

Bravo pour ce merveilleux cycle et cette deuxième partie qui se termine sous les meilleurs hospices possibles, (je parle de la qualité bien entendu ^^) déjà presque 50 pages! Tu as toutes mes sincères félicitations pour cet avènement, et que l'inspiration ne te quitte jamais, continue ainsi cher Mage Vermeil! :)

Nehëmah:
On est parasite ou on ne l'est pas :niak:

Quoiqu'il en soit je n'allais pas t'abnadonner comme ça hu hu.
Que dire ? Cette deuxième partie se clot avec un nouveau début. L'intrigue est relancée sur trois points :

Le premier point et le plus évident est bien entendu l'arrivée sur un nouveau continent, qui implique donc de nouvelles péripéties et sûrement l'intrusion dans le vif de l'intrigue. Cela implique évidemment de nouvelles rencotnres.

Le deuxième point est donc de nouveaux personnages, avec ce Zackarry un peu sénile et téméraire, plutôt paradoxal d'ailleurs cette caractéristique chez un vieil homme. En tout cas ce nouveau maître doit avoir des choses grandioses à lui apprendre, on peut s'attendre à un Samyël de plus en plus costaud. Seulement avec cette longue route de 6 mois j'ai peur d'une chose : c'est que tu choisisses de la développer au lieu d'en faire une ellipse. Bon, je m'explique, la développer pourquoi pas, mais si ce n'est que de l'entraînement, je préfère autant l'ellipse à moins qu'il n'y ait des choses importantes concernant l'intrigue. Mais bon, je pense que tu feras le bon choix. Après tout entre la partie une et deux plusieurs années avaient été éludées.

Le troisième point et le plus important pour moi, au final, c'est la psychologie de Samyël. Depuis sa jeunesse, le garçon enchaîne les difficultés morales, orphelin en bas âge, mort de son grand-père à 8 ans, mort de Rirjk à 13 ans, puis finalement devoir s'assumer tout seul... Avec sa fascination qui lui a toujours vallu du désespoir pour les arts diaboliques... La psychologie de notre petit magicien s'en trouve considérablement affligée. Le passage du bateau en est l'exemple même. La confusion du passage n'est que le reflet de la confusion de son esprit (ensuite je sais pas si tu l'as fait exprès mais sur le plan symbolique, ce passage maritime, d'une petite île à un grand continent sur un océan mouvementé, perturbé, on peut l'interpréter comme des problèmes d'ordres affectifs et le signe que son périple pour devenir adulte sera sans douté complité).
Bref, un petit mage qui s'enfonce toujours plus dans la folie. Je prends exemple sur un certain Arthas de Warcraft 3, mais ne sommes-nous pas en train d'assister à la montée en puissance d'un personnage pourtant attachant mais qui au final pourrait devenir une menace pour ce monde ? Ceci n'est que supposition de ma part mais j'y crois dur comme fer :niak:

Great Magician Samyël:
Arf, que ferais-je sans mes deux commentateurs préférés? :love: Pas grand chose je pense :niak: En tout cas, merci à vous deux de toujours suivre mon Cycle, ça me fait plaisir! ^^

PdC==> >_<" Mayheu, il est pas vieux Rirjk, il n'a que 37 ans : ) Ha, ce bon vieux Zedd, d'ailleurs on va bientôt le retrouver, vivement le 15 : ) Et oui, 50 pages, que de chemins parcourrus (avec toi à mes côtés depuis le début en plus :love: )Mais plus encore se trouve devant moi, et je compte bien finir ce voyage! Merci encore pour tes commentaires!

Nehëmah==>Bien sûr que je vais faire une ellipse, ça me brouterait d'écrire six mois d'entraînement XD M'enfin, vous verrez bien^^ Arf, tu as l'art de me percer à jour :love: Effectivement la psychologie de Samyël a prit plusieurs coups durs, je crains pour sa santé mental. Arthas? Peut être, qui sait? :love: Affaire à suivre donc, je n'en dis pas plus :niak: Enfin, continue de parasiter cette chère tour, ça lui fait du bien :niak:

Tout d'abords, je tiens à préciser que ce post n'annonce pas mon grand come-back. Je reste toujours dans ma retraite internet, comme un hermite.

Je n'ai pas non plus de suite Cyclique à vous fournir, honte sur moi. La Deuxième Partie étant close, je prends un peu de recule par rapport au Cycle, de manière à bien réfléchir à la suite, pour donner le meilleur de moi même. J'en profite également pour écrire une oeuvre annexe. Une oeuvre qui vient se placer dans la Séquence Avatarienne, qui relate l'histoire de quelques grandes figures, vues ou non, de l'histoire du Continent. Ceci se passe donc dans le même monde que celui dans lequel évolue Samyël, mais à différente époque.

La première de ces oeuvres, Le Chevalier Argoth, prend place dans l'Age Sombre qui précède l'Avénement du grand roi Aegir. Un âge dont on ne sait presque rien, et pour cause, seules nous restent de cette période des fables ou des légendes, rien de bien précis. La plus fameuse de toutes, est bien entendue la Geste du Chevalier Argoth, écrite par l'Aventurier Sandiego Di Cadeço à son retour de voyage, et qui fera du Chevalier Argoth la figure la plus populaire du Continent, jusqu'à l'arrivée d'Aegir.

Je vous laisse donc découvrir ce début, dont j'espère que vous me direz des nouvelles...

Petite précision : Au moment où s'achève la deuxième partie du Cycle, nous sommes en 1678 du calendrier Continental. L'année 1632 correspond à l'arrivée au pouvoir d'Arabéus Ier, en Arch'Mark.
Le Haut-Pays se situe dans l'Est du Continent. Cependant, ne vous reportez pas à la carte du premier post, elle n'est plus d'actualité. Une prochaine version bientôt, j'espère... ^^

_____________________

La séquence Avatarienne
I - Le Chevalier Argoth :

Introduction.

Ce qui suit est une copie du Manuscrit « Aroogway Dëo’Darak » [Le Chevalier Argoth], écrit par l’aventurier Sandiego Di Cadeço, accusé à titre posthume de Blasphème et de démence, en l‘an 1633. Ledit manuscrit fut donc brûlé lors de la grande Autodafé de l’Arch’Mark en l’an 1634 du calendrier Continental. Il fut écrit durant l’Age Sombre qui précède l’avénement d’Aegir. Cependant, certaines incohérences historiques semblent indiquer que ce récit ne serait rien d’autre qu’une fable. Ce que semble approuver l’Archimage Cantalor dans son « Traîté d’Histoire Continentale ».

Ce présent document est la dernière copie du Chevalier Argoth, conservée en l’Enclave des Mages de la Citadelle. Merci de le restituer de suite après lecture, en prenant bien soin d’y laisser cette page de garde.

Grimh.



I/ L’épée du Chevalier. (Première Partie)

Il est arrivé un jour d’été, lorsque le Soleil était haut.

Je me trouvais en l’auberge du Cor Argenté, qui tirait son nom de l’instrument qui ornait la robe de la cheminée. Un fort joli instrument, d’ailleurs, que je me plaisais à regarder. L’on dit de lui que sa musique divertit les Dieux eux-même, tant son son est limpide, fluide, et joyeux, à l’image des crus du Printemps. A ma table se trouvaient quelques uns de mes amis proches, avec qui je partageais bières et ragots. L’un d’eux racontait comment sa femme avait trouvé, sous la fenêtre de leur maison, un corbeau, noir comme le jaie, raide mort. En prononçant ces mots, il fit le signe qui éloigne le mal.
« Je vous jure, gros comme ça. Avec des yeux rouges, petits et sournois, qui la fixait comme la mort, la Martine. Aussitôt, elle a crié, et j’ai bien entendu accouru. Mais que pouvais-je faire? J’ai cloué la tête de l’animal sur ma porte. J’espère que cela suffira pour tenir les démons à l’écart.
-Je paris que c’est un coup des gamins Teniers, de sacrés filous. »
J’écoutai leurs conversations d’une oreilles distraites, répondant de temps à autres à l’un ou l’autre, plus intéressé par ma bière qui conservait un peu de sa fraîcheur malgré le temps caniculaire qui s’abbatait sur la région depuis quelques jours. Le liquide ambré faisait des spirales fascinantes à la surface de ma choppe, qui me captivaient littéralement.
La chaleur me pesait et semblait ralentir le temps. J’étais, à cette époque, joueur professionnel, et je ne voyais ma vie que dans la face ronde d’un écu d’or, ou sur la figure d’un roi de carte. Compter, mélanger et distribuer étaient mes seules ambitions, ainsi que celle de gagner gros à chaque coup. La chance semblait m’avoir prit sous son aile. Je n’avais pas souvent à me plaindre de mon sort. J’habitais une fort élégante maisonée, à deux lieux de l’auberge.
Cependant, la veille de ce jour là, j’avais eu les yeux plus gros que ma main, et avait perdu presque tout mon dû. Je possédais juste assez de monnai pour payer ma bière. Ceci expliquait en partie l’état semi comateux dans lequel je me trouvais.
C’est alors qu’il apparut. Tout d’abords, personne ne fit attention. L’auberge étant assez loin de la ville, à l’orée d’un bois, cela n’étonna personne d’entendre la cavalcade d’un cheval, s’arrêtant à quelques pas des écuries. Certains commencèrent à prêter oreilles, lorsque des cliquetis d’amure suivirent.
Je n’étais assûrement pas de cela. Non, j’avais beaucoup mieux à penser à mon destin, ainsi qu’aux diverses dettes que j’avais à rembourser, alors que la fortune me faisait défaut. Ce n’est que lorsque mon bon ami Lewinsky me donna un coup de coude dans les cotes, et que je remarquai que la salle était soudainement devenu silencieuse, que je consentais à lever les yeux.
Et ce pour ma plus grande surprise.
Il se tenait debout comme un homme, un peu voûtée cependant, à ceci près que ses pattes postérieures se pliaient au niveau de l’articulation de ses griffes, laissant la plante de ses pieds dans les airs. Son armures, noire comme la nuit, était faite tout en plaques savamment agencées, de manière à conserver une grande mobilité et une protection optimale, ainsi que d’une chemise de maille, passée par en dessous. Il tenait sa longue lance au manche d’ébène de sa main gauche, et je pouvais distinguer sur ses doigts des griffes plus qu’impressionnantes. J’en conclus qu’il était gaucher. Sa queue ,longue et nue, révélant une peau d’écaille couleur de feu, remuait derrière lui, non pas d’agacement, mais dans l’intention de se ventiler. Sa tête, typiquement  reptilienne, était surmontée de quatre cornes jaunies, qui s’étiraient vers l’arrière. Ses yeux, enfin, rouge comme le sang, possédaient de très minces iris noirs, à la manière des animaux sauvages.
A son entré, plus personne n’osa bouger, ni même respirer. Le temps sembla se figer. moi-même n’en menait pas large devant cette soudaine apparition, qui avait tout l’air de sortir des Royaumes Démoniaques. Etrangement, il n’entreprit aucune action envers qui que ce fut. Il déposa sa lance sur la table mise à disposition, comme il était demandé, puis se dirigea vers le bar, sans prêter la moindre attention aux regards ahuris, effrayés, ou carrément hostiles des clients.
Dans le Haut-Pays, il est un proverbe qui dit:

« Même dans l’adversité, un aubergiste reste avant tout homme d’affaire »

Et il fut une fois de plus démontré ce jour là. Car après tout, l’étranger était un client comme un autre. Etrange certes, mais client quand même. Et le Client est toujours roi, à ce qu’on dit.
« Qu’est-ce que je vous sers, étranger? »
Michel, l’aubergiste, continuait à laver ses choppes tout en parlant.
« Biièrre… 
-Et une bière, une! »
Il avait parlé avec une voix très profonde, caverneuse. Mais pourtant, elle n’avait rien d’effrayant, comme je l’avais pensé de primes abords. Comme il n’avait pas l’air méchant, les conversations reprirent vite, tournant, bien évidemment, autours de cet étranger.
« Tu l’as vu? Il est pas humain, c’est sûr! Il vient d’où à ton avis?
-J’en sais trop rien. Sûrement qu’il a à voir avec les Sorciers.
-Ha, si vous voulais mon avis, mieux vaut ne pas trop frayer avec ces gens là. Ca apporte la malédiction.
-Pour sûr.
-Ceci dit, il n’a pas l’air bien méchant. Il a juste une… apparence frustre c’est tout. »
Et ainsi de suite. Je n’aurais pas l’outrecuidance nécessaire pour prétendre qu’il ne m’intriguait pas, ni même qu’il ne m’effrayait pas, un peu pour le moins. Cela dit, il me fascinait. Il me rappelait une lointaine époque où le vieil homme du village nous racontait des histoires autour d’un feu. 
« Ohé! ‘Diego! Tu joues? »
Perdu dans mes pensées, je n’avais pas vu qu’une partie de carte s’était engagée à ma table. Joueur de métier, je ne pus refuser pareille invitation. Tout au jeu, je ne vis pas l’étranger partir. Je me rappelle m’être dit à ce moment là «Quelle étrange rencontre ». Ho, ça, je ne savais pas encore à quelle point…

La partie fut finie tard dans l’après midi, lorsque le temps se rafraîchit et que les vapeurs d’alcool dansent la farandole dans les esprits. Je remerciais Dame Chance que cette partie ne fut qu’une simple joute amicale, car je n’avais eu presque aucun jeu. Je prenai la porte de sortie, un peu grogi et chancelant sous la pression des moultes bières que j’avais ingurgitées, saluant au passage mes amis et ce brave Michel. Je m’engageai sur le sentier, celui qui longeait le bois. Je marchais ainsi sous la lune, qui éclairait mes pas de sa lueur blafarde, perdu dans les détours tortueux de mes pensées, obstrués par des litres de liqueur. Au Nord, Khaz’Khoradan1 s’illuminait d’éclairs, comme à son habitude. Le crépuscule teintait le ciel de couleur rougeoyante, qui me rappelèrent les yeux de l’étranger.
La nuit me surprit sur la route. Mon logis n’était plus bien loin à présent. Les champs d’orge se trouvaient sur ma droite.
C’est alors que j’entendis. Derrière moi, sur le sentier. Des bruits de sabots. Instinctivement, je me retournai. Un cheval, gris pierre, colla son museau contre mon visage. Ses grands yeux noirs me fixèrent avec curiosité. Je m’écartai de lui, et levai les yeux, pour apercevoir l’étranger. Je m’apprêtais à le héler, lorsque je vis son visage, sombre, le regard fixé sur l’horizon à l’ouest, comme s’il était capable de transpercer le rideau de ténèbre qui s’était étendu sur les champs. Cette face grave et sérieuse m’inquiéta. Sans vraiment savoir pourquoi, je frissonnai. Ne faisait-il pas plus frais, tout à coup? Le cavalier fit pivoter sa monture dans le sens de son regard. J’entendis au loin, l’écho d’un éclair qui descendait en cavalant du versant sud de Khaz’Khoradan.
« La nuit est fraîche, n’est-ce pas? »
Ce fut tout ce que je trouvai à dire. Je me traitai d’imbécile. Il ne me répondit pas, bien sûr. Ce n’était pas dans sa nature. Nous restâmes ainsi encore un moment. Sans que je sache vraiment pourquoi. Peut être aurait-il mieux valu que je m’écartât pour reprendre ma route. Mais le Destin sembait avoir d’autres projets pour moi.
Le cheval renâcla. Je remarquai alors la nervosité contenue dans ses mouvements et gestes. Mon sang se glaça lorsque j’entendis les rires. Des rires comme je n’en avais encore jamais entendu chez aucun homme, ni même femme. Des rires fous, des rires déments, des rires glaçées, des rires démoniaques, des rires effroyables. Il y en avait pleins. Ils provenaient des champs d’orge, et bientôt le sol vibra sous le choc de dizaines de sabots. La nuit était épaisse, je ne distinguais rien. Mon cœur se mit à battre plus fort, alors que s’intensifiaient les rires. Je jetai un regard appeuré en direction de l’étranger. Il restait calme, le regard fixe.
« Vous… Vous entendez, n’est-ce pas? »
Il acquiesça, sans mot dire.
« Qu’est-ce que c’est? Vous savez? 
-Morrrt… 
-Mort? Comment ça mort? »
Il ne me répondit pas. Sur le flanc gauche de sa monture était attaché à la selle un écu de belle taille, dont même la nuit ne parvenait à masquer la blancheur. Nul blason ne l’ornait. L’étranger s’en saisit, calmement, passant sa main griffue au travers des encoche, puis saisissant la poignée métallique. Il prit ensuite une torche, qu’il alluma en frottant la tête huilé sur le plastron de son armure. L’étincelle que cela provoqua embrasa l’étoffe, produisant un fort halo lumineux autour de nous. Il ramassa ensuite le bras vers l’arrière, puis jeta sa torche au loin, en direction des rires. J’observais sont balai aérien, gracieux, avant qu’elle ne termine sa course sur le sol et n’embrase aussitôt l’herbe sèches. Un grand incendi ne tarda guère à se déclarer se propageant à une vitesse folle. C’est alors que je les vis. Ils étaient douze. Douze cavaliers, montées sur des destriers noirs et imposants. Ils avaient l’apparence d’hommes, grands et forts, mais la vérité était tout autre. Sous leurs casques cornus, des crânes aux orbites remplis d’ectoplasmes se tournèrent vers notre position. Malgré cela, ils continuèrent de danser, en effectuant une ronde étrange en lançant leurs montures au galop. Et ils riaient, riaient. C’était épouvantable. Avec la lumière étrange du feu, et la nature tout aussi étrange de ses cavaliers surgits de nulle part, la scène prenait des dimensions cauchemardesques
Je me rappelle être tombé, le séant dans la poussière, en implorant les dieux de me sauver. L’étranger ne voyait pas les choses de cette façon là. Il s’empara de sa longue lance, bien rangée dans une encoche de la selle prévue à cette effet. De sa main protégée par l’écu il prit les rènes, et enfonça les talons dans les flancs de son cheval. Celui-ci hennit, se cabra, puis partit, bravement, vers les apparitions. Aujourd’hui encore, cette image est vive dans mon esprit. Je revois très bien cet étrange guerrier, à l’apparence de démon, levait haut sa lance, en braillant un cri de guerre incompréhensible, mais fort comme le tonnerre, tandis qu’il fonçait vers douze revenants, en armure et équipés de lourdes épées impressionnantes sur fond d’incendie apocalyptique…
Le combat fut terrible. Ils se détachèrent du cercle, un par un, lame au clair, riant comme des diables. Le cheval de l’étranger valsait dans les airs, feintant de droite et de gauche, ruant, tandis que son cavalier balayait les attaques de son bouclier, et jouait de sa lance pour garder ses assaillants en respect. Longtemps, lentement, il les transperça, changeant leurs rires en cris de damné. Aussitôt qu’ils étaient tués, leur corps squelettique tombait en poussière, et leurs montures s’en allaient dans la nuit, hennissant comme des démons.
Et moi je restais sur la route, incapable du moindre geste devant cette scène fantastique. Le combat s’acheva aux premières lueurs de l’aube. L’incendie s’était éteint de lui-même, et, chose surprenante, personne n’était venu pour essayer de l’endiguer. Autour de l’étranger, il ne restait plus que douze petits tas. Douze épées, et douze armures. Grogi, je me relevai avec peine et m’avançai dans les champs dévastés.
« Qui êtes vous? »
Il ne répondit pas de suite. Il restait immobile, fixant le soleil qui se levait à l’Est.
« Argoth… 
-Argoth… Argoth… Qui êtes vous? D’où venez vous? »
Il attendit encore un peu, avant de se retourner vers moi. Il pointa du doigt Khaz’Khoradan, au Nord:
« Chevalllierrrr… 
-Chevalier? Vous êtes Chevalier? »
Je tombai alors au sol, réalisant avec quelle familiarité je m’adressais à lui, puis je lui saisis le pied que je baisai avec force.
« Mille pardons, Messire Argoth. Mille pardons, je ne savais pas. Puis-je faire quelques choses pour vous? »
Comme à son habitude, il prit son temps avant de répondre. Il posa sa main griffue sur ma tête -je ne pus m’empêcher de frissonner à ce contacte.
« Ecuyeerrr… »
Je me pétrifiai soudain. J’avais peur de comprendre. Pourquoi moi, pourquoi si soudainement? Je n’étais nullement noble, ni même bourgeois.
« Moi? Ho, vous m’honorez Messire Argoth mais je ne peux, mon sang n’est pas bleu et je… »
Il siffla alors, comme un lézard, mais en plus fort. Comme je devais l’apprendre par la suite, cela indiquait qu’il n’en avait cure, et que cela l’agaçait. Je m’arrêtai donc de babiller, et je commençai à réfléchir. Ce qui m’arrivait était étrange. Mais d’un autre côté cela pouvait s’avérrait salutaire. Comme je l’ai dit un peu plus haut, j’étais à l’époque sous la pression de plusieurs brigands locaux à qui je devais des dettes que je n’étais en mesure de payer. Et par conséquent je pouvais fort bien me retrouver le soir même avec une flèche plantée entre les deux yeux.
Je considérai donc ma position, et après avoir assisté à ce combat, nul doute n’était permi quant à la force de ce Chevalier. Il pouvait m’offrire protection, et son titre nous permettrait de ne jamais manquer de rien. Et à la première occasion, je pourrais fuir et recommencer ma vie ailleurs.
Du moins, c’est  ce que je me disais à ce moment là. Je ne pouvais saisir la portée de ma réponse; je ne savais encore rien de ce qui nous attendait. Ainsi, je répondis:
« Comme vous le souhaitez, Messire Argoth, je vous suivrais, en qualité d’Ecuyer  »
Dieux, si j’avais sû.
 

________________
1:   C’est ainsi que les habitants du Haut-Pays nommait la Chaîne de L’infini en langue ancienne. Littéralement : Les Pics du Foudroyeur.

Ganon d'Orphée:
Je viens de finir de lire et ne t'attends pas à un commentaire, car je n'ai ni le talent de Pdc ni celui de Nehëmah, mais à un compliment. Car véritablement autant le texte est remarquablement bien écrit (je n'en attendais pas moins), autant l'histoire est intéressante et le dessin jolie (il est de qui d'ailleurs ? de toi ?), autant ce que je préfére c'est presque la préface et tes quelques mots sur l'histoire avant le texte x-D

Je suis épaté par ce monde magnifiquement ancré dans son histoire propre, sa géographie propre, ses héros et ses "mauvais", sa littérature, ses langues même !!!

Le fils de Tolkien, Sainteté de la Plume, serait-il parmi nous ? ;)

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