Auteur Sujet: La Tour du Rouge : [Random | Très court] Sans titre #1  (Lu 97150 fois)

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Hors ligne Great Magician Samyël

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #45 le: dimanche 14 octobre 2007, 12:38:58 »
Hohoho, je suis de retour! :niak:

Bon, tout d'abords, je vous donne une bonne occasion de relire l'ensemble du Cycle, étant donné que toute l'histoire, depuis le premier chapitre (Dieu, ça commence à remonter!) jusqu'à maintenant a subit un gros lifting orthographique! Bon, il doit surement en rester pas mal, mais une très très grosse partie, essentiellement des fautes de frappes, d'inattentions, ou simplement de pure connerie de ma part a été corrigée! :niak:

Voilà! Je pense que ça lui a fait du bien à ce cher Cycle ^^ Tout cela pour fêter ses 50 pages word! Enfin, bientôt, je n'en suis qu'à 48 pour le moment ^^

Nehëmah==> Ca me fait plaisir de te revoir dans le coin, j'attends tes commentaires au tournant donc :niak:

PdC==> ho oui <3 Content que ce chapitre t'ai autant plu^^ Mais bon, pour le parachèvement du Cycle, tu as encore le temps :siffle:

Hé oui, le petit magicien trace doucement son petit bonhomme de chemin. Les voiles d'un bateau le conduise à présent vers le Continent si redouté...

Mais voyez plutôt ça vous même dans la fin du chapitre 14, le plus long à ce jour étant donné qu'il fait 10 pages word! :) Bonne lecture!

EDIT: et c'est donc moi qui inaugure la 4ème page de la Tour ^o^



__________________

Chapitre 14 :
Mon nom est Zackary, je suis magicien. (2ème Partie)


Le capitaine empocha les pièces avec un regard avide.
-Très bien, nous partons dans quelques instants, il y a des cabines à l'arrière, si tu désires t'isoler où déposer ton barda.
Samyël le remercia d'un signe de tête en raccrochant la bourse à sa ceinture. Il se rendit au pont inférieur, trouva une cabine libre et y stocka ses affaires -arc, épée, sac et carquois. Il se frotta le cou en pensant à ce qui l'attendait sur le Continent. Une certaine anxiété lui nouait les entrailles, il ne savait pas pourquoi. C'était toujours comme ça avec le Continent. Il n'y faisait plus attention; il s'y était habitué avec le temps.
Samyël regarda par le petit hublot. Il ne voyait rien pour l'instant, à part les petits docks de Gontarion. Il était assez excité à l'idée de partir en mer. C'était sa première fois, et il se demandait ce que cela faisait. Sentir le roulis sous ses pieds, l'air marin sur son visage...
C'est en songeant à tout cela qu'il remonta sur le pont. Des hommes finissaient de charger les marchandises que le bateau passeur acheminerait jusqu'à Port-Ebène. Il n'y avait pas beaucoup de passager en plus de lui, peut être cinq en tout. Mais le bateau n'était pas bien grand non plus, ce petit nombre de voyageur arrangeait donc le capitaine. Selon ses dires, la traversée durait environ trois heures, avec un bon vent arrière. Et justement, une brise venue du sud soufflait depuis les hauteurs de l'île.
"Tout semble être fait pour que j'aille sur le Continent", pensa Samyël tandis que la caresse du vent effleurait son visage.
Il laissa son regard vagabonder dans le bleu étincelant de la mer. A quelques kilomètres plus au nord, perdu dans sa brume, le Continent étendait sa sombre masse partout à l'horizon. C'était une vision impressionnante pour qui n'y était pas habitué.
Samyël ferma le poing. Il était prêt. Il l'avait toujours été.

   
-Dit Jorge, t'y crois toi, à ces histoires de fantômes?
-Pff, bien sûr que non. Ce ne sont que des racontars de marins ivres. Ne te prend pas le chou avec ça.
-...
-Il n'y a rien qui se ballade sur ces mers hormis des vaisseaux composés d'équipage humains rentre toi bien ça dans le crâne.
-Oui, mais comment expliques tu la disparition de l'Intrépide II le mois dernier?
-Un tempête les aura surpris et ils se seront échoués un peu plus loin sur la côte; ce sont des choses qui arrivent.
-Oui, mais quand même! Quatorze navires en un an. Ça fait beaucoup, rien que pour Port-Ebène.
-Bon écoute Tom. Tu commences à me chauffer les oreilles avec tes prétendus fantômes. Si tu as si peur que ça, tu ferais mieux de rentrer chez tes parents et cultiver tes patates.
Samyël, accoudé au bastingage, observait le lent balai des mouettes criardes en écoutant la conversation des marins d'une oreille distraite. De quoi parlaient-ils?
-Mais je te jure que c'est vrai! C'est le fantôme du vieux Barbu, il est revenu hanter les mers pour se venger.
-Et qu'est-ce que tu en sais toi? Tu l'as vu?
-Non... Mais je le sais!
-Mais oui, et moi je suis la grande tante de l'oncle du roi.
-Fais le malin, mais tu rigoleras moins quand tu l'auras en face de toi...
-Tu vas trop loin dans tes propos, fais attention ou tu pourrais le regretter...
-Ha! Ca prouve que tu y crois toi aussi.
-Ca ne prouve rien du tout. Mais tu sais très bien qu'il n'est jamais bon de parler de malheur sur un navire... Aller, aide moi plutôt avec ce cordage, au lieu de fabuler...
L'autre marin, Tom, grommela quelque chose mais s'exécuta.
Au fur et à mesure que le temps passait, le Continent se faisait de plus en plus précis. Ils ne tardèrent d'ailleurs pas à entrer dans la chape de brume qui entourait ses côtes.  Le silence se fit sur le pont, et les marins s'activaient sans un bruit.  Le Continent avait disparu de la vue de Samyël, caché par le brouillard qui ondulait doucement sur l'eau. L'apprenti magicien avait l'impression de se trouver au coeur d'un monde devenu entièrement gris.
-Impressionnant n'est-ce pas?, dit soudainement le capitaine, qui s'était rapproché discrètement, rompant par la même l'aphonie générale.
-Oui, très, répondit Samyël sans même se retourner.
-Il n'est pas courant de voir une personne de ton âge se rendre sur le Continent.
-Je le sais.
-Puis-je te demander ce que tu vas y faire?
-Je me rends à Arendia.
-Dans quel but?
-Je... Je souhaite m'enrôler dans l'armée, mentit le jeune garçon, tandis que la mise en garde de Rirjk lui revenait à l'esprit.
-Hum, intéressant....
-Dites, qu'est-ce qu'on entend là?
-Ce n'est rien, sûrement une mouette. Avec cette purée de pois le bruit de leurs battements d'aile est amplifié, n'y fais pas attention. Tu as de la famille sur le Continent?
-Non. Du moins, je n'en ai pas connaissance.
-Dans tous les cas, sois prudent. L'Arch'Land n'est plus ce qu'il était, depuis le début de cette guerre... Surtout, ne dis jamais quelque chose qui pourrait s'apparenter à un blasphème pour ces foutus fanatiques, ils y verraient une bonne occasion de...
Voyant que le capitaine ne semblait pas vouloir continuer sa phrase, Samyël se retourna vers lui dans le but de le lui enjoindre. Ses yeux s'agrandirent alors d'horreur et de stupeur; sa bouche s'ouvrit sur un cri tandis qu'un liquide chaud s'éclaboussait sur son visage. Il tomba à la renverse.
Là où quelques instants plutôt se trouvait le Capitaine, il n'y avait plus qu'une paire de jambe. Toute la partie supérieure du corps avait disparu, sectionnée proprement à partir du bassin.  Un mini geyser de sang s'échappait de la plaie béante, et les membres, encore crispés, restaient debout. Samyël contemplait cette vision de cauchemar sans comprendre, et les souvenirs de la chose qui l'avait poursuivi dans la forêt un soir lui revinrent en mémoire. Samyël les entendaient. Les battements réguliers d'ailes géantes, cachées dans la brume. A quoi pouvaient-elles bien appartenir?
Les jambes de feu le capitaine partirent en arrière, lentement, comme dans un rêve. Lorsqu'elles touchèrent le pont dans un bruit mat, un cri perça le brouillard. Une main déchiquetée voltigea dans les airs, tournoyant sur elle même, et vint s'écraser sur Samyël. Le jeune homme la repoussa au loin avec dégoût, puis la peur franchit une fois de plus la barrière de son esprit. Ses yeux se changèrent en deux pupilles démentes qui cherchaient frénétiquement un endroit ou se réfugier. Un rire nerveux le parcourut alors qu'il rampait dans les entrailles et l'hémoglobine du capitaine.
Tout était calme sur la mer. L'on n'entendait que le vol de créatures inconnues, et les lamentations des mourants. Mais tout allait bien. Oui, tout allait bien. Il allait se cacher derrière cette caisse, là, puis il se recroquevillerait, la tête dans les genoux en attendant que cela passe. Une mauvaise passade, voilà tout. Ce n'était qu'un songe, non?
Une corne de brume résonna dans ses oreilles, mais le son était flou, indistinct. Il crût entendre des rugissements, ponctués d'hurlement d'agonie. Mais ce n'était pas son problème.
Samyël les entendaient, les choses. Il ressentait leurs pas lents et lourds à travers le bois du pont. Il entendaient leurs grandes ailles battrent en rythme.
Une main attrapa son mollet. Il leva les yeux et son regard rencontra celui d'un homme dont la peau de la partie gauche du visage avait été arrachée, laissant l'oeil pendre au bout du nerf, inerte. Le marin semblait lui dire quelque chose. Mais Samyël se refusait de l'écouter. Pourquoi venait-il l'importuner? Soudain, une forme sombre apparut au dessus du blessé. Deux petites flammeroles rouges, semblables à des yeux, étaient fixées sur lui.
Samyël aimait bien le rouge. C'était une jolie couleur. La même couleur que le liquide qui forma une traîné lorsque l'inconnu fut tiré de force dans la brume.
Samyël se mordilla le pouce en remuant d'avant en arrière. Il entendait des tambours quelque part. C'était peut être son coeur. Il battait vite. Il ria de nouveau. C'était un joli son.
Des échardes de bois lui tombèrent dessus. Il ne s'en rendit pas compte. Ce sera bientôt finit de toute façon. Il n'y avait plus beaucoup de cris.
Et puis soudain, ils n'étaient plus là. Repartis dans les brumes de la mer. Envolés.
C'était fini, enfin.
Samyël s'autorisa un sourire. Une goutte de sang coula le long de son pouce. Il agita sa main afin d'atténuer la douleur. Puis il se releva. Il y avait des gens par terre, beaucoup de gens. Et puis le pont était rouge, tout  rouge. Comme ses cheveux. Oui, ses jolis cheveux...
Et il rit.
Et rit encore.  

Il ouvrit les yeux doucement. Face à lui s'étalait l'infinie bleutée du ciel. Et sous lui un sol instable, tangible. Il sentait l'iode et l'odeur de la mer. Il voyait les mouettes qui volaient là haut, en criant joyeusement. Le vent était calme, doux.
Samyël se mit sur son séant, l'esprit encore embrumé par la sieste qu'il venait de faire. La surprise s'inscrivit sur son visage lorsqu'il constata qu'il était au beau milieu de l'océan. Sur une petite barque. Son épée, son arc, son carquois et son sac traînaient sur le fond plat. Mais que faisait-il là? Il fronça les sourcils. Que s'était-il passé? Il se rappelait avoir pris le bateau à Gontarion. Puis il y avait eu le voyage, et le Capitaine qui était venu le chercher. Et une légende, sur un certain Barbu. Mais au delà, le vide mémoriel.
Finalement, il haussa les épaules. Il avait sûrement du chuter dans l'escalier menant vers le pont inférieur, et le choc l'aurait assommé, provoquant par la même une petite amnésie. L'équipage, paniqué, aurait cru qu'il était mort et l'aurait mis à l'eau. C'était sûrement ça, il ne voyait pas d'autres explications. Mais c'était curieux qu'ils aient mis ses affaires dans la barque. Avec des rames qui plus est. Et puis, pourquoi avait-il les mains pleines de peinture rouge?
-Etrange journée, souffla-t-il en s'étirant.
Il bâilla à s'en décrocher la mâchoire, puis se retourna afin de voir s'il était proche de la côte. Sa bouche resta grande ouverte, et ses yeux s'agrandirent d'émerveillement.
Face à lui, s'étalant dans l'horizon de toute leur verdoyante splendeur, les côtes Continentales. Il se trouvait à trois ou quatre kilomètre du cap d'Ebène, mais il distinguait au premier plan l'immense cité de Port-Ebène, le plus grand carrefour maritime et commercial du monde, après Arendia. Samyël pouvait voir les centaines de navires, goélettes, galions, frégates et caravelles qui mouillaient dans les eaux du port, avec leur florilège de voiles bariolées. Plus loin, il apercevait la grande plaine de l'Arch'Land, et ses forêts géantes. Et encore plus au Nord, les deux embouchures Est du fleuve Nyr.
Cette vision avait quelque chose de magique et de rassérénant.  Les angoisses liées au Continent avaient disparues. Seul restait un sentiment d'extase et d'excitation.
Sans attendre une minute de plus, il saisit les rames et les mit en mouvement afin de se rapprocher des quais du port. Le vent charriait déjà jusqu'à lui les effluves des docks où l'on déchargeait les précieuses marchandises, venues de tous les coins de l'Arch'Land: épices, herbes aromatiques, armurerie, étoffes, oeuvres d'arts, nourriture, bois, acier, pierres précieuses, or et la liste était longue encore. Un énorme navire fendit les eaux en longeant la petite barque de Samyël. Celui-ci observa le béhémot de bois et de cordages, admirant sa voilure colorées, sa figure de proue en forme de femme aux jambes de poisson, et les fiers guerriers en armures rutilantes qui se tenaient alignés le long du bastingage.
Dieux, que c'était impressionnant.  

-Salutation Messire.
Samyël finit d'enjamber le rebord de sa barque afin de prendre pied sur les quais. Il récupéra ses affaires dans la foulée puis se retourner vers son interlocuteur. C'était un petit homme d'âge mur, vêtu d'une toge orangée; il tenait un parchemin dans sa main droite, et une plume dans la gauche. Un jeune garçon le suivait, transportant une bouteille d'encre.
-Salutation, Monseigneur, répondit l'apprenti magicien en s'inclinant légèrement.
-A l'entente de votre accent, je déduis que vous n'êtes pas Arkandéen (c'est ainsi que l'on nommait les habitants de l'Arch'Land), mais Solanéen, est-ce exacte?
-Effectivement.
L'homme esquissa un petit sourire, tout en restant extrêmement courtois, chose qui étonna Samyël, du fait de la grande différence d'âge qu'il y avait entre eux.
-Êtes vous au courant des lois sur le mouillage en vigueur dans ce port?
-Et bien... Je crois que non.
-Laissez moi vous expliquez, si vous le voulez bien.
-Je vous en prie.
-Merci. Afin de contrôler le trafique maritime, je suis dans l'obligation de vous demander nom et prénom.
-Je m'appelle Samyël. Mais je n'ai pas de nom.
-Orphelin?
-Oui.
-Que venez vous faire en Arch'Land?
-Je me rends à Arendia.
-De la famille?
-Une formation.
-Quel genre?
-Militaire.
Au fur et à mesure de leur dialogue, le commissaire Docker, tel qu'on les appelait, prenait des notes sur son parchemin.
-Je vais devoir prélever de votre pécule une taxe sur le mouillage de votre embarcation.
Le jeune garçon se retourna, et regarda son "embarcation" en se grattant la tête.
-Heu... D'accord. Combien vous dois-je?
-Tout dépend du temps que vous souhaitez laisser votre esquif ici.
-Et bien justement, je ne souhaite pas le conserver. Je continuerais mon voyage à pied.
-En êtes vous sûr? Le chemin est long jusqu'à Arendia.
-Je le sais, je suis résolu.
-Bien. Dans ce cas je suis autorisé à vous racheter votre bien, au nom de Port-Ebène, si vous le désirez.
Le commissaire sortit une petite bourse des manches de sa toge, et y prit une trentaine de piécettes en argent, tout en comptant à voix haute.
-Voilà ce que je peux vous en donner.
-Vendu, annonça Samyël avec un sourire tout en empochant la monnaie.
-A présent si vous voulez bien m'excuser...
L'homme s'inclina puis reprit sa route, toujours accompagné de son jeune page.  

Les enfants le regardaient d'un air émerveillé. Leurs petites bouches béaient d'un trop plein de joie.
Le vieil homme envoya la flamme dans les airs. Puis de l'autre main, il en fit jaillir une nouvelle. C'est ainsi qu'il commença à jongler avec le feu. Les bambins qui faisaient office de spectateurs battaient la cadence avec leurs minuscules mains potelées. Les adultes regardaient de loin. Leurs visages étaient sombres.
Magie, Blasphème.
Zackary lança alors les boules, l'une après l'autre, au dessus de sa tête. Puis il ouvrit grand la bouche, et les avala, une par une, sous les applaudissements et les rires de sa jeune assistance.
-Merci, messeigneurs, vous êtes trop bons envers moi, ria Zackary en s'abaissant dans une parodie de salut. Pour mon prochain tour, j'aurais besoin de l'aide de l'un d'entre vous. Qui est intéressé?
Des dizaines de mimines se levèrent à l'unisson à grand renfort de cris d'excitation.  Le vieil homme sourit devant la fougue de la jeunesse et en choisit un au hasard.
-Viens, approche. Voilà. Comment t'appelles-tu?... Ian? Très bien. Regardez bien les enfants. Dans un instant je vais faire...
-Pas un geste de plus, engeance!, cria soudainement quelqu'un à l'autre bout de la place.
Zackary releva la tête. C'étaient deux hommes, deux soldats. Ils portaient la livrée immaculée du Corps Expéditionnaire. L'un tenait fermement une hallebarde étincelante à bout de bras, et l'autre pointait sur lui une arbalète peu engageante. Sur leur visage se lisaient une colère intense et une détermination sans faille. En quelques secondes, le silence se fit sur la place, les gens regagnaient leur maison ou l'auberge la plus proche, afin d'assister à la scène bien tranquillement. Les mères avaient rappelé leurs enfants.
-Allons bon, qu'est-ce que c'est encore?, grommela le vieillard.
-Ne fais pas un seul geste, où nous n'hésiterons pas à faire feu! Lève les mains bien haut, et pas d'entourloupe ou on te tire comme un lapin. Voilà, c'est très bien.
Les deux miliciens s'approchèrent doucement, méfiants. Zackary les regarda approcher sereinement. Que lui voulaient-ils?
-Où est votre bâton?, demanda le hallebardier quand il fut suffisamment près.
-Mon bâton, quel bâton?
-Ne faites pas le malin avec moi, démon!
-Mais qu'est-ce que vous me voulez à la fin?, s'écria le vieil homme en pointant son index.
Les deux soldats, visiblement à cran, prirent ce geste anodin comme une incantation. Ils prirent peur. Le manche de la hallebarde cogna violement contre la tempe gauche de Zackary, qui s'effondra sur le sol en gémissant. Une botte vint le frapper au visage tandis qu'une main le saisissait au collet pour le remettre à genoux. Le vieillard, sonné, se laissa faire.  
-Comment oses-tu encore te montrer? Hein? , lui cria l'homme à l'arbalète en lui pressant l'arme sur le crâne.
Le vieil homme releva la tête et ouvrit la bouche pour parler...
-Grand père?
Deux mains s'abattirent soudainement sur les épaules de Zackary. Les yeux de ce dernier s'agrandirent de surprise. Les soldats sursautèrent et levèrent leurs armes. Un étrange gamin aux cheveux rouges s'était approché sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Le nouveau venu fixait le vieil homme avec un regard où l'on pouvait lire la colère.
-Grand père! Qu'est-ce que tu as encore fait? (Il leva les yeux vers les deux miliciens) J'espère qu'il n'a pas causé de problème à quiconque?
-Que... Mais... Qui...
L'homme à l'arbalète reprit ses esprits et braqua son arme sur le petit fils présumé.
-Silence! Tu es un parent de ce monstre, de ce... magicien! Donc tu en es un aussi!
Les yeux du garçon d'agrandirent de surprise à leur tour, puis il éclata de rire, à tel point qu'il se tint par les côtes. Les deux missionnaires se regardèrent, décontenancés.
-Allons messeigneurs, ce vieux débris n'a pas une once de magie en lui. Vous savez, il se fait vieux, (en chuchotant) et entre nous je crois qu'il n'a plus toute sa tête. Il a besoin de se faire remarquer.
-Quoi?, s'insurgea Zackary en tentant de se relever mais il se fit remballer par son petit fils.
-Papy, je t'en pris. Je crois que tu as fait suffisamment de bêtises pour aujourd'hui. On ferrait mieux de rentrer, mamie doit s'inquiéter.
Le vieil homme grommela quelque chose mais se releva docilement.
-Messieurs...
-Attend petit.
-Qui a-t-il?
-Que fais-tu, équipé comme tu l'es?
-Je... Heu... Je...
-Fi dieux garnement! Tu n'as donc pas encore été revendre cette antiquité chez le marshal ferant? Et tu iras te débarrasser de fichu arc, tu sais très bien que je n'aime pas que tu joues avec ce genre de chose!
-Mais, Papy! C'est oncle Bill qui me l'a offert le mois dernier!
-Je n'en ai que faire, tu fais ce que je te dis! Fils de malappris!
-Je le dirais à mamie, et elle te grondera!
-Quoi? (Zackary saisit son petit fils par l'oreille) Tu oses me menacer?
-Aïe, arrête, tu me fais mal!
-Stop!, cria alors l'arbalétrier. C'est bon, circuler! Mais que nous n'ayons plus d'ennuis avec vous, ou vous y aurez bon. Vu?
-Vu.
-Vu.
-Très bien. Maintenant, disparaissez.
Petit fils et grand père ne se le firent pas dire deux fois, et ils prirent le large. Ils traversèrent un dédale de rues et d'avenus, avant de finalement se stopper sur une place bondée de monde.
-Merci, jeune homme. Je crois que je te dois une fière chandelle, fit le vieil homme, en reprenant son souffle. Comment t'appelles-tu?
-Samyël.
-Samyël...
Une lueur étrange passa dans les yeux du "grand père", qui disparut aussitôt.
-C'est un nom peu courant. Mais il est beau, soit en fière.
-Ne vous inquiétez pas pour ça... Et vous, qui êtes vous?
-Mon nom est Zackary, je suis magicien. Enchanté, jeune Samyël.
-Magicien?
Le jeune homme sourit et secoua la tête.
-Je comprends mieux pourquoi vous avez eu des ennuis. Si vous mentez à tout bout de champs sur un sujet aussi sensible...
-Je ne mens pas. Ce n'est que vérité, répliqua Zackary sur un ton sec.
Samyël leva les yeux vers son nouvel ami, et révisa son jugement lorsqu'il aperçut les flammes qui dansaient dans les yeux du vieillard avant de disparaître aussi vite qu'elles n'étaient apparues.
-Que? Mais... Vous... Je veux dire vous êtes vraiment...
-Certes il m'arrive de fabuler par moment, mais jamais je ne masquerais cette vérité. Pourquoi un homme devrait craindre de vivre car il est ainsi fait?
Il retrouva son sourire habituel.
-Mais pourquoi n'avez vous rien fait tout à l'heure?
-Hum... Qui sait? Peut être ne suis-je pas vraiment ce que dis être. Et puis après tout, je me fais vieux, je n'ai probablement plus toute ma tête, conclut-il sur un clin d'oeil entendu.
Samyël sourit.
-Mais vous avez encore l'esprit vif.
-Il est vrai. Il le faut, de nos jours.
-Que comptez vous faire à présent?
-Hum, j'avoue que je ne sais pas trop. Je vais où mes pas me guident, sans trop réfléchir. Je ne sais de quoi sera fait demain, mais cela me va très bien.
-Dans ce cas, je veux que vous m'enseigniez.
Zackary le regarda d'un air étonné.
-Que veux-tu que je t'enseigne?
-Les Arts, bien sûr, murmura Samyël tandis qu'un petit globe lumineux naissait dans sa paume, pour mourir aussitôt.
-Ho. Je vois. Très intéressant. Ainsi il reste encore de l'espoir pour nous autres.
-Il semblerait.    
-Très bien, jeune Samyël. Tu m'as convaincu, j'accepte. Tu te rendais quelque part, je me trompe?
-Non. Je vais à Arendia.
-Hum... C'est un long voyage. Quel en est le but?
-Je veux entrer à la Citadelle.
-Parfait, ainsi il en sera. Le chemin vers la capitale est long, et pendant ce voyage je m'attellerais à te préparer pour tes études. Sais-tu te servir de ton épée?
-Malheureusement non...
-Dans ce cas je t'apprendrais aussi. J'étais bon escrimeur dans ma jeunesse...
-Vraiment?
-Oui oui, je ne suis pas un aussi vieux débris que tu ne le penses.
-Excusez moi, je ne voulais pas vous insulter je...
-Silence. Ce n'est rien, "fiston", le coupa Zackary avec un nouveau clin d'oeil. Mais sache que je me montrerais un professeur sévère et intrangisant.
-Cela me convient parfaitement. Combien de temps dure le voyage jusqu'à Arendia?
-Ho, environ six mois à pied, je dirais, en gardant un rythme moyen. Ce qui nous laisse amplement le temps. Il y a quelque chose qui m'intrigue chez toi.
-Oui?
-D'où te vient cette étrange teinte des cheveux?
-Je n'en sais rien. Même mon grand père n'a jamais su me répondre.
-Je vois... Ba, sûrement un caprice de dame nature. Tu as de la chance, à ce qu'il se dit, le rouge est à l'honneur chez les dames Arendiennes. En te débrouillant bien, tu pourras passer les nuits d'hiver bien au chaud.
Zackary lui adressa un petit sourire malicieux.
-Bien, assez bavasser. Va donc m'acheter une lame pour l'entraînement. Puis nous nous mettrons en route. La Nord nous attends, jeune apprenti!


___________________

Et c'est ainsi que ce clos la deuxième partie du Cycle. Que de chemin parcouru déjà... ^^ Et moi je vous dis à la prochaine!

Hors ligne Prince du Crépuscule

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #46 le: dimanche 14 octobre 2007, 16:01:20 »
Rends-nous Rirjk! On en veut pas de Zackary, ce vil usurpateur! >.<

Non, plus sérieusement je vois quez la tradition des vieux mages, enseignant à un jeune élève plein de promesse se perpétue. Je l'aime déjà ce bon vieux Zackary, (à part son nom, j'aime pas Rirjk c'était mieux m'enfin bon ^^') et à chaque fois que je rencontre un vieillard magicien comme ça, il me fait penser à Zeddicus Zull Zorander, plus communément nommé Zedd dans un cycle qu'il me semble que tu connais. ;)

En tout cas, quand je parlais de parachèvement dans mon autre commentaire, je parlais évidemment de la finition de la deuxième partie, et non du cycle en lui-même! Oh non quelle idée, j'en suis horifié! Quer ce cycle perdure et vive très très longtemps, pour nous émerveiler encre et toujours. ^^ (Vive le Roi! lol) Que dire sinon que cette partie se clot sur de nouvelles données, sur de nouveaux personnages, sur une nouvelle aventure, un tout nouveau souffle? J'attends la troisième avec on ne peut plus d'impatience, mêlée d'excitation quant à savoir ce que notre cher Samyël deviendra. J'ai dans l'idée que ça me plaira autant sinon plus, si c'est possible. Bref, en tout cas cette deuxième partie de chapitre était vraiment excellente, et malgré sa longueur, ton talent et ton habileté narrative permettent de se fondre très rapidement dans l'histoire et de toujours vouloir tourner la page, même quand on ne peut plus hélas. Ce tournant dans ta fabuleuse fiction méritait bien l'un de mes commentaires. ^^

La première partie avec ces monstres marins était un peu confuse à mon sens, néanmoins j'ai beaucoup aimé, ça clôt parfaitement le long épisode de la vie de Samyël sur Solanéa, l'île plus si paisible que ça en fin de compte. Après, la rencontre avec le vieux Zackary était des plus intéressantes, j'ai vraiment apprécié la manière dont tu as amené ce personnage, à nous le faire découvrir puis à partager la quête de Samyël. J'attends de voir ce que ça rendra et la façon dont Zackary officiera à ses côtés, mais voyons que dire... Patience! ;)

Bravo pour ce merveilleux cycle et cette deuxième partie qui se termine sous les meilleurs hospices possibles, (je parle de la qualité bien entendu ^^) déjà presque 50 pages! Tu as toutes mes sincères félicitations pour cet avènement, et que l'inspiration ne te quitte jamais, continue ainsi cher Mage Vermeil! :)


Yuan du pays de l'amûr tûjûrs

Hors ligne Nehëmah

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #47 le: dimanche 21 octobre 2007, 11:45:24 »
On est parasite ou on ne l'est pas :niak:

Quoiqu'il en soit je n'allais pas t'abnadonner comme ça hu hu.
Que dire ? Cette deuxième partie se clot avec un nouveau début. L'intrigue est relancée sur trois points :

Le premier point et le plus évident est bien entendu l'arrivée sur un nouveau continent, qui implique donc de nouvelles péripéties et sûrement l'intrusion dans le vif de l'intrigue. Cela implique évidemment de nouvelles rencotnres.

Le deuxième point est donc de nouveaux personnages, avec ce Zackarry un peu sénile et téméraire, plutôt paradoxal d'ailleurs cette caractéristique chez un vieil homme. En tout cas ce nouveau maître doit avoir des choses grandioses à lui apprendre, on peut s'attendre à un Samyël de plus en plus costaud. Seulement avec cette longue route de 6 mois j'ai peur d'une chose : c'est que tu choisisses de la développer au lieu d'en faire une ellipse. Bon, je m'explique, la développer pourquoi pas, mais si ce n'est que de l'entraînement, je préfère autant l'ellipse à moins qu'il n'y ait des choses importantes concernant l'intrigue. Mais bon, je pense que tu feras le bon choix. Après tout entre la partie une et deux plusieurs années avaient été éludées.

Le troisième point et le plus important pour moi, au final, c'est la psychologie de Samyël. Depuis sa jeunesse, le garçon enchaîne les difficultés morales, orphelin en bas âge, mort de son grand-père à 8 ans, mort de Rirjk à 13 ans, puis finalement devoir s'assumer tout seul... Avec sa fascination qui lui a toujours vallu du désespoir pour les arts diaboliques... La psychologie de notre petit magicien s'en trouve considérablement affligée. Le passage du bateau en est l'exemple même. La confusion du passage n'est que le reflet de la confusion de son esprit (ensuite je sais pas si tu l'as fait exprès mais sur le plan symbolique, ce passage maritime, d'une petite île à un grand continent sur un océan mouvementé, perturbé, on peut l'interpréter comme des problèmes d'ordres affectifs et le signe que son périple pour devenir adulte sera sans douté complité).
Bref, un petit mage qui s'enfonce toujours plus dans la folie. Je prends exemple sur un certain Arthas de Warcraft 3, mais ne sommes-nous pas en train d'assister à la montée en puissance d'un personnage pourtant attachant mais qui au final pourrait devenir une menace pour ce monde ? Ceci n'est que supposition de ma part mais j'y crois dur comme fer :niak:

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #48 le: lundi 05 novembre 2007, 13:51:45 »
Arf, que ferais-je sans mes deux commentateurs préférés? :love: Pas grand chose je pense :niak: En tout cas, merci à vous deux de toujours suivre mon Cycle, ça me fait plaisir! ^^

PdC==> >_<" Mayheu, il est pas vieux Rirjk, il n'a que 37 ans : ) Ha, ce bon vieux Zedd, d'ailleurs on va bientôt le retrouver, vivement le 15 : ) Et oui, 50 pages, que de chemins parcourrus (avec toi à mes côtés depuis le début en plus :love: )Mais plus encore se trouve devant moi, et je compte bien finir ce voyage! Merci encore pour tes commentaires!

Nehëmah==>Bien sûr que je vais faire une ellipse, ça me brouterait d'écrire six mois d'entraînement XD M'enfin, vous verrez bien^^ Arf, tu as l'art de me percer à jour :love: Effectivement la psychologie de Samyël a prit plusieurs coups durs, je crains pour sa santé mental. Arthas? Peut être, qui sait? :love: Affaire à suivre donc, je n'en dis pas plus :niak: Enfin, continue de parasiter cette chère tour, ça lui fait du bien :niak:

Tout d'abords, je tiens à préciser que ce post n'annonce pas mon grand come-back. Je reste toujours dans ma retraite internet, comme un hermite.

Je n'ai pas non plus de suite Cyclique à vous fournir, honte sur moi. La Deuxième Partie étant close, je prends un peu de recule par rapport au Cycle, de manière à bien réfléchir à la suite, pour donner le meilleur de moi même. J'en profite également pour écrire une oeuvre annexe. Une oeuvre qui vient se placer dans la Séquence Avatarienne, qui relate l'histoire de quelques grandes figures, vues ou non, de l'histoire du Continent. Ceci se passe donc dans le même monde que celui dans lequel évolue Samyël, mais à différente époque.

La première de ces oeuvres, Le Chevalier Argoth, prend place dans l'Age Sombre qui précède l'Avénement du grand roi Aegir. Un âge dont on ne sait presque rien, et pour cause, seules nous restent de cette période des fables ou des légendes, rien de bien précis. La plus fameuse de toutes, est bien entendue la Geste du Chevalier Argoth, écrite par l'Aventurier Sandiego Di Cadeço à son retour de voyage, et qui fera du Chevalier Argoth la figure la plus populaire du Continent, jusqu'à l'arrivée d'Aegir.

Je vous laisse donc découvrir ce début, dont j'espère que vous me direz des nouvelles...

Petite précision : Au moment où s'achève la deuxième partie du Cycle, nous sommes en 1678 du calendrier Continental. L'année 1632 correspond à l'arrivée au pouvoir d'Arabéus Ier, en Arch'Mark.
Le Haut-Pays se situe dans l'Est du Continent. Cependant, ne vous reportez pas à la carte du premier post, elle n'est plus d'actualité. Une prochaine version bientôt, j'espère... ^^


_____________________

La séquence Avatarienne

I - Le Chevalier Argoth :


Introduction.

Ce qui suit est une copie du Manuscrit « Aroogway Dëo’Darak » [Le Chevalier Argoth], écrit par l’aventurier Sandiego Di Cadeço, accusé à titre posthume de Blasphème et de démence, en l‘an 1633. Ledit manuscrit fut donc brûlé lors de la grande Autodafé de l’Arch’Mark en l’an 1634 du calendrier Continental. Il fut écrit durant l’Age Sombre qui précède l’avénement d’Aegir. Cependant, certaines incohérences historiques semblent indiquer que ce récit ne serait rien d’autre qu’une fable. Ce que semble approuver l’Archimage Cantalor dans son « Traîté d’Histoire Continentale ».

Ce présent document est la dernière copie du Chevalier Argoth, conservée en l’Enclave des Mages de la Citadelle. Merci de le restituer de suite après lecture, en prenant bien soin d’y laisser cette page de garde.

Grimh.




I/ L’épée du Chevalier. (Première Partie)

Il est arrivé un jour d’été, lorsque le Soleil était haut.

Je me trouvais en l’auberge du Cor Argenté, qui tirait son nom de l’instrument qui ornait la robe de la cheminée. Un fort joli instrument, d’ailleurs, que je me plaisais à regarder. L’on dit de lui que sa musique divertit les Dieux eux-même, tant son son est limpide, fluide, et joyeux, à l’image des crus du Printemps. A ma table se trouvaient quelques uns de mes amis proches, avec qui je partageais bières et ragots. L’un d’eux racontait comment sa femme avait trouvé, sous la fenêtre de leur maison, un corbeau, noir comme le jaie, raide mort. En prononçant ces mots, il fit le signe qui éloigne le mal.
« Je vous jure, gros comme ça. Avec des yeux rouges, petits et sournois, qui la fixait comme la mort, la Martine. Aussitôt, elle a crié, et j’ai bien entendu accouru. Mais que pouvais-je faire? J’ai cloué la tête de l’animal sur ma porte. J’espère que cela suffira pour tenir les démons à l’écart.
-Je paris que c’est un coup des gamins Teniers, de sacrés filous. »
J’écoutai leurs conversations d’une oreilles distraites, répondant de temps à autres à l’un ou l’autre, plus intéressé par ma bière qui conservait un peu de sa fraîcheur malgré le temps caniculaire qui s’abbatait sur la région depuis quelques jours. Le liquide ambré faisait des spirales fascinantes à la surface de ma choppe, qui me captivaient littéralement.
La chaleur me pesait et semblait ralentir le temps. J’étais, à cette époque, joueur professionnel, et je ne voyais ma vie que dans la face ronde d’un écu d’or, ou sur la figure d’un roi de carte. Compter, mélanger et distribuer étaient mes seules ambitions, ainsi que celle de gagner gros à chaque coup. La chance semblait m’avoir prit sous son aile. Je n’avais pas souvent à me plaindre de mon sort. J’habitais une fort élégante maisonée, à deux lieux de l’auberge.
Cependant, la veille de ce jour là, j’avais eu les yeux plus gros que ma main, et avait perdu presque tout mon dû. Je possédais juste assez de monnai pour payer ma bière. Ceci expliquait en partie l’état semi comateux dans lequel je me trouvais.
C’est alors qu’il apparut. Tout d’abords, personne ne fit attention. L’auberge étant assez loin de la ville, à l’orée d’un bois, cela n’étonna personne d’entendre la cavalcade d’un cheval, s’arrêtant à quelques pas des écuries. Certains commencèrent à prêter oreilles, lorsque des cliquetis d’amure suivirent.
Je n’étais assûrement pas de cela. Non, j’avais beaucoup mieux à penser à mon destin, ainsi qu’aux diverses dettes que j’avais à rembourser, alors que la fortune me faisait défaut. Ce n’est que lorsque mon bon ami Lewinsky me donna un coup de coude dans les cotes, et que je remarquai que la salle était soudainement devenu silencieuse, que je consentais à lever les yeux.
Et ce pour ma plus grande surprise.
Il se tenait debout comme un homme, un peu voûtée cependant, à ceci près que ses pattes postérieures se pliaient au niveau de l’articulation de ses griffes, laissant la plante de ses pieds dans les airs. Son armures, noire comme la nuit, était faite tout en plaques savamment agencées, de manière à conserver une grande mobilité et une protection optimale, ainsi que d’une chemise de maille, passée par en dessous. Il tenait sa longue lance au manche d’ébène de sa main gauche, et je pouvais distinguer sur ses doigts des griffes plus qu’impressionnantes. J’en conclus qu’il était gaucher. Sa queue ,longue et nue, révélant une peau d’écaille couleur de feu, remuait derrière lui, non pas d’agacement, mais dans l’intention de se ventiler. Sa tête, typiquement  reptilienne, était surmontée de quatre cornes jaunies, qui s’étiraient vers l’arrière. Ses yeux, enfin, rouge comme le sang, possédaient de très minces iris noirs, à la manière des animaux sauvages.
A son entré, plus personne n’osa bouger, ni même respirer. Le temps sembla se figer. moi-même n’en menait pas large devant cette soudaine apparition, qui avait tout l’air de sortir des Royaumes Démoniaques. Etrangement, il n’entreprit aucune action envers qui que ce fut. Il déposa sa lance sur la table mise à disposition, comme il était demandé, puis se dirigea vers le bar, sans prêter la moindre attention aux regards ahuris, effrayés, ou carrément hostiles des clients.
Dans le Haut-Pays, il est un proverbe qui dit:

« Même dans l’adversité, un aubergiste reste avant tout homme d’affaire »

Et il fut une fois de plus démontré ce jour là. Car après tout, l’étranger était un client comme un autre. Etrange certes, mais client quand même. Et le Client est toujours roi, à ce qu’on dit.
« Qu’est-ce que je vous sers, étranger? »
Michel, l’aubergiste, continuait à laver ses choppes tout en parlant.
« Biièrre… 
-Et une bière, une! »
Il avait parlé avec une voix très profonde, caverneuse. Mais pourtant, elle n’avait rien d’effrayant, comme je l’avais pensé de primes abords. Comme il n’avait pas l’air méchant, les conversations reprirent vite, tournant, bien évidemment, autours de cet étranger.
« Tu l’as vu? Il est pas humain, c’est sûr! Il vient d’où à ton avis?
-J’en sais trop rien. Sûrement qu’il a à voir avec les Sorciers.
-Ha, si vous voulais mon avis, mieux vaut ne pas trop frayer avec ces gens là. Ca apporte la malédiction.
-Pour sûr.
-Ceci dit, il n’a pas l’air bien méchant. Il a juste une… apparence frustre c’est tout. »
Et ainsi de suite. Je n’aurais pas l’outrecuidance nécessaire pour prétendre qu’il ne m’intriguait pas, ni même qu’il ne m’effrayait pas, un peu pour le moins. Cela dit, il me fascinait. Il me rappelait une lointaine époque où le vieil homme du village nous racontait des histoires autour d’un feu. 
« Ohé! ‘Diego! Tu joues? »
Perdu dans mes pensées, je n’avais pas vu qu’une partie de carte s’était engagée à ma table. Joueur de métier, je ne pus refuser pareille invitation. Tout au jeu, je ne vis pas l’étranger partir. Je me rappelle m’être dit à ce moment là «Quelle étrange rencontre ». Ho, ça, je ne savais pas encore à quelle point…

La partie fut finie tard dans l’après midi, lorsque le temps se rafraîchit et que les vapeurs d’alcool dansent la farandole dans les esprits. Je remerciais Dame Chance que cette partie ne fut qu’une simple joute amicale, car je n’avais eu presque aucun jeu. Je prenai la porte de sortie, un peu grogi et chancelant sous la pression des moultes bières que j’avais ingurgitées, saluant au passage mes amis et ce brave Michel. Je m’engageai sur le sentier, celui qui longeait le bois. Je marchais ainsi sous la lune, qui éclairait mes pas de sa lueur blafarde, perdu dans les détours tortueux de mes pensées, obstrués par des litres de liqueur. Au Nord, Khaz’Khoradan1 s’illuminait d’éclairs, comme à son habitude. Le crépuscule teintait le ciel de couleur rougeoyante, qui me rappelèrent les yeux de l’étranger.
La nuit me surprit sur la route. Mon logis n’était plus bien loin à présent. Les champs d’orge se trouvaient sur ma droite.
C’est alors que j’entendis. Derrière moi, sur le sentier. Des bruits de sabots. Instinctivement, je me retournai. Un cheval, gris pierre, colla son museau contre mon visage. Ses grands yeux noirs me fixèrent avec curiosité. Je m’écartai de lui, et levai les yeux, pour apercevoir l’étranger. Je m’apprêtais à le héler, lorsque je vis son visage, sombre, le regard fixé sur l’horizon à l’ouest, comme s’il était capable de transpercer le rideau de ténèbre qui s’était étendu sur les champs. Cette face grave et sérieuse m’inquiéta. Sans vraiment savoir pourquoi, je frissonnai. Ne faisait-il pas plus frais, tout à coup? Le cavalier fit pivoter sa monture dans le sens de son regard. J’entendis au loin, l’écho d’un éclair qui descendait en cavalant du versant sud de Khaz’Khoradan.
« La nuit est fraîche, n’est-ce pas? »
Ce fut tout ce que je trouvai à dire. Je me traitai d’imbécile. Il ne me répondit pas, bien sûr. Ce n’était pas dans sa nature. Nous restâmes ainsi encore un moment. Sans que je sache vraiment pourquoi. Peut être aurait-il mieux valu que je m’écartât pour reprendre ma route. Mais le Destin sembait avoir d’autres projets pour moi.
Le cheval renâcla. Je remarquai alors la nervosité contenue dans ses mouvements et gestes. Mon sang se glaça lorsque j’entendis les rires. Des rires comme je n’en avais encore jamais entendu chez aucun homme, ni même femme. Des rires fous, des rires déments, des rires glaçées, des rires démoniaques, des rires effroyables. Il y en avait pleins. Ils provenaient des champs d’orge, et bientôt le sol vibra sous le choc de dizaines de sabots. La nuit était épaisse, je ne distinguais rien. Mon cœur se mit à battre plus fort, alors que s’intensifiaient les rires. Je jetai un regard appeuré en direction de l’étranger. Il restait calme, le regard fixe.
« Vous… Vous entendez, n’est-ce pas? »
Il acquiesça, sans mot dire.
« Qu’est-ce que c’est? Vous savez? 
-Morrrt… 
-Mort? Comment ça mort? »
Il ne me répondit pas. Sur le flanc gauche de sa monture était attaché à la selle un écu de belle taille, dont même la nuit ne parvenait à masquer la blancheur. Nul blason ne l’ornait. L’étranger s’en saisit, calmement, passant sa main griffue au travers des encoche, puis saisissant la poignée métallique. Il prit ensuite une torche, qu’il alluma en frottant la tête huilé sur le plastron de son armure. L’étincelle que cela provoqua embrasa l’étoffe, produisant un fort halo lumineux autour de nous. Il ramassa ensuite le bras vers l’arrière, puis jeta sa torche au loin, en direction des rires. J’observais sont balai aérien, gracieux, avant qu’elle ne termine sa course sur le sol et n’embrase aussitôt l’herbe sèches. Un grand incendi ne tarda guère à se déclarer se propageant à une vitesse folle. C’est alors que je les vis. Ils étaient douze. Douze cavaliers, montées sur des destriers noirs et imposants. Ils avaient l’apparence d’hommes, grands et forts, mais la vérité était tout autre. Sous leurs casques cornus, des crânes aux orbites remplis d’ectoplasmes se tournèrent vers notre position. Malgré cela, ils continuèrent de danser, en effectuant une ronde étrange en lançant leurs montures au galop. Et ils riaient, riaient. C’était épouvantable. Avec la lumière étrange du feu, et la nature tout aussi étrange de ses cavaliers surgits de nulle part, la scène prenait des dimensions cauchemardesques
Je me rappelle être tombé, le séant dans la poussière, en implorant les dieux de me sauver. L’étranger ne voyait pas les choses de cette façon là. Il s’empara de sa longue lance, bien rangée dans une encoche de la selle prévue à cette effet. De sa main protégée par l’écu il prit les rènes, et enfonça les talons dans les flancs de son cheval. Celui-ci hennit, se cabra, puis partit, bravement, vers les apparitions. Aujourd’hui encore, cette image est vive dans mon esprit. Je revois très bien cet étrange guerrier, à l’apparence de démon, levait haut sa lance, en braillant un cri de guerre incompréhensible, mais fort comme le tonnerre, tandis qu’il fonçait vers douze revenants, en armure et équipés de lourdes épées impressionnantes sur fond d’incendie apocalyptique…
Le combat fut terrible. Ils se détachèrent du cercle, un par un, lame au clair, riant comme des diables. Le cheval de l’étranger valsait dans les airs, feintant de droite et de gauche, ruant, tandis que son cavalier balayait les attaques de son bouclier, et jouait de sa lance pour garder ses assaillants en respect. Longtemps, lentement, il les transperça, changeant leurs rires en cris de damné. Aussitôt qu’ils étaient tués, leur corps squelettique tombait en poussière, et leurs montures s’en allaient dans la nuit, hennissant comme des démons.
Et moi je restais sur la route, incapable du moindre geste devant cette scène fantastique. Le combat s’acheva aux premières lueurs de l’aube. L’incendie s’était éteint de lui-même, et, chose surprenante, personne n’était venu pour essayer de l’endiguer. Autour de l’étranger, il ne restait plus que douze petits tas. Douze épées, et douze armures. Grogi, je me relevai avec peine et m’avançai dans les champs dévastés.
« Qui êtes vous? »
Il ne répondit pas de suite. Il restait immobile, fixant le soleil qui se levait à l’Est.
« Argoth… 
-Argoth… Argoth… Qui êtes vous? D’où venez vous? »
Il attendit encore un peu, avant de se retourner vers moi. Il pointa du doigt Khaz’Khoradan, au Nord:
« Chevalllierrrr… 
-Chevalier? Vous êtes Chevalier? »
Je tombai alors au sol, réalisant avec quelle familiarité je m’adressais à lui, puis je lui saisis le pied que je baisai avec force.
« Mille pardons, Messire Argoth. Mille pardons, je ne savais pas. Puis-je faire quelques choses pour vous? »
Comme à son habitude, il prit son temps avant de répondre. Il posa sa main griffue sur ma tête -je ne pus m’empêcher de frissonner à ce contacte.
« Ecuyeerrr… »
Je me pétrifiai soudain. J’avais peur de comprendre. Pourquoi moi, pourquoi si soudainement? Je n’étais nullement noble, ni même bourgeois.
« Moi? Ho, vous m’honorez Messire Argoth mais je ne peux, mon sang n’est pas bleu et je… »
Il siffla alors, comme un lézard, mais en plus fort. Comme je devais l’apprendre par la suite, cela indiquait qu’il n’en avait cure, et que cela l’agaçait. Je m’arrêtai donc de babiller, et je commençai à réfléchir. Ce qui m’arrivait était étrange. Mais d’un autre côté cela pouvait s’avérrait salutaire. Comme je l’ai dit un peu plus haut, j’étais à l’époque sous la pression de plusieurs brigands locaux à qui je devais des dettes que je n’étais en mesure de payer. Et par conséquent je pouvais fort bien me retrouver le soir même avec une flèche plantée entre les deux yeux.
Je considérai donc ma position, et après avoir assisté à ce combat, nul doute n’était permi quant à la force de ce Chevalier. Il pouvait m’offrire protection, et son titre nous permettrait de ne jamais manquer de rien. Et à la première occasion, je pourrais fuir et recommencer ma vie ailleurs.
Du moins, c’est  ce que je me disais à ce moment là. Je ne pouvais saisir la portée de ma réponse; je ne savais encore rien de ce qui nous attendait. Ainsi, je répondis:
« Comme vous le souhaitez, Messire Argoth, je vous suivrais, en qualité d’Ecuyer  »
Dieux, si j’avais sû.
 

________________
1:   C’est ainsi que les habitants du Haut-Pays nommait la Chaîne de L’infini en langue ancienne. Littéralement : Les Pics du Foudroyeur.
« Modifié: samedi 18 août 2012, 16:13:30 par un modérateur »

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« Réponse #49 le: lundi 05 novembre 2007, 14:38:18 »
Je viens de finir de lire et ne t'attends pas à un commentaire, car je n'ai ni le talent de Pdc ni celui de Nehëmah, mais à un compliment. Car véritablement autant le texte est remarquablement bien écrit (je n'en attendais pas moins), autant l'histoire est intéressante et le dessin jolie (il est de qui d'ailleurs ? de toi ?), autant ce que je préfére c'est presque la préface et tes quelques mots sur l'histoire avant le texte x-D

Je suis épaté par ce monde magnifiquement ancré dans son histoire propre, sa géographie propre, ses héros et ses "mauvais", sa littérature, ses langues même !!!

Le fils de Tolkien, Sainteté de la Plume, serait-il parmi nous ? ;)

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« Réponse #50 le: mercredi 07 novembre 2007, 00:45:04 »
Bon, arrêtons un moment de bosser et de m'épuiser, rejetons la fatigue qui m'assaille et l'insomnie qui me fait plier sous son joug cruel ces derniers temps, et employons le peu d'énergie qu'il me reste pour servir une noble cause: un pavé Crépusculien, certes plus court que certains autres, mais rien que pour toi, mon amour de Mage Vermeil! :love:

Donc avant de commencer réellement, je vais me poser pour répondre un peu. Les commentaires ne sont plus trop mon habitude, depuis une semaine c'est très long pour moi vous savez? XD
Hé, qu'est-ce que tu croyais, que j'allais te laisser en chemin mon petit Samyël? Oh! C'est PdC qui commente hein, pas un de ces freluquets à peine tombés de la dernière ondée d'automne, non mais! Et puis, j'allais pas me priver de quelque chose d'aussi merveilleux non? ;)
Mais de rien très cher, et désolé pour Rirjk (que son nom soit béni par je ne sais quelle déesse -je préfère- de ton univers, amen.), tu m'avais déjà repris au tout début, à mon premier commentaire (ça remonte hein? ^^) mais pour moi c'est un vieillard magicien ce bon bougre, et puis voilà c'est triste quoi, faudrait que la vieille Chiyo rescucite et qu'elle refasse son sort de résurrection, ce serait bien. (référence pourrie liée à l'insomnie, tu vois dans quel état je suis? Tu m'étonnes que j'écrive de ces commentaires qui durent trois plombes après, c'est la fatalité je crois que veux-tu c'est comme ça... >_>).

Enfin bref, je suis heureux d'enfin te revoir un peu, surtout pour un nouvel écrit ("pour le reste tu peux crever!" J'aurais écrit ça si j'étais méchant, mais je ne le suis pas, hein? *fait son timide comme les petites filles* Tu crois que je devrais...? *appelez l'ambulance, c'est urgent* XD). D'ailleurs, comme tu n'as pas avancé dans ton fabuleux Cycle du Rouge (t'es pas le seul, bouhouhou... T-T), je vais commenter cette fraîche nouveauté, qui ne manque pas d'intérêt! J'ai sacrifié de mes questions analytiques de littérature, de mon explication de texte en philo et de mon ô combien génial DM d'histoire pour lire ceci, je spécifie car tu devras répondre des mauvaises notes! :p

Voilà donc la première partie du pavé... *le rideau tombe, entracte*

Ah, c'était bien bon ce petit mousseux! D'Allemagne dîtes-vous? De Basse-Franconie? Je connais, c'est chouette comme endroit, d'ailleurs wissen sie, dass meine Grosseltern dort wohnen? Ja, wirklich ich bin doch nicht si dumm, um so Blöde Witze zu machen! Na ja, einfach so, ich sagte es, um Spass zu machen, sie sehen so frustriert aus. Was? Sie sind die Frau von Ganon d'Orphée? Oh, entschuldigung, ich glaube ich habe leider etwas auf'm Feuer vergessen. Auf Wiedersehen, Frau d'Orphée! Haha!... :ash: *s'éclipse*

Y a des gens je vous jure, on se demande ce qu'ils font là... V_v

Tout ça pour dire que je suis content que GdO ait posté sont deuxième commentaire ici! Les parasites, c'est pas très beau à voir et en plus... c'est collant... Brrrr *frissonne*
Enfin voilà, la vie est ainsi faite, avec son lot de bonnes/mauvaises rencontres, de gens qui n'ont rien à faire là, ou qui racontent leur vie alors qu'ils étaient venus initialement commenter aussi, si si ça existe je vous jure, mais j'en ai jamais vu encore... ;-D

(ça me fait bizarre d'écrire autant de trucs moches et inintéressants après un premier chapitre aussi épique et aussi bien présenté, je suis perclus de remords désormais. é_è)

Enfin bref, commençons au commencement! ;)
Le Chevalier Argoth... Rien que le titre et l'intitulé, comme le disait si justement et avec tant de célérité d'esprit M. d'Orphée, donnent déjà plus qu'envie de lire. Et ce dessin, cette présentation, cette manière de nousintroduire dans ton monde, comme dans une bibliothèque avec une ambiance de vieux chefs-d'oeuvre entreposés qui n'attendent qu'à ce qu'on les ouvre avec la plus extrême précaution, j'adore! ^^
Honnêtement, c'est très réussi, rien que par le contexte dans lequel tu places cette première chronique des temps anciens. Toujours ce style soigné et si prompt à dévoiler intrigue et à engager l'action, mais qui sait habilement restituer une ambiance (avec son lot de fautes et d'othographiques turbulences *rime*), atmosphère presque palpable et non dépourvue de son côté épique, de même que s'arrêter un moment pour goûter au tumulte des sentiments et des réminiscences, je ne puis qu'aimer. :) (Je fais dans le baroque en ce moment, ça se voit? ;p)

Tu m'avais déjà parlé de fables, mais je ne m'attendais pas à cela, pas à cette dimension fantastique en tout cas. Excellente surprise au demeurant! Tu es habile dans tes constructions et dans ta manière de narrer, avec un enchaînement de longues et courtes phrases, de dialogues ou descriptions puis d'un bref commentaire assez drôlesque (comme la phrase finale, poiur ne citer qu'elle ^^) ponctuées de métaphores très imagées et d'expressions qu'on dirait presque populaire, mais qui n'appartiennent qu'à toi. Et c'est en ceci que tu te révèles parfaitement amène à créer une ambiance quelque peu oubliée, restituée du fond des âges, ô combien onirique et chevaleresque. ^^ Je saisis enfin ton principal atout en terme de narration, chose qui m'avait plus ou moins échappé jusqu'à lors, comment ai-je pu être aussi aveugle? Fichtre et foutre mon graçon, tu es un talentueux conteur! Zedd n'aurait pas dit mieux. ;)
Après au niveau de l'intrigue en elle-même, je te tire la révérence, là aussi je suis impressionné. Comment suspecter, sinon par l'image (et encore, je croyais que c'était un autre personnage ou simplement une illustration d'un ennemi que le héros aurait combattu) que le Chevalier Argoth avait des ascendances reptiliennes et héroïques à la fois? J'adore! Et puis ce début, la façon dont tu fais apparaître ton héros, puis la succession d'évènements avant la bataille, la peur, le caractère lacunaire du lézard, la victoire, le renversement final... Parfait, j'attends la suite avec on ne peut plus d'impatience! Tu sais que tu m'inspires? J'ai créé un nouveau personnage après avoir lu tout ça. :<3:

Un mot encore pour conclure: continues ainsi, tu as tout le soutien Crépusculien à tes côtés et même si tu le savais déjà je te le redis, au cas où tu aurais oublié. ^^

PS: Grihm. Conte. Curieux hasard, coïncidence ou clin d'oeil? Je ne m'en suis rendu compte qu'après coup mais c'était très agréable, ça m'a ait penser aux frères Grimm, je me trompe peut-être mais je crois que ce n'était pas fait exprès. Destin, destin et influences... :)
(Rayez les bouts de phrases inutiles du début, jamais Prince du Crépuscule n'aura fait si long commentaire pour une fiction! (vous voulez que j'édite pour voir? \o/ *crève*)) Et désolé pour l'heure tardive, je vais me coucher maintenant, l'insomnie m'appelle... A bientôt! :)


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« Réponse #51 le: mercredi 07 novembre 2007, 15:41:57 »
GdO==> Ce n'est certes pas un commentaire, mais cela m'a mis le baume au coeur :niais: Surtout la dernière phrase, quand l'on connait ton adoration pour Tolkien!^^ Merci bien donc!^^ Et je suis pareil à toi, j'adore tous ce qui est texte introductif, références extérieures etc etc Alors j'adore encore plus en faire XD

PdC==> Boudiou! Bientôt cette chère Tour va se transformer en 3615 PdC's Life :love: Ca me fait plaisir de voir que tu sacrifies tes devoirs à ton Mage Vermeil, merci bien :love: Par contre, pourrais-je avoir la traduction du texte allemand, où est-ce estampillé "private Joke" avec GdO? =p
C'est étonnant d'ailleurs, que tu te sois à ce point attaché à Rirjk, car à la base, ce n'était qu'un bête personnage secondaire, avec certes son importance mais voilà. ^^ Mais ça me fait plaisir et puis, qui sait? Peut être le revérrons nous un jour? :niak:
Je prends sur moi pour répondre des mauvaises notes, sois sans craintes, je rédigerais une lettre pour ça, s'il le faut :love:
Arf, les fautes :love: une grande histoire d'amour. Ceci dit, j'ai relu cette première partie plusieures fois, et j'en ai enlevé pas mal. Je m'améliore, mine de rien : p
Enfin, que dire face à ce commentaire qui me comble de joie? :love: J'e veux des pareils tout le temps, même si je sais que je me répète :love:
Quoi qu'il en soit, heureux que cette histoire te plaise, car elle me plait grandement aussi :love: Et si en plus elle t'inspire, que demander de plus? :<3:
Ha, effectivement, je n'avais pas fait moi même le rapprochement avec les frère Grimm avant que tu ne me le fasses remarquer^^ J'ai souvent tendance à l'aide de mon subconscient profond à faire des raprochements sans m'en rendre compte. Donc ce nom est d'autant plus approprié, je ne le change pas :love:

Enfin, l'histoire est loin d'être terminée, de nombreux obstacles et exploits attendent encore le Chevalier Argoth. Bon retour sur le Continent. Et bonne lecture.


_______________


I/ L'épée du Chevalier. (Deuxième partie)



Comme je m’en doutais, Messire Argoth était un Chevalier errant, sans terre ni bien, ne possédant que son écu vierge, sa monture, sa lance et son armure. Il n’avait même pas d’épée, pourtant symbole de la chevalerie. Alors que nous trotions, lui à cheval, moi à pied, vers l’Auberge du Cor une nouvelle fois, afin de se remettre des émotions de la nuit, je le lui fis remarquer.
« Sire, vous n’avez pas d’épée. »
Il me regarda et acquiesça.
« Voulez-vous que j’aille vous en achetez une au village? Le forgeron est l’un de mes amis, je pourrais avoir un prix. »
Il me fit part de son refus en secouant doucement la tête. Et je remarquai qu’il n’avait pas de heaume non plus, encore que la morphologie de son crâne pouvait expliquer cela.
Lorsque nous arrivâmes à destination, je pris les rènes de Sor‘n   -c’est ainsi que se nommait le cheval, sûrement en hommage à Shor’n, le dieu du vent et des cieux- et les attachai au poteau prévu à cet effet.
Le soleil était déjà à la moitié de son parcour, et la chaleur était déjà accablante. Je me demandai comment Messire Argoth pouvait rester aussi serein, avec sa lourde armure, noire qui plus est. Ce devait être une vraie fournaise.
« Sire, je ne voudrais pas vous offenser, mais un Chevalier se doit d’avoir une épée. Comme le Sorcier se doit d’avoir un bâton magique. 
-Je sais. »
Je l’aidai à descendre, puis seulement après je remarquai que Messire Argoth venait de parler normalement, comme un véritable humain. Sans siffler, ni allonger les mots. Craignant de le vexer je ne le lui fis pas remarquer, mais profitai de l’occasion.
« Où allez-vous vous la procurer dans ce cas, Sire?
-Siiilenceeee… »
Je me tus. Nous entrâmes à l’intérieur de l’établissement. Michel nous salua d’un geste. Mon maître resta un moment planté sur le seuil. Il semblait chercher quelqu’un qu’il trouva rapidement. Nous nous dirigeâmes vers lui, et nous asseyâmes à sa table. C’était un vieux paysan du coin, sale, le crâne chauve et ruisselant de sueur. Il ne semblait nullement effrayé de l’apparence de Messire Argoth, au contraire, il semblait heureux de le voir.
« Ho, Sire, Sire! J’ai prié les dieux pour vous toute la nuit. Et ils n’ont pas été sourds à mes vœux!
-Mais de quoi parlez vous, vieil homme?, répondis-je 
-Les Spectres! Les Spectres! Les Douze Spectres de Minuit! Ceux qui hantaient mes champs, une fois la nuit tombée, pour venir danser leur adoration aux démons! Nous n’en dormions plus, mais votre maître nous en a débarrassé! Ho, Messire, je ne sais comment vous remercier! »
Ainsi c’était donc ça. Messire Argoth était allé au devant du danger en sachant pertinemment ce qui l’attendait. En repensant à ces fameux cavaliers, je ne pus réprimer un frissonement d’angoisse, et dans le même temps je ne pouvais qu’admirer la force et le courage de mon maître.
« Nous n’avons plus grand-chose, à cause des fantômes. Mais je vois que vous n’avez pas d’épée. Je peux peut être vous aider à en trouver une. »
Messire Argoth acquiesça, pour l’inviter à poursuivre.
« Quand j’étais enfant, mon grand père me raconter souvent une histoire. Elle dit qu’au sommet du plus petit pic des Khaz’Khoradan, vit dans une grotte un grand Enchanteur. La légende dit qu’il confectionnerait une lame magique au premier héros qui sortirais vainqueur de son épreuve. Cependant, atteindre son repaire n’est pas chose aîsée, car l’on dit que de sombres créatures rôdent sur le versant des montagnes à la nuit tombée. Mais vous m’avez l’air brave et sans peur. Peut être pourriez vous essayer de trouver l’Enchanteur. »
Oui, le vieil Enchanteur du Petit Pic. Je connaissais l’histoire. Mais je ne lui accordais aucun crédit, ce n’était que fabulations de vieillards superstitieux. Du moins, l’aurais-je considéré de ce point de vue avant la nuit de la veille.
Messire Argoth se leva alors, et serra l’épaule du fermier. Puis il m’indiqua la sortie et nous quittâmes les lieux. Une fois dehors, et alors qu’il enfourchait sa monture, je lui demandai.
« Où allons nous, Sire? »
Il me considéra d’un air étonné, comme si la réponse était évidente. Il tendit le bras derrière lui, pointant du doigt la silhouettes déchiquetés des Khaz’Khoradan. Ce que je redoutais. Ainsi il avait crû à l’histoire du vieux fou. Je grimaçai; puis tentais d’en dissuader mon maître. Lorsque qu’il siffla, je me résignai.

Les Khaz’Khoradan ne se trouvaient qu’à un jour de cheval de l’Auberge du Cor Argenté, et le Petit Pic à une supplémentaire. Nous fîmes route toute la journée, ne nous arrêtant qu’à midi, lorsque la chaleur ne nous permettait plus d’avancer.
Nous traversâmes les champs, puis la campagne, et enfin nous trouvâmes à l’orée du bois de Tarask, celui où jamais personne ne s’aventure, où nul chemin n’est tracé, nul sentier dessiné. Le bois dans lequel vivait la bête de Tarask.
Il émanait de ces bois une étrange moiteur, qui vous glaçait les os et vous nouait les entrailles. Aucun animal saint n’y vivait, et on affirmait que de nombreux démons, appelés par le chant de Tarask, y résidaient, dansant la nuit au milieu des grands arbres, chantant la mort et le Mal, en échangeant maints maléfices avec les Sorciers et les Sorcières du pays.
Il y avait une source, au fin fond des bois de Tarask. Une source dont les eaux étaient si noires que nul reflet ne s’y voyait, nul poisson n’y nageait. Et dans ces eaux, dormait la Tarask. Personne n’avait jamais vu la bête, mais tous savaient qu’elle existait. La légende disait que dans l’autrefois luxuriante forêt de Disëry vivait un Magicien, bon et plus sage que le plus vieux des hommes. Il veillait sur la flore et sur la faune de son domaine, leur assurant protection et prospérité. Ce Magicien vivait seul, car malgré sa bonté, nulle femme ne l’aimait. Nul ne venait lui rendre visite, et il finit par mourir de chagrin et de solitude. C’est pourquoi un jour, une fois minuit sonnée, il se rendit à la source claire de la forêt de Disëry, et là pria les dieux de lui donner un fils. Un enfant qu’il pourrait élever et chérir, afin de ne plus jamais souffrir de la solitude. Malheureusement, le démon Daz’Raël l’entendit avant eux, et prit la forme d’un loup blanc afin de tromper le vieux Magicien. Il s’approcha de l’homme éploré, et laissa choir de sa gueule les linges d’un nouveau-né. Le vieil homme, ne voyant le mal dans la blanche fourrure de l‘animal, crû à une intervention divine et remercia mille fois, et mille fois encore le démon. Mais lorsqu’il prit le corps maigre de l’enfant dans ses bras, il remarqua alors qu’au lieu d’un beau bébé, ce n’était là qu’une créature difforme et boursouflée, parodie d’humanité. Apeuré, le Magicien noya la chose dans la source, qui aussitôt devint noir. Puis il prit la fuite. Le démon, furieux, lança à sa poursuite ses fidèles serviteurs, qui mirent le pauvre homme en pièce. Depuis ce jour, la Tarask2  hante la source, et ses pleurs, pareils à un chant merveilleux, charment les voyageurs et les attirent dans la noirceur de ses flots, où elle les dévore. La douce forêt de Disëry devint les sombres bois de la Tarask, et nul ne la traversa plus jamais. L’on dit que le Magicien, dans sa hâte, laissa derrière lui de fabuleux trésors, que la Tarask garde avec amour, en souvenir de son défunt père.
« Le chemin continue par le Sud et longe les bois, indiquai-je à mon maître »
Il secoua la tête; il semblait vouloir prendre par la forêt. Certes le chemin était plus rapide, mais seule la mort nous attendais là bas.
« Messire, vous n’y pensez pas. Aucun des guerriers, des chevaliers qui se sont aventurés par là ne sont jamais revenus! Prenons la route du Sud. Cela vaut mieux. »
Sans m’écouter, il talonna Sor’n. Je le regardais s’enfoncer sous les cimes sombres des arbres, hésitants. Ho, certes, j’aurais pu le quitter là, retourner chez moi et essayer de rembourser mes dettes. Certes cela aurait sûrement mieux valu, mais, tiré par quelque force invisible, je m’engageai à la suite de Messire Argoth. Je ne tardai guère à le rattraper, il m’avait attendu un peu plus loin. Jamais je n’ai sû pourquoi il m’avait choisi. Jamais je n’ai su ce qu’il pensait de moi. Pourtant il m’attendait, toujours, comme s’il savait que je finirais forcément par revenir vers lui. Ce que je fis à chaque fois.
Il me tendit une torche allumée, car l’obscurité s’épaississait rapidement. Sor’n, à l’aide de son buste puissant et de ses pattes robustes, traçait un chemin à travers la végétation, que je suivais d’un pas peu assuré; je regardais nerveusement partout autour de moi, m’attendant à voir surgir de derrière chaque tronc un fantôme, un démon, ou quelque monstre que ce fût. Les bois de la Tarask étaient silencieux, et nous progressâmes avec la plus grande discrétion. Il y faisait froid, très froid, et ce changement radical, après la canicule de la campagne, me surprit grandement. J’avais l’impression de sentir le souffle méphitique de la bête à chaque bouffée d’air; d’entendre des rires étouffés, des murmures étoffés, là haut, dans les ténèbres des cimes.
Messire Argoth lui, avançait, serein, calme, détendu, intouchable, comme à son habitude. Je ne pouvais que l’admirer une fois de plus.
C’est alors que nous l’entendîmes. Le Chant de la Tarask. C’était une mélopée fascinante, hypnotique, belle, douce, apaisante. Mais à quelle point triste et mélancolique. Les arbres eux même vibraient, comme répondant à cet appel. Je me souviens avoir baissé ma torche, et pivoté dans la provenance de cette complainte merveilleuse. Je n’avais plus qu’une envie, suivre ce chant, et réconforter la pauvre créature.
Le maléfice fut brisé lorsque Messire Argoth posa sa main sur mon épaule. Aussitôt, je retrouvai mes esprits. Et je me bouchai les oreilles. En vérité, le Chant de la bête n’avait rien de mélodique. Ce n’était que borborygmes, raclements, bruits fangeux et dégoûtants, viscosités sans nom. Comment avais-je pu être à ce point tromper? Une autre interrogation me vint en tête: Pourquoi Messire Argoth en était-il immunisé? Pourquoi savait-il guérir, de surcroît?
L’on dit des Chevaliers que se sont des hommes bénis des dieux, introduits sur les terres des hommes pour protéger les peuples et les rois des maléfices des entités Démoniaques. Peut être était-ce vrai après tout.
Messire Argoth me fit signe de le suivre, et nous nous enfonçâmes dans les bois vers la provenance du son, et donc de la source maudite. Étrangement, le lieu ne me paraissait plus si oppressant, ni si angoissant. Sûrement que cela avait à voir avec mon Maître. Il émanait de lui une aura de calme et de sérénité, de confiance et de force.
« Regarde, me fit-il »
Il écarta une branche d’arbre, et révéla à ma vue une petite clairière d’herbes hautes; balayée par des vent qui, en s’engouffrant dans les feuillages, produisait des bruits semblables aux plaintes de quelques malheureux. Et au fond du lieu, se trouvait une source. Quelques gros rochers recouvert de lichen et de mousse formaient les falaises miniatures d’une cascade tout aussi petite. Et à leur pied, un plan d’eau, immobile et lisse comme un miroir. Et son eau était noire, noire, d’un noir comme je n’en avais encore jamais vu.
La bête s’était tue. Tout était immobile. Tout était calme.
Messire Argoth s’avança, m’intimant d’un geste de rester à ma place. Je le regardais avancer, empli de doutes et d’angoisses. Arrivé à peu près à la moitié du chemin qui le séparait de la source, il mit pied à terre, sans prendre ni son écu, ni sa lance. Il marcha, droit et confiant, jusqu’au bord des flots.
C’est alors que Tarask apparut. Doucement, une gueule hideuse, et léonine, creva la surface. Elle surmontait un cou immense, grêle comme celui d’un poulet, mais écailleux comme le corps d’un serpent. Ses yeux fou se fixèrent sur Messire Argoth, et de sa bouche dentées de lames de poignards, sortaient miasmes et purulences, qui gouttaient dans l’eau en fumant.
« Qui ose? Qui ose pénétrer en mon domaine?
-Moi, répondit mon Maître d’une voix assurée, et pareille à celle d’un humain, comme cela lui arrivait de temps à autre.
-Et qui es-tu?  
-Je m’appelle Argoth. Je suis Chevalier.
-Chevalier? »
La bête rit, d’un rire gras et écœurant. Son cou se déplaçait le long de l’onde, sans troubler sa plate immobilité.
« Pourquoi ris-tu?
-Nombres de tes semblables se sont présentés à moi, tous prétendaient être comme toi, Chevalier. D’aucun à péri, de vouloir me défier. Et toi, Chevalier d’écaille et de maille, que me veux-tu?
-Je suis venu ici pour te défier.
-Mouharfharfharf (c’était à peu près ce que faisait Tarask quand elle riait), soit. Prépare toi à mourir.
-Ho, nul doute que je périrais face à toi. Mais regarde moi, je te pris, de plus près. Je me présente à toi sans armes ni écu. Mon destrier est plus loin. Oui, assurément tu me tuerais sans le moindre effort, et pourrais me dévorer afin d’étancher ta faim. Mais tu n’en tirerais nulle gloire.
-Je me fiche de la gloire.
-M’accorderais-tu une faveur? »
Je hoquetai de surprise. Etait-il sérieux? Tarask inclina la tête sur le côté, semblant réfléchir.
« Je t’écoute, mais fais vite, mon ventre crie famine.
-Je convoite le trésor que tu gardes. Mais pour le moment il m’est impossible de te combattre pour m’en emparer. Laisse moi franchir tes bois, ainsi qu’à mon écuyer. Je promets de revenir avant la nouvelle lune. Je te combattrais alors, et tu me tueras et me mangeras.
-Pourquoi devrais-je attendre, alors que je peux te manger tout de suite?
-Tu me trouverais indigeste.
-Et pourquoi cela?
-Car je n’aurais pas bougé, et mes muscles seront rigides et dures comme la corne. Alors que si tu accède à ma requête, je reviendrais, je te combattrais, et ma chaire sera tendre et douce comme celle d’un agneau. »
Tarask sembla considérer cette option, pesant le pour et le contre. Puis son long cou commença à s’enfoncer dans l’eau, tandis qu’elle répondait.
« Soit. J’accède à ta demande, Chevalier. Tu peux traverser mon domaine sans crainte, nul mal ne te sera fait. Mais attention, si une fois la nouvelle lune haute dans le ciel, tu n’as pas tenu ta promesse, tu seras maudit, et la meute infernale de mon père viendra te dévorer dans ton sommeil. »
Messire Argoth s’inclina, poliment, face à ce monstre épouvantable.
« Sois sans crainte, j’honorerais mon serment.
-Je te le souhaite vivement, Chevalier, je te le souhaite vivement… »
Puis la bête disparue sous la surface, sans la moindre ondulation. Messire Argoth pivota et enfourcha Sor’n de nouveau.
« Allons, Ecuyer, dépêche toi, le temps nous est compté, me dit-il »
Puis il reprit sa route, et moi derrière lui. Les Khaz’Khoradan nous attendaient.  

_____________
2: Littéralement : "Bête Noyée"

Hors ligne Ganon d'Orphée

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« Réponse #52 le: mercredi 07 novembre 2007, 16:00:20 »
Hé bien, tu aurais du vivre au Moyen-Age, ainsi nous aurions à notre époque de multiples légendes estampillés Samyël, telle un légendaire Chrétien de Troyes. J'avoue que la première partie est normale, rien de bien particulier c'est juste ce chevalier sifflant qui vient dans une auberge puis paf, encore une légende (jamais vu autant de légendes moi ^^), et en plus une légende qui régle un problème cruciale : car Argoth n'a pas d'épée, et c'est très bien trouvé car un chevalier sans épée est comme un magicien sans baton magique pour citer un auteur de ma connaissance ^^.

Puis cette bête de Tarsak (on dirait que tu aime les bois sombres, car après les bois de Solenea avec les arbres sérés et les légendes ténèbreuses, on retrouve encore un bois ténèbreux ^^), la légende (+1 encore ^^) est très belle, on début on croirait que c'est une légende très naïve, puis au fur et à mesure elle devient bien trouvé puis après ... la naissance d'une nouvelle espèce de Sirène. Je ne doute pas que tu t'es inspiré du chant des sirénes pour le chant de Tarask, d'ailleurs Argoth y étant insensible me fait penser briévement à Ulysse, deux héros ^^.

Puis ce chevalier sans épée qui utilise la ruse (bon après tout sinon il se fait bouffer donc c'est compréhensible ^^) c'est malin je trouve, le chevalier Argoth est rusé, il semble donc ne pas avoir besoin d'épée. Inventerais-tu une nouvelle espèce de chevalier ? Chevaliers pacifistes, sans armes mais rusés ?

Bon, et bien vivement la suite (pour ton information, je n'ai aussi rien compris à la phrase de Pdc ^^ Pourtant je suis Germaniste).

P.S : et encore un nom "Tarsak" qui signifie quelque chose. J'avoue que cette légende me plait bien par son aspect "inscrit dans l'univers du Cycle mais indépendant".

Hors ligne Nehëmah

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« Réponse #53 le: mercredi 07 novembre 2007, 18:42:50 »
Ah, j'arrive enfin après mes nombreux commentaires !
Donc, donc, donc. Nous n'avons pas droit à l'histoire de Samyël... Tant pis, nous en avons une presque mieux pour compenser !

Je m'excuse d'avance du commentaire sûrement bref que je vais faire puisque j'ai déjà beaucoup donné pour les compères PDC et Gd'O (et avec GMS ça fait trois noms à rallonge qu'il est plus facile de racourcir).

Déjà le commencement : la manière d'amener l'histoire, ce que le Prince soulignait en parlant du contexte, et bien je dois avouer que c'est sacrément plaisant. Tout comme lui, je ne m'attendais pas à ce qu'Argoth soit ce lézard peu rassurant. Et c'est là-dessus que repose tout le génie ! Ce Argoth, bon sang, mais quelle classe ! T'aurais dû t'appeler Great Knight Argoth (même si GMS rend mieux que GKA) car bon sang... Un chevalier lézard c'est relativement cool (oui désolé pour le qualificatif pourri). Il déborde de classe, ce qui est d'autant plus démontré que ce brave écuyer le suite bien souvent sans raison tout en se demandant "ben zut pourquoi je le suis déjà ?". Argoth transpire la confiance, la générosité, la loyauté, l'honneur. Par ailleurs, je reste persuadé que le chevalier n'est pas forcément rusé et que sa requête présentée à la Tarask (comme dans Final Fantasy 9 ? :niak: ) n'est ni plus ni moins que d'ordre pratique. La morale de ce chevalier est à toute épreuve.
Mais alors... Avec autant d'atouts, pourquoi est-ce un lézard ? Je crois que cet Argoth cache un passé douloureux qui nous sera dévoilé en temps voulu.
Egalement, les diverses histoires qui se greffent à l'intrigue générale, elle-même greffée à ton monde si particulier donne forcément matière à l'admiration. L'histoire touchante de la Tarask notamment.
J'espère que cette histoire aura des conséquences (même implicite) sur celle du petit Samyël.

Bref, j'applaudis l'évolution de ton monde absolument maîtrisée et attends la suite de ce somptueux chevalier avec impatience !

Hors ligne Prince du Crépuscule

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« Réponse #54 le: jeudi 08 novembre 2007, 23:51:05 »
Ravi que mon interminable commentaire t'aie plu à ce point, ce n'était pas voulu à la base que ce soit si long, mais on ne change pas un Prince du Crépuscule je suppose, surtout quand il parle de l'oeuvre de son cher Mage Vermeil n'est-ce pas? :love:

Pour que tu comprennes (et Gd'O accessoirement, honte à lui d'ailleurs \o/), je vais traduire ce passage de mon délire (car ce n'était pas autre chose, mêlé à un enthousiasme plus que débordant et à une fatigue écrasante XD) en Allemand, dont M d'Orphée ne connaît pas les origines, et je dois dire que moi non plus... Enfin, voici que voilà la traduction:
"D'ailleurs savez-vous que mes grands-parents habitent là-bas? Mais oui, vraiment, je ne suis pas bête au point de faire de si vieilles blagues! Oh oui, juste comme ça, j'ai dit ça seulement pour amuser, vous semblez si frustrée... Quoi? Vous êtes la femme de Ganon d'Orphée? Oh, pardon, je crois que j'ai malencontreusement laissé quelque chose sur le feu. (Vraiment bête hein? XD) Au revoir, Madame d'Orphée! Haha!... :ash: *s'éclipse* "

Pitoyable je sais, j'aurais mieux fait de ne pas l'écrire, mais bon c'était une soirée spéciale on va dire... Je suppose qu'on en a rien à faire maintenant non? ;)
Et puis oui, tu m'inspires mon cher, j'ai créé un personnage (enfin plutôt à demi, puisque je savais en gros à quoi il allait ressembler) juste après avoir lu cette merveille, et quand tu connaîtras ce personnage, crois-moi tu te rendras compte que j'étais vraiment dans une soirée spéciale! ^^

Ah, et pour information, je ne sais pas si tu as remarqué, mais moi et les personnages secondaires c'est une histoire d'amour, je l'appréciais beaucoup ce cher Rirjk. Et puis n'en as-tu pas une preuve des plus flagrantes avec une certaine inconnue de mon Chant de l'Ombre hein? Non, non, tu ne la connais pas, elle se nomme Aylinn... joli prénom n'est-ce pas? ;)

Trêve de palabres, passons à un petit commentaire d'agrément (quand je dis ça, c'est toujours le moment où je m'étends le plus, je m'attends au pire ='D), parce que j'ai peur de m'épuiser au ryhtme auquel ces suites paraissent (pas que ça me dérange, juste tu me connais j'aime bien être posé tout ça ^^), et puis il y a le reste aussi. Je ne m'engage pas pour rien moi, même si je commentais déjà bien avant. ^^

Donc, que dire.... Mais que cette deuxième partie est tout aussi géniale, voire plus que la précédente! J'adore ce chevalier Argoth et son écuyer, cette histoire onirique, renvoyant à foule de références, ça me plaît au plus haut point. Je garde tout de même une préférence pour les aventures de ce cher Samyël, mais je ne m'inquiète pas trop pour ça je sais que tu poursuivras te connaissant relativement bien. Continue en tout cas, c'est tout le bonheur que je nous souhaite à tous et moi en premier! J'admire presque tout autant ta maîtrise et l'histoire de ce conte chevaleresque et original que ton Cycle du Rouge en lui-même, c'est pour dire. :)
Tu es étonnant et débordant d'imagination, ha mon instinct ne s'était pas trompé en me poussant à te lire cet heureux jour de mars je crois. Béni soit-il! Tu es tout simplement doué et tu réserves bien des surprises, certes tu as un tout autre style que moi et une autre manière d'aborder les situations et les personnages, mais c'est tant mieux! (heureusement je devrais dire, je sais pas si je te lirai dans ce cas >_> avec un brin d'orgueil je dirais que ça m'embêterais un peu de savoir que quelqu'un écrit comme moi de nos jours, enfin bref on s'en fiche, mais les divagations chez nous c'est une habitude tellement courante! :love:)

Que dire d'autre sinon que l'étendue de ton monde m'émerveille, inscrivant ses propres légendes dans d'autres mythe, eux-mêmes faisant subtilement référence à la réalité et s'insérant dans l'histoire principale? Rien, c'est génial et je ne vais pas t'assommer plus longtemps, sinon pour maintenir que cette ambiance purement épique et merveilleuse m'éblouit par son inventivité et sa maîtrise, ça sent l'inspiration brute tout ça, ces douces exhalaisons vont-elles encore me pousser à écrire jusqu'à des heures déraisonnables, comme hier et avant-hier? Ce ne serait pas judicieux, pour mon propre bien, mais que n'y suis-je poussé! Et puis ces deux personnages, ce héros débordant de classe et de sang-froid (normal pour un reptile non? ^^), cette atmosphère moyen-âgeuse... Je m'abandonnerais volontiers à me laisser voguer contemplativement dans ces eaux douces et cette légende du Tarask, c'était très beau honnêtement. Ce changement d'état, la séduction puis le repoussement, la laideur après la bauté, une certaine part d'illusion, puis la ruse du chevalier. Cette poésie faussement naïve aussi, révélant peu à peu tout sa réelle profondeur, j'en suis tout remué. :niais:

Ce ne serait peut-être que flatterie causée par mon exaltation démesurée, et je sais que je m'égare trop en ce moment sentimentalement (Aylinn, arrêtes de me déteindre dessus voyons =D), mais il me faut te le dire, et maintenant... J'en suis persuadé, tu feras un bien meilleur auteur que moi, et je suis vraiment empli de la plus grande des fiertés de t'avoir côtoyé, d'avoir pu goûter à ces oeuvres fabuleuses et d'avoir pu passer d'aussi bon moments en ta compagnie. :<3:  
Autre chose aussi... Tu me manques...


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« Réponse #55 le: dimanche 11 novembre 2007, 13:39:05 »
GdO==>Oui, j'aime bien les bois sombres, elles ont souvent tendance à abriter moult créatures plus monstrueuses les unes que les autres, cristalisant ainsi les peurs secrètes des hommes :niak: C'est bizarre, j'ai beau avoir écrit le texte, je n'ai pas pensé une seule fois au chant des Sirènes XD Comme je l'ai déjà dit, je suis souvent aidé de mon subconscient profond qui associe des choses entre elles sans que je ne m'en rende compte :niak: Ceci dit, j'aime bien, je n'avais pas vu cela sous cet angle, mais ça me plaît :niak:

Cependant, comme Nehëmah l'a dit, Argoth ne ruse pas avec Tarask, en effet, il remet à plus tard le combat par pure nécessité, car ne possédant pas d'épée :niak:
Et effectivement, Tarask signifie quelque chose. Elle est inspirée de la Tarasque, fille du Leviathan et de la Bounge Orientale, qui vit dans les "bois noirs" de Nerluc, entre Arles et Avignon, vers le Rhône. :niak: D'ailleurs, une ville française a hérité de son nom: Tarascon :niak:

Nehëmah==>On va bientôt pouvoir monter "Le Club des Hommes de Trois Lettres" :niak:
Hé bé, ca c'est ce qu'on appelle une éloge :niak: Un grand merci donc, ça m'a fait chaud au coeur  :$
Oui, LCA aura des conséquences sur le Cycle, mais je n'en dis pas plus pour le moment :niak:

PdC==>Effectivement, je ne connaissais pas cette brave Aylinn... Tu me la présentes? :arrow:
Ne t'en fais pas, la parution de suite pour LCA devrait être plus posée à présent, j'ai sorti les deux premières assez rapidement, parce que j'ai voulu écrire un maximum avant la reprise ^^
:love: Holala, c'est trop de compliments pour moi :love: Je ne puis que dire merci :<3:
Quant à ton affirmation en fin de commentaire, permet moi d'en douter :love:

Bref, je vous sens impatients de connaître la suite, non? :niak: Alors c'est partie!


__________


I/ L'épée du Chevalier. (Troisième partie)


Le silence était impressionnant. Ceci était d’ailleurs d’autant plus étrange que tout autour de nous la foudre se déchaînait, les éclairs frappaient le sol en de sauvages explosions. Mais pas sur les versants du Petit Pic. Ici, tout était calme. Nul son ne venait perturber la sérénité du lieu, si ce n’était le bruit réguliers des sabots de Sor’n. Cela était sûrement l’œuvre de l’Enchanteur.
Nous grimpions avec peine, la pente était très raide, faite non de terre mais de milliers de petits cailloux qui roulaient sous nos bottes. Messire Argoth allait à pied, préférant mener sa monture par la bride plutôt que de courir le risque d’une chute.
Je ne pouvais m’empêcher d’admirer les traits foudroyants qui lardaient le ciel d’intenses lumières, sans pourtant avoir l’impression qu’ils existaient. C’était vraiment perturbant. Nous marchions en silence, de peur de briser ce silence imposant. Contrairement à ce qu’avait dit le vieil homme de l’auberge, le Petit Pic n’abritait nulle créature, pas même quelques bouquetins ou lapins.
Nous arrivâmes finalement au sommet, qui était plat. Là, nous avions vu sur tout le Haut Pays, et à l’horizon, la grande plaine de l’Arch’Land. A l’Est, l’océan. Le ciel était noir, comme toujours au dessus des Khaz’Khoradan. On disait d’ailleurs à ce propos que c’était la gueule d’une créature titanesque qui vomissait ces éclairs sur le monde.
Mais ce n’était pas là la chose la plus étrange. Devant nous, se dressait une porte. Une simple porte, à peine plus haute qu’un homme, faite de bois verni. Elle tenait dans le vide, sans murs ni sol pour la maintenir.
« Quel est donc ce sortilège!, m’écriai-je aussitôt »
Messire Argoth s’approcha. Il l’étudia un long moment, tournant autour, touchant le chambranle, le battant. Puis il me regarda, et je secouai la tête. Il frappa, doucement, sept coups.
Honnêtement, je m’attendais à ce que nous pérîmes, sous une boule de feu, un souffle glacé ou que sais-je encore. Au lieu de ça, une voix, sortie de nulle part, répondit:
« Entrez, c’est ouvert ».
Messire Argoth planta sa lance dans le sol mou, puis y attacha Sor’n. Il se saisit de son écu, puis poussa la porte vers l’intérieur. Il n’y avait rien, si ce n’était une forte lueur blanche. Sans hésiter, mon Maître s’y engouffra et disparu, en m’aillant auparavant fait signe de le suivre; ce que je fis.
Lorsque je passai dans l’ouverture, j’éprouvai une sensation étrange, comme un picotement dans tout le corps. Presque aussitôt, je me retrouvai dans une vaste salle, aux murs de pierres vertes décorés de tableaux, de tapisseries, et de moult autres choses propres aux gens de magie. Un véritable brasier brûlait doucettement dans un grand âtre, répandant une chaleur plus que bienvenue après le froid de la montagne, et nous foulions aux pieds un magnifique tapis de laine colorée, décoré d’arabesques et de symboles cabalistiques.
Dans le fond, face à nous, un homme sans âge siégeait sur un trône immense, en or et en pierreries. Il était vêtu d’une robe bleue sombre, et d’un large chapeau pointu de même couleur. Il fouraillait dans sa barbe fournie, qui lui tombait sur la poitrine. Il avait l’air intrigué, en nous observant.
« Qui êtes vous?
-Je suis le Chevalier Argoth.
-Argoth? Je ne connais pas ce royaume. Qui sers-tu?
-Personne. Argoth est mon nom.
-Tiens donc, un Chevalier Sans Terre. Voilà qui est étrange. Que viens-tu faire en ma demeure, Chevalier?
-L’on m’a parlé de vous.
-Et que t’as-t-on dit de moi?
-Que vous pourriez peut être me fournir une épée.
-Je le peux.
-Je vous le demande, donc.
-Sais-tu combien de guerrier comme toi se sont présentés à moi, tous me mandant la même chose?
-Je crains que non.
-Je dirais une bonne centaine. Tous sont repartis bredouille. Pourquoi en irait-il autrement avec toi?
-Vous seul avez la réponse.
-Certes. Je te concède cependant un avantage sur tes prédécesseurs. Tu es le seul à avoir frapper avant d’entrer. En cela tu es plus proche de ta quête que tous les autres. La politesse est une des nombreuses vertu de la chevalerie, les hommes n’ont que trop tendance à l’oublier. »
Messire Argoth s’inclina.
« Tu désires l’une de mes épées.
-Assurément.
-Fort bien. Sache cependant que mes lames ne sont faites que pour des hommes pouvant s’en montrer digne. Crois-tu être de ceux-là?
-Je le pense.
-Alors tu devras le prouver. Dans ma cave vit une bête, qui depuis trop longtemps me gène. Débarrasse m’en, et j’accéderais à ta requête. »
Mon Maître s’inclina de nouveau.
« J’ai un souci cela dit, sans vouloir vous importuner. J’ai attaché ma monture à la hampe de ma lance, et je me retrouve ainsi désarmé.
-Et tu espères donc que je vais te fournir une arme?
-C’est cela même.
-Tu es audacieux, Chevalier… Tiens, voilà pour toi.
-Un couteau?
-te plains tu?
-Non, non, mille excuses, je ne voulais pas paraître grossier. Cela me convient parfaitement. Où se trouve votre cave? »
L’Enchanteur se leva, puis se dirigea vers le mur de gauche, sur lequel il passa la main un bref instant. Une porte dérobée se révéla dans un crépitement d’étincelles mauves.  C’était une porte toute simple, sans ornements. Messire Argoth l’ouvrit, découvrant un escalier de pierre qui s’enfonçait en tournoyant dans les profondeurs de la montagne. Enfin, si toute fois nous y étions toujours. Aussitôt, des râles d’une extrême violence nous parvinrent.
« Je vous souhaite bien du plaisir, dit l’Enchanteur avec un petit sourire. »
Mon Maître hocha la tête, puis m’intima de le suivre en me jetant un regard. Il récupéra la torche qui flambait sur le mur, puis commença la descente. L’escalier était étroit, raide et glissant. Au fur et à mesure que nous nous enfoncions, les cris de la bête s’amplifiaient. Messire Argoth tenait fermement son arme de fortune, et gardait son flambeau à bout de bras pour bien éclairer le chemin.
« Messire, quel peut bien être ce monstre, pour faire pareille cacophonie, demandai-je »
Il secoua la tête sans répondre, comme à son habitude.
Je perdis vite la notion du temps. Les marches se succédaient avec une lente monotonie. Des dizaines, des centaines, des milliers. Plus nous approchions de notre but, plus la chaleur s’intensifiait. Soudain, Messire Argoth se stoppa,
« Sommes nous arrivés? »
Il me fit signe que oui. En effet, je n’entendais plus les cris de la choses. Face à nous s’étendait une très vaste salle, littéralement plongée dans les ténèbres. On n’y voyait goutte, une fois le regard en dehors de la sphère de lumière qu’émettait le flambeau.
Je la percevais. La respiration lente et puissante de la bête. Elle se tapissait dans le noir, sûrement attendait-elle le bon moment pour fondre sur nous. Malgré moi, je reculai de quelques pas. Messire Argoth agita la torche devant lui, essayant tant bien que mal d’y voir un peu plus. Sans succès. Alors il rejeta le bras en arrière, et, comme pour son combat avec les Spectres, lança loin la torchère. Elle voleta un moment dans les airs, perçant les ombres, puis retomba sur le sol nu en roulant un peu.
Le monstre, car s’en était vraiment un, était immense. J’estimais à [à] peu près deux mètre quatre vingt sa hauteur. Il possédait un long corps de serpent, couvert d’écailles verdâtres et répugnantes, suintantes une liquide ignoble et épais. Sa tête oblong se finissait par un bec d’oiseau encore maculé de sang et garni de crocs monstrueux. Ses yeux, petits et vicieux, rougeoyaient dans la pénombre. Sa queue fouettait l’air, terminée par un dard impressionnant d’où s’écoulait un poison mortel. Ses pattes puissantes étaient celles d’un aigle, et ses serres raclaient la pierre avec impatience. La bête n’avaient pas de pattes à l’avant, mais une paire d’ailles membraneuses, à la manière des chauve-souris.
Elle rugit alors, secouant les fondations de l’endroit où nous nous trouvions. Messire Argoth s’avança. Il inspira profondément, puis cria à son tour, mais ce n’était pas là le cri d’un homme, ni celui d’un monstre, mais celui d’un animal, noble et fier, sans peur ni vices. Je craignais pour mon Maître. Malgré toute sa vaillance, je doutais que sa malheureuse dague puisse entailler la peau épaisse du monstre.
Lui ne se posait pas autant de questions. Il se mit à courir vers son adversaire, son écu devant lui. Le combat s’engagea ainsi. Ce fut une lutte acharnée, brutale, nerveuse et sanglante. Messire Argoth se déplaçait vivement afin d’éviter les morsures, les griffes, les piqûres, et les flots de miasmes que la créature inhalait à chaque souffle. Il dut souvent utiliser son bouclier, qui s’endommageait un peu plus à chaque choc. Son armure également reçut de nombreux coups, qu’elle absorba. Jouant habilement de son arme, Messire Argoth infligea blessure sur blessure, entaille sur entaille, et la bête ne tarda guère à saigner abondamment, en poussant des cris de douleurs abominables. Finalement, voyant sa fin proche, elle tenta de s’envoler vers les hauteurs de la salle, pour se mettre à l’abris. Mon maître s’agrippa à l’une de ses pattes, et escalada petit à petit le corps reptilien du monstre, se protégeant de la queue empoisonnée à l’aide de son écu. Lorsqu’il fut sur sa tête, il leva haut son couteau, puis le planta avec force. La créature hurla une seule fois, et de sa gueule jaillirent des torrents de muqueuses, de boue, et d’autres choses encore plus ignobles. Puis, lentement, elle bascula dans le vide, et s’écrasa sur le sol, soulevant un nuage de poussière.
Messire Argoth était victorieux. Nous entendîmes alors des applaudissements. L’Enchanteur était là, assis sur son trône, et souriait. Nul doute qu’il avait usé de magie pour arriver ici en aussi peu de temps.
« Je suis impressionné, Messire Argoth. C’était un beau combat. Vous m’avez donné la preuve que j’attendais. Je forgerais votre épée. »
Mon Maître se tapa la poitrine du poing en s’inclinant.
« Ce monstre s’appelait Wyvern. Cela faisait des années qu’il m’importunait, saccageant ma demeure, troublant mon sommeil et dévorant mes gens. A présent tout va rentrer dans l’ordre. »
L’Enchanteur frappa dans ses mains. Aussitôt, des centaines de torches apparurent sur les murs, inondant la salle d’une lumière orangée. Sous nos yeux ébahis, ce qui n’était qu’une vaste cave vide et froide se changea en une bibliothèque somptueuse. Les grandes étagères jaillissaient des murs, les longues tables d’étude poussaient du sol, recouvertes d’un fatras de parchemins et de vieux ouvrages reliés de cuir, les alambics et les fioles colorées voletaient dans les airs pour venir atterrir dans de grands coffres finement travaillés. Un forte et plaisante odeur de papier vint rapidement agréer nos narines. Des armures décoratives s’assemblèrent d’elle-même pour venir se placer le long des murs. C’en était merveilleux, un véritable prodige de magie.
« Monseigneur, sans vouloir paraître grossier, dis-je, pourquoi ne pas vous en être débarrassé vous-même, vos pouvoirs sont immenses!
-Je ne pouvais pas. Ma magie n’avait nulle emprise sur lui. Toutes mes belles arcanes ricochaient sur son corps.
-Comment est-il arrivé ici?
-Wyvern était le fils du grand dragon Sigür, qui dort dans les profondeurs des Khaz’Khoradan. C’est lui que me l’a envoyé pour me punir d’avoir élu domicile sur son territoire. Mais n’en parlons plus, tout cela est fini à présent. »
L’Enchanteur se leva de son trône puis se dirigea vers le corps encore fumant de la bête occise. Il fit quelques gestes étranges dans les airs, et une hache énorme apparue dans ses mains, qu’il tendit à Messire Argoth.
« J’ai besoin du bec de Wyvern pour votre épée. »
Mon Maître se dépêcha de découper le précieux ingrédient à grands coups de hache.

« Du Minerai de Naïn pour une lame fine et éternellement tranchante.
De l’Alliage de roches pour sa résistance et son équilibre.
De l’or pur, pour une garde sans faille qui éclaire les ténèbres.
Un rubis pour une parure qui canalise les Arcanes.
Et de l’Ivoire de Dragon pour un manche solide et fidèle, qui guide le bras et l’esprit. »
Devant nous, sur un établi de fer, s’étalaient tous ces matériaux, plus rares les uns que les autres. L’Enchanteur les désignaient un à la fois, pour nous expliquer leur fonction. Puis il commença la fabrication. A l’aide de quelques mots de pouvoir, il fit apparaître un petit marteau duquel émanait une lueur orangée. Sa tête et son manche étaient couverts de runes et de symboles.    
Le mage travailla d’abords longuement le minerai, à grand coup de son marteau, qui projetait de nombreuses étincelles colorées à chaque choc. Tout en s’agitant, l’Enchanteur psalmodiait une lente litanie, et ses yeux se teintèrent d’orange et d’or. De ses mains experte ne tarda guère à naître une lame d’une perfection inouïe, longue d’environ un mètre soixante, fine et plate, et également acérée comme nulle autre pareille.
Fidèle à la vieille tradition, Messire Argoth ne perdait pas une miette de la fabrication de son épée -qui l’accompagnerait toute sa vie- les bras croisés.
Après quoi, l’Enchanteur fusionna l’Alliage à la lame, lui conférant une couleur un peu vermeil. La résidence de notre hôte résonnait de la lutte entre l’enclume et l’outil. Saisissant la lame chauffée au rouge à main nue sans même se brûler, le mage la refroidit dans un tonneau d’eau glacée, qui s’évapora dans une tourbillon de vapeur. Puis il prit l’or et recommença son labeur, pour lui conférer la forme stylisée de la garde, sur laquelle il greffa le Rubis qui s’illumina subitement.
Enfin, il réduit le bec de la Wyvern en une très fine poudre. A l’aide de sa magie, il l’a fit s’enrouler autour de son doigt tendu, puis il força la voix alors qu’il in[cantait]. La poudre s’assembla de nouveau, se solidifiant au contacte, adoptant la forme effilée du manche, terminée par une pointe que l’Enchanteur rehaussa d’une fine feuille d’argent. Puis il assembla chaque partie à l’aide de ses sortilèges, faisant une colle magique toute en runes qui s’unifièrent, assurant à l’ensemble une cohésion parfaite. L’épée se souleva alors d’elle-même, et vint flotter jusque dans la paume ouverte de Messire Argoth. Il l’a brandit devant lui, pour la saluer, la caressant du regard, faisant connaissance avec sa nouvelle compagne. Il plaqua la lame contre son front et ferma les yeux, selon un ancien rite de la Chevalerie, communiant avec son arme pour créer un lien symbiotique qui ne se briserait jamais.
« Quelle nom dois-je inscrire dessus? »
Messire Argoth reposa l’épée sur l’enclume, et réfléchit quelques instants.
« Arrrendia, finit-il par lâcher. »
L’Enchanteur le regarda en souriant, puis, à l’aide d’un très fin burin et du marteau, grava avec une minutie extrême deux runes, calligraphiées de fort jolie façon.
« Qu’est-ce que cela signifie?, demandai-je »
-Pureté, me répondit-on. 
-C’est un jolie nom. »
Les runes, une fois leur inscription finie, brillèrent d’une très forte lumière, puis s’apaisèrent. Messire Argoth possédait enfin une épée, et pas n’importe laquelle.

L’Enchanteur donna à Messire Argoth un fourreau qu’il créa à l’aide des écailles de Wyvern, pour lui assurer une grande résistance. Puis, sur demande de mon Maître, il lui remit également un flacon fait d’un métal magique. Messire Argoth trancha alors le dard de Wyvern, et recueillit son poison dans la fiole. Il en versa également quelque gouttes sur la lame d’Arendia, afin de la protéger de toute corrosion. Il conserva le reste dans un sac, qu’il me remit, avec également l’aiguillon de la bête, comme trophée de victoire.
« Brave Chevalier, tu m’as rendu un très grand service en occitant la bête de tous mes tourments. En cela je te serais éternellement redevable. Voici un petit cadeau, pour te remercier. »
L’Enchanteur tendit le bras vers l’écu de Messire Argoth et agita les doigts. En quelques instants, il n’y eu plus aucune traces des dommages causés par le combat. Puis une fine bande mauve emplie d’arabesques d’or colora le contour du bouclier, débutant ainsi le blason de Messire Argoth. Celui-ci s’inclina pour le remercier. Après quoi, le mage nous renvoya à la surface dans une spirale de magie. Nous franchîmes la porte solitaire dans l’autre sens, et nous nous retrouvâmes de nouveau sur les hauteurs des Khaz’Khoradan. Cependant, derrière nous, une grande tour d’ivoire s’élevait dans les nuées, où sa flèche de tuiles bleues piquait les nuages chargés de foudre. Messire Argoth récupéra sa lance, passa Arendia à sa ceinture, battant sa cuisse gauche, puis nous entamâmes la descente du Petit Pic…

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« Réponse #56 le: mardi 13 novembre 2007, 19:45:53 »
Etant amorphe ce soir, telle une larve, je n'aurasi pas grand chose à dire j'en suis fort désolé :niak:
Je tiens d'abord à te préciser qu'il y a pas mal de fautes dans ce texte quand même (enfin pas non plus trois tonnes mais une petite dizaine mettons) dont la plus importante à te faire part est la suivante : "arcane" n'est pas un nom féminin malgré les apparences. On parle d'un arcane et non d'une arcane (et attention au sens, un arcane signifie un mystère et non une technique par ailleurs, même si ça peut désigner en effet un sortilège... Cependant je pense que ça vaut plus pour un sortilège interdit que pour des sortilèges rudimentaires).
A part ça un bien chouette combat, bref, efficace, en un mot : concis. Argoth est toujours aussi classe et possède enfin son épée : l'heure d'aller occire la Tarask et après ceci d'en apprendre sûrement davantage sur sa quête et son passé :niak:

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« Réponse #57 le: jeudi 29 novembre 2007, 21:41:13 »
Comme disait un vieil ami "Un Magicien n'est jamais en retard, ni en avance. Il arrive à point nommé" , du moins, quelque chose dans le genre. :niak:

Voici donc le début de la deuxième partie de la Geste du Chevalier Argoth, rien que pour vous :niak:

Ceci dit, je ne vous cache pas que j'ai repris l'écriture du Cycle en parallèle, et que donc je pense qu'une fois cette deuxième partie d'Argoth achevée je ferais un p'tit break pour mettre la suite du Cycle... ou pas :niak: enfin je verrais, je voulais juste vous prevenir :niak:

Sur ce, bonne lecture!



_______________


II/ Premiers exploits (Première Partie)


« Tu es revenu Chevalier.
-Je suis revenu.
-Quel est tom nom déjà ?
-Argoth. Messire Argoth.
-Messire Argoth… Et ton écuyer ?
-Je ne sais pas. »
           La réalité me frappa en entendant ces mots. C’était vrai. Mon Maître ne connaissait pas mon nom.
« Tu ne sais pas ? Hahaha… Comment peux-tu faire confiance à un homme que tu ne connais pas ?
-Je ne sais pas. »
Et moi non plus, je ne savais pas.
La Tarask s’agita dans son bassin. Ses yeux fous fixaient Messire Argoth avec appétit.
« Bien, Chevalier. Assez parler. Il est venu le temps d’honorer ton serment.
-Soit »
Mon Maître revint quelque peu sur ses pas, et enfourcha  Sor’n, qui piaffait d’impatience. Il attacha son écu à son bras, et prit sa lance dans l’autre main. Tarask étendit son cou par dessus la prairie, la souillant de l’infection qui écumait de sa gueule. Elle s’apprêtait à sortir de l’eau.
Le monstre ne ressemblait à rien de ce qu’il m’avait été donné de voir jusqu’à maintenant. Il avait six pattes d’ours, puissantes et courtes, de par et d’autre d’un corps chevalin. Sa queue de loup était hérissée de pointes acérées qui suintaient un poison mortel. Etrangement, son émergence ne troubla en rien le calme surnaturel de l’onde noire.
« Prépare toi à finir déchiqueter par mes crocs.
-J’en suis honoré »
Les adversaires se firent face un moment. Puis Messire Argoth talonna les flancs de Sor’n en poussant un cri de guerre. Il brandit haut sa lance, et passa sous la tête de Tarsak avec agilité. Arrivé à hauteur du côté droit de la bête, il y planta avec force son arme, qui se ficha dans un bruit mat. Puis il repartit au galop en sens inverse.
Tarask hurla en s’ébrouant. Elle cracha des torrents de miasmes épais qui répandirent une fumée âcre sur la clairière.
« Argoth ! »
Tout en prononçant le nom, elle chargea avec une vitesse impressionnante pour sa morphologie. Elle ondulait du corps dans son mouvement, à la manière des serpents. La bête frappa Sor’n de plein fouet, l’envoyant voltiger dans les airs. Messire Argoth retomba durement sur le sol, et roula vite sur le côté pour éviter la gueule avide qui tentait de se saisir de lui. Trouvant une occasion, il déferra Arendia, et d’un geste prompt trancha net dans la chair. Le monstre recula en hurlant, la moitié gauche de sa mâchoire pendant dans le vide, et d’où un sang obscur et épais s’écoulait lentement.
Alors que mon Maître se relevait, j’eu l’impression que l’endroit se faisait moins menaçant, moins sombre. On aurait dit que Arendia dissipait quelque peu les ténèbres.
Tarask repartit à l’assaut. Messire Argoth se jeta en avant, roula pour éviter les dents pointues, se releva et *tenta d’embrocher la bête. Malheureusement, le monstre, à une vitesse fulgurante détendit son cou comme un ressors, et parvint à capturer le Chevalier entre ses crocs. Par bonheur, l’armure de Messire Argoth était résistante, aussi ne finit-il proprement coupé en deux. S’avisant de cela, Tarask projeta sa proie dans les airs, l’envoyant voltiger contre un arbre. La force du choc fut telle que le végétal se déracina et tomba lourdement sur le sol, provoquant un vent qui fit voltiger un paquet de feuilles mortes et d’humus pourri. Messire Argoth se redressa vaillamment, sa longue queue rouge fouettant l’air derrière lui. Il releva la lame d’Arendia, se tassa sur lui même puis bondit en avant. Sprintant à une vitesse plus que rapide, il bondit au dernier moment pour éviter la mâchoire grande ouverte qui fonçait sur lui. Il se réceptionna souplement, et s’élança afin de récupérer son écu, tombé un peu plus loin sur le sol. Ainsi équipé, il se retourna et repartit batailler. Ecartant la tête de lion d’un revers puissant de son bouclier, il courut vers la flanc ainsi découvert. Cependant, la bête fit un écart, et son corps monstrueux percuta le Chevalier avec assez de force pour l’envoyer bouler dans l’herbe. Vive comme l’éclaire, la Tarask commença à enrouler son cou immense autours de la taille de Messire Argoth, comme un serpent, l’étouffant.
« Où sont donc passés ta force et ton courage Chevalier ?, susurrait la bête. Voilà donc tout ce dont tu es capable.
-Sache… Monstre… Qu’un Chevalier… ne renonce… Jamais ! »
Argoth se pencha en arrière, puis projeta son crâne avec le maximum de force qu’il put mettre dans le mouvement. L’impacte arracha un cri de douleur à Tarask, qui relâcha son étreinte, permettant ainsi à son adversaire de se dégager et de chuter au sol. Messire Argoth roula sur le côté pour se mettre à l’abri puis se releva. Les duellistes se dévisagèrent, puis d’un accord tacite chargèrent l’un vers l’autre. Alors même qu’ils allaient se percuter, le Chevalier réalisa une prouesse digne de lui. Il sauta au dernier moment, retombant souplement sur le cou tendu du monstre, puis courut le long du membre grêle. Saisissant son épée à deux mains, il bondit une dernière fois et larda le flanc découvert du monstre d’un coup d’épée fulgurant. La bête s’écarta promptement en criant. Elle essayait de couvrir la blessure de ses pattes, mais celles-ci étaient trop courtes.
Mon Maître pointa sa lame vers la tête de Tarask, et déclara :
« Je t’ai vaincu. Jure de partir et de ne jamais plus paraître sur la terre des hommes, et tu pourras vivre.
-Sois maudit, Chevalier. Toi et tous les tiens. Jamais mon trésor ne sera tien, jamais ! »
Alors Tarask bondit gueule grande ouverte. Argoth plaça Arendia bien droite devant lui, juste entre les yeux. Le salut Chevaleresque.
Puis, dans un éclair de lumière, il trancha la tête du monstre, qui partit tournoyer quelques instants dans l’air.
« Mon père viendra. Oui, il viendra. Il me vengera, Chevalier, il me vengera ! Sois en certain ! »
Et c’est ainsi que périt la légendaire bête de Tarask. Un rayon de soleil solitaire vint illuminer mon Maître, dans ton sa gloire.
Il était victorieux, une fois de plus.

« Ecuyer, aujourd’hui est un jour glorieux. J’ai vaincu l’une des bêtes les plus effroyables de la contrée. Voici le point de départ de ma légende. Oui de ma légende. Et cette légende, je veux que ce soit toi qui l’écrives. Je suis pareil à Tristïus, j’ai peur de mourir sans que personne ne me connaisse. J’ai besoin que l’Histoire se souvienne de moi. Je suis spécial. Je suis différent. C’est ce qui fait ma force. »
Je l’écoutais, captivé. Sa grandeur impalpable me fascinait. Oui, il était différent. Il était fort, il était brave, il était bon. Il était Chevalier.
« Je suis destiné à devenir un héros. Mais pour cela il me faut accomplir une quête. Une quête que nul encore n’a eu le courage d’accomplir. Par exemple, Tristïus défit le géant Kor’Gath à l’aide d’une simple dague ; Falawÿn le Mage apprivoisa le Dragon Auswÿn en lui racontant des histoires ; Galariade d’Esboni luta seul contre cent hommes dans le Défilé D’Argent et vainquit. Tous ont fait de grandes choses. Je suis le prochain.
-Messire, puis-je vous poser une question ?
-Je t’en pris.
-Quelle est votre quête ?
-Je recherche la Faërite Ecuyer. La Faërite… »
La Faërite. La Pierre des Fées. La Magy’Pierre. Le Roc des Dieux.
« Qu’en ferais-vous, Messire ?
-Je la détruirais. Et sa magie sera mienne, à jamais.
-Personne ne sait où elle se trouve.
-Je la trouverais.
-Beaucoup y ont consacré leur vie.
-J’y mettrais la mienne s’il le faut. Je parcourais le monde à sa recherche. J’ai confiance Ecuyer. J’ai confiance. »
Messire Argoth enleva sa ceinture, son armure, et posa Arendia dessus. Après quoi, il plongea dans la marre que gardait Tarask. Quant à moi je réfléchissais. Tout cela me paraissait bien étrange. Une entreprise folle et sans espoir.

Nous contemplions le véritable trésor que Messire Argoth avait remonté des profondeurs de la mare, qui était en réalité beaucoup plus profonde qu’on ne se l’imaginait. Il y avait là des bijoux, de l’or, des pierreries, de l’argent, des objets d’arts, des reliques oubliées, des armes étincelantes, épées, haches, lances, arcs, des pièces d’armures polies… Je n’avais jamais osé rêver pouvoir tenir entre mes mains le centième de tout cela.
« Ce trésor n’était pas le bon. Je ne vois trace de la Faërite, Et je suis sûr d’avoir tout rapporté.
-Qu’allons-nous faire de tout cela ?
-Je n’en ai que faire. Rien de ceci ne m’intéresse. A l’exception peut être de ces choses là… »
Messire Argoth se pencha et ramasser un arc de chêne, de bonne facture, mais pourtant rien d’exceptionnel en comparaisons de ses homologues qui se trouvaient toujours sur le sol. Mon maître remplit le carquois associé de bien curieuse façon : Il y inséra trois flèches de frêne, trois de cuivre, trois de bronze, trois d’argent et trois d’or.
« Bien, nous avons assez traîné par ici Ecuyer. Le destin nous appelle, et il ne se trouve pas ici. Prend de quoi acheter des vivres et un cheval pour toi lorsque nous ferons halte dans le prochain village. »
Alors qu’il enfourchait Sor’n, il se stoppa soudainement et regarda autour de lui.
« Regarde, me dit-il »
Le spectacle me laissa sans voix. Les sombres bois de Tarask étaient méconnaissable. Le soleil s’infiltrait avec force dans les frondaisons, baignant la clairière d’une lumière aveuglante après l’obscurité du bosquet. Les oiseaux chantaient, les insectes bruissaient gaiement, et l’on pouvait entendre le pas de plusieurs animaux dans les fourrés. La forêt de Disëry était enfin libérée de sa malédiction. L’onde noire qui servait d’antre à Tarask commença doucement à se clarifier, le phénomène se propageant comme un remous lorsqu’une pierre vient troubler la surface. L’eau qui en résulta était la plus pure qu’il m’ait été donné de voir. Messire Argoth s’en approcha, et y remplit son outre. Après quoi, il jeta le reste du trésor dedans, m’assurant mystérieusement qu’il serait bien gardé. Puis nous reprîmes la route, après que j’eus récupéré la tête de Tarask, qui alla rejoindre le Dard de Wyvern…

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #58 le: jeudi 29 novembre 2007, 22:03:34 »
Je te hais ! Je te hais presque autant que je t'aime !

Au moment même où j'allais me déconnecter je me suis permis un petit tour supplémentaire sur le forum. Bien entendu, loin de moi l'idée de trouver un chapitre supplémentaire de ce brave Argoth... Et pourtant... Mais tu n'imagines donc pas qu'à cause de ça, je suis resté une dizaine de minutes voire un quart d'heures de plus sur l'ordinateur ? Certes, le commentaire prend plus de temps que la lecture, assurément, puisque le lecteur passe du statut de passif à actif, ce qui, si l'on en croit les hautes instances, demande plus de travail et donc de temps. A préciser : les hautes instances semblent être celles de mon cerveau.

Donc voilà, je m'égare, je m'égare et Argoth ne s'égare pas, ça non. Il achève la Tarask en deux temps trois mouvements au sein d'une lutte acharnée qui aurait mérité à être plus significative, plus longue (mais pas plus anecdotique, un simple combat pour du combat n'a, à mon sens, que peu d'intérêt). Il se trouve que ce combat pour du combat a un intérêt certain : l'affirmation de la force d'Argoth. Le combat en lui-même me semblait anecdotique, du genre grands films d'action ("là, Argoth fait une roulade puis embroche Tarask") bon, ça fait un peu holywoodien mais à bien y repenser, il y avait-il d'autres choix ? Ce qui est le plus à critiquer est peut-être la rapidité du combat et un manque d'implication qui fait qu'il paraît plat et exprimé en termes purement techniques. Un peu plus de détails sur chaque action, un développement, plus de style pour expliquer que Argoth ne faisait pas une roulade pour le simple plaisir d'esquiver la Tarask mais aussi car il a choisi la roulade et non le pas de côté, par exemple. Enfin, peut-être dis-je ça car mon cerveau est parti pour s'imaginer un combat dantesque que peut-être personne (ni moi qui l'imagine) ne serait capable de rédiger. Les mots sont bien peu de choses, finalement, mais la dimension nouvelle qu'ils dépeignent est de loin plus intéressante encore.

Et voilà, je me perds en réflexions presque philosophiques (mais qui n'en sont pas) et j'oublie de dire que la quête d'Argoth est enfin éclairée par ses paroles ! De plus, l'origine du conte, à savoir le narrateur, c'est à dire l'écuyer est enfin révélé, ainsi qu'un pan de l'Histoire de ton univers. Qui sait, peut-être retrouverons-nous bientôt Le Mage Falawÿn au même titre que Le Chevalier Argoth dans cette Tour du Rouge ?

Bref, bref, que de bonnes choses annoncées, avec, toujours cependant, cette réserve sur le combat. M'enfin, que cela ne t'mepêche pas de continuer à écrire des textes de combats, il n'y a que comme cela que l'on s'améliore !

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #59 le: jeudi 29 novembre 2007, 22:49:40 »
Moi aussi je te hais :niak: En lisant ton commentaire, plus particulièrement la partie sur le combat, je n'ai pas pu m'empêcher d'éprouver des remords, et j'ai donc développer ledit combat un peu plus, que j'ai ensuite rajouté au texte. La nouveauté commence à partir du petit astérix en gras.

Certes après une nouvelle relecture, je l'ai trouvé également un peu maigrichon. Ceci dit, Argoth est un texte assez différent de ce qui se fait d'habitude dans la mesure ou c'est une légende racontée par un conteur, et donc dans un certain sens, j'ai trouvé logique de ne pas m'attarder sur les combats autant que je l'aurais dans le Cycle du Rouge par exemple :niak: Mais bon, j'avoue que pour un combat annoncé depuis un moment, je me suis pas trop foulé. Mea culpa :niak:

Quant au reste, j'ai déjà de nombreux projets d'écriture dans l'univers du Continent et autours de Samyël, ceci dit l'histoire du Mage Falawÿn n'en fait malheureusement pas parti =p du moins pas encore... :niak: