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La Tour du Rouge : [Random | Très court] Sans titre #1

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Prince du Crépuscule:
Ah oui, effectivement, j'avais pas du tout vu ça comme ça pour l'invasion. Moi je croyais vraiment l'empire au bord de la ruine, avec le sud du pays (Chizell, Faltmöss etc.) déjà conquis et tout. Tu m'étonnes que j'avais rien compris. Mais c'était débile de ma part, puisque tu as écrit à plusieurs reprises qu'ils se trouvaient en Orientir.
Enfin bref, merci pour la petite carte, elle m'a été salutaire. :niak:

Concernant le dernier bout de chapitre, eh bien, ça déménage. Comme tu dis, les choses sérieuses commencent, tu nous le fais sentir bien comme il faut. Brr ça fait froid dans le dos quand même, ces histoires d'apparitions. Bon, je me doutais quand même que Vizamir en réchapperait, mais quand on voit le sort que tu as réservé aux autres, je craignais qu'il n'en prenne pour son grade. Enfin tu me diras, un doigt en moins, ça refroidit déjà un peu.
N'empêche, je suis content que la scène de torture n'ait pas duré trop longtemps, déjà que j'aime pas trop ça, mais en plus quand on décrit ça aussi bien, bah ça rend assez mal à l'aise. Et puis ce vieux prêtre dégoûtant, typiquement GMSien, n'est pas là pour arranger les choses. Enfin bref, je suis content que le démon l'ait crevé, il méritait pas mieux.

Maintenant, je suis vraiment curieux de savoir ce qui attend Vizamir au bout de cette fameuse Route. Parce que cette recherche est un peu le thème principal du truc, mine de rien, et que ça peut être vraiment tout et n'importe quoi. Connaissance ? Identité ? Désillusion ? ça a pas l'air tout rose en tout cas, si tu veux mon avis. :roll:

Au fait, je sais pas si c'est voulu ou non, mais le fait que l'apparition fonde et se disloque, ça m'a vivement rappelé le Dieu-guerrier de Nausicaä, quand Kushana le force à "tirer" sur les Ômus. Tu me diras, c'est un motif récurent chez Miyazaki, puisqu'on retrouve plus ou moins la même chose avec le Dieu-cerf de Princesse Mononoke et le sans-visage de Chihiro. Mais, à mon sens, c'est dans Nausicaä que la chose est la plus frappante (peut-être parce que j'ai lu - et adoré - le manga, aussi). Enfin voilà, j'ai pas pu m'empêcher d'y penser, en bon fan que je suis.

J'espère qu'on va avoir des nouvelles de Skelda dans la prochaine partie en tout cas. C'est pas que je m'inquiète, mais un peu quand même. Le vieux savait où elle est, donc il risque d'y avoir pas mal de grabuge. Et qui sait, peut-être Vizamir va-t-il venir la sauver sur son blanc destrier ? :love:
Ah non, je me suis trompé de fiction, excuse. :o

Bref, c'était mon 3000ème message, rien que pour toi. (enfin, sans la suppression du Café, ç'aurait pas été tout à fait le cas, mais faisons comme si)
Attends-toi à me voir venir souvent dans le coin, car je ne compte pas lâcher le morceau de sitôt. Et comme dirait Dutschi, vivement la suite !

Great Magician Samyël:
Doutchy ==> Merci pour le commentaire :D

PdC ==> Non effectivement, la guerre n'a toujours que les territoires d'Ikérias, l'Orientir principalement. Faltmöss et Chizell n'ont absolument pas été inquiétée. Mais je fais un peu la lumière sur la situation politique dans ce début de chapitre V, ça t'aidera peut-être à mieux visualiser l'ensemble. :niak: Et puis je ne vois pas de quoi tu parles, tu sais très bien qu'avec moi ça finit toujours en gros happy end rose de l'amour.  :ange:
Pour ton analogie avec Princesse Mononoké, et plus généralement avec l'oeuvre de Myasaki, tu as parfaitement raison. C'est exactement ce que j'avais en tête en décrivant l'apparition et sa dislocation. Bien joué :niak: Un gros merci en tout cas de continuer de passer, et en espérant que la suite te plaise! :)


Sur ce, première partie du chapitre V, où on revoit Skelda. Un peu.

Bonne lecture!

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Carte de la Route.

Chapitre cinquième :
Le Déicide
-1ère Partie-



Il s’enfuit de l’Ikérum Castrum par sa poterne Est, après avoir tué la sentinelle en lui tranchant la gorge par derrière. Il tira frénétiquement le corps jusqu’à une alcôve, et la dépouilla des vêtements qu’elle portait sous sa chemise de maille et son haubert de cuir. Il récupéra ensuite un manteau noir à capuchon qui pendait à un crochet, et s’en drapa pour sortir. Il allongea rapidement ses foulées, et se fondit dans la foule à peine éveillée d’Ikérias.
   L’aube était déjà là, peignant le ciel grisâtre de longues bandes de rose et d’orange. Plus aucun feu ne brûlait sur la façade du Colisée, et les rues, étrangement silencieuses, s’agitaient paresseusement aux odeurs de pain frais et de lard grillé. Cela permit à Vizamir de prendre conscience de sa faim dévorante, mais il s’en soucia peu. Toutes ses pensées étaient focalisées sur Skelda. Si Honorius avait dit vrai, elle allait être arrêtée, à moins qu’il n’arrive le premier. Il lui faudrait ensuite récupérer leurs affaires et déguerpir le plus vite possible. Il connaissait quelques gredins de la basse ville qui accepteraient son or en échange d’un passage sûr hors de la ville à travers les égouts obscurs, il n’en doutait pas.
   Tenaillé par la peur, il accéléra autant qu’il l’osa, ne souhaitant pas attirer l’attention sur lui. Chaque fois qu’il fermait les yeux, même un court instant, l’image de la créature suintante lui revenait à l’esprit. Elle l’avait appelé Caelach. Une semaine auparavant il n’avait jamais entendu ce nom, et maintenant il avait l’impression que tout le monde l’appelait ainsi. Enfin, tout le monde… surtout les entités démoniaques, ajouta-t-il pour lui-même avec un pâle simulacre de sourire bien vite dissipé.
   Il avait connu des jours meilleurs. Affamé, épuisé, sa main pulsait douloureusement, essayant de se rappeler à son bon souvenir, mais Vizamir faisait tout son possible pour occulter cette sensation. Il préférait penser à la perte de cette partie de lui plus tard. Il réalisa qu’il avait oublié, dans sa précipitation, de récupérer son membre, et l’espace d’un court instant, il songea à y retourner, mais oublia bien vite cette idée idiote. A l’heure qu’il était, l’Ikérum Castrum devait résonner du chant des alarmes. Il serait bientôt l’homme le plus recherché de la ville, il n’en doutait pas. Ce qui lui laissait bien peu de temps.
   Il arriva dans la rue où battait l’enseigne du Gai Légionnaire par une ruelle transversale enténébrée qui lui permettait d’avoir la vision sur la façade de l’auberge. Et son cœur loupa un battement.
   Il arrivait trop tard. Trois légionnaires en tabard jaune pointaient leur hallebarde sur le cou de Skelda, agenouillée au milieu de la rue, tandis que deux autres transportaient le corps sans vie d’un camarade, dont le cou était tordu selon un angle impossible. Deux décuries avaient été réquisitionnées pour l’appréhender, et cela plus la cohorte de badauds curieux ne tarda pas à encombrer la rue. Skelda releva la tête, et son œil brillait d’un éclat de fureur et de défi lorsqu’elle le leva vers le cavalier.
   A la robe immaculée de son destrier, à la richesse de son long manteau jaune, et surtout à la couronne de fer et de bronze qui ceignait son crâne dégarni, Vizamir comprit qu’il s’agissait de l’Empereur Valter en personne. Ses traits communs étaient tirés par la fatigue, et des cernes impressionnantes ornaient ses yeux, cependant c’était un sourire de triomphe qui illuminait son visage.
   -Skelda de Skarg, commença-t-il d’une voix étonnamment portante. Tu es accusée d’avoir débuter une guerre sans raison, d’avoir rasé et pillé de nombreuses villes à travers tout l‘Orientir, d’avoir passé au fil de l’épée des centaines de braves citoyens de l’Empire. Tu es également accusée de commerce avec les démons, comme le prouve ton visage embrassé par la mort, et enfin, tu es accusée du meurtre de sa Sainteté Honorius.
   Des huées sauvages et quelques projectiles jaillirent de la foule des curieux, et certains hommes tentèrent de passer le cordon de légionnaires, certainement dans le but de se faire justice eux-mêmes. Depuis son observatoire, Vizamir serra les poings, la haine embrasant une fois encore son cœur.
   -Donne moi une lame, chien, gronda Skelda dans sa langue rude, et je finirai ce que j’ai commencé.
   Elle cracha au pied du destrier de l’Empereur en signe de défi, mais tout ce qu’elle reçut comme réponse fut un coup de hampe dans la mâchoire.
   -Emmenez la, ordonna Valter en tournant bride. Elle sera bientôt châtiée comme elle le mérite sous les yeux des loyaux citoyens d’Ikérias.
   Le rythme cardiaque de Vizamir s’emballa. Il n’avait qu’une chance. Une folie. Il n’avait qu’une épée trop lourde et un couteau mal entretenu. Eux étaient une vingtaine, bien armés, bien entraînés, et avec la foule de leur côté. Et pourtant, il serra les poings sur le pommeau de ses armes de fortune, prêt à les dégainer… mais une main puissante s’abattit sur son épaule.
   -Cela serait malavisé, mon ami, chuchota une voix lourde dégoulinant d’accent Balcinien. Il n’y a rien que vous ne puissiez faire, si ce n’est trouver une mort rapide.
   Vizamir tourna la tête une demi seconde, apercevant le visage basané et barbu d’un homme en robe bariolée. Déjà les soldats remettaient Skelda debout et lui liaient les poignets dans le dos. Il n’avait qu’une chance, une seule.
   Mais il ne la saisit pas. La peur l’arrêta au moment où il s’apprêtait à bondir. Impuissant, il regarda avec des larmes de haine la procession militaire qui repartait vers l’Ikérum Castrum, dix légionnaires entourant la prisonnière.
   C’était fini. Skelda allait bientôt mourir, exécutée en place publique sous les injures et les huées de paysans dégrossis et sales. Il se serait effondré à genoux si la main du balcinien n’avait pas été sur son épaule.
   -Gardez espoir, mon ami, susurra l’étranger alors que la colonne disparaissait à l’angle d’une rue. Rien n’est jamais perdu pour un homme déterminé. Et après votre exploit de la nuit dernière, je crois que l’on peut affirmer que vous êtes un homme déterminé…
   Vizamir ne répondit rien. Il se demanda un court instant comment l’homme pouvait être au courant de ces événements, mais cela n’avait aucune importance. La rue s’était vidée, la populace ayant suivi la procession militaire. Il en profita pour sortir au grand jour et traversa la chaussée à pas rapides pour pénétrer à l’intérieur du Gai Légionnaire. Quelques chaises et quelques tables avaient été renversées, témoignant sans aucun doute de la résistance que Skelda avait du opposer.
   Une nouvelle larme silencieuse roula le long de sa joue en apercevant le cadavre pâle de Ryan, adossé contre le mur au bas des marches, ses poings crispés autour de la plaie qui lui ouvrait le ventre en deux.
   -Hmm, commenta le Balcinien en entrant à son tour, rien d’autre qu’une preuve supplémentaire de la justice impériale, j’en ai bien peur.
   Vizamir l’ignora et s’agenouilla à côté du corps, duquel il ferma lentement les yeux. Son ami avait certainement essayé de s’interposer, et il l’avait payé de sa vie. Et tout ceci à cause de lui, Vizamir, lui et sa vanité. Tous ces événements se teintaient d’une telle aura d’évidence qu’il se demandait bien comment l’idée même de venir dans la cité impériale lui avait traversé la tête. Folie, tout ceci n’était que folie.
   -Je suis désolé, mon ami, murmura-t-il d’une voix morne et vide.
   La chambre qu’il avait partagée avec Skelda l’espace de quelques heures la veille à peine avait été proprement saccagée. Le sang sur le sol, les impacts dans les murs et le mobilier fracassé témoignaient de la violence de l’arrestation. Par miracle, l’arc de Vizamir était intact, si ce n’était sa corde, cassée nette dans la fièvre du combat. Il en tira une nouvelle de son havresac qu’il récupéra sous les décombres du lit, et passa l’arme en bandoulière, avec son carquois dans lequel ne subsistait que trois flèches intactes.
   Lorsqu’il redescendit, le balcinien était installé à une table, un verre d’alcool devant lui. Il avait fermé la porte de l’auberge, et observait la rue depuis une fenêtre à la vitre brisée. Vizamir l’étudia plus en détail. Il était grand et large, plus gras que musclé, avec des bras comme des jambons et des mains comme des battoirs. Sa peau avait la teinte bronzée typique de la Théocratie, et ses petits yeux bruns et lumineux étaient maquillés de khôl noir. Le sommet de son crâne s’ornait d’une sorte de turban rouge, et il portait une longue robe de velours pourpre rehaussée aux épaules de fourrure grise et maintenue par une vaste ceinture d’un marron clair.
   Son visage poupin était avenant, et il sentait la muscade et les clous de girofle.
   -Qui êtes-vous, attaqua Vizamir d’une voix que la tension et le chagrin rendaient dure.
   -On m’appelle Malik El-Azwaïli. Je suis l’ambassadeur officiel de mon pays ici, à Ikérias.
   -Que savez-vous de ce qu’il s’est passé cette nuit?
   -Ho, peu, en vérité. J’ai entendu dire que vous avez sauvagement assassiné le Haut-Prêtre, ainsi que ses gardes du corps. La description que l’on m’en a faite était des plus… fantaisiste.
   -Comment pouvez-vous savoir tout cela? L’Empereur lui-même ne sait pas que j’en suis le responsable.
   Vizamir préféra endosser la responsabilité de la mort d’Honorius, plutôt que de parler de la… créature. L’idée même de s’ouvrir sur le sujet le faisait frémir. Il avait l’impression que ce qui s’était passé dans cette salle de torture était devenu un secret qu’il devait garder. Des forces maléfiques s’étaient manifestées pour le sauver, et tant qu’il n’en saurait pas plus, il ne voulait prendre aucun risque.
   -L’information est un bien comme un autre, mon ami. Elle s’achète contre du bon or.
   -Qu’est-ce que vous me voulez?, gronda Vizamir, de plus en plus mal à l’aise.
   Son moignon lui faisait un mal de chien et sa migraine empirait. Il était tendu comme une corde d’arbalète, s’attendant à voir débouler un peloton de soldat d’une seconde à l’autre pour finir le travail.
   -Moi? Rien. Mon gouvernement, en revanche… Disons que nous pourrions nous entraider. En toute amitié, bien sûr.
   -Ne me faites pas répéter ma question.
   -Très bien, je comprends. Vous avez vécu des choses difficiles, et vous êtes nerveux. C’est parfaitement compréhensible.
   Malik s’empara de sa coupe et avala une petite gorgée d’alcool, sans se départir d’un petit sourire factice, commerçant.
   -Je vais être très clair, dans ce cas. Je vous propose de libérer votre compagne. Nous pouvons vous fournir des plans de l’Ikérum Castrum, comprenant plusieurs passages dérobés ainsi que les accès condamnés depuis les égouts. Nous graisserons les pattes qui auront besoin de l’être, et nous ferons fermer les yeux qui auront besoin de l’être. Vous récupérez la barbare, et nous vous faisons sortir de la ville, tous les deux, incognito cela va de soi.
   Vizamir fronça les sourcils. Quelque chose le troublait.
   -C’est délirant. Qu’est-ce que la Théocratie aurait à faire avec une cheftaine barbare déchue?
   -Ho, la femme ne nous est d’aucune utilité. Disons qu’elle nous est utile pour prouver notre bonne foi. Bien sûr, nous attendons un juste paiement pour nos services.
   -Bien sûr, grimaça Vizamir en s’agitant. Rien n’est gratuit.   
   -Absolument, acquiesça le balcinien en reprenant une lampée. En échange de la libération de la femme, ainsi que de votre évasion en dehors des murs de la cité, nous voulons que vous assassiniez Sa Divinité, l’Empereur Valter.
   Vizamir ne put empêcher un hoquet de surprise de lui échapper. Il recula d’un pas en arrière, comme s’il venait de recevoir un coup de poing. Il scruta le visage de l’ambassadeur pour y chercher une marque quelconque d’humour ou de malice, mais il se heurta à un mur de sérieux.
   -Pourquoi?, fut tout ce qu’il trouva à répondre. Pourquoi Balcino voudrait se débarrasser de Valter? 
   -C’est compliqué, souffla Malik en s’adossant un peu plus confortablement. Vous avez traversé l’Orientir, vous avez vu ce que votre amie et sa guerre en ont fait. Des champs de ruine, des récoltes passées à la torche, et surtout de très nombreuses exploitations minières laissées à l’abandon. Il n’y a plus un port sur la côte susceptible d’accueillir des navires de commerce. Les Skarg nous ont fait perdre de très nombreux bénéfices durant ces trois années, mon ami. Tout ceci du fait de l’incompétence de Valter à bouter une bande de gueux armés de bric et de broc hors de ses terres. Le sol de l’Orientir est le plus riche du continent, et ses forêts sont abondantes et giboyeuses.
   « Maintenant que la guerre est finie, Valter entreprendra la reconstruction, mais cela sera long et difficile, et les mines ne seront pas remises en état avant quelques années. Nous ne sommes pas intéressés. Certains pensent qu’Ikérias a fait son temps, et nous partageons cette idée. La mort soudaine et tragique du Haut-Prêtre et de l’Empereur laisseront la capital dans le choc et l’effroi, et nul doute que très bientôt les chiens de la cour et les prêtrillons se battront entre-eux pour récupérer chaque miette de pouvoir qu’ils parviendront à se mettre sous la dent.
   « Il y aura la guerre civile, et plus personne pour occuper les garnisons et les postes de guet. Alors l’armée de l’Empereur Alexandros à Chyzell viendra et s’emparera de l’Orientir, grâce aux fonds et aux ressources que nous lui fournirons. L’Empire des Trois deviendra certainement l’Empire des deux, ironisa Malik, mais Alexandros est un homme faible et servile, qui nous obéira. Bien sûr, nous nous sommes assurés quelques garanties, et dès que l’Orientir sera dans le creux de notre poing, la Théocratie enverra des cargaisons d’esclaves pour reprendre l’activité des mines. Et alors, les pertes fâcheuses que l’action de votre amie a engendrées ne seront plus qu’un lointain souvenir. »
   Le balcinien acheva son exposé sur un ton badin, mais ce qu’il venait de révéler était terrible. On parlait d’un nouveau massacre, d’une guerre civile, on parlait de renverser un empire au nom d’un autre, au nom du profit et de l’or. Et s’il acceptait, lui, Vizamir, l’éternel voyageur, l’étranger sans attache ni identité, serait le déclencheur de toute ceci. Il écrirait l’Histoire.
   Cette idée lui donna le vertige, et il dut s’assoir en face de Malik.
   -C’est délirant. Vous êtes fou. Pourquoi voudrais-je faire ça?
   -Pour votre amie, bien sûr.
   -Quand bien même. Si j’arrivais à pénétrer l’Ikérum Castrum, nul doute que l’Empereur est bien gardé, surtout depuis la mort d’Honorius. Je n’aurais aucune chance.
   -Nous vous fournirons tout ce dont vous aurez besoin.
   -Là n’est pas la question. Ce que vous me proposez c’est la mort, rien de plus. Il n’y a aucune chance pour que j’accepte un marché aussi démentiel.
   -Je crains, hélas, que vous n’ayez guère le choix, mon ami.
   Le ton doucereux de Malik lui mit la puce à l’oreille. Relevant la tête, il constata que deux hommes accoutrés comme l’ambassadeur se tenaient dans l’ombre de l’arrière salle, braquant sur lui deux arbalètes chargées. A cette distance, et avec de tels engins, il était peu probable qu’ils ratent leur coup.


Merci d'avoir lu!

Doutchboune:
Pauvre, pauvre, pauvre Vizamir. J'espère vraiment que sa revanche sera à la hauteur de toutes les misères qu'on lui fait ! Ce Malik est assez affreux dans le genre ambassadeur politique fourbe et tortueux... Je connais quelqu'un avec qui tu t'entendrais bien question scénars vicieux où tu te retrouves obligé d'essayer d'éviter de faire les pires atrocités, mais en fait t'as pas le choix, tu aides forcément des affreux, bien contre ton gré  :R

En tout cas, j'aime beaucoup ce chapitre, même s'il est pas du genre à faire voir la vie en rose !

Prince du Crépuscule:
Effectivement, pauvre Vizamir. Sa situation était déjà pas franchement jojo, mais là c'est de mal en pis. Amoché comme il l'est, il n'a aucune chance de sauver Skelda, et en plus on lui propose des plans foireux. Ou plutôt on l'oblige à le faire. Assassiner l'empereur, rien que ça ! Décidément, les hommes politiques semblent tous véreux dans cette fic. :niak:

En tout cas je suis content que tu nous aies filé quelques données géopolitiques, je suis toujours friand de ce genre d'infos. Ainsi, les intérêts économiques vont bon train, à ce que je vois. Les Balciniens perdent pas le nord, même en période trouble. Monter les puissants les uns contre les autres, manipuler les pauvres hères comme Vizamir, ça me semble tout à fait viable comme plan. Surtout s'il y a des pépètes à la clé.

Au fait, j'ai oublié de l'ajouter dans mon dernier commentaire, mais j'ai remarqué que Vizamir montrait de plus en plus ses sentiments. Visiblement, le contact avec Skelda l'a fait s'humaniser, lentement mais sûrement. Alors qu'au début les massacres et autres atrocités ne lui faisaient ni chaud ni froid, désormais on dirait presque qu'il a la larme facile (j'exagère, je sais :o). Coïncidence ou pas, c'est assez ironique je trouve, vu que les manifestations démoniaques se multiplient et que l'intrigue gagne en noirceur au fil des lignes.
Intéressant.

Bref, j'ai hâte de découvrir la suite, et par conséquent les prochains coups tordus. Car il y en aura, je n'en doute pas une seule seconde. Même avec l'appui des Balciniens, il n'est pas aisé de tordre le cou d'un dieu. v.v

Sur ce, bonne continuation !

Great Magician Samyël:
C'est au plus fort de la nuit, ou plutôt aux petites lueurs du jour, que surgit un GMS sauvage, faisant surgir par sa volonté une Tour là où seules demeuraient poussière et antiquités.


Salut tout le monde! Après plus d'un an de silence, la Tour du Rouge reprend du service. Après avoir traversé une longue et difficile période désespérément vide d'inspiration, je recommence tout doucement à tapoter le clavier et je me suis dis que ça serait le bon moment pour reprendre notre périple sur la Route du Nord là où on l'avait laissé. Je ne promets aucune régularité cependant, même si j'ai encore un chapitre et demi d'avance sur la parution, cette avance pourrait se consumer assez vite. Qui vivra verra!

Je tiens également à vous remercier, Doutch et Prince pour vos derniers commentaires! :niak: Comme dirait l'autre, mieux vaut tard que jamais! En tout cas PdC je ne peux que saluer ta fine analyse du personnage de Vizamir, qui me semble tout à fait pertinente!

J'espère vous retrouver sur le chemin du Nord, bientôt peut-être? :niak:

Sur ce, bonne lecture!

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Pour tous les nouveaux arrivants, la Route du Nord commence ici


Résumé de l'intrigue, parce qu'il yen aura sûrement besoin :

(Cliquez pour afficher/cacher)Vizamir, un mystérieux aventurier pas tout à fait humain, est en quête de son identité. Son périple le conduit en Orientir, la province la plus à l'Est de l'Empire des Trois, alors ravagée par une guerre d'invasion menée par la chef de guerre barbare Skelda de Skarg. Par un tour du destin, Vizamir découvre cette dernière, laissée pour morte par son ost après avoir été trahie par son plus proche lieutenant. Vizamir assiste alors à la résurrection démoniaque de la guerrière. Estimant que ce miracle était l'oeuvre de son dieu, Skelda décide de suivre Vizamir contre son gré, jusqu'à pouvoir payer la dette qu'elle pense avoir auprès de lui. Leurs pas les dirigent vers Ikerias, la capitale impériale de l'Orientir. Malheureusement, Vizamir est arrêté pour un crime imaginaire et torturé par le Temple. Sauvé par une apparition démoniaque qui lui souffle de se rendre sur la Route du Nord, Vizamir se hâte vers l'auberge où il réside avec sa compagne, pour assister à son arrestation par l'Empereur en personne. Désespéré, Vizamir tombe dans le piège de l'ambassadeur Balcinien Malik, qui lui propose la vie de l'Empereur contre celle de Skelda. Un marché insensé que Vizamir se voit contraint d'accepter, malgré lui...



Carte de la Route.

Chapitre cinquième :
Le Déicide
-2e Partie-



-Je crains, hélas, que vous n’ayez guère le choix, mon ami.
   Le ton doucereux de Malik lui mit la puce à l’oreille. Relevant la tête, il constata que deux hommes accoutrés comme l’ambassadeur se tenaient dans l’ombre de l’arrière salle, braquant sur lui deux arbalètes chargées. A cette distance, et avec de tels engins, il était peu probable qu’ils ratent leur coup.
   -Votre bonne foi, hein?, cracha Vizamir. Allez pourrir.
   -Je suis désolé, mon ami, sincèrement. Avec tout ce que vous savez à présent, ne nous pouvons vous laisser simplement partir. Dans cette affaire, aucun risque inconsidéré ne doit être pris.
   -Je ne suis pas un assassin. Pourquoi n’envoyez-vous pas l’un de vos agents?
   -Comme je l’ai dit, aucun risque inconsidéré ne doit être pris. Dans l’hypothèse où mon agent serait capturé, il y aurait forcément des retombées très fâcheuses sur la Théocratie. Alors que vous… Et bien, un étranger vu en compagnie de la barbare et certainement de mèche avec elle dans l’assassinat du Haut-Prêtre, qui s’en souciera?
   Malik finit son verre, et ses yeux brillèrent comme deux pépites d’or.
   A la nuit tombée, Vizamir, la peur au ventre, s’introduisit dans les égouts de la ville par une bouche située non loin de la muraille sud de l’Ikérum Castrum. Malik avait rempli sa part du marché et lui avait fourni un impressionnant et coûteux attirail : une panoplie en cuir noir et souple le rendant presque invisible dans l‘obscurité, des outils de crochetage, deux dagues longues de bonne qualité presque identiques à celles qu’il avait perdues et un nouveau carquois plein de flèches.
   Dès qu’il pénétra dans les boyaux obscurs et suintants, l’odeur de merde et d’ordure lui sauta au visage, et il releva le cache-nez de son vêtement. Il n’osa pas allumer de torche, de peur de se révéler aux habitants peu recommandables du dédale pouilleux. Les criminels en fuite, les vagabonds et les sans-abris trouvaient refuge dans les alcôves les plus reculées des égouts, formant une société secrète et violente qu’il valait mieux éviter.
   Vizamir préféra s’orienter en gardant en tête les indications de Malik, et en laissant une main sur le mur à sa gauche, pour se guider. Après de longues minutes à tâtonner dans le noir, ses doigts se refermèrent sur les barreaux rouillés d’une échelle. Il la grimpa rapidement, pour découvrir que l’issue avait été condamnée, comme l’avait prévenu Malik. L’ambassadeur lui avait également indiqué que le mortier qui avait été utilisé n’était plus de première fraîcheur, et qu’il s’effriterait sans doute assez facilement.
   Par bonheur le balcinien avait raison, et après ce qui sembla une heure à Vizamir, passée à gratter lentement le liant avec la pointe d’une de ses dagues, il sentit la plaque bouger sous ses doigts. Forçant un peu plus, il parvint à la déloger dans un bruit infernal qui résonna à travers les galeries empuanties. Cette sortie débouchait sur d’anciennes oubliettes, aujourd’hui transformées en ce qui semblait être une vaste cave à vin. En s’extrayant, Vizamir put observer des tonneaux de toute forme et de toute taille, tous de bonne qualité, certains portant des inscriptions stylisées. Il n’y avait aucun bruit, et la seule lumière provenait de hautes et étroites lucarnes par lesquelles s’écoulait l’éclat de la lune montante.
   Vizamir tira à nouveau la plaque sur la bouche d’égout puis poussa un lourd tonneau par-dessus, pour la camoufler… et empêcher quiconque de le suivre. Il sortit de la pièce par une arche de pierre, et arpenta quelques couloirs tortueux et sombres jusqu’à ce qu’il finisse par se repérer grâce aux plans fournis par Malik. Il se trouvait dans les niveaux inférieurs de l’Ikérum Castrum, un ensemble de salles qu’on avait abandonnées ou changées en caves suite à des travaux d’agrandissement et de rénovation entrepris au siècle dernier.
   En gravissant un étroit escalier en colimaçon, il tendit l’oreille, mais aucun son autre que le lent ruissèlement de l’humidité entre les pierres anciennes ne lui parvenait. Son ascension fut stoppée par une porte en bois verrouillée dont il fit rapidement sauter la serrure pour débouler sur un ancien corps de garde laissé à l’abandon. Il erra un long moment dans les vastes couloirs, sous les arches, se coulant d’ombre en ombre, trouvant refuge dans des alcôves enténébrées lorsqu’il croisait le chemin d’une patrouille. La mort d’Honorius avait plongé l’Ikérum Castrum dans la peur, et la garde avait été plus que doublée, rendant la tâche de Vizamir plus difficile encore.
   Malgré tout, ce dernier parvint jusqu’aux appartements de l’Empereur, sis dans l’aile la plus haute du château. L’étage était presque désert, si l’on excluait les deux sentinelles à la porte de la chambre de Valter. Cela n’était pas étonnant. Des hommes patrouillaient sur le chemin de ronde à l’extérieur, observant de tous côtés les larges pans de muraille éclairés et empêchant de fait toute velléité d’escalade. Un assassin ne pouvait donc passer que par la grande porte, a priori.
   En s’emparant lentement et silencieusement de son arc, Vizamir songea qu’il était encore temps de faire demi-tour, de cesser cette folie. Tout cela le dépassait, et ne le concernait en rien. Pourquoi faisait-il ça? Pour une barbare sanguinaire qu’une semaine avant encore il ne connaissait pas. Pour une femme que seule la magie noire faisait encore vivre. Pour une conquérante qui avait plongé un empire dans la guerre, la famine et le chaos.
   Sa vie valait-elle une guerre civile, le malheur de centaines de milliers d’autres innocents?
   Sa flèche fila accompagnée du léger bourdonnement de la corde. Oui, la vie de Skelda valait bien ça. Plus encore. Que lui importait ce qu’il adviendrait de ces misérables pouilleux d’humains, ces êtres grossiers, brutaux et vulgaires? Tant qu’il avait Skelda, l’Humanité entière pouvait bien s’éteindre. Son trait perfora l’œil de la première sentinelle, juste sous le bord de son casque. Le corps resta un moment debout, se retenant à la hampe de sa lance, ce qui laissa juste assez de temps à Vizamir pour décocher une deuxième flèche qui vint se loger dans la gorge du second garde.
   Les corps s’effondrèrent en glissant le long du mur, presque sans bruit. Encochant un nouveau projectile, Vizamir attendit, le cœur battant, une longue minute. Aucune alarme ne retentit, et comme personne ne vint s’enquérir des deux sentinelles, il estima qu’il n’avait pas été repéré. Quittant l’abris des ombres, il remonta le couloir, ses bottes foulant le lourd tapis balcinien avec légèreté. La porte n’était pas verrouillée et il pénétra ainsi dans une antichambre au luxe tapageur, dont le mobilier se résumait à un somptueux bureau en acajou jonché de liasses de parchemins et de correspondances, ainsi qu’un lourd buffet moucheté de fioritures sur le plateau duquel s’entassaient des bouteilles de spiritueux et d’alcools fins.  Une lourde tenture jaune et rouge séparait la pièce de la chambre proprement dite, d’où s’échappait des râles de plaisir gutturaux et des cris de femme.
   Vizamir referma doucement la porte derrière lui, et se mit en mouvement. Il écarta la tenture de la pointe de sa flèche et pénétra dans la pièce attenante, son arc bandé. La femme, ligotée à la structure du lit et sanglotant, l’aperçut le premier. Sa bouche s’ouvrit sur un cri qui ne sortit jamais. La flèche l’atteignit juste sous l’aisselle, perforant le cœur et lui offrant une mort presque instantanée. Son sang jaillit sur le visage perlé de sueur de Valter, qui s’écarta précipitamment en poussant un glapissement. Il roula sur lui-même et dégringola de l’épais matelas.
   Vizamir fit deux pas sereins en préparant son prochain trait. Le corps de l’empereur était maigre et osseux, taché par endroit de touffes de poils immondes. Son visage aux traits communs, encore rouge de ses ébats, braquait sur l’assassin des yeux à la fois apeurés et furieux. Il recula sur les fesses jusqu’à ce que son dos touchât le mur derrière lui.
   -Qui êtes-vous?, fit-il d’une voix qu’il espérait sans doute forte et autoritaire, mais que la peur faisait trembler.
   -Où est-elle, rétorqua Vizamir en éludant la question, d’un ton sans appel et d’une froideur implacable.
   Valter sembla se ratatiner sur lui-même, toute volonté de défi s’évaporant presque sous les yeux de Vizamir.
   -D… Dans les geôles, à part. J’ai… j’ai ordonné qu’on ne lui fasse rien.
   -Pourquoi?
   -Ce… Cela faisait partie du marché!
   -Quel marché?
   Les yeux de Valter s’ornèrent de larmes qui coulèrent le long de ses joues. Ainsi recroquevillé, nu comme le premier des roturiers et pleurnichant comme un enfant, il n’avait plus rien d’impérial, plus rien de divin. Il n’était qu’un homme, comme un autre. Faible, comme tous les autres.
   -Tant… Tant que je la retiendrais intacte, il ne devait rien m’arriver, sanglota-t-il en fermant les yeux.
   -Qui? Avec qui as-tu conclu ce marché?
   -Le balcinien! L’ambassadeur.
   -Malik!, souffla Vizamir en plissant les yeux.
   -Malik, oui! Ce chien galeux! Il avait juré.
   -C’est lui qui t’as dit où trouver la Skarg?
   -Oui! Il m’a dit… Il m’a dit qu’en l’accusant du meurtre d’Honorius, et en la capturant, je regagnerai l’estime du peuple, que la Théocratie m’aiderait à reconstruire l’Orientir. Il a juré que tant qu’il n’arrivait rien à la femme, je n’aurais rien à craindre.
   -Et bien il a menti, révéla Vizamir. Puisque c’est lui qui m’envoie.
   -C… Comment? Non! Attendez! Je ne sais pas combien il vous paye, mais je vous en offre le double! Non! Le triple, et un titre! Des terres, oui, un vaste domaine, dans le nord.
   -Je n’ai que faire de toute cela.
   -Je vous en supplie, pleurnicha Valter en se remettant sur les genoux, dans une position de prière. Si vous me tuez, il y aura la guerre civile. Pensez au peuple, à tous ces malheureux qui se retrouveront à la rue sans rien à manger…
   -Comme elle?, rétorqua Vizamir en désignant la morte sur le lit.
   Les yeux de Valter glissèrent sur le cadavre, sa peau pâlissant, puis retournèrent se fixer sur le visage de marbre de son assassin. Il y eut comme un étincelle de résignation dans ses prunelles lorsque la pointe en acier perfora son crâne sec sans résistance. Sa tête partit en arrière dans un unique jet de sang clair, et le cadavre bascula sur le côté dans un dernier soupir.
   C’était fini. Vizamir venait de tuer l’homme le plus important et le plus puissant de l’Empire des Trois. Il venait de tuer un dieu, au regard de la loi et de la foi impériale. Et pourtant il n’y avait eu ni éclair de feu, ni tremblement de terre, ni tempête. Rien qu’un peu de sang sur la moquette chyzelite.


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