Auteur Sujet: La Tour du Rouge : [Random | Très court] Sans titre #1  (Lu 97143 fois)

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #120 le: mercredi 26 août 2009, 14:44:02 »
Une fois de plus malmené, pauvre Samyël.
Que les autres élèves sont cruels.
Lowyn a comme un faux air de Malfoy, c'est dire.
Cette scène de cruauté montre tout de même à quel point le monde est hostile à ton petit mage. Chassé de Solanéa, malmené et ces mésaventures font naître un désir de vengeance destructeur...Ca promet.

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #121 le: vendredi 28 août 2009, 17:03:44 »
Et encore, tu n'as rien vu. Les choses sérieuses ne vont plus trop tarder à débuter! Merci pour ton commentaire ^^


Sans transition, voici le chapitre 21, qui clôt le livre III du Cycle. A bientôt!


________

Par soucis de netteté et de facilité, je glisse ici la liste des 7 Arts, avec leur place, leur couleur respectif et leur Maître ainsi que la façon d'appeler un pratiquant.

Place - Couleur : Dénomination - Maîtres - Dénomination des initiés

1er - Gris: Invocation - Dagon - Invocateur
2e - Pourpre: Altération - Sörel - Altérant
3e - Bleu: Enchantement - Az - Enchanteur
4e - Orange: Méta-magie - Bronze - Méta-magicien/Méta-mage
5e - Blanc: Magie divine - Gedon - Prélat
6e - Noir: Rhétorique des runes - Darius Quint - Rhéteur runique/des runes
7e - Rouge: Tellurisme - Joed - Telluriste


Chapitre 21 : Maître Sorël.


   
Rassemblés dans un vaste salon, quelque part dans un recoin secret de la Citadelle, les maîtres échangeaient quiètement sur l'avancée de leurs élèves respectifs, une tasse de thé fumante à la main. Au nombre de six, ils attendaient patiemment la venue de l'Archimage, ainsi que celle, non assurée, du maître Sorël. Ils portaient les mêmes robes que les étudiants, cependant elles étaient plus riches, brodées d'or et d'argent, avec des runes en filigranes.
Il n'était guère surprenant que le sujet de conversation qui les animait portât sur le jeune Samyël. En effet, conformément au souhait de l'Archimage, chacun d'eux avait testé le jeune homme dans la matinée.
-C'est dommage, disait Dagon, le maître Invocateur. Il a pourtant l'air d'un bon garçon.
-Je ne sais pas, répondit Az, le filiforme Enchanteur. Il y a quelque chose chez lui qui me déplait.
Gedon, le Prélat, et Joed, le Telluriste, acquiescèrent de concert en silence. Darius Quint, le petit Rhéteur, gardait ses pensées pour lui et les mains dans ses amples manches. Il avait encore en tête l'altercation violente dont il avait été témoin entre le jeune Samyël et son élève Lowyn. S'il n'était pas intervenu, il ne doutait pas que c'eût été d'un cadavre dont on eut parlé.
Le Maître Bronze aussi gardait le silence. Mais c'était tout simplement parce qu'il ne pouvait pas parler. Ses lèvres de bronze étaient scellées. Son don de télépathe ne pouvait toucher qu'une personne à la fois, et il n'aimait pas s'immiscer dans les esprits. Il réservait ses paroles pour le seul Archimage et ses propres élèves.
-Qu'en pensez vous, Darius?, reprit Az en buvant une gorgée de thé.
Le Maître Quint était un personnage atypique. Il était vraiment petit, arrivant à peine à l'épaule de Taenry, mais n'avait pas la carrure de celui-ci. Chétif, il cachait son corps dans son ample robe noire. Sa tête paraissait disproportionnée par rapport au reste de son anatomie. Ses cheveux, gris et bouclés, formaient un arc de cercle sur son crâne, laissant le sommet dégarni. Son nez était assez imposant, suffisamment pour supporter une paire impressionnante de lunettes bleues, qui agrandissaient ses yeux déjà globuleux. Cependant, sous ses airs ridicules et comiques, personne n'aurait remis en cause le fait qu'il était, et de loin, l'être le plus puissant vivant sous les toits de la Citadelle. Cela dit, il y avait de cela quelques années, lorsque les couloirs étaient encore encombrés de dizaines d'étudiants bavards, une rumeur circulait, disant qu'à la vérité, le Maître Sorël surclassait Darius. Les duels étant interdits entre les Maîtres, personne n'avait jamais pu trancher une fois pour toute.
Quint secoua doucement la tête, l'air peiné.
-Je ne sais pas. Certains événements extérieurs à ma volonté m'ont empêché de me faire une opinion valable. Cependant, une chose est claire : On nous fait perdre notre temps. Il est évident que ce garçon n'a aucun pouvoir.
Mis à part le maître Bronze, tous acquiescèrent.
-Bronze?, demanda Az.
-Il dit que Sorël ne l'a pas encore testé. Ce qui est vrai, au demeurant.
Les maîtres se tournèrent comme un seul homme et saluèrent l'entrée de l'Archimage. Celui-ci leur répondit d'un sourire bienveillant. Taenry Blanc'Barbe se tenait à ses côté, sa pipe dans la bouche. Gedon présenta à Nemerle une coupe de thé, que celui-ci accepta volontiers.
-Je vois que vous étiez entrain de débattre.
-Oui, Archimage. J'allais dire, reprit Quint, avec un geste fataliste, qu'il serait peut être bon de vérifier les sorts d'accès à la Citadelle.
-Rassurez vous. Taenry s'en est occupé sitôt qu'il eût fait visiter la Citadelle au jeune Samyël. Tout est en ordre. Qu'ont donné les tests?
Les Maîtres secouèrent la tête, contrits.
-Comme vous vous en doutez, répondit Dagon, ils sont nuls. Ce garçon n'a aucun pouvoir.
-Et pourtant, la barrière de sorts l'a laissé passer, fit Joed pensivement.
-Le garçon était-il en possession d'un objet, ou d'un talisman capable de brouiller temporairement les sortilèges de défense?, proposa Darius.
Taenry secoua la tête, et sa barbe suivit le mouvement.
-Rien du tout. Juste un volume original des "Sensordus Demonicas". Le troisième, il me semble.
-Un original?, s'exclamèrent de concert Az et Dagon.
-Oui. Si mes souvenirs sont bons, il appartenait à Rirjk.
-Rirjk?, fit Gedon, surpris d'entendre le nom de son ancien élève.
-Rirjk a été le maître de Samyël, expliqua Nemerle avec un sourire malicieux.
Cette révélation provoqua un certain émoi au sein de l'assemblée.
-Que devient-il?, voulut savoir Gedon.
L'Archimage leva les mains en poussant un soupir.
-Les souvenirs de Samyël m'ont appris que lui et sa femme sont tombés entre les griffes du Commandeur.
-Pauvre homme..., commenta Az en secouant doucement la tête.
-Cela dit, nous ne sommes pas ici pour discuter sur cet énergumène de Rirjk, mais bien sur le cas de Samyël. Au delà de son absence de pouvoir, que vous inspire-t-il?
-Je ne peux pas parler au nom de tous, commença Dagon, car j'ai eu la chance de le tester en premier. Il m'a fait l'effet d'être un bon garçon, attentif à défaut de doué.
-C'est aussi l'avis de Bronze, traduisit Nemerle en jetant un coup d'oeil à l'homme de métal.
-Personnellement, je ne sais pas trop, dit Az. Il y a quelque chose chez lui qui... Comment dire? Qui me met mal à l'aise.
-C'est exactement ce que j'allais dire, approuva Joed et Gedon acquiesça également.
-Darius?
Le petit homme secoua à nouveau la tête, les yeux clos et les bras croisés. Il semblait embarrassé.
-Je ne sais vraiment pas. Mon test s'est mal passé.
-Comment cela?, s'étonna Az.
-Une fois qu'il a été mis en évidence qu'il n'avait aucune aptitude pour la Rhétorique Runique, il a cédé aux sarcasmes de Lowyn d'Hott. Ils en sont venus aux mains, et...
Il se tut.
-Et Lowyn l'aurait tué si tu ne l'en avais pas empêché, finit pour lui Nemerle en se frottant le menton.
-Voilà...
-Samyël et le jeune Hott ont déjà eu un différent, expliqua L'Archimage. Lui et les autres élèves ont essayé de pendre Samyël après l'avoir humilié.
La nouvelle laissa l'assistance sans voix.
-C'est donc lui qui est responsable de l'état de Kelly?, commenta Jeod.
-Oui, lui répondit Taenry. Même pendu, il a su trouvé la force de décocher un magnifique coup de pied. Bien qu'il ne soit pas fait pour être mage, au moins il ne manque pas de ressource.
-Maître, fit Darius. Vous avez lu dans son esprit, et vous avez vu l'ensemble de son existence.
-C'est exact.
-Y a-t-il des choses que nous devrions savoir?
Nemerle resta un moment pensif, comme jaugeant ce qu'il pouvait dire, et ce qu'il ne pouvait pas.
-Et bien, comme vous le savez maintenant, Rirjk fut son maître. Cependant, Henricus de Bror semble être son grand père. Attendez, je n'ai pas fini. Je ne sais pas grand chose de ce côté là. Je ne sais pas s'il est grand père du côté de la mère ou du père. Je ne sais d'ailleurs même pas s'il est effectivement le grand père naturel. Il l'a élevé six ans, puis il s'est délibérément fait prendre par Eratius, pour sauver la vie de Rirjk.  
-Le Commandeur possède une bien sombre importance dans la vie de Samyël, commenta lugubrement Gedon.
-Oui. Je ne vous cacherai pas que le jeune Samyël nourrit des désirs de vengeance sanglante.
-Cela me paraît normal.
-Y a-t-il autre chose, Archimage?
-Rien de significatif, mentit Nemerle.
Il pensait que les autres maîtres n'avaient pas besoin de savoir que Samyël était un assassin, doublé d'un être violent et destiné à la folie, sous ses abords de bon garçon. Il ne l'avait dévoilé qu'à Taenry, en qui il avait une pleine confiance, et le dirait à Sorël, si à l'avenir il en devenait le maître. Taenry n'avait rien voulu savoir. D'une certaine façon, il s'était déjà attaché à Samyël, d'une manière que Nemerle lui avait rarement vu. Ce simple fait lui redonnait confiance. Le petit homme avait le don de jauger les gens, après toutes ces années passées à faire le portier.
-Bien, reprit l'Archimage. Si le garçon ne montre aucune aptitude pour l'Altération également, je vais l'envoyer vers la famille royale avec une recommandation. Je crois qu'il est apte à devenir au moins chevalier. Approuvez-vous?
-Cela me paraît être une sage décision, acquiesça Dagon.
Tous les autres furent de son avis.
-Sur ces entrefaites, je vais prendre congé, dit Nemerle en faisant mine de se lever.
Tout à coup, la lourde double porte s'ouvrit à la volée en claquant violement. Une rafale de vent digne d'une tempête s'engouffra dans la pièce, renversant les tasses, faisant voler les robes et les cheveux, éteignant les bougies. Une boule d'air compacte et parcourue de rotations fulgurantes se matérialisa sur le seuil, restant suspendue pendant quelques secondes. Puis le vent cessa, le calme revint, et la sphère se changea en un homme de grande stature, vêtu d'une élégante robe pourpre ornée avec goût.
L'Archimage et les autres Maîtres n'avaient pas bougé, habitués aux excentricités du nouveau venu.
-Bonjour, Sorël, l'accueillit Nemerle avec son sourire habituel.
Le Maître Altérant parcourut l'assemblée des yeux, son visage androgyne à la beauté surnaturelle renvoyant un masque de mépris hautain, d'arrogance et d'agacement. Gedon ne put s'empêcher de détourner les yeux, mal à l'aise. Darius soutint son regard sans broncher, nullement intimidé, quant à Bronze, il se contenta de le saluer mentalement. Les autres ne firent rien de particulier.
-Bonjour, Archimage, finit-il par dire.
Sa voix étant un ravissement, à la fois chantante, claire, profonde et lyrique.
-Maître, salua-t-il ensuite Taenry en se penchant révérencieusement.
Les mages ne se formalisèrent pas de ces inconvenances protocolaires. Il fallait déjà s'estimer heureux que Sorël se soit montré, et encore plus qu'il ait adressé la parole de son propre gré.
-On m'a demandé. Aussi, me voici, reprit l'Altérant en sortant d'un repli de sa robe un parchemin encore scellé du sceau de l'Archimage.
-Oui, et je te remercie de t'être déplacé.
-Le sceau est rouge... L'affaire est d'importance?
Sans attendre la réponse, Sorël marcha jusqu'au plus proche fauteuil libre et s'y laissa choir sans un bruit. Il tendit le bras derrière lui, et Gedon s'empressa de lui servir une tasse de thé.
-Tu as pris du poids, Az, commenta-t-il avec morgue.
-Je te remercie pour ta sollicitude.
L'Altérant eut un rictus ironique qui tordit joliment ses charmantes lèvres plus rouges que la moyenne.
-Et toi Darius. Toujours aussi ridicule, à ce que je vois.
Quint laissa couler l'insulte. Il savait que la meilleure façon de répondre à Sorël était de l'ignorer. Cependant, l'exercice était souvent difficile, car la verve de l'Altérant était aussi précise qu'une arbalète.  
-Sorël, appela Nemerle. Sais-tu pourquoi je t'ai fait mander?
-Non. Mais j'espère que c'est pour une bonne raison.
D'un geste flegmatique, il jeta négligemment le scellé de l'Archimage dans l'âtre où il se consuma rapidement.


Les pas vifs de Sorël raisonnaient dans les couloirs bordés des cellules des élèves. Quelques uns d'entre eux jetèrent un furtif coup d'oeil, mais se hâtèrent de refermer leur porte en apercevant la haute silhouette.
-C'est ici, indiqua Taenry en sortant son trousseau de clés.
Sorël attendit patiemment que le petit homme ouvre la cellule de Samyël puis s'y engouffra à vive allure. Il découvrit le jeune homme allongé sur sa paillasse, visiblement endormi - Ce qui à cette heure avancée de la nuit n'avait en soi rien de surprenant. Cependant, le garçon semblait délirer. Il était agité, marmonnait des choses inaudibles, et son visage était tordu par un rictus que le Maître Altérant n'aurait su définir, entre rage ardente et peur viscérale. Les traits de Sorël s'adoucirent subitement, et il s'agenouilla auprès du garçon. Il lui prit la main et approcha ses lèvres à ses oreilles.
Taenry n'entendit pas ce qu'il lui susurra, mais l'effet fut presque immédiat. Samyël se calma, sembla un moment apaisé... Puis soudain il se réveilla en criant :
-Eratius!
Perdu dans ses délires cauchemardesques, il crut avoir à faire à une apparition. Une incarnation de la Lumière telle qu'il la concevait. Il plongea sans retenu dans le mauve du regard de Sorël, hypnotisé par la beauté de cet être. Les longs cheveux, fins, soyeux et blonds, du Maître retombaient doucement sur son visage, comme un douce caresse. Les lèvres carmins, sensuelles et terriblement attirantes s'ouvrirent légèrement sous l'effet de surpris.
Sorël souffrait de la même emprise hypnotique. La mauvaise lumière avait faussé les traits du jeune homme initialement, mais à présent qu'il était éveillé, et que la lampe de Taenry éclairait son visage, il ne pouvait s'empêcher d'admirer le vert profonds de ses yeux, ses traits volontaires et virils à la limite de la maturité, et la magnificence de sa chevelure, étrangement rouges et sombres, d'une rare beauté.
Ils restèrent ainsi un moment, se charmant mutuellement. Puis leurs visages se rapprochèrent lentement...
-Sorël, appela Taenry d'une voix bourrue.
L'enchantement rompu, ils clignèrent tout deux des yeux, et Samyël se redressa en s'éloignant un peu, confus.
-Pardon, je...
-Non, ne dis rien. C'est ma faute, le coupa Sorël avec un sourire qui fit une drôle d'impression au jeune homme.
Ce dernier sentait son coeur battre à se rompre. Ses émotions dansaient la farandole, il était perdu. Qu'est-ce qui venait de se passer, là à l'instant? Il remarqua que Sorël ne lui avait pas encore lâché la main. Se surprenant lui même, il ne fit rien pour se dégager. Il trouvait ce contact... agréable. Il rougit involontairement de ces pensées, et fut heureux que la pénombre masquât sa réaction.
-Je... Qui êtes vous?, demanda-t-il d'une petite voix.
-Je suis le Maître Sorël, répondit l'intéressé. On m'a demandé, enfin, l'Archimage m'a demandé, de te tester. Je ne veux pas passer plus de temps ici que nécessaire. C'est pourquoi j'ai pris la liberté de te déranger en pleine nuit.
-Bien, je heu... Que dois-je faire?
-Nemerle m'a dit que tu avais quelques dispositions, ainsi que quelques connaissances pour l'altération. Montre moi.
Sorël lâcha la main de Samyël afin qu'il puisse correctement lancer ses sorts, mais cela peina étrangement le jeune homme. Il se releva en même temps que le maître. Sa cellule était tellement petite qu'ils étaient à peine à quelques centimètres l'un de l'autre. Sorël dégageait une agréable odeur de fleur. Le jeune homme se concentra sur sa tâche. Après son humiliation prolongée de la journée, successivement avec chacun des maîtres, il n'avait pas le droit à l'erreur. Surtout qu'il comprenait que si Sorël le refusait, il serait mis à la porte, et il n'aurait plus qu'à oublier la magie...
Il fit le vide dans son esprit, comme Rirjk, en son temps, le lui avait appris. Il se souvenait encore très bien des heures qu'il avait passé sur ce maudit rocher, face à la mer à essayer de faire abstraction du monde autour de lui. Maintenant, cela lui était aussi naturel que de respirer. A l'aide de deux mots de pouvoirs, il matérialisa une petit sphère de lumière, à quelques millimètres au dessus de sa paume ouverte. En exécutant des séries de signes avec son autre main, il la changea en une balle de feu qui crépita joyeusement. La boule s'agrandit, s'aplanit, et un visage grimaçant s'y dessina, émettant un rire spectral. Puis son sourire disparut, laissant place à une mimique de stupeur, avant de se désagréger dans un relent de fumée.
Quand Samyël reprit conscience du monde autour de lui, Sorël tapait doucement dans ses mains, un sourire ravi sur le visage.


-Je ne sais pas ce qu'il en est des autres écoles, mais le garçon a des aptitudes pour l'Altération. Je le formerai.
Nemerle acquiesça distraitement, le regard fixé sur le lac "Nul-part". Il était à la fois heureux pour le garçon, et inquiet de l'influence que pourrait avoir sur lui l'excentrique Sorël. Et vu comme le Maître pianotait impatiemment sur l'accoudoir, il doutait que l'excitation de Sorël fût purement professionnelle. Même s'il était vrai que l'Altérant n'avait plus enseigné depuis au moins sept ans - ses qualités de professeur n'étaient pas en cause, mais il n'y avait simplement plus d'élèves intéressés par le 2e Art. L'Archimage se demanda un moment avec sérieux si finalement c'était une bonne idée de laisser ces deux là ensembles. Mais d'un autre côté, il était curieux de connaître l'étendu des capacités de Samyël. Sa condition était peu courante, voire même rarissime. Il ne se souvenait pas avoir déjà rencontré un mage réceptif qu'à une seule école.
Il haussa les épaules. Après tout, la magie était imprévisible.  
-Bien, finit-il par dire en se retournant.
Sorël le fixait de ses yeux mauves, qui bien que magnifiques, mettaient l'Archimage toujours mal à l'aise.
-Quelque chose ne va pas, Nemerle?
L'Archimage prit une inspiration et raconta à Sorël ce qu'il avait déjà raconté à Taenry au sujet du garçon. Lorsqu'il eut fini, l'expression de l'Altérant n'avait pas changé.
-Cela ne te dérange pas?, demanda Nemerle, même s'il connaissait déjà plus ou moins la réponse.
Le Maître secoua doucement la tête, et sa fine chevelure suivit le mouvement avec grâce.
-Pourquoi cela le devrait-il? Nous savons tous les deux que j'ai fait des choses bien pires... Tout comme toi, ajouta-t-il.
-Oui, acquiesça l'Archimage.
La familiarité avec laquelle s'adressait Sorël à Nemerle aurait choqué n'importe quel Maître. Cependant, le vieil homme était heureux que l'Altérant continuât de le respecter encore un peu, en dépit de son impuissance magique. Il songea avec une certaine nostalgie à l'époque où l'impétueux Sorël s'inclinait devant lui et le traitait avec déférence, tout comme il le faisait encore avec Taenry. Il s'en était toujours secrètement enorgueilli. Il avait été profondément marqué par le changement d'attitude du Maître, lorsqu'il était revenu de ses propres aventures, vieilli et sans une goutte de magie. Il s'y était habitué.  
-Tu demanderas à Taenry la clé de la salle d'Altération.
-Non.
-Comment?
-Je ne compte pas rester ici. Il fait froid et ça sent mauvais, répondit Sorël en plissant élégamment le nez. Nous étudierons chez moi, dans ma tour.
-Bien, fais à ta guise. J'exige cependant un rapport régulier, disons, un par mois.
-Comme tu veux.
L'Altérant se leva de son fauteuil.
-Sorël!
Le Maître se retourna, agacé.
-Ne fait rien de... déplacé.
Un sourire malicieux répondit à l'Archimage, puis la porte de son bureau claqua, le laissant seul. Il se laissa choir sur son siège en soupirant. Il s'accorda quelques minutes avant d'emprunter la porte secrète qui menait aux appartements de Daltharion.
Pendant ce temps, Sorël retrouva Samyël dans le parc intérieur, assis sur le banc près du tertre, ses maigres possessions sur les genoux. Lorsqu'il aperçut son maître, Samyël se releva prestement.
-C'est réglé, annonça Sorël. Suis moi.
Sans attendre, il prit la direction de la bibliothèque. Samyël lui emboîta le pas sans rien dire. Mille choses s'entrechoquaient dans sa tête. Il peinait à réaliser qu'il avait finalement réussi à devenir apprenti, il se demandait comment le Maître enseignait, combien de temps cela lui prendrait-il pour devenir un mage accompli... Il préféra se focaliser sur des problèmes plus immédiats, comme de ne pas perdre de vue Sorël dans le labyrinthe de la bibliothèque.
-Attend moi ici, lui intima l'Altérant. Je dois voir Grimh, tu auras besoin de certains livres.
Samyël acquiesça tandis que Sorël disparaissait dans les étages. Pour éviter de sombrer dans ses pensées, le jeune homme se mit à arpenter les rayonnages, s'étonnant de la très grande diversité des sujets traités. Un tome en particulier retint son attention. C'était un gros manuscrit à la couverture de cuir verte. Il prenait la poussière et nul titre n'était lisible sur sa tranche. Il s'en saisit et peina à le transporter jusqu'au pupitre de lecture le plus proche tant il était lourd. Le livre claqua avec force en soulevant un nuage de particules. Samyël souffla sur la couverture pour faire apparaître le titre, frappé en lettre d'or terni.
-"Le Chevalier Argoth", lut-il à haute voix.
Sous le titre, il y avait l'image d'un personnage insolite : on aurait dit un chevalier en armure, mais il arborait une queue de reptile et des cornes. Le jeune homme s'apprêtait à l'ouvrir lorsque la main de Sorël se posa délicatement sur son épaule.
-Allons-y, dit-il. Laisse le livre là, Grimh le rangera.
Ils traversèrent rapidement la bibliothèque puis le pont anonyme qui enjambait le fleuve Mana. La nuit rendait le terrain d'entraînement effrayant, les silhouettes solitaires des nombreuses statues faisant penser à des monstres prêts à bondir.  
-Nous avons un peu de route, annonça Sorël. Nous serons chez moi à l'aube.

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« Réponse #122 le: samedi 29 août 2009, 14:24:25 »
Alors comment vais-je pouvoir exprimer l'étrange impression que m'a fait Sorël. Sa réaction quand il a rencontré Samyël m'a plongé dans l'incertitude. Cette scène est pour le moins...ambiguë. Mais maintenant Samyël va enfin commencer sa vraie formation d'Altérant. Ça promet. En tout cas je n'oublie rien et je continue à laisser mijoter mes remarques dans mon cerveau, ça pourrait être utile pour la compréhension.

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« Réponse #123 le: samedi 29 août 2009, 14:26:17 »
Magnifique, j'aime le déroulement de l'histoire. Vivement la suite, j'apprécie Sorël et on voit que Samyël a mal vécu la disparition de ses proches.

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« Réponse #124 le: vendredi 04 septembre 2009, 16:53:56 »
Bonjour bonjour, eh oui c'est moi, l'el... le Prince! Tu y as a cru hein, avoue? Ou plutôt tu n'y croyais plus, à ma venue. Oui, désolé, blabla tout ça tu connais la chanson. Bref, je suis là, ce n'est plus la peine d'avoir peur. Les oiseaux chantent, l'eau ruisselle gaîment, le vent caresse le feuillage crêpu des sapins et le soleil rayonne à nouveau (mais pas pour très longtemps, je voudrais pas perdre ma principauté quand même...). Si c'est pas beau ça... Oh, ce que j'ai fumé? Mais rien, rien du tout je vous assure! C'est heu... l'humidité, oui parfaitement, ça me requinque. *toussote et écrase discrètement la substance illicite empaquetée derrière lui*

Bon, moi qui avais prié pour un retour du Cycle, je crois que mon voeu a été exaucé. Un an tout de même pour boucler le 20ème chapitre, fallait le faire! Mais comme je te connais, rien de très étonnant en fin de compte... L'important, c'est qu'il soit bel et bien achevé et qu'on puisse le savourer!
Alors, pour commencer, je ne commenterai que tes derniers posts, soit la fin du chapitre 20 et le chapitre 21, puisque je t'avais déjà fait part de mes impressions concernant les suites précédentes il y a assez longtemps de ça.

Comme mise en bouche à mon commentaire, j'ai envie de dire que je suis heureux de retrouver le Cycle, non seulement parce que j'avais envie que tu continues, mais aussi parce que la qualité est toujours au rendez-vous. Je dois dire que ces deux suites m'ont surpris, je ne m'attendais pas du tout à ce que notre pauvre Samyël se fasse ainsi rejeter par les autres élèves! Mais t'es vraiment un auteur sans coeur ma parole! (et je ne le sais que trop bien... *chouine*) Hm, c'est intéressant cet ordonnement par disciplines magiques et tout, on voit clairement qu'elles sont séparées. L'altération a vraiment perdu ses lettres de noblesse comme tu dis, j'aime bien l'explication en tout cas. Et le petit mage vermeil qui se retrouve tout seul et mal à l'aise dès le départ! C'est un peu ce que j'avais subodoré dès le départ: Samyël est un être solitaire qui a du mal avec les autres à cause de toutes les cruelles épreuves qu'il a dû endurer. Cette nouvelle solitude, quoique contre son gré cette fois, illustre très bien ce fait et servira sûrement par la suite à contribuer à la graine de folie qui a été ensemencée dans son esprit. C'est bien pensé et bien amené, un point d'appui narratif en gros. :p
Et en matière de cruauté, notre Altérant en herbe est plutôt bien servi! On voit directement qu'il suscite la haine des autres parce qu'il est spécial et aussi parce qu'on attend trop de lui; de quoi rendre certains vaniteux jaloux. Et c'est ce qui se passe avec ce Lowyn noble et pédant, qui me rappelle Malefoy comme Raph. A peine arrivé et il se fait déjà un rival sérieux, son opposé en quelque sorte, en plus d'être tarabusté de coeur joie par la suite. Je note la violence et la rage dont fait preuve Samyël, qui se défend tant bien que mal face au nombre. C'est un peu le côté chevaleresque de notre "héros" national, qui se dispute sans cesse avec son côté magicien pour le moment bien malmené. Car la désillusion est grande, tu nous l'as bien décrit!
Pour conclure sur ce chapitre, l'intervention de Taenry est appréciable, je l'aime bien ce bougre. La révélation quant à la faiblesse de l'Archi-mage (à laquelle je ne m'attendais pas du tout °°) est également intéressante en soi, car elle symbolise parfaitement l'état de décrépitude dans lequel se trouve plongée la magie. La surprise est grande pour Samyël tout comme pour le lecteur, un effet percutant. Le chef est amoindri, et cela rebondit comme par ricochets sur toute la communauté qu'il dirige, avec des élèves hargneux et pleins de morgue, du mépris, des querelles internes... C'est un thème à exploiter si tu veux mon avis, mais je te fais amplement confiance sur ce genre de sujet. ;)

Concernant le chapitre 21 maintenant, tu me vois heureux de pénétrer dans le cercle des professeurs car j'étais impatient de les connaître. Je vois avec plaisir que tu leur as tous donné un trait de caractère propre, même si nous ne les connaissons pas encore. D'ailleurs, je m'interroge... Ce Maître Bronze là, c'est qui? Je crois que je n'ai pas bien compris sa fonction, c'est une sorte de "sous-maître" de la télépathie? Merci au passage de nous avoir fourni la liste des disciplines magiques, je m'y perdais un peu. ^^;
Ce qu'on peut dire dès l'abord, c'est que Samyël fait un drôle d'effet à ces professeurs, et leur avis est mitigé. Enfin je suppose que c'est normal quand on a affaire à un cas aussi exceptionnel, qui s'est déjà battu à mort à deux reprises avec l'élève le plus talentueux du moment au sein de l'école.
Je m'intéresse plus particulièrement à la personnalité de Darius Quint, qui me semble être un drôle de bonhomme. (rien que par son physique déjà...) Son lien avec Lowyn laisse à penser qu'il dressera des barrières sur le chemin de Samyël, mais sait-on jamais ce que tu nous réserves, sale fourbe... :3
Ah, et l'événement de ce chapitre bien sûr, j'ai nommé Sorël! Ah, quel personnage celui-là! J'ai tout de suite accroché à son côté marginal et excentrique, rien que son entrée déjà, et la réaction des autres professeurs... c'était comique. ='D Un drôle d'oiseau quand même ce maître Altérant, même si je l'adore. Tu sais combien je porte les personnages ambigus dans mon coeur, et celui-là n'est pas en reste, bien au contraire. Un homme à la beauté envoûtante, féminin par l'apparence, mystérieux, plein de verve, et capricieux...

Bref, je me calme. Ah non, je ne me calme pas, puisqu'il faut à présent parler de sa rencontre avec Samyël! *-* En voici une première rencontre qu'elle est équivoque! Une scène très bien amenée par ailleurs, je me dois de le souligner. L'effet hypnotique est si bien rendu qu'on s'y croirait, et puis cette ambiguïté quoi! Mais c'est quoi cette relation, hein?! (oui, mes cachets, tout de suite...)  Ce sont deux opposés, comme deux aimants qui s'attirent l'un l'autre malgré leur différence d'âge et le fait qu'ils soient tous deux de sexe masculin. Je remarque que notre brave Samyël est lui aussi plus que réceptif à la beauté grâcieuse de Sorël... Une scène envoûtante, vraiment, et pleine de mystère comme je les aime, qui produit une forte impression. Ils manquent même de s'embrasser! Avoue que tu l'as piquée à Fufu, allez avoue! è_é *crève*
Les paroles de Sorël m'interpellent par contre, quand il affirme que cet "incident" est de sa faute. L'a-t-il hypnotisé sciemment pour parvenir à ses fins, ou au moyen d'une illusion peut-être involontaire? (il est sans gêne d'ailleurs, il fait ça devant Taenry) Quoiqu'il en soit, cette rencontre perturbe notre petit mage, et le lecteur tout pareil. On se demande d'ores et déjà ce qu'il va en ressortir, d'autant que les dires de l'Archimage confirment que le maître Altérant a quelques petits précédents quelque peu... déplacés. Comme le test de Samyël s'est conclu sur une réussite, on n'a plus qu'à attendre la suite des événements, et fébrilement s'il te plaît! On trépigne, on n'en peut plus, on se mord les doigts, on arrache le papier peint, on...! Comment ça j'en fait trop? °° *sort piteusement* Cette étrange relation maître/élève m'en rappelle une que je connais bien d'ailleurs, si tu vois ce à quoi je fais allusion. :p

Hmm... pour terminer sur ces remarques, la relation entre Sorël et l'Archimage "déchu" m'intéresse vivement. Il s'en dégage une sorte de mélancolie qui me fascine. J'aurais bien aimé connaître le véritable lien qui les a unis par le passé, tout comme les exactions qu'ils ont tout deux commises. Et comme j'apprécie ce genre de choses, mention spéciale aux petites références qui se sont glissées dans ce chapitre, comme le nom du bibliothécaire Grimh qui fait penser aux frères Grimm (d'ailleurs c'est marrant ça veut dire colère en Allemand :P) ou à un diminutif de grimoire. Oui bon là je divague peut-être, mais j'avais envie de le dire, la prochaine fois achète-moi une muselière si t'es pas content. :roll:
Et puis bien sûr il y a le vieux livre bien fourni du Chevalier Argoth, belle référence que j'apprécie! Espérons que l'oeuvre véritable sera aussi lourde que celle-ci. ^^

Bon, pour clore le commentaire, passons aux défauts récurrents. Je parle bien sûr des fautes, qui entachent ton récit par-ci par-là. "Fait" à la place de "Fais" à l'impératif, etc. Elles ne sont pas nombreuses certes, mais fais attention quand même. Le relâchement n'est pas toléré ici bas. Tu as par exemple oublié le -e final à "étendue" et à un autre mot qui se finit pareillement en -ue, entre autres fautes d'accord que j'ai pu relever. Solution? Une relecture assidue et précise. Autre faute que tu commets systématiquement et que j'avais déjà soulignée par le passé, au niveau de la ponctuation cette fois-ci: Après un point d'interrogation, un point d'exclamation ou même des points de suspension dans un dialoque, il n'y a pas besoin de mettre de virgule avant d'insérer un "dit-il" ou autres incises du genre. Par exemple tu ne dois pas écrire "-Je... Qui êtes vous?, demanda-t-il d'une petite voix." mais "- Je... Qui êtes-vous? demanda-t-il d'une petite voix."
Voilà, sinon je trouve que la fin du chapitre 21 (Evite de mettre chapitre 20 pour le chapitre précédent et chapitre 7 pour celui-ci, c'est assez dérangeant >_>) n'est pas vraiment pertinente, à tout le moins pas assez percutante, pour faire état d'une fin de Livre. On s'attend vraiment à une suite directe derrière je trouve. C'est peut-être plus une affaire de goût qu'autre chose mais enfin... on verra bien.

Sur ce, je te souhaite une bonne continuation, en espérant que ce commentaire t'ait été un minimum utile. Tu es sur la bonne voie pour nous faire vivre de (très) bons moments de lecture, et j'attends la suite avec une impatience non dissimulée et non dissimulable! Bonne inspiration à toi, vil écrivationneur. ;)


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« Réponse #125 le: dimanche 27 septembre 2009, 00:32:27 »

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« Réponse #126 le: mardi 17 novembre 2009, 20:56:11 »
Cela faisait un moment, j'ai lu ta petite histoire. Je la trouve très sympathique personnellement, sinon je te souhaite une bonne continuation dans les autres récits et de les revoir très prochainement

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« Réponse #127 le: mercredi 06 janvier 2010, 17:03:33 »
GMS, tu risques d'avoir une nouvelle commentatrice.

J'ai commencé la lecture du Cycle du Rouge et j'ai trouvé ton écriture fluide et très facile à lire (bien sûr, je n'ai pas lu ton dernier chapitre, restant dans l'ordre chronologique de tes écrits.). J'ai été très surprise et, la curiosité ne me faisant pas défaut, j'ai continué ma lecture sans pouvoir m'arrêter. J'ai la sincère impression de lire un roman, installée dans le canapé et dévorant tes chapitres comme un loup affamé. C'est vraiment envoûtant, c'est tout ce que je peux te dire. Evoûtant, fluide et tellement facile à lire. J'ai l'habitude de ne pas faire des commentaires à rallonge, donc, tu risques de me voir débarquer souvent  x-D .

Bref, que dire à part bonne continuation ? J'ai hâte de lire la suite !
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« Réponse #128 le: dimanche 07 février 2010, 17:37:52 »
Hello, c'est moi. (Tin tin! (8))

Pour changer, je vous apporte une petite suite du Cycle. (Oui je sais, presque une demie année s'est écoulée depuis la dernière.) J'espère que vous l'apprécierez.

Silver ==> Merci d'être toujours au rendez-vous! J'espère que la suite du Cycle te satisfera.

Astrid ==> Hé bien, c'est toujours très agréable d'avoir une nouvelle lectrice! D'autant plus que si ma mémoire ne me fait pas défaut, tu es la première, des lectrices. :)
En tout cas, ton commentaire m'a fait extrêmement plaisir, il ne pouvait à mon sens être plus élogieux. (Le rapport à un véritable roman, notamment!)
Bref, encore merci, et j'espère que la suite t'agréera aussi.


En sus du Cycle, j'ai mis à jour mon dernier post, y ajoutant les chapitres 2, 3 et 4 de ce nouveau récit finalement baptisé Marcherêve. Je ne posterai pas les prochains chapitres sur un post complet comme celui-ci, je continuerai d'éditer le premier. Jettez-y un coup d'oeil de temps en temps ; j'essaierai de mon côté de prévenir, dans mes futurs post ou dans le titre du topic.


Ensuite, une question : Le premier tome de Monarque est achevé. Etant donné que cette histoire là n'avait pas eu l'air de rencontrer un fol enthousiasme, je vous demande si cela vous intéresserait que je post tout de même la suite.

Voilà, bonne lecture et à un prochaine fois! (Moins éloignée dans le temps, j'espère!...)



___________________

[align=center]Le Cycle du Rouge.[/align]


 Livre IV : Le Mage





Chapitre 22 : Tempête. (1ère Partie.)




L'air dans le coin droit du bureau se mit à onduler doucement, puis une porte d'énergie bleutée jaillit du néant. Sorël sortit du portail en s'époussetant. Derrière lui, on pouvait apercevoir ses appartements, richement décorés.
le Maître fit des yeux le tour de la pièce, et eut un claquement de langue agacé. L'Archimage n'était pas dans son bureau. Dans son dos, le portail disparut sans un bruit, ne laissant que quelques particules résiduelles qui se dissipèrent très vite.
-Nemerle?, appela-t-il, espérant que le vieil homme était dans ses quartiers à l'étage.
Il ne reçut aucune réponse. Bien que n'en ayant aucune envie, il se mit à chercher l'Archimage. Ses pas le portèrent à la bibliothèque, qu'il fouilla de fond en comble sans succès, puis vers les salles d'étude aux étages, sans plus de résultat. Il redescendit au réfectoire pour ne trouver qu'une salle vide. A peine eut-il fait deux pas dans la pièce que les Serviteurs s'empressèrent de lui servir un repas. Le nez de Sorël se plissa de dégoût à la vue de la pitance qu'on servait aux élèves. D'un geste il congédia les entités, qui reprirent leur place dans le fond.
-Sorël?, fit une voix familière derrière lui.
L'intéressé se retourna, et s'inclina respectueusement devant Taenry.
-Maître.
-Je suis surpris de te revoir si tôt.
-Nemerle m'a demandé de venir le voir une fois par mois, pour lui faire part des progrès de Samyël. Où est-il?
-Il va bien?, répondit Blanc'Barbe en pensant au jeune homme.
-Très bien.
-Et toi?
-Pareillement. Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas senti aussi bien, à dire vrai. C'est un véritable plaisir d'enseigner à quelqu'un d'intéressé. Et doué.
Taenry hocha la tête, l'air songeur.
-L'Archimage est en visite chez sa Majesté. Il ne sera pas là avant ce soir.
Sorël soupira de dépit. Il s'apprêtait à prendre congé et rentrer chez lui lorsque Taenry le devança.
-Puisque tu es là, viens donc boire une choppe.
-Hmm, fit Sorël, faussement pensif. J'ai bien peur que cela me rende tout mielleux de nostalgie.
Ils échangèrent un sourire entendu.
Les appartements du Portier se trouvaient dans le Hall. Une petite porte dérobée, cachée derrière un pilier et renforcée par des charmes de confusion en gardait l'accès. Si Taenry y passait sans problème, le Maître devait se baisser pour ne pas percuter le linteau. L'intérieur était assez vaste, quoique bas de plafond. La décoration était presque inexistante, à l'exception d'une fantastique hache de guerre à double tête, fixée sur le mur du fond. Le tranchant des lames était tel qu'il pouvait découper presque n'importe quoi. L'arme était tellement bien entretenue que le métal renvoyait des éclats irisés. Les deux têtes mortelles étaient liées par un morceau d'acier en forme de tête chauve et barbue, aux traits farouches. Il y avait quelques ressemblances avec la figure de Taenry, Sorël se fit la réflexion. Des arabesques avaient été ciselées dans le métal, et le manche, trop court pour un humain de taille normal, était fait d'un bois lourd, robuste et noir. Le nom de l'arme était gravé dans le bois, mais les runes qui le composaient n'étaient pas magiques : elles appartenaient à un langage que Sorël ne connaissait pas.
Le reste de la pièce était plus banal : un lit, de taille optimale pour Taenry, austère mais douillet, une solide table en bois avec deux chaises, quelques étagères où étaient entreposés des choppes de différentes formes et origines, toutes partageant une même esthétique raffinée, des pipes de différentes longueurs, des liasses d'herbes à fumer, du matériel de distillerie, des bouteilles d'alcool poussiéreuses, quelques volumes d'Histoire et de Géographie accompagnés de cartes détaillées et coûteuses proprement enroulées et enfin un mannequin de bois sur lequel était exposée une armure de très belle facture, composée de multiples pièces de plaque que Sorël aurait été bien en peine de nommer, d'une chemise de mailles robuste, d'un heaume à cornes blanchies et de bottes ferrées. La pièce d'armurerie était parfaitement bien entretenue, mais inutilisable pour la très grande majorité de la population car adaptée à la petite taille de Taenry.
Pendant que Blanc'Barbe fouillait méticuleusement dans ses bouteilles à la recherche d'un bon Méliol - seul breuvage que le palais raffiné de Sorël tolérait - l'Altérant se tint devant la hache et fit passer son doigt sur le manche, avec une certaine déférence.
-Cela fait combien de temps que tu ne l'as pas utilisée?
Taenry poussa un soupir à fendre l'âme.
-Bien trop longtemps. Si je ne prends pas garde, elle se couvrirait de poussière plus vite qu'il ne le faut pour le dire.
-Tout cela te manque?
Le petit homme ne répondit pas tout de suite, absorbé par le choix cornélien qui s'imposait à lui : une cuvée spéciale Perigniac 1423, ou un Château Karadhan 1567? Finalement, il opta pour le second tout en répondant franchement :
-Un peu. Mais je ne m'y trompe pas . C'est simplement que je suis vieux. Le passé paraît toujours mieux que ce qu'il était quand on est vieux.
Sorël haussa les épaules ; il n'était pas encore en mesure de juger. Il s'installa face au vieil homme et ils trinquèrent en silence.
-Cela me paraît tellement loin, la dernière fois que nous avons bu ensemble, commenta Sorël avec un soupçon de nostalgie.
-Oui, acquiesça Taenry. Presque quatorze ans maintenant. Je ne te cache pas que ça me manque. Et comme il n'y a plus  de nouveaux élèves ou presque qui viennent, je me sens seul. Les jeunes ne se préoccupent plus des vieux. Je ne me sens aucune affinité avec aucun d'entre eux. L'Archimage passe beaucoup de temps auprès de sa Majesté ces derniers temps, et les autres Maîtres sont trop préoccupés par leur quête de pouvoir personnel. Quant à Grimh... (Il secoua la tête.) Il n'a même plus le goût du jeu et s'est enfermé sur lui même, depuis que Lowyn a failli le tuer en faisant un de ses sales tours.
-Lowyn... Le rejeton des Hotts?
-Oui.
-Tss. Je me demande encore pourquoi on tolère des individus comme lui sous ces toits.
Taenry soupira, comme s'il partageait la même idée.
-Il est protégé par une Lettre de Cachet du roi. Nous sommes impuissants. Il n'y a guère plus que Darius qui a encore un semblant d'autorité sur lui.
-Quint…, grinça Sorël. J'ai cru comprendre que Lowyn avait eu des démêlés avec Samyël? (Son ton devint soudainement grave et sa figure sérieuse.)
Blanc'Barbe fixa un moment les profondeurs de sa choppe d'un air absent, comme s'il ressassait de vieux souvenirs. Il finit par acquiescer lentement.
-Il a failli le tuer, lors de son arrivée.
Les lèvres de Sorël se tordirent dans un rictus de colère, mais même ainsi sa beauté n'était pas altérée.
-Samyël a juré de le tuer, compléta Taenry, et de la manière dont il le dit, on aurait pensé qu'il espérait que cela se produirait.
Sorël posa le menton sur ses poings liés avec un sourire carnassier.
-A condition que je ne le fasse pas moi même. Rien que l'idée que ce sodomite blafard ait touché mon petit Samyël me dégoûte. Darius est un faible pour avoir laissé son élève libre de faire tous ses petits caprices.
Taenry nota mentalement l'expression "mon petit Samyël". Il se demanda quelle relation le maître et l'élève entretenaient, mais connaissant bien Sorël, il savait que le Maître attendrait quelques temps avant d'entreprendre quoi que ce soit. Il constata avec étonnement qu'il ressentait un soupçon de jalousie envers l'Altérant. Il se moqua de lui même intérieurement.  
-J'avoue que je ne le pleurerais pas. Mais tu connais les sanctions qu'encoure un Maître pour un tel acte.
-Oui, oui, éluda Sorël d'un geste de la main. J'y pense, quelles nouvelles de l'extérieur, depuis la dernière fois?
-Arabéus a la main mise sur toute l'Arch'Land. Ce n'est plus qu'une question de temps avant que Kalenz tombe.
-Le sang des Dix va bientôt disparaître, constata Sorël sans émotion particulière.
-Oui. J'ai pensé, la première fois que je l'ai vu, que Samyël pouvait être un fils perdu ou illégitime de la famille Hyälenz, tu vois, avec la couleur de ses cheveux. Mais mes recherches n'ont rien donné.
-Non, réfuta Sorël, de toute façon il n'a pas la noblesse et la pureté d'âme inhérentes au sang des Dix. C'est un être humain normal, ironisa-t-il, avec ses qualités et ses défauts.
-J'espère qu'au final, ses qualités se montreront plus nombreuses que ses défauts, intervint Nemerle en franchissant péniblement la petite porte de la pièce. Il avait les traits tirés, les yeux creusés et cernés. Il semblait exténué.
Sorël fit jaillir du sol une chaise de pierre, tandis que Blanc'Barbe se levait pour prendre une troisième choppe. Nemerle se laissa choir sur le siège avec un soupir d'aise.
-Tu as l'air bien mal en point, commenta l'Altérant.
-La vie à la cour m'épuise. Je ne sais pas comment font les nobles pour s'y plaire. Et puis, le jeune Arthurus commence à s'exaspérer de la passivité de son père - ce dont je ne peux le blâmer, hélas - et les deux n'arrêtent pas d'avoir des mots. Avoir à les séparer à chaque fois, c'est du sport!, conclut-il sur un petit rire.
-N'en faites pas trop, fit Taenry.
-Ne t'en fais pas. Quelques heures de repos, et je serai comme neuf.
-Qui est Arthurus, demanda Sorël qui vivait reclus depuis trop longtemps pour se souvenir de tous les mondains.
-C'est le jeune prince. Il a l'âge de Samyël, mais possède déjà un esprit acéré et un goût prononcé pour l'action. Il fera certainement un grand roi. Si tant est qu'il survive jusque là, ajouta sombrement Nemerle. Mais n'en parlons plus! Il est curieux de te revoir sitôt, Sorël.
-Je te rappelle que c'est toi qui m'a demandé de venir une fois par mois, vieil homme, répliqua l'intéressé avec agacement.
-Hein? Ha oui, exact. Je m'en souviens à présent. Un Château Karadhan?, demanda-t-il à Taenry après avoir goûté au contenu de son verre.
Le petit homme acquiesça.
-Excellent. Bien mieux que les meilleurs vins des caves royales. Entre nous, je trouve que les vins Candeciens perdent de leur lustre, au fil des ans. Ha, une des retombées de la guerre je suppose. J'espère qu'ils remonteront la pente.
-Si ça te fait rien, nous reparlerons viticulture la prochaine fois, siffla Sorël qui commençait à perdre patience.
-Oui pardon. Je t'écoute.
-Le garçon montre des aptitudes certaines pour l'Altération. Il assimile sans aucun problème les leçons.
Nemerle attendit un instant que Sorël continuât, mais comme le Maître n'avait pas l'air de vouloir ajouter quoi que ce fût, il s'étonna :
-C'est tout?
-Et bien quoi?, répliqua sèchement Sorël, visiblement agacé. A quoi t'attendais-tu après seulement un mois?
-Ha, oui, excuse moi. Bien. Je me réjouis. Ce garçon nous sera utile après tout.
A ces mots, Sorël plissa les yeux et demanda un peu trop rapidement pour que ce ne soit que de l'innocente curiosité :
-Utile à quoi?
L'archimage poussa un soupir mais fixa Sorël droit dans les yeux.
-A la guerre, voyons.
Sorël se leva si précipitamment que sa chaise tomba dans un claquement sonore. Il fixa le vieil archimage avec des yeux brûlants de colère. Taenry craignit même qu'il ne le frappât.
-Jamais, gronda l'Altérant avec une voix dure. Jamais je ne vous laisserai l'utiliser pour vos machinations.
-Tu ne peux rien y changer, Sorël, répondit Nemerle sur un ton tellement froid qu'une tension palpable envahit la pièce.
Les deux hommes se toisèrent en silence, l'un brûlant de rage, l'autre serein comme la glace.
-Et pourquoi cela, vieil homme?
-Parce qu'il a juré. Il a fait le serment au général Kalenz qu'il investirait ses pouvoirs dans la guerre, en échange d'une échéance de cinq ans.
Taenry soupira en affaissant ses épaules. Sorël claqua la porte si violement derrière lui que la hache de guerre tomba au sol.

***

-Qu'est-ce que tu fabriques, cloporte?, grinça Furoncle avec sa voix de crécelle en passant sa sale bobine par dessus son épaule.
-Ca te ne regarde pas, vermine, répliqua Samyël en l'envoyant valdinguer d'une claque.
Le petit démon familier glapit de peur et s'écrasa durement au sol. Sans perdre de temps, il se remit debout sur ses petites pattes grêles pour agonir le jeune homme d'injures qui auraient fait saigner les oreilles d'une statue. Agacé, Samyël souda les lèvres de la créature avec le sort que Sorël lui avait appris. Au moins, avec ça il avait la paix. Lorsque le Maître était là, le diablotin était déjà à peine supportable, mais depuis qu'il avait quitté les lieux, ce n'était plus vivable. Il se demanda comment Sorël pouvait supporter la présence de Furoncle.
Ce dernier, indigné et outragé voleta jusqu'au rebord de la fenêtre et bouda en remuant de sombres pensées. Avec un sourire, Samyël se replongea dans sa lecture. Un volume intéressant sur les secrets de la manipulation de l'air. Il s'étonnait de tout ce que l'on pouvait faire avec l'élément aérien. Il avait déjà hâte de pratiquer. Sa soif de connaissance et son impatience à progresser relevait presque du caractère obsessionnel. Il ne s'expliquait pas cela, mais depuis qu'il avait réellement commencé à étudier, il ne pouvait plus s'arrêter. Il s'endormait le soir en récitant des listes de sorts, rêvait d'expérimentations...
Sorël se révélait un excellent professeur. D'une infinie patience, il corrigeait son jeune élève avec gentillesse, lui enjoignant la persévérance. Il avait d'ailleurs hâte que son Maître revienne. Il se surprenait à souffrir de son absence. Lorsqu'il était à ses côtés, Samyël ne pouvait s'empêcher de ressentir de façon aiguë la proximité de l'Altérant : son odeur de fleur, la douceur de son souffle, la chaleur de son corps...
Samyël secoua la tête en rougissant légèrement de honte pour de telles pensées. Que lui arrivait-il? Il ne se souvenait pas avoir déjà ressenti cela pour quelqu'un...
Relevant les yeux de son ouvrage, il se demanda ce que faisait Sorël à cet instant...

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« Réponse #129 le: dimanche 07 février 2010, 17:54:26 »
Magnifique chapitre... Je suis en complète adoration devant ce récit au combien grandiose. Pour ce qui est de l'autre récit, je l'adore et je le lirais. J'adorerais voir une fin mais si tu n'en as pas le temps, je comprendrais.

Edit : J'ai regardé aussi les chapitres au dessus de celui de Samyël. C'est vraiment excitant, j'attends la suite avec beaucoup d'impatience.

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« Réponse #130 le: dimanche 07 février 2010, 18:59:54 »
Ah, enfin, enfin la suite du Cycle du Rouge.
À vrai dire ça faisait si longtemps que j'avais oublié la saveur de ton style qui je dois bien le dire savoureux. Aussi est-ce avec joie que je retrouve Samyël qui est, tout compte fait, pas si mauvais en magie.
Par contre je me pose de plus en plus de question sur la relation entre notre ami Samyël et Sorël : la façon dont il l'appelle "mon petit Samyël et la façon dont il s'emporte lorsqu'il apprend que son élève va combattre. Furiouze sort de ce corps !

En tout cas vivement la suite.

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« Réponse #131 le: dimanche 07 février 2010, 19:07:55 »
Je ne peux qu'approuver silver et Raph' : Délicieux ! Ce chapitre est super, et j'aime beaucoup tes dialogues au langage soutenu et surtout la discussion entre Sorël et Taenry au début du chapitre. Tout du moins, je trouve ton style superbe, et on en veut encore.
Bonne continuation et je me réjouis de lire la suite !
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« Réponse #132 le: dimanche 14 février 2010, 14:35:48 »
A mon tour de commenter! (aujourd'hui, sauce allégée au menu <3)

Déjà, pour répondre au commentaire de mon commentaire (je sais ça commence à dater, la GMSoïde a déjà dû faire des ravages :3), la relation ambiguë maître/élève inspirée de Sorël/Samyël que j'évoquais n'est autre que celle qui unit Sildinn et Aylinn, si tu te souviens encore d'eux. Et toi? Tu pensais à qui? :p

Pour ce qui est maintenant du commentaire en lui-même, je vais commencer par reprendre ce qu'ont dit ceux qui m'ont devancé: il s'agit d'un chapitre tout à fait savoureux après tout ce temps passé sans nouvelles, en plus de constituer une ouverture tout à fait adéquate à ce quatrième livre. Quand on y regarde de près, il ne se passe presque rien dans cette introduction, qui se contente de nous rafraîchir la mémoire en ajoutant quelques faits inédits. Mais on bavait tellement d'impatience, on avait tellement soif de nouveauté, que tout passe finalement. *crève*
Blague à part, même s'il est vrai que de nombreux événements dont tu avais fait état dans le précédent livre nous sont confirmés, tu le fais avec doigté, si bien qu'on prend tout de même plaisir à lire ce premier chapitre.

J'ai pas mal apprécié la discussion entre Sorël et Taenry en particulier, elle est sympathique, tout à fait dans le ton et donne envie d'en savoir en plus. Je sais que je me répète, mais pour un énergumène comme toi ça ne fait jamais de mal: j'aime beaucoup ce Blanc'Barbe et j'attends d'en apprendre davantage sur lui.
La grâce et l'excentricité de Sorël sont également mises en avant, et cela n'est pas pour me déplaire. Le maître Altérant est toujours aussi intrigant à mes yeux, il m'a l'air de développer de drôles de relations surtout. Dans tout ce qu'il fait, j'ai la franche impression qu'il a toujours un avis ou un sentiment bien tranché, que ce soit dirigé vers la haine (Darius Quint), un respect et une amitié marquées (Taenry), ou encore un respect amoindri (Nemerle). La différence de traitement est nettement perceptible dans le dialogue entre les trois hommes, ce qui te fait un bon point. La colère excessive dont fait preuve Sorël est assez représentative du personnage d'ailleurs je pense. En tout cas elle m'a surpris et m'a plu tout à la fois, car la raison en est touchante. La confrontation entre la caractère sulfureux du maître Altérant et la placidité éreintée de l'Archimage est assez saisissante je dois dire.

Il n'empêche que, tel que tu me connais, je ne me lasse pas d'apprécier les contrastes. Sorël en est un à lui tout seul, conformément à ce que j'avais déjà souligné dans mon précédent pavé; et j'adore! Quand on compare son vain emportement et la gentillesse attentive qui lui prête Samyël, on ne peut passer à côté. Mwahahaha, ça augure de bonnes scènes bien saignantes en perspective. °w*

Bon, voilà voilà, ce sera tout pour cette fois. Je finirai par effectuer une légère piqûre de rappel au niveau des défauts récurrents qui t'encombrent, en te félicitant toutefois du nombre de fautes décroissant. Je suis impatient de pouvoir goûter à la suite, et surtout d'avoir la chance d'assister à une leçon donnée par l'élégant Sorël à Samyël. Une scène prometteuse s'il en est une! (dis-moi qu'il y en a une ou je t'étripe è_é)
A bientôt pour de nouvelles aventures! ;)

PS: Je lirai tes scènes coupées une autre fois. Quand? Je ne sais pas, mais quand ce sera fait, je ne manquerai pas de te faire part de mon avis. Sur ce, vivement la suite!


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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #133 le: dimanche 14 février 2010, 15:51:32 »
Kikoo c'est moi.

Et en plus je ne viens pas les mains vides, vu que je vous ramène la suite du Cycle! Hohoho!

Silver ==> Merci pour le commentaire! :) A ta demande, je posterai bientôt la fin de Monarque.


Raphael ==> Non non, aucune marmotte maléfique n'a pris le contrôle de mon esprit :niak: J'espère que la suite continuera à te plaire, et merci pour le commentaire ^^


Astrid ==> Merci pour le commentaire ^^ En espérant que la suite te plaise tout autant :)


PdD ==> Le problème des sauces allégée, c'est qu'on reste sur notre faim et qu'on en reprendrait bien un peu :)
Ne t'en fais pas pour Taenry, on en apprendra plus sur lui au fil des chapitres. Encore une fois, je suis content que tu apprécies Sorël. :) C'est vraiment un personnage qui m'est important.
Quant aux scènes de leçon, bien sûr qu'il y en aura, ce serait comique sinon pour un livre qui y est dédié :p
Bref, encore merci pour ton commentaire, et moi j'attends avec impatience le prochain :p  :<3:


En attendant, voici la suite et fin du chapitre 22. A la prochaine et bonne lecture!



__________________________


Chapitre 22 : Tempête (Deuxième partie.)


Sorël s'inclina encore une fois pour remercier, puis referma la porte de l'atelier de forge doucement. Sa rage ne l'avait pas quitté, mais à présent elle battait à froid. L'Altérant était très vite redevenu maître de lui même, canalisant sa colère en énergie créative. S'il ne pouvait pas rompre le serment de son jeune élève, alors il ferait tout son possible pour en faire le meilleur, afin qu'il survécusse le plus longtemps possible. Il était frustré d'en être réduit à cela.
Il avait filé droit vers Bronze, dans le dessein de lui commander deux épées d'entraînement. L'Altérant et la statue vivante n'étaient pas spécialement proches, mais Bronze avait été heureux de transformer la demande en exercice pratique pour ses trois élèves.
C'est donc avec ses deux épées emballées sous le bras que Sorël faillit se cogner à Lowyn de la maison d'Hott. Le jeune homme se tenait bien droit, les bras croisés sur sa poitrine dans un halo d'arrogance presque palpable, sa robe noire flottant fièrement et légèrement dans la petite brise qui balayait le terrain d'entraînement. Ses lèvres étaient tordues en un rictus de mépris, qui s'accentua d'autant plus qu'il parcourait des yeux le pourpre du vêtement de Sorël. Ses yeux bruns brillaient d'un éclat de cruauté et de malveillance, doublés d'une redoutable intelligence perverse.
-Alors, commença-t-il d'une voix lente, s'exprimant comme s'il s'adressait à une personne sénile, comme ça c'est vous qui enseignez la prestidigitation à ce rat de Samyël?
-Hôte toi de mon chemin, vermine, répondit Sorël d'une voix aussi froide et doucereuse qu'une dague bien effilée.
Cela n'impressionna nullement le Rhéteur. Ils s'affrontèrent du regard pendant quelques instants ; la tension était si forte qu'on aurait pu la trancher au couteau.
-Ce ne doit pas être facile, reprit Lowyn, provocateur, d'enseigner à un idiot sans pouvoir. Au moins, il pourra toujours nous distraire un peu, au dîner.
-J'espère que tu n'as pas trop souffert, répliqua Sorël en tapotant sa lèvre inférieure, lorsque "l'idiot" t'as décimé d'un seul coup de poing.
Le jeune Hott eut un rictus de haine pure à l'évocation de cet épisode.
-Retirez ce que vous avez dit, tout de suite.
-Sinon quoi, cloporte? Tu attaquerais un Maître?
-Vous, un Maître?, railla Lowyn. Laissez moi rire. Vous n'êtes qu'un magicien de pacotille qui s'enorgueillie de faire un peu de fumée. Vous ne connaissez même pas la véritable définition du mot magie.
L'insulte arracha un sourire malsain à l'Altérant. Sa rage brûlait de nouveau pleinement en lui, exacerbée par la discussion. Il posa la main sur le mur de pierre noir, à sa gauche et susurra quelques mots de pouvoir. Une main de roc jaillit du sol, juste devant le Rhéteur, et s'enfonça rudement dans son abdomen. Surpris, Lowyn se courba en deux sous l'impact, et cracha un peu de sang. Il était si peu habitué à la douleur qu'il crut mourir. Il resta un moment à genoux, les bras croisés sur son ventre en gémissant.
-Le grand Lowyn Hott serait-il déjà face contre sol, gémissant pitoyablement, terrassé par "un magicien de pacotille"? Voilà qui est curieux.
Blessé dans sa fierté, le jeune Hott leva des yeux pleins de haine vers la figure de Sorël qui le toisait d'un regard empli de mépris et de dégoût. Sa beauté surnaturelle éclaboussait l'orgueil de Lowyn. Il serra le poing de rage. Sorël passa à côté de lui, s'éloignant vers les dépendances.
-Comment osez vous?, cracha-t-il.
Il se releva péniblement, son corps parcouru de spasmes de haine. Cependant, il mordit à nouveau et durement la poussière lorsque Sorël le frappa violement au visage avec sa botte. Lowyn poussa des gémissement aigus, son beau visage blafard baigné dans le sang qui jaillissait de son arcade sourcilière ouverte. Sa haine fondit comme neige au soleil sous l’effet conjugué de la peur et de la souffrance, souffrance d’autant plus grande que personne n’avait jamais levé la main sur lui. Il eut des haut-le-cœur en goûtant son propre sang dans sa bouche et faillit vomir. Cependant sa fierté l’en empêcha.
A travers ses larmes, il vit la silhouette sombre et brouillée du maître Altérant juste à côté de lui. Terrible, il se tenait droit dans toute son arrogante beauté, ses longs cheveux soyeux voletant dans la brise légère. Il ne disait rien, se contentant de le toiser, mais ses yeux parlaient pour lui. Le jeune Hott y lut de la haine, de la fureur, du mépris et de la folie.
Alors il comprit qu’il allait mourir ce jour là.

***

Kalenz s’affaissa dans son siège, broyant du noir en observant la dizaine de jeunes gens qui se tenait devant lui, dans leurs cottes de mailles trop grandes, avec leurs casques trop grands, leurs bottes trop grandes et leurs armes qui paraissaient dans leurs mains démesurées. Des volontaires, probablement des fermiers des environs qui avaient pris les armes familiales pour s’engager. Le général songea avec ironie qu’une dizaine d’années plus tôt, il les aurait renvoyés chez eux avec des tapes dans le dos et un verre de chocolat. A présent, ils étaient ses soldats, parce qu’il en avait terriblement besoin.
-C’est un honneur pour nous de servir l’Arch’Land, seigneur-général, dirent-ils à l’unisson en posant un genou par terre.
Kalenz faillit éclater en sanglot, mais il parvint à se reprendre.
-Je comprends, s’entendit-il répondre, et je suis honoré que vous vous joignez à moi. Je sais que vous servirez avec bravoure et hardiesse. A présent, voyez avec le capitaine Dribeck, il va vous expliquer…
Lorsqu’il fut à nouveau seul dans la Grande Salle, Kalenz, dernier descendant des Dix Chevaliers Servants du Roi Aegir, posa la tête dans le creux de sa paume et passa de nombreuses heures à maudire tout ce qu’il connaissait au monde, jusqu’à sa propre mère et son propre père.
« Cinq ans. »

***

S’il y avait bien une chose que Murad Murazim avait appris en trente années de piraterie, c’est qu’il fallait éviter comme la peste tout ce qui arborait sur ses voiles immaculées une croix rouge et sur sa proue un gus en train de lire un livre.
-La Sainte Expédition!,  glapit la vigie du haut du mât, avec une voix déformée par la peur.
Murad eut envie de lui planter son sabre en travers de la gorge. Il détestait qu’on énonce des évidences. Le terrible trois mâts Justice n’était pour le moment qu’une sombre et massive silhouette à l’horizon mais propulsé par ses centaines de rameurs, il se déplaçait à une vitesse inimaginable pour un navire de cette taille. De mémoire de pirate, personne n’avait survécu à une rencontre avec le Justice. Après tout, c’était le vaisseau personnel du Commandeur. Non seulement il était lourdement armé, mais en plus de cela il pouvait accueillir un nombre impressionnant d’hommes d’armes et d’équipage. Une confrontation directe ou un abordage revenait à peu près au même : l’annihilation pure et simple.
Murad frappa le bastingage avec rage. Le capitaine Murazim ne s’avouait jamais vaincu. Il se retourna vivement vers son équipage médusé.
-Monsieur Gallow, tribord toute. Où est passé ce bon à rien de faiseur de vents?, hurla-t-il pour réveiller ses hommes.
Tout à coup, le pont du Rouge de Salibli  fut le théâtre d’une agitation frénétique. Les deux grandes voiles carrées du galion furent levées, arborant fièrement le crâne vermeil de Murad, tandis qu’une vingtaine d’hommes s’affairèrent à charger les imposantes balistes placées le long du bastingage. Des hommes remontèrent des calles avec des réserves de projectiles, ainsi que les armes légères d’abordages, sabres, dagues, de même que de longs pieux en bois pour repousser les attaquants.
-Capitaine, fit une voix hautaine derrière Murad.
Celui-ci se retourna et toisa l’homme d’âge mûr, aux traits aristocratiques vêtu plutôt richement pour un pirate. Icabod était un magicien de province, habile dans la manipulation des vents, qui avait préféré embrasser une carrière de forban plutôt que de finir sur un bûcher. Les deux hommes se détestaient, mais ils avaient trop besoin l’un de l’autre.
-Je veux un vent d’est, le plus fort possible.
-D’est?, s’étonna Icabod. Mais cela nous entraînera vers la grande mer.
-Tout à fait. Avec un vent arrière nous irons plus vite qu’eux, car leur navire est trop lourd. Et avec tous les hommes qu’ils trimballent, ils seront à cours de vivres avant nous. Ils ne pourront pas nous talonner bien longtemps. Ce genre de vaisseau n’est pas fait pour de longues expéditions sans  ravitaillement régulier.
-Cela me semble une stratégie bien périlleuse, capitaine.
-Ouais, et ben écoute moi bien, c’est ça ou se retrouver tous par le fond. C’est toi qui choisis.
Icabod pinça les lèvres mais ravala sa réplique.
-J’espère que vous savez ce que vous faites. Vous allez nous entraîner dans des mers sur lesquelles personne n’a jamais voguées.
-Et alors? Qu’est-ce que ça peut faire? La mer c’est la mer. Qu’est-ce que tu crains? Les monstres marins? Le vieux Barbu?
Murad ricana.
-A votre guise, siffla Icabod.
Vert de rage, ce dernier se dirigea d’un pas énergique vers sa cabine où il s’enferma. Quelques minutes plus tard, alors que le Justice se rapprochait inexorablement, à tel point qu’on pouvait à présent voir des silhouettes s’affairer sur le pont, un vent digne d’une tempête balaya le Rouge depuis la poupe, gonflant ses voiles à les faire presque craquer. Le galion fit un bond en avant, projetant une grande partie de l’équipage à la renverse. Murad observa avec satisfaction les grandes gerbes d’écume que son navire laissait derrière lui, attestant de la vitesse à laquelle ils évoluaient à présent.
Cependant, il fut pris d’un étrange pressentiment lorsqu’il regarda les côtes diminuer puis disparaître à l’horizon.

***

Dhaltarion III, roi de l’agonisante Arch’Land, écoutait avec attention le rapport de son fidèle archimage à propos des progrès du garçon, le fameux Samyël. Il hochait de temps à autres la tête, sa main droite fourrageant lascivement dans sa barbe. Markus d’Esboni, le grand intendant de la famille royale, et Filibert d’Aranis, général en Chef des fantomatiques armées Arckendéennes, étaient présents eux aussi, mais ni l’un ni l’autre ne fit un commentaire.
Lorsque Nemerle eut fini, le roi se leva de son siège et alla à la fenêtre.
-Je vois, je vois…, fit-il sans cesser de tripoter sa barbe.
Il observa un moment son fils, le prince Arthurus, qui s’entraînait à l’épée avec les gardes, dans la cour. Il n’avait que quatorze ans, mais c’était déjà un homme. Grand, il avait des muscles fins, nerveux et puissants, qu’il accompagnait d’une sveltesse de coureur, faisant de lui l’un des meilleurs épéiste de la ville. Ses traits qui avaient jadis été naïfs et délicats étaient dorénavant durs, virils et marqués, quoique non dénués d’une certaine beauté fruste. Une moue colérique ne quittait jamais son visage, et lorsqu’on pouvait apercevoir ses yeux bleus sous sa tignasse de cheveux blonds, on y voyait un orage perpétuel, prêt à totalement éclater. Malgré son aspect de brute, c’était quelqu’un de bon et loyal, et en dépit du fait qu’il haïssait son père, celui-ci en était fier. Dhaltation était heureux que son fils ait hérité du caractère de sa mère plutôt que du sien. Chaque fois qu’il croisait son enfant et que leurs regards se croisaient, il avait l’impression d’être devant un miroir lui renvoyant à la figure sa propre lâcheté. Le roi savait que le prince l’accusait silencieusement de l’état actuel des choses.
Les épaules du monarque commencèrent à frémir, indiquant qu’il allait pleurer.
Les trois autres hommes se détournèrent respectueusement. Ils savaient que leur roi était un homme faible et fragile, mais à la différence d’Arthurus, ils ne le détestaient pas pour autant. C’était leur roi, leur ami et ils l’aimaient comme il était. Tous, de toute manière, se sentaient coupables de la condition du roi. C’est eux qui l’avaient élevé. C’est eux qui l’avaient trop protégé, durant une époque de paix. Nemerle avait été un professeur trop laxiste. Markus un tuteur trop gentil. Filibert un ami trop prévenant. Ils avaient vu grandir un enfant trop frêle pour porter le poids d’une couronne, trop naïf et gentil pour faire un bon politicien, et surtout trop peureux pour faire un grand roi. C’était donc leur faute. Ils avaient façonnés un monarque inapte à affronter une crise de cette ampleur. Ils n’avaient pu que contempler, impuissants, l’accumulation des erreurs,  dictées par la peur et les maladresses. Ils avaient été les artisans de leur propre défaite.
Et surtout, ils n’avaient pas eu le cran de faire la seule chose qui les aurait sauvé. Ils n’avaient pas eu le courage d’assassiner Dhaltarion pour mettre à sa place, non pas son fils, trop jeune, mais son demi-frère, Carolis. Un homme mauvais, cruel, traître et perfide, mais capable d’affronter les responsabilités de la fonction royale.
Mais il était trop tard maintenant, et le triumvirat officieux d’Arendia avait honte d’avoir ne serait-ce qu’évoqué cette possibilité.  

***

Lowyn de la maison d’Hott essaya de se relever, pleurant et gémissant sous la douleur. Mais le pied  de Sorël se posa avec violence sur son torse frêle, le clouant au sol. Il poussa un couinement suraigu.
-Tu me fais pitié. Tu n’as aucune élégance. Tu es laid. Tu n’es qu’un sodomite.
Le Maître lui cracha au visage en y mettant tout son cœur.
-Ne t’en fais pas, mon petit, continua-t-il sur le même ton froid et doucereux. Je ne vais pas te tuer…
Un sourire mauvais mais gracieux étira les lèvres carmins de l’altérant.
-… Samyël le fera.
C’en fut trop pour Lowyn. Il poussa un long et pathétique hurlement haut perché, abandonnant toute dignité. Il ne songea pas même un instant à se servir de sa magie.
-Sorël. Ecarte toi de mon élève.
L’ordre sec claqua comme un coup de tonnerre sur le champ d’entrainement. Alors même que le maître Bronze et ses élèves sortaient de la forge pour voir de quoi il retournait, Darius Quint, le petit rhéteur, se matérialisa littéralement à quelques mètres de Sorël. Comme de coutume, il paraissait serein, cachant ses mains dans les grandes manches de sa robe, mais derrière ses lunettes bleues, ses yeux se paraient d’une froide colère. C’était lui qui avait parlé.
-Darius, darius, darius…, fit Sorël sans même le regarder, ses yeux toujours rivés sur sa proie. Toujours à gâcher le plaisir des autres, à ce que je vois.
-Je n’ai que faire des plaisirs d’un fou pervers tel que toi, Lyzandre.
A l’évocation de son prénom, l’altérant tourna la tête vers son rival. Ils s’affrontèrent du regard une longue minute ; la tension était tellement palpable, la tempête tellement proche d’exploser, que Bronze intima à ses élèves de rentrer dans la forge. Il en fit de même. Il ne souhaitait pas être mêlé à ce qui allait arriver.
-Tu devrais mieux les dresser, tes chiens, déclara Sorël avec morgue. Ils aboient un peu trop fort.
-Cela me regarde. En attendant, écarte toi.
-Sinon quoi, Darius?
Il y eut un silence, qu’un vent un peu plus fort s’empressa de briser, déplaçant de petites masses de poussière sur la scène. Lowyn n’en menait pas large. Il était au bord de l’évanouissement, des suites de la perte de sang.
-Sinon je vais devoir t’écarter moi-même.
Les deux maîtres se toisèrent, et la haine qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre exsudait par tous les pores de leur peau.
-Tu veux régler ça tout de suite et maintenant, asticot?, ricana Sorël. Allons, ne me fait pas rire. Nous savons très bien qui de nous deux détruirait l’autre. Vous me lassez, tous les deux. J’allais partir, de toute façon.
Il fit mine de se retourner, mais il se ravisa, mimant quelqu’un qui se rappelle soudain de quelque chose. Tout en regardant Darius dans les yeux, il leva la jambe et abattit son pied avec force sur le torse de Lowyn. L’impact brisa quatre côtes.
Tandis que le jeune homme hurlait de douleur en crachant du sang, le maître Altérant s’en retourna chez lui, sifflotant un petit air gai. Darius Quint, lui, ne parvint pas à contrôler les tremblements de terreur de son corps.

***

Le vent avait échappé au contrôle d’Icabod, se transformant en une véritable tempête, déchaînant la mer alentour dont les vagues immenses et hurlantes s’abattait avec frénésie sur les ponts des deux navires pris dans la tourmente. Des traits de balistes franchissaient les airs déchaînés, tentant tant bien que mal de toucher leur cible.
Contrairement à ses estimations, le Justice n’avait à aucun moment perdu sa prodigieuse vitesse. Il avait pourchassé impitoyablement le Rouge de salibli par delà les mers connues et ouvert le feu malgré la tempête. Fou de rage, Murad Murazim avait ordonné de couler par le fond le navire de ces fous fanatisés. Les voiles étaient affaissées, tristement lacérées par les vents violents. Les gouvernails ne répondaient plus aux ordres désespérés des navigateurs et les lames de fond menaçaient de les faire chavirer à tout moment. Plusieurs hommes étaient déjà tombés par-dessus bord. Mais les deux capitaines n’en avaient cure. Ils voulaient du sang.
Une secousse effroyable ébranla le Rouge lorsque l’épieu de bronze fixé à la proue du Justice le perfora avec violence. Les pirates dégainèrent leurs armes, sans grande conviction toutefois. Des dizaines d’hommes en armes et armures sautèrent sur le pont arrière, et les combats éclatèrent un peu partout. Mis à part Icabod, terré dans sa cabine, personne ne se souciait du fait qu’ils se trouvaient au milieu d’une mer inconnue, à des miles et des miles de la côte.
Les soldats restés sur le Justice se mirent à tirer des flèches depuis le bastingage, sans grand résultat car les vents trop violents déviaient les traits.
Murad tira au clair le cimeterre qui avait fait sa renommée. Réunissant quelques hommes autour de lui, il mit ses fabuleux talents d’escrimeurs à l’épreuve pour tenter de repousser l’envahisseur. Le pont mouillé était glissant, les cordages renversés s’emmêlaient autour des chevilles et des paquets d’eau frappaient les hommes à intervalles réguliers, rendant difficile toute manœuvre. Murad voyait des hommes fauchés par les vagues, emportés par les eaux hurlantes vers une mort douloureuse. Le pirate jura tout en se battant. Il ne voulait pas mourir ici, pas comme ça. Loin de tout. Ces pensées lui donnèrent une force nouvelle, attisant sa rage, et il redoubla d’efforts. Ses poumons le brûlaient, il avait la gorge desséchée à cause du sel et ses yeux le piquaient, mais il progressa, péniblement, mètre par mètre.
Soudain, il fut sur le pont du Justice, une dizaine d’hommes à ses côtés. Il cligna des yeux, et un éclair illumina la scène. La suite ne fut qu’un corps à corps furieux, et Murad n’était pas certain de ne pas avoir tué un de ses hommes dans la tourmente. Il se retrouva au bout d’un moment à croiser le fer avec un homme couvert d’un casque orné d’ailles d’aigle. Ce n’était pas le Commandeur, juste un Légat. De rage et de dépit, il le décapita d’une botte audacieuse.
C’est à ce moment là que le Rouge de Salibli s’écrasa sur le pont du Justice.    

***

Le silence se fit lorsque l’étranger poussa la porte de l’auberge du Relais. Ce n’était pas que les étrangers étaient rares , puisque c’était précisément une auberge de voyageurs, mais c’était plutôt son aspect qui donnait matière à suspicion. L’homme n’était pas bien grand, à vrai dire il avait la taille d’un adolescent, mais l’armure noire polie qu’il portait lui donnait une carrure de bœuf. On ne voyait pas son visage, caché par un rideau de cheveux d’un blanc sale et il transportait une drôle d’épée à la ceinture, dont la lame était couverte d’inscriptions dansantes.
Il resta un moment sur le seuil. L’aubergiste hésita à lui dire d’entrer. Il pressentait des ennuis. Les soldats n’étaient pas rares, si près de l’Arch’Mark, mais l’étranger avait plus l’air d’un de ces mercenaires du nord, des soudards ivrognes. L’homme finit pas traverser la salle, et s’installa à une des tables du fond, le dos au mur. Les poils des clients se hérissaient à son passage, mais personne ne pipa mot. L’aubergiste remarqua qu’il semblait fixer l’autre étranger arrivé un peu plus tôt, un type d’âge mûr à la mine jovial, victime d’un peu d’embonpoint. L’homme en question dégustait son repas sans faire attention au reste de la salle.
Cependant, lorsque l’aubergiste lui apporta une nouvelle pinte de bière, il constata que l’épais voyageur suait à grosses gouttes. Pourtant la soirée était fraîche.

***

La scène avait quelque chose d’irréel. Murad Murazim, capitaine corsaire du Rouge de Salibli, regardait avec un détachement né de la fatigue son propre galion exploser sous le choc de l’impact avec le pont du Justice. Des planches de bois volèrent à côté du pirate, des échardes mouillées plurent sur lui, un cordage projeté avec force le frappa de plein fouet. Des hommes et des morceaux d’hommes chutaient autours de lui, comme dans une mauvaise histoire de monstre.
De monstre…
La réalité frappa Murad. Il se rendit compte que son bateau, son galion, était tombé du ciel. Lentement, comme dans un rêve, il tourna la tête, juste à temps pour voir une masse titanesque, plus noire que le noir, s’enfoncer à nouveau dans les flots déchaînés, là où s’était trouvé son navire. Une salve d’éclairs illumina brièvement la chose, révélant une texture écailleuse. Murazim vomit.
En chancelant, il se traîna jusqu’au bastingage, choqué par ce qui se passait. Les hommes, qu’ils furent pirates ou Arch’Markiens, couraient dans tous les sens, ou bien restaient prostrés par terre, les mains sur leurs blessures, ou au chevet d’un camarade. Le pont du Justice émit un craquement terrible, prêt à se rompre sous le poids du Rouge.
Murad se pencha en avant. Une ombre d’une taille inimaginable rôdait sous le bateau. Le capitaine n’eut même pas le temps d’implorer ses dieux qu’un pieu gigantesque et écailleux perfora le Justice, le propulsant dans les airs avec une force défiant la physique. Tout fut projeté dans un maelström d’hommes, de cris, d’eaux, de bois, d’acier. Une baliste frappa Murad dans le dos, l’envoyant un peu plus loin. D’en haut, le pirate avait une vue d’ensemble. Les vagues déchaînées cachaient dans leurs replis les circonvolutions d’une chose monstrueuse. La terreur s’empara impitoyablement de Murad lorsqu’il amorça sa descente.
Mû par un réflexe élémentaire, il parvint à adopter une position de plongeon, ce qui lui évita de mourir sous l’impact de l’eau. Beaucoup n’eurent pas cette chance. Les eaux noires et glacées happèrent le pirate comme des bras avides. Murazim se mit à ruer, en proie à une panique animale. Il sentait des choses qui crevaient la surface pour s’enfoncer dans l’eau, derniers vestiges de deux des plus beaux navires jamais construits. Le pirate entendit soudain un son horrible, couvrant la tempête et les « plouf » sonores. Il crut tout d’abord à un chant de baleine, mais c’était plus grave, plus sinistre, plus monstrueux.
Soudain, le calme se fit. Murad s’enfonçait toujours plus profond, mais les eaux étaient calmes, et les bruits s’étaient tus. Il se demanda si il était en train de mourir déjà, car ses poumons le brûlaient atrocement. Il ouvrit les yeux. L’eau salée attaqua sa cornée, mais il n’en avait cure. Il ne voyait rien. Il n’y avait que les ténèbres liquides. C’était une vision terrifiante.
Un faisceau de lumière rouge, brûlante, diabolique, creva l’obscurité, dévoilant le macabre spectacle. Des dizaines et des dizaines de corps gonflés aux yeux exorbités dérivaient funestement, plusieurs à quelques centimètres à peine de Murad. Paniqué, ce dernier voulut s’éloigner, mais il n’avait plus de forces. Il vit des silhouettes massives et sombres évoluer à la périphérie de la lumière. Il sut que ce n’était pas des requins.
Tout à coup, le faisceau se braqua sur lui, l’aveuglant. Lorsqu’il put rouvrir les yeux, il vit un œil horrible, malfaisant, démoniaque, immense, titanesque qui le regardait depuis les abysses. Le corps d’Icabod passa devant Murad, un sourire narquois déformant ses traits morts. Il semblait se moquer de Murad qui n’avait pas écouté ses mises en garde.
L’une des silhouettes passa près de lui, lui arrachant le bras gauche. Lorsqu’il hurla de douleur, de terreur et d’épuisement mental, Murad avala une stèle funéraire liquide.
Et tandis que Levyathan refermait les yeux, le chant de ses fils emplit de nouveau les profondeurs ténébreuses de l’océan.  

***

Finalement, tout se passait bien. L’étranger en armure se contentait de rester dans son coin. Il ne buvait même pas. Cependant, ce n’était pas le cas du gros homme. Il ne s’arrêtait plus, et suait de plus en plus. L’aubergiste se demanda ce qu’il devait faire. Au bout de la quatrième pinte, il avait demandé d’être réglé d’avance, et jusque là l’homme payait. C’était bon pour les affaires mais devait-il l’envoyer dans sa chambre?
Son dilemme prit fin lorsque, passablement ébréché, le gros homme se leva en titubant, le visage rougeaud et en colère. Il braqua un doigt sur l’étranger en armure et hurla d’une voix aiguë.  
-Tu ne me tueras pas, monstre!
Il joignit les mains et commença à hurler des paroles mystiques, les yeux fermés. Son visage ruisselait littéralement. Cependant, l’homme en armes ne resta pas passif. En un éclair, il se remit debout, et l’instant suivant il plantait sa lame dans le ventre de son adversaire.
Ce dernier glapit de douleur, et un sang clair éclaboussa le sol de l’auberge. Les autres clients et l’aubergiste, médusés, ne purent que regarder ce qui suivit. Saisissant le sorcier à la gorge, le mercenaire le souleva sans effort et le plaqua contre le mur, renversant chaises et tables, et planta frénétiquement son épée dans chaque centimètres carré de chair. Il fut bientôt couvert de sang, et des éclaboussures vermeilles maculaient le bois des murs et du sol, laissant des sillons écarlates qui coulaient lascivement. Le sorcier ne bougeait plus depuis longtemps lorsque le guerrier s’arrêta. Il le laissa cloué par son épée. Il ne fit plus rien, se contentant de rester devant, la tête baissée.
-Par les dieux…, bafouilla l’aubergiste, trop horrifié pour dire autre chose.
Alors l’étranger rejeta la tête en arrière et poussa un terrifiant hurlement de dépit. Puis il saisit l’aubergiste à la gorge, le soulevant, et ce dernier hoqueta de peur lorsqu’il fit face à deux brasiers démoniaques fendus d’une fine pupille rouge.
-Il connaissait le prix!, cria la chose d’une voix déformée, rauque, rappelant le frottement de la pierre contre la pierre.
Des arcs d’énergie violets commencèrent à crépiter sur son corps. L’aubergiste crut sa fin arrivée, lorsque soudain la porte de son établissement s’ouvrit à la volée, et qu’une dizaine de guerriers de la Sainte Expédition entrèrent, avec, à leur tête, le Commandeur en personne. Celui-ci tendit le bras, et un faisceau de lumière blanche et pure jaillit de ses doigts et frappa la créature, l’immobilisant instantanément.
-Par le Seigneur!, dit Eratius d’une voix forte en croisant les doigts comme pour une prière. Nous arrivons à temps. Cela ne fait que trop longtemps que nous traquions cette engeance. Regardez-la! C’est l’enfant d’un mage!
Les clients poussèrent des exclamations de stupeur et de dégoût, pendant qu’un soldat dégageait l’aubergiste de la poigne de la créature. Eratius s’approcha avec une mine de dégoût du sorcier cloué au mur.
-Regardez bien ce visage là. C’est lui qui a invoqué ce démon dans notre monde. Mais la créature s’est retournée contre le créateur.
Il secoua la tête.
-A présent, c’est terminé. Grâce aux pouvoirs que le Seigneur m’a confié, ce monstre ne pourra plus faire de mal. Emmenez cette chose, je vais tenter de la purifier par le feu de la justice. Quand à cet homme… (Il retira d’un geste rapide l’épée plantée.) Brûlez le.
-Je…, intervint l’aubergiste en se massant le cou. Je vous en prie, seigneur Commandeur. Brûlez le devant mon auberge, ainsi le Seigneur m’accordera sa bénédiction.
-Entendu. Le Seigneur récompense toujours ses enfants fidèles et aimants.
Eratius fit mine de sortir, mais il s’arrêta sur le pas de la porte. Il se retourna vers l’assemblée, puis il leva la main.
-Que le Seigneur vous bénisse.
Puis il sortit. Il rejoignit ses hommes dans le bosquet situé non loin de l’auberge du Relais. La créature était toujours paralysée. Un sourire satisfait éclaira le visage du Commandeur.
« Il connaissait le prix! »
La plainte était à peine un murmure dans l’esprit surpuissant d’Eratius, alors que ses hommes serrèrent les dents de douleur.
-Oui, il le connaissait. Tu as raison, justice doit être faite.
Eratius leva l’épée devant son visage. L’œil démoniaque qui ornait sa garde lui rendit son regard. Cinq runes se mirent côte à côte et formèrent un nom : Haz’Rael, l’Honnie.
-Continue à bien me servir, et je te donnerai ce que tu désires tant.
Avec une lueur de folie dans les yeux, le Commandeur glissa l’épée dans la ceinture du démon.

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La Tour du Rouge : Les Carnets du Mercenaire 7 à 10.
« Réponse #134 le: dimanche 14 février 2010, 17:42:47 »
Magnifique, le paradis. Je suis au septième ciel tellement c'est merveilleusement bien écrit et conté. J'adore littéralement Sorël, j'encense le passage des pirates face au Justice. Je suis complétement tombé amoureux de la scène de l'auberge. J'espère voir la suite bientôt tout comme le récit de Monarque.

Bonne continuation.