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La Tour du Rouge : [Random | Très court] Sans titre #1
Great Magician Samyël:
PdC, vil coquin, je ne m'attendais pas du tout à ce commentaire, en cela il m'a fait encore plus plaisir que d'habitude =D Je te remercie², pour le commentaire et pour mon anniversaire ^^ Au risque de te decevoir, Le Cycle et Argoth vont rester de côté un petit moment encore. Je vais pas reprendre ici notre discutions sur ma source d'inspiration, nous savons tout d'eux mon point de vue ^^ Je dirais juste que je suis content que ça te plaise tout de même, et que tu ais constaté mon progrès dans l'oretograf (je m'en rends compte moi même)! Quant à ta dernière remarque sur la monochromie des sentiments etc, je dirai juste que j'en ai conscience et que... c'est fait exprès! Je ne dirai rien de plus, mais attends toi à du changement de ce côté là!
Sur ce, n'hésite pas à revenir souvent =p
Merci pour le commentaire raphael!
Avant de passer à la suite, une petite surprise de notre cher Yorrick! (Encore merci!) Une nouvelle version de la carte Continentale, actualisée et remise au gout du jour. Je dois dire que le résultat est de toute beauté et que je n'en reviens toujours pas. Je vous laisse juger :)
http://img509.imageshack.us/img509/7326/cartegmscopie.jpg
Enfin, je tenais à m'excuser d'avoir manqué le rendez vous de la semaine dernière. Comme je partais le lundi matin à 5h du mat pour l'Espagne, les préparatifs m'ont pas mal occupé et ça m'est totalement sorti de la tête! Désolé!
Sans transition, Monarque. A la semaine prochaine!
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II / Ashenvâle
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Il faisait froid dans ce foutu village. Un froid à vous les ratatiner façon raisins secs. L’hiver fait toujours cet effet là dans les royaumes centraux. On a poussé nos canassons, fraîchement dérobés dans la ferme située 30 kilomètres plus à l’ouest, jusqu’à une auberge encore ouverte. Il suffisait d’envoyer Bière les parquer à l’écurie pour économiser quelques pièces de cuivre d’entretient. On est entré précipitamment car la neige recommençait à tomber.
Comme dans toutes les auberges de tous les petits villages du monde, les quelques habitués nous ont lancé des regards mauvais. On aime rarement l’étranger qui surgit en pleine nuit, avec plein de copains et armés pour partir à la guerre. Et surtout, nous formions une petite troupe singulière. Je me suis empressé de détendre tout de suite l’atmosphère en lançant un bonsoir amical. Pour prouver nos intentions pacifiques, on a déposé nos armes sur la table la plus proche. J’ai eu peur sur le moment qu’elle se brise sous le poids, mais non elle a tenu bon.
J’ai été commander assez à manger pour nous tous pendant que les hommes collaient deux grandes tables ensembles pour qu’il y ait assez de place. J’ai regagné ma petite troupe, pas mécontent de dormir au chaud ce soir.
Tempête du Chaos au grand complet, dans une petite auberge de province. Ca m’a rappelé des souvenirs. Tapinois, Bière, Ciguë, Ken, Araignée, Rose, Zed, Manchot (qui n’était plus si manchot que ça, avec son nouvel appareil gobelin) et le dernier arrivé, mon nouveau chouchou, Teknogure. Un ingénieur gobelin. Une perle de stupidité, d’ingéniosité mécanique, un ravissement des sens permanent. Mesurant quatre-vingt centimètres, pesant ses 25 kilos tout mouillé, il avait une trogne encore plus vilaine que Tapinois, avec son nez long et crochu, ses petits crocs jaunes et crasseux, ses poils de nez trop longs, ses oreilles pointues à moitié mangées et ses grosses lunettes sur ses yeux rouges.
Quand on l’a rencontré, à la fin de l’automne sur les routes du Mel-Kure, il se faisait dévaliser par une bande de malandrins des environs. Après une bataille courte et propre (Bière avait besoin d’exercice), il nous a proposé ses services. Comme ça faisait un moment qu’on avait recruté personne, et qu’il me faisait rire avec ses zozotements et sa voix stridente, je l’ai pris. Je ne le regrette pas. Il est aussi bon artificier que courageux. Pour peu qu’on lui fournisse les matériaux, il peut vous bidouiller un nombre impressionnant de machins et de trucs, de la bombe incendiaire aux feux d’artifices, en passant par des arquebuses. Il en avait d’ailleurs fabriquée une pour Ken. Un fusil de précision, avec un canon long et une lunette de visée, baptisée Fulgurator X-3. Le bridé se débrouille plutôt bien avec, il nous chasse des trucs quand on est sur les routes. Malheureusement, comme les balles coûtent chères et sont rares, il faut l’utiliser avec parcimonie. Et aussi, lorsqu’on tue des gens, on prend bien soin de leur faucher tout ce qu’ils ont de métallique : armes, bijoux, boucles de ceinture, de botte, de baudrier. On fond le tout et Tekno re-fabrique des munitions.
En sus de cet engin de mort et de destruction (j’ai vu les trous que ça laisse sur les cadavres), il avait également combiné son savoir-faire avec Ciguë, pour nous produire des petites grenades à gaz divers. Très pratiques.
Bref, une acquisition très bon marché, car la seule chose qu’il demande c’est un peu de protection et d’amour. C’est un vrai parano. Il croit que l’univers tout entier veut le tuer, et qu’un assassin se cache dans chaque ombre.
« Bon, on fait quoi maintenant?, a fait Araignée en piochant dans son lard fumé.
-Ca a l’air sympathique ici, a répondu Ken.
-De toute façon, on a plus rien à faire tant qu’on aura pas reçu de nouveaux ordres. Alors autant se reposer ici et prendre du bon temps.
-J’ai repéré une maison close, vers Kurtzïg. Ca fait pas loin à cheval. »
Hop, la décision était prise. L’aubergiste est venu nous voir avec un air maussade. Il a demandé si on voulait autre chose.
« Ca ira pour l’instant, mon brave, je lui ai dit. Nous aimerions louer ton établissement pour quelques jours. »
Il est resté sans bouger un instant. Il savait pas trop quoi répondre. Les trois pièces d’argent que j’ai faites rouler vers lui et qu’il a attrapées avec une dextérité à faire saliver un acrobate lui ont donné quelques idées.
« C’est parfait, monseigneur. Mes chambres sont à votre disposition. »
On a longtemps mangé et bu ce soir là. On venait de finir notre dernière mission. Mettre à sac une ferme, dans laquelle un riche paysan fomentait des plans contre le seigneur du coin avec des copains à lui. On a déboulé en pleine nuit, les avons surpris en plein milieu d’une petite sauterie. Hop, un coup d’épée par-ci, un éclair par-là. On a ligoté la femme et les enfants et on les a laissés dans la cambrousse environnante. J’ai mis le feu à la baraque après qu’on ait sorti les corps dehors, puis on a fauché les chevaux et on s’est barré en vitesse. Pour atterrir ici, à Ashenvâl.
Il y avait 4 chambres dans cette auberge, Au Poney Dormant. Si vous trouvez le nom ridicule, vous avez bon goût. La répartition a été assez simple à faire. Moi et Rose dans la plus grande et la plus propre ; Tapinois avec Teknogure et Ciguë ; Bière avec Ken et Araignée et les deux frères ensembles. Je me suis déshabillé avec toute l’habilité d’un homme d’expérience et je me suis glissé dans les couvertures de l’unique lit deux places. Rose m’a rejoint peu après, en sous vêtements et s’est blottie dans mes bras. Notre relation avait un peu évolué depuis le Wellmarch.
Je n’étais pas amoureux, elle non plus. Disons qu’on aimait bien se réchauffer l’un contre l’autre. Je vous rassure, nous ne comptions pas faire l’amour.
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Ashenvâl de jour... Bah c’est comme Ashenvâl de nuit. Mort. Les paysans vaquent tranquillement à leurs occupations, loin des tourments de la politique et des guerres. Ils plantent leurs patates en espérant que la récolte sera bonne cette année. Certain, plus aventureux, vont jusqu’à planter des choux. De vrais casse-cous.
Réellement déprimant comme bled. Mais bon, on était là pour se reposer en attendant la suite, on aurait été bien avec un village en pleine guerre civile.
Je me suis levé tôt le matin suivant. Le petit-déjeuner n’était même pas encore servi. Je suis sorti dehors, me suis adossé au mur blanc de l’auberge et j’ai regardé le village, tout en tripotant mon ombre dans ma poche. J’avais pris la décision de m’en occuper ces jours-ci. Quant au coffre et à la cassette... Le premier se trouve en sécurité dans une grotte à deux kilomètres au nord de Ferdbürg, un grosse ville de l’Ouest. La cassette se trouve toujours en notre possession.
Le capitaine ne m’a toujours pas reparlé ni de l’un ni de l’autre. Je crois qu’il ne sait pas qu’on a fini par récupérer le coffre, mais pour la cassette... Tout ceci était bien intriguant, mais ça m’allait parfaitement. Tapinois est venu me rejoindre un peu après.
« Ca me rappelle le bon vieux temps. Tu te souviens, dans cette auberge sur la route de Mereïne, quand on fuyait les royalistes, avec Lumdog et Gratos?
-Tu commences à parler comme un vieux, il m’a rétorqué.
-T’as raison. Mais bon, certaines périodes de ma vie me manquent.
-Comme à nous tous.
-Ha ouais? Du genre?
-Du genre avant que je te rencontre.
-Tu me touches.
-Je t’en prie. »
Les bouseux qui passaient devant nous nous regardaient avec des yeux plus ronds que les pommes de terre qu’ils trimballaient. J’essayais de me montrer poli. Puisqu’on allait vivre quelques temps, autant vivre en bonne intelligence. Mais au bout du quatrième bonhomme je commençais à perdre patience. J’ai réalisé tout à coup que Tapinois n’était pas sanglé de son arsenal de couteaux. Ca le changeait beaucoup. Il paraissait presque abordable maintenant.
On a fini par rentrer quand on a senti le bonne odeur du petit déjeuner. Porc salé et gruau de céréale, avec une bonne pinte de mousseuse du coin. Pas mauvaise d’ailleurs. Les autres se sont réveillés à intervalles irréguliers.
« Quartier libre les enfants, ai-je annoncé. Mais soyez sages. N’allez pas forcer sur la bonne brune locale, ni embêter votre voisin. Promis? »
J’ai reçu des morceaux de pain dans la tête en guise de réponse. L’aubergiste nous regardait avec une mine songeuse. Quelque chose semblait le tracasser. Mouais. Pas mes affaires.
Enfin, ce que je croyais.
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3. [/align]
J’ai passé cette journée là à planifier ma rencontre avec l’ombre, que je prévoyais pour le lendemain. C’est le genre de rituel qui demande du temps, de la concentration, un cadre tranquille et deux / trois bonhommes pour vous assurez de pas être dérangé. Et j’avais tout ça sous la main.
J’ai réveillé Rose et Bière aux aurores pour qu’ils m’assistent. Rose en tant qu’assistante directe, Bière en tant que bloqueur de porte. Je me suis empiffré de porc salé, de bière, d’oeufs et de beurre au petit déjeuner pour m’assurez assez de force pour l’opération. J’ai posé la sphère au milieu de la pièce et me suis assis en tailleur devant.
« C’est beau, a commenté Rose qui s’était placé à ma droite. »
En effet, c’était assez jolie. Imaginez une balle de lumière, dans laquelle virevolte une ombre plus noire que le noir. Bière s’est contenté d’un grognement et est allé prendre ses fonction devant la porte, son bon vieux hachoir entre les mains.
Pour me donner un peu d’ardeur à la tâche, j’ai peloté Rose un moment, qui riait doucement sous mes caresses. Un jeu à nous.
« Après, elle m’a dit. »
De quoi vous motiver un homme. J’ai retroussé mes manches, mis la boule au creux de mon giron. Ouvrir la sphère et dire « Coucou! Tu veux bien devenir ma copine? » aurait été d’une débilité crasse. Je n’avais aucune expérience de ce genre de créature. Il fallait tenter une approche plus subtile. J’ai posé ma main sur la sphère et j’ai tenté de projeter mon esprit pour capter une pensée, un sentiment, un mot. A ma grande surprise, je n’ai senti qu’une peur panique. L’ombre était totalement paniquée, car elle était dans l’incapacité de remplir sa mission.
« Hé! Doucement, calme toi... » ai-je dit mentalement.
La créature a mis un certain moment avant de se rendre compte que je lui parlais. Elle s’est soudain arrêté de bouger dans tous les sens et s’est calmée.
« Voilà, c’est bien. Ne t’en fais pas, tout va bien. Tu n’as plus à t’inquiéter de ce que te feras ton maître.
-Qui êtes vous? »
La voix était indubitablement féminine et... putain, sensuelle! Ca m’a choqué.
« Je m’appelle Monarque. Et toi, comment t’appelles-tu? »
Un temps.
« Rashk’Zerig Kirdörhan. »
A tes souhaits.
« Que me veux-tu, Monarque?
-J’ai tué ton maître. (Mensonge honteux, mais judicieux. Elle s’est tout de suite apaisée un peu plus. J’ai même ressenti de la ... reconnaissance?) Je souhaiterais que l’on s’associe, toi et moi.
-S’associer? Tu veux dire m’asservir à ton tour pour me plier à tes moindres volontés. »
C’est qu’elle avait de la suite dans les idées, voyez-vous.
« On ne peut rien te cacher. Mais je pense être une bonne option.
-Quelles sont les alternatives?
-Et bien, tu peux rester dans cette petite baballe le restant de l’éternité. Je garantis les frais de logement. »
Elle a ri. Me demandez pas comment, mais c’est vraiment l’impression que j’ai eu. On est jamais trop sûr avec ces conversations mentales.
« Tu as de bons arguments, Monarque.
-J’en ai même trois énormes pour mes compagnes à deux pattes. »
Je n’ai pas la moindre idée du pourquoi j’ai sorti cette blague plus que douteuse à une ombre. N’empêche qu’elle a ri à nouveau. Je crois que je lui plaisais bien, à l’instant.
« A quoi m’emploierais-tu, Monarque?
-Ho, des choses et d’autres. Espionnage, reconnaissance, protection rapprochée, assassinat...
-Vaste programme.
-N’est-ce pas?
-Oui. Tu dis que mon maître est mort?
-Oui.
-Tu mens. Je sens encore le lien qui nous unit. Il est certes très faible, mais il est toujours là.
-Hmm. Bon, admettons que j’ai légèrement menti? »
Silence durant quelques instants interminables. J’ai même cru que le contact avait été coupé.
« J’accepte, Monarque. Mais à quelques conditions.
-Lesquelles?
-Je veux que l’on pactise. »
Aïe. Pourquoi les créatures surnaturelles veulent-elles toujours d’un foutu Pacte?
« Très bien. Autre chose?
-Nous verrons cela. Tu peux me faire sortir.
-Qu’est-ce qui me dit que tu n’essaieras pas de me tuer? »
Elle a souri mentalement.
« Je t’ai donné mon nom. Tu as déjà tous pouvoirs sur moi, si tu le désires. »
Hein, son nom? Elle voulait parlé de son baragouin guttural de tout à l’heure?
« Oui, certes. »
J’ai rompu le lien mental et repris contact avec le monde extérieur. La pièce était tellement éclairée qu’il ne pouvait être que l’après midi. Rose s’était assoupie sur le lit. Tu parles d’une assistante. Dans ce genre de confrontation, le temps s’écoule toujours différemment. Soit il nous paraît beaucoup plus rapide, soit beaucoup plus lent. J’ai profité de cette pause pour me dégourdir les jambes et faire craquer ce qui avait besoin de l’être. J’ai frotté mes yeux et baillé. J’ai ensuite fermé les rideaux pour ne pas que Liz (c’est comme ça que j’appelle mon ombre) ne souffre pas. Enfin, je n’en savais rien, mais je supposais qu’une ombre avait besoin d’obscurité pour se sentir bien.
Respirant un bon coup, quelques sortilèges sous le coude au cas où elle me jouerait un tour, j’ai ouvert la sphère. Elle en est sortie lentement, rampant sur le sol comme... bah l’ombre qu’elle est. Je me suis assis dos contre le lit, et j’ai tendue la main. Elle est venue s’y blottir en boule.
« J’ai l’impression que cela fait une éternité que j’étais là dedans.
-Ho, guère plus d’une seconde en réalité. »
Elle a ri encore. Décidément, une vraie boute-en-train.
On a pactisé. Comme condition à l’utilisation de ses pouvoirs, je ne peux lui ordonner de tuer quelqu’un. Elle peut par contre le faire de son propre gré, à condition que l’individu ou la chose en question présente une attitude hostile envers moi. Je peux l’envoyer fureter dans un rayon de 1 kilomètre seulement, mais grâce à notre nouveau lien nous pouvons communiquer mentalement. Fort pratique. Après, il y a aussi les modalités courantes et habituelles d’un pacte : Relation exclusive de la créature envers son maître, à comprendre qu’elle ne peut communiquer qu’avec moi même, et bien sûr le lien de sang. Si je me fais tuer, elle meurt. Si elle meurt pour X raison, j’agonise, mais ai une chance de survie. C’est pas très équitable, mais c’est comme ainsi. Et comme les deux partis sont heureux comme ça... Enfin est venue la question a trois piècettes.
« Quelle forme veux-tu que j’adopte? »
Je me suis demandé ce qu’elle entendait par là.
« A quoi veux-tu que je ressemble? Je peux prendre n’importe quelle apparence. Mais réfléchit bien, elle sera irréversible. »
J’étais un peu pris au dépourvu. Et là, j’ai dis la seule connerie de mon existence que je ne regrette pas. La première chose qui m’est passée à l’esprit, aidée par le son exquis de sa voix.
« Une putain de Terysford. »
(Pour la petite anecdote, Terysford est une ville du Lancaster, où j’avais eu l’immense plaisir de devoir enlever et liquider une putain qui en savait un peu trop sur les plans du prince local. La fourbe avait usé de ses charmes sur moi pour que je consente à la laisser partir. Gentleman, je m’y étais résigné mais à grand peine.)
Et, effectivement... Elle a d’abord commencé par descendre de ma main, toujours tendue, pour retourner par terre, au centre de la pièce. Puis, lentement, elle a pris forme. Elle s’est allongée vers le haut, pour arriver à ma taille exacte. Les jambes, longues, sublimes, se sont dessinées, puis les bras, menus mais athlétiques, ensuite se fut au tour du cou et des épaules, graciles et délicates. La taille, fine juste ce qu’il faut. Une poitrine à vouloir vivre dedans, couverte par une tunique au décolleté affriolant. Et enfin le visage. Une cristallisation de mes fantasmes, je crois. Un nez divin, aquilin et volontaire, des lèvres légèrement pulpeuses et sensuelles, des cheveux suffisamment longs pour lui caresser les reins comme une cascade tumultueuse. Et des yeux. Des yeux vermeilles, démoniquement attirants et aguicheurs. Bien sûr, Liz reste une ombre, et en tant que telle possède une peau sombre, à mi chemin entre l’ébène et le violet sombre. Une peau à la texture veloutée. Je ne sais trop comment, mais, effectivement, Liz peut se matérialiser au sens littéraire du terme. Avoir une consistance propre.
Pour ne rien cacher, devant cette apparition mon petit soldat s’est mis au garde à vous. Je vivais éveillé le fantasme et le rêve de tous les sorciers pervers d’un certain âge : Posséder un démon familier ayant l’apparence de la plus belle jeune femme qu’on ait jamais vu. Elle a senti mon trouble, car elle a ri de sa voix terriblement sensuelle et s’est approchée de moi, avec son déhanché à vous faire tourner la tête. J’ai tenté de me relever. Elle m’a repoussé et je suis tombé à la renverse sur le lit. J’étais totalement hypnotisé et en proie à des sentiments confus. Elle s’est pressée contre moi, et j’ai senti ses atouts sur ma poitrine avec un délice non dissimulé. Dieux! Que c’était bon! Nos désirs respectifs l’un de l’autre se mêlaient dans une union mentale intense. Ses mains se sont glissées sous ma ceinture et j’ai poussé un soupir lorsqu’elle... Enfin vous m’avez compris. Ne pouvant lutter contre mes pulsions, je l’ai embrassée, pendant que mes propres mains découvraient son corps avec une certaine liesse.
Je serais bien allé jusqu’au bout de mes idées si il n’y avait pas eu Rose à quelques centimètres de moi et Bière derrière la porte.
« Alors?, m’a demandé Tapinois. »
C’était le dernier à me poser la question, pendant que j’engloutissais ce qu’il me semblait des tonnes de porc salé, de bouillie de céréale, de légumes et de tubercules. Je lui ai indiqué du pouce mon ombre sur le mur derrière moi. Il l’a regardée, et a sursauté légèrement lorsqu’elle lui a fait « coucou » de la main, alors que moi je portais ma fourchette à ma bouche déjà trop pleine. Liz a rigolé, mais j’ai été le seul à l’entendre.
« Bien, bien, a fait Tapinois . »
Légèrement nerveux, il a commencé à jouer avec la pointe d’un de ses couteaux. Il aime pas trop tout ce qui touche à la magie.
« Qu’est-ce que vous avez foutu de votre journée?, j’ai demandé en me rinçant la gorge à la bière.
-J’ai profité du paysage. On a un beau point de vue sur la plaine depuis une petite colline, à environ 500 mètres au sud. »
Je l’imaginais bien, petit, gros et laid, à philosopher en haut d’une colline. J’ai ricané.
« Et les autres?
-Tu ne le leur a pas demandé directement?
-Trop occupé à récupérer des forces.
-Hmm... Bière a été recruté par une vieille fermière pour pas mal de trucs physiques. Elle lui a promis une partie de sa réserve de houblon en échange. J’ai vu Araignée batifoler avec une jeune demoiselle dans les champs. La fille du chef du village je crois. Ken et la petite chiure verte font des essais pour un nouveau type de balle. Ils ont trouvé une ancienne forge abandonnée je ne sais où. Ils y ont récupéré pas mal de ferraille à recycler. Zed passe son temps à dormir, et Manchot s’est entraîné. »
Soudain, j’ai réalisé.
« Hey! Quand est-ce que Bière est partie de devant ma porte?
-Vers midi je dirai.
-Je lui demanderai encore des trucs, tiens... Et Ciguë?
-Vue la fumée orange qui s’échappe de l’herboristerie depuis ce matin, j’en déduis qu’il s’est trouvé un petit camarade de jeu. »
Hmm. J’espérais qu’il nous concoctait un petit truc sympa.
Ils sont tous rentrés à des heures différentes, Bière le premier, Araignée le dernier. Bien sûr, ça ne plaisait pas trop à l’aubergiste, qui ronchonnait que son établissement n’était pas un moulin. Mais on s’en cognait pas mal. On paye, il se tait. C’est comme ça que ça marche en tout cas dans pas mal de royaumes.
Vu le sourire de benêt qu’Araignée m’a adressé, j’en ai conclu qu’il avait lui même conclu son affaire. Je lui ai fait une tape dans le dos.
« Bonne nuit Chef.
-Bonne nuit gamin. »
Ken et Tekno semblaient s’entendre comme larrons en foire à présent. Ils n’arrêtaient pas de parler, notamment d’un certain Fulgurator X-4, une sorte de version améliorée du modèle existant.
« On pourrait tenter un alliage p-p-plus lé-lé-léger pour gagner en vi-vitezze!
-Ouais, a répondu Ken avec un petit hochement de tête. »
Les bras croisés, tirant une gueule sérieuse comme une tombe, il semblait en pleine réflexion. Je les ai laissés à leurs affaires, et suis sorti pour mener les miennes à terme. J’ai pris à gauche, pour remonter la rue pavée qui sortait du village par le nord. En chemin, Liz s’est matérialisée sur moi. Ses cuisses enserraient ma taille, ses bras étaient passés autours de mon cou et ses mains jouaient avec ma chevelure. Je l’ai embrassée.
« Où en étions nous, maître? » elle m’a fait avec sa voix si... Hmm.
Je l’ai portée (elle ne pèse rien) jusqu’à un grand arbre, et je me suis couché dessus. On s’est fait des mamours passionnées pendant quelques minutes. Puis elle s’est glissée lascivement vers mon entrejambe. J’ai laissé faire avec délice.
Croyez moi si vous voulez, mais faire l’amour à une ombre qui ressemble à la fille de vos rêves... C’est la chose la plus dingue et la plus géniale qui me soit arrivée. Une explosion des sens, un plaisir rarement égalé. Et puis, comparé à Liz, j’étais un petit garçon naïf. Je ne sais pas où elle a appris tout ce qu’elle me fait, mais je loue tous les jours son professeur.
Cette nuit là, je n’ai pas dormi. Une nuit qui restera gravée à jamais dans ma mémoire. A l’aube, quand elle s’est allongée sur mon corps emperlé de sueur et éreinté, quand elle m’a fait son sourire malicieux, j’ai songé que si j’avais pu, je serais tombé amoureux.
raphael14:
Super, déjà la suite de Monarque !
Un autre bon moment à lire. Ca se savoure comme du bon chocolat. J'aime bien tes nouveaux personnages : Teknogure et Liz qui je le présent vont nous donner d'autre bon moment de lecture.
En tout cas un grand moment et bravo à toi GMS.
Great Magician Samyël:
silver:
J'adore tous ces récits. J'ai tout récemment lu tes chef-d'œuvres.
Commençons par le début, L'histoire de Samyël est tout simplement magnifique. Un jeune homme voulant sauver des vies et vengé tout ses proches. Il ne peut faire que de l'Altération et ne semble pas pouvoir faire autre chose, son lien avec la bête est évident. Il ne pourra pas s'en défaire et il lui donnera à mon avis, un pouvoir essentiel pour sa quête. La psychologie de ce personnage me plaît énormément
J'ai adoré Henri et le courage qu'il a eu pour se sacrifier à la place de Rirjk. Il était un personnage qui a su donner le comportement adéquat à Samyël pour ce qu'il va enduré.
J'adore Rirjk qui malgré son apparente culpabilité à quand même fait face à son destin. J'espère qu'on saura un jour ce qu'il lui est arrivé.
J'était triste de la mort de Zackary, j'aurai voulu qu'il survive un peu plus longtemps. Mais je ne t'en veux pas, c'est tout de même mieux ainsi.
Maintenant, parlons d'Argoth. J'adore ce personnage, le but qu'il s'est fixé est tout simplement prodigieux. Il est très rusé et sait rester humble en toute circonstances et le courage qu'il a de faire confiance à quelqu'un qu'il ne connaît pas démontre un talent incroyable pour repérer quelqu'un de confiance.
Et pour finir, J'adore Monarque qui est très intéressant et a de vrais amis. Il fera de grandes choses pour moi. Ce personnage est tout splendide.
Je te souhaite une bonne continuation dans tes récits.
J'espère voir très prochainement l'histoire de Samyël qui reste mon préféré de tous.
Great Magician Samyël:
Hey! Ca fait toujours plaisir de voir de nouvelles têtes dans le coin, merci Silver ^^ Cependant, au risque de te décevoir le Cycle du Rouge ne devrait pas reparaître avant un petit moment. Enfin, je sais pas. Si je me motive pour finir le chapitre 20, le petit moment pourrait se transformer en très vite... ^^
Sur ce, comme promis, la suite de Monarque! Bonne rentrée à ceux qui, comme moi hélas, ont repris les cours ce matin.
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Le lendemain, maître Tael nous a tous conviés chez lui, pendant que les hommes du village étaient partis faire une bonne vieille battue. Moi j’avais la mort dans l’âme. Manchot encore plus, après que je lui ai eu raconté nos aventures nocturnes.
Je trônais comme un prince sur le lit de Tael et, assez ironiquement, Hélène s’occupait de mon corps meurtri. Elle semblait avoir totalement oublié ce que j’avais pu faire à son John de mari dans une autre vie lointaine, maintenant que j’avais sauvé ses petites miches rebondies. J’ai grimacé quand elle a frôlé mes plaies pectorales en mettant les bandages.
« Putain, mais fais un peu attention, femme, ai-je crié.
-Ce serait plus simple pour nous deux si tu arrêtais de gigoter comme une femme, abruti. »
Certaines personnes sont des orateurs nés, qui savent précisément où frapper pour toucher leur auditoire. Etrangement, je l’appréciais, Hélène. Elle avait du piquant.
Maître Tael se tenait un peu en retrait, sur son siège. Il fumait sa pipe avec la tête du type qui a le problème de la guerre dans le monde sur les épaules, avec celui des miséreux et de la peste noire.
Tapinois et les autres avaient toujours un peu des gueules de déterrés. Les effets de la drogue prenaient leur temps pour se dissiper. De toute façon, avec la quantité qu’ils en avaient ingurgitée... Le petit gros, surtout, s’en voulait de s’être fait avoir. Le bon air de la campagne, ça vous change un homme, aussi petit, gros et laid soit-il.
« Bon, Tael. Il va falloir raconter maintenant. Pourquoi Zed est devenu le gros truc tout moche qu’il est maintenant? »
Voulant se donner un air mystique, la pomme de terre a tiré une longue bouffée sur sa pipe. Il a discrètement lancé une oeillade vers Araignée, qui avait sa fille Jill sur les genoux.
« Il a contracté la fièvre du changeforme. »
Coup d’oeil a Ciguë. Non, inconnu au bataillon.
« Elle fait quoi, cette fièvre?
-Comme son nom l’indique, ceux qui l’attrapent se transforment en monstres.
-Des espèces de loups-garous?
-En quelque sorte. Mais chez eux, la transformation est irréversible et permanente.
-C’est moche... Désolé pour ton frère, Manchot. »
Ils lui ont tous fait une tape sur l’épaule. Il avait l’air mortifié.
« C’est quel genre de monstre, a demandé Bière.
-Cela dépend des individus. J’en ai vu trois en tout. L’un ressemblait à un ours géant, un autre avait subit une transformation osseuse qui lui donnait un air d’araignée humaine.
-Et le troisième?
-Vous l’avez vu comme moi. »
Ho. Autant pour moi. Hélène a fini de me bander. Elle s’est assise sur le bord du lit, pour écouter la conversation. Hé mais! Pourquoi sa main frôlait mon bras?
« Ca s’attrape comment cette saloperie?
-Nous n’en avons pas la moindre idée. Les gens des environs qui l’ont attrapée menaient des vies très diverses, et n’avaient rien fait de spécial les jours avant leur contamination... »
Il m’a jeté un regard, du genre qu’on aime pas trop recevoir. De ceux qui vous disent « Attention : dans deux secondes je vais te demander d’aller à l’autre bout du monde pour tuer un dragon ».
« Cependant nous en connaissons la cause.
-Chouette.
-Un sorcier du nord est arrivé dans le compté, il y a environ deux ans.
-Laissez moi deviner, il était petit, chauve, malingre et asthmatique.
-Presque. Grand, filiforme. Un aspect de spectre. Il a gagné les faveurs des gens du coin (notez qu’il excluait Ashenvâl, tanière des gens de bien) en rendant divers services par-ci par-là. Soigner des bêtes, des blessures courantes ce genre de chose. Il a fini par rentrer dans les bonnes grâces d’Abbendas. Notre bon seigneur lui a alors légué un petit domaine pour son usage personnel. L’ancien donjon de Kerdanac. Une espèce de ruine obscène, mais qui possède toujours sa tour centrale, en plus ou moins bon état. Depuis lors, il s’est enfermé là dedans et on l’a jamais revu. Par contre, c’est à peu près à la même période que les premiers cas de fièvre se sont manifestés. Certains villages ont été totalement ravagés, mais malgré nos nombreuses requêtes, Abendas n’en a jamais eu cure. Alors, on a engagé un tueur de sorcier. »
J’ai tiqué. Il y a peu de choses dans cet univers qui m’inspire une terreur assez forte pour me faire parcourir trente kilomètres à la course, dans une alternance de forêt et de marécage. Les tueurs de sorciers en font partie. Ils n’usurpent pas leur nom.
« Un brave homme, très gentil. Il est partie pour Kerdanac, mais on l’a jamais revu. »
Ouf, je dormirai plus tranquille à présent.
« Cependant, la fièvre disparut. Jusqu’à hier...
-Et ce qui vous trouble tous, c’est que, pas de bol, ça coïncide tout pile avec notre présence sur les lieux.
-Et bien... Disons que certaines personnes jasent.
-Ouais. Bien sûr. Je suis assez débile pour inoculer cette saleté à un des mes propres hommes, pour qu’il essaie de me bouffer ensuite! Heu, désolé Manch’. »
Tael s’est raclé la gorge. Foutus paysans.
« Vous inquiétez pas, on sera parti avant ce soir. »
Hélène s’est tournée vers moi, m’a fait un regard à tuer un mort.
« Pas question! Tu as besoin de repos.
-Silence, femme. Je ne t’ai rien demandée.
-Je m’en cogne, petit salopard de merde! Si tu fais mine de bouger je te les coupes et te les fais bouffer. »
Moi, comme toutes les personnes présentes dans la pièce, l’avons regardée avec de grands yeux ébahis. J’ai senti ma gorge se dessécher.
« Bon, je suppose qu’on peut bien attendre un jour de plus... »
Tapinois et Ken ont ricané comme les foutus fumiers qu’ils sont.
« Messire Monarque. »
Le ton de Tael m’a rappelé à des réalités plus sombres.
« Hmm?
-Je voudrais vous demander quelque chose.
-Tant que vous avez de quoi nous payer. »
Il a paru soulagé. Il devait croire que ça allait plus difficile que ça à demander à un convalescent.
« J’ai déjà envoyé des missives aux autres villages, leur expliquant la situation. S’ils acceptent, vous recevrez cent pièces d’or à votre départ, et cent de plus lorsque vous nous ramènerez la tête du sorcier.
-Qu... Deux... Deux cents galettes?, s’est récrié Ken.
-Ca fait combien chacun ça?
-A peu près vingt deux. »
Un silence calculateur s’est installé. Ca faisait un sacré paquet.
« D’où sortez vous ça, l’ancêtre? »
Il m’a fait un sourire énigmatique.
« C’est notre assurance spéciale « urgence. » »
Ma solde annuelle est d’environ une pièce d’or et cinquante écus d’argent.
« Vous savez faire affaires, maître Tael.
-Pour sûr.
-Nous nous mettrons en route pour votre Ker-machin dans deux jours, après avoir touché le premier versement. Bon, trois jours, ai-je rectifié quand Hélène m’a de nouveau regardé. Pendant ce temps là, on va chercher Zed.
J’ai été assigné à résidence, en l’occurrence celle de maître Tael par mon infirmière. Les autres sont partis vaquer à leurs occupations respectives. Hélène changeait mon bandage toutes les deux heures, bien que ma blessure ne saignât déjà plus et que la douleur fût partie. Seule mon épaule me tiraillait encore un peu, mais je respectais bien mon rôle de vétéran endurci et ne le montrait pas. Je soupçonnais cette femme de prendre un certain plaisir à cette ouvrage.
Mes soupçons n’en furent plus lorsque, la nuit tombée, Tael et sa fille couchés, elle m’attacha les poignets aux pieds du lit et qu’elle me fit l’amour, contre ma volonté.
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6.[/align]
« Tu tires une tête bizarre ce matin, m’a dit Tapinois.
-Tu veux dire que... je te ressemble un peu?
-Non. Je veux dire que... Ouais, c’est exactement ça. Tu tires la tête du type qui s’est fait violé par une femme d’environ quarante ans, dans les environs d’un mètre soixante, ronde mais pas vilaine du tout, rousse et dont tu as tué le mari. J’irai même jusqu’à dire que tu y as pris du plaisir, aux grognements gutturaux que tu produisais, et étant donné que la seconde fois tu n’étais plus attaché et que tu menais la danse.
-Et toi tu as la tête du sale pervers qui s’est tripoté, caché dans le parterre sous la fenêtre en regardant faire. »
Il a ricané, j’ai ricané. Nous avons ricané. Liz aussi a ricané. La diablesse avait participé aux ébats, sans qu’Hélène ne le sache bien sûr, ni même Tapinois. Dieux! Quelle nuit. Je ne savais pas que tuer des hommes mariés rendait aussi heureux et comblé.
« Quelles nouvelles?
-Aucune. Sauf qu’on semble de nouveau dans les bonnes grâces de la populace. Ils ont enterré les corps ce matin. Par contre, ils ont eu beau chercher, ils n’ont pas retrouvé la colonne vertébrale de Lang. »
On s’est regardé. On a ri. Sacré Ciguë.
J’ai passé le reste de la journée à noircir ces pages.
[align=center]7. [/align]
« On dirait que le clébard a trouvé quelque chose, a crié Ken. »
« Il a trouvé des traces de pas », m’a traduit Liz.
Je déteste chasser un truc méchant, dans une forêt, en pleine nuit, quand il neige et que ça a l’air de vouloir neiger plus. J’ai juré pour la Xième fois cette nuit là et j’ai rejoint Ken, quelques mètres plus loin. Effectivement, de belles traces. Le bridé était accroupi devant, son fulgurator à la main pendant que Teknogure avait toutes les peines du monde à ne pas se faire tracter par le chien. Une petite chiure nerveuse dont on nous avait assuré qu’elle avait le meilleur flaire à des kilomètres à la ronde. (Et le plus gros prix aussi.)
« Foutus radins de paysans pingres de mes deux, ai-je encore juré.
-Pardon chef?
-T’occupes. C’est Zed? »
Il a paru hésiter.
« J’en suis pas sûr à cent pourcents, parce que je l’ai pas vu de mes propres yeux... Mais je crois. Elles ne ressemblent à rien de ce que j’ai déjà vu. Mais leurs tailles...
-Ouais. Combien? »
Il m’a regardé. Il était nerveux et tendu.
« Moins de quelques minutes. »
J’ai relevé les yeux à mon tour. Putain de neige. Tout à coup, je me suis senti étouffé, suffoquant. J’ai cru voir des yeux rouges se faufiler entre deux troncs. J’ai resserré un peu plus les pans de mon manteau sur moi. J’aurais bien aimé avoir mon étendard. Ken s’est relevé lentement. Il s’est assuré pour la je-ne-sais-combien de fois qu’il avait bien mis des cartouches dans son fusil, et que la culasse n’était pas gelée.
« Tek. Reste bien près de nous. »
Comme si il fallait vraiment le lui dire. Il était au bord de la crise de nerf. Il serrait son pistolet si fort que j’ai cru qu’il allait le broyer.
Soudain, j’ai cru sentir une odeur familière. Mais pas moyen d’en être sûr, avec cette neige. Liz ne m’avançait pas plus. La poudreuse brouillait ses sens. Je sentais son souffle ectoplasmique dans mon cou, qui m’apaisait. Pour une fois, j’aurais adoré avoir le capitaine et ses deux milles hommes avec moi, pour me donner une tasse de chocolat et me dire que tout allait bien se passer.
« Zed, foutu salopard. Qu’est-ce qui t’est passé derrière la tête?... »
Comme pour me répondre, un cri déchirant a déchiré la nuit... Je me suis crispé sur la garde de mon épée. Mon autre main s’est mise à serrer convulsivement le parchemin d’entrave du quatrième niveau que je m’étais appliqué proprement à fabriquer ce matin. Ken a sursauté. Le chien a hurlé. J’ai cru que Tek allait s’évanouir.
« T’as reconnu le timbre de la voix?
-Non, difficile à dire. C’était plutôt loin.
-Ouais. J’espère que c’est pas un des nôtres. »
Mais qui ça pouvait bien être d’autre? Allons, Monarque. Affronte la réalité.
« Chef? Vous avez entendu?
-Restez sur vos gardes. Je crois qu’il... »
Ken m’a foutu un coup de crosse pour m’écarter. Dans la seconde suivante, un hurlement de damné a précédé une détonation assourdissante. Le fulgurator a frappé. La bête a glapi et s’est effondrée dans la neige, abattue en plein vol. Ken a rechargé aussi vite qu’il le pouvait. J’ai toujours apprécié son professionnalisme. Le chien s’est mis à aboyer. Il tirait si fort sur sa laisse que Teknogure l’a lâché. Il a foncé droit sur le machin, qui n’était pas Zed. Probablement un cousin. Le cousin s’est soudain relevé en un éclair et a gobé le clébard comme un biscuit apéritif. Il ressemblait vaguement à un lapin humanoïde géant. Il avait deux longues oreilles de chaque côté de son crâne pointu, de petits yeux rouges et méchants et deux longues dents pointues à l’avant de la mâchoire. Il était couvert de poils, était quatre fois plus musclé que Bière et franchement pas content d’avoir un trou de dix-huit centimètres dans le torse. Mais ça ne semblait pas le gêner plus que ça.
« Ho merde, a juré Ken. »
Il l’a remis en joue, et ses bras tremblaient. Le coup est parti, mais Lapinou a bondi sur le côté, puis bondi sur Ken. Il s’est mangé un bon coup de crosse des familles. Il a tenté de mordre, mais Ken a eu le réflexe de lui mettre son arme dans la gueule pour le maintenir à distance. J’en ai profité pour lui passer mon épée en travers du corps, en essayant de sectionner sa colonne vertébrale proéminente. Je n’ai pas réussi, mais il l’a quand même senti. Dans un élan de rage, il s’est retourné et m’a balancé contre un arbre comme si je n’eus rien pesé. Mon crâne a frappé le tronc et j’ai été assommé quelques secondes. Quand je suis revenu à moi, Ken gisait au sol dans un marre de sang, et Lapinox me toisait de toute sa répugnance. Il a fait un truc qui ressemblait à un rire. Ou une quinte de toux.
Il s’est penché vers moi, canines en avant. J’ai embrassé la mort de près. Mais soudain, une série de détonations a brisé le charme de notre rencontre. Le côté droit de son visage a éclaté, et des petits fragment d’os ont volé. Il s’est redressé en hurlant de rage et de douleur, se tenant la tête comme un humain. Il a dardé son dernier oeil valide sur Teknogure, qui le tenait toujours en joue et continuait d’appuyer sur la gâchette sans se rendre compte que c’était en vain. Il s’est évanoui quand Zed bis lui a couru après. J’étais encore trop faible pour lui venir en aide. J’ai cru que c’était la fin pour lui.
Mais une cartouche perforante a fusé dans l’air enneigé. Elle a touché sa cible avec une parfaite précision. Le cou du lapin-garou s’est presque détaché du tronc et s’est mis à pendre de façon grotesque et écoeurante sur le côté de son corps. Mais la saloperie vivait encore. Ne sachant plus trop où donner de la tête, elle s’est mise à tituber vers Ken, qui rampait désespérément à l’écart en rechargeant son arme de façon frénétique.
« Hé, chéri!, j’ai hurlé en me relevant. »
Bingo, ça a marché. Pendant qu’il faisait un effort pour pivoter vers moi, j’ai pris une bombe à peste dans ma poche et je l’ai lancé. Je n’avais pas le temps de regarder ce qui était écrit sur le côté, j’ai pris la première qui m’est venue. Je l’ai guidée magiquement pour qu’elle rentre dans le corps de la bête par le trou laissé par le premier tir de Fulgurator. Il y a eu une très légère explosion, qui a soulevé la cage thoracique du lapin tout en projetant un peu de chaire et de sang. Un gaz verdâtre et volatil s’est échappé. Et le monstre s’est mis à fondre, littéralement. S’il avait pu il aurait hurlé. J’ai contemplé le spectacle écoeurant quelques secondes puis je me suis précipité vers Ken.
« Hé! Ca va? Il t’a touché? »
Il a grimacé de douleur. Son torse pissait le sang. La neige fondait en fumant autour de lui.
« Ce con... Il a rouvert ma plaie.
-Laquelle?, l’ai-je pressé.
-La grosse. La dernière. »
J’ai juré. J’ai déchiré sa chemise. J’ai vomi sur le côté.
« A ce point Chef?
-Une égratignure.
-Je vous aimais bien Chef.
-Dis pas de connerie. Je vais m’occuper de ça. Le premier qui crie est une fillette. »
J’ai plus ou moins mis les pans de peau bout à bout puis sans perdre de temps ni prévenir j’ai invoqué une flamme et j’ai cautérisé à la rude. Ce fichu bridé n’a pas hurlé. Il s’est contenté de serrer les poings à se faire saigner, à révulser les yeux, à baver de l’écume, et bouger ses jambes comme s’il était possédé.
« Vous... êtes une... fillette, Chef, il m’a dit avant de sombrer. »
« Monarque? », m’a appelé Liz. Sa voix sublime était altérée par la peur et la nervosité.
« T’en fais pas chérie, je vais bien. Tu peux aller voir ce que font les autres? »
Je l’ai attendue quelques minutes, tout en tirant le corps Tekno vers celui de Ken.
« Ce foutu gobloche m’a sauvé la vie! », ai-je soudain réalisé.
Hormis sa syncope il n’avait rien. Le monstre n’était plus qu’un petit tas liquide et fumant, ainsi qu’horriblement puant. Liz s’est matérialisée à côté de moi. Malgré ma panique, j’ai remarqué qu’elle portait un manteau de fourrure bien chaud. J’ai pensé que c’était étrange, puisqu'après tout, une ombre ne ressent pas la température?
« Je les ai perdus. »
Pas bon du tout! Je me suis mordu la lèvre en tentant de calmer le tremblement de mes mains. Un hurlement familier a retenti, plus au sud. Loin. On s’était tous dispersé, pensant n’avoir qu’un seul de ces machins à traquer. Maintenant on faisait des proies faciles. Pour ce que j’en savais il pouvait aussi bien y avoir toute une meute.
Je me suis appliqué à tracer un cercle de protection autour de mes compagnons pendant que l’ombre de mes nuits couvraient mes arrières. Puis j’ai récupéré mon épée et j’ai couru à travers bois.
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