Je me suis mis à pas mal de choses, dont
Berserk de Kentaro Miura.
Avant de m'y lancer, mes connaissances s'arrêtaient à ceci : le protag' est une montagne de muscles qui manie une épée géante, les volumes sont vendus sous plastique et c'est super-connu.
Non, non, je ne déconne pas. C'est littéralement tout ce que je savais.
Mais premier point, le manga n'est pas classé "pour public averti" sans raison. Vous avez intérêt à être à l'aise avec les tétons qui pointent, le sang qui gicle, la crasse et la noirceur, parce qu'il en fait étalage.
Le risque, quand on se lance dans l'une des œuvres les plus influentes de son domaine avec des années de retard, c'est que toutes les inspirations, les copies et autres hommages qui lui ont été faite atténuent l'impact, ou plutôt, interdisent la découverte.
J'avais confiance en tous les avis que je pouvais lire depuis longtemps, et pourtant, les trois premiers tomes, il a vraiment fallu que je me les farcisse.
Car il ne s'agit que d'un seul schéma, complètement ringard, qui va être répété à l'infini, et que je vais vous présenter sous forme d'un dialogue.
"Aoooh, Guts, pourquoi t'es rien qu'un vilain grognon ? Avoir des amis c'est mieux tout plein tu sais !
-Va chier, elfe de merde qui n'a rien à foutre dans cet univers, tu me dégoûtes.
-Aoooh, Guts, t'as vu la personne sur ton chemin, elle a l'air d'avoir des ennuis, dis, tu trouves pas ?
-Va chier, personne sur mon chemin, ou tu vas être en danger et ça me dégoûte.
-Aoooh, Guts, t'as vu, on a toute l'armée aux trousses, là, comme dans la ville précédente et comme dans la suivante.
-Va chier, armée de merde qui ne peut rien contre ma golgotitude, vlam slash crac boum, tu me dégoûtes.
-Aoooh Guts, t'as vu le monstre, là, on dirait trop un midboss, et il est en train de te foutre une raclée.
-Va chier, midboss de merde qui ne peut rien contre ma golgotitude, vlam slash crac boum bis, tu me dégoûtes.
-Aoooh Guts, t'as vu le super-gros démon, là, il a l'air grave fort, même qu'il vient de te casser 42 os et de te faire cracher 1,78 litres de sang en un coup là.
-VAAAAAA CHIEEEEEEER GROS DEMOOOON, VLAM VLAM SLASH SLASH CRAC CRAC BOUM BOUM, TU ME DEGOUUUUUTES !!!
-Aoooh Guts, t'as tué tout le monde, tout le monde veut ta peau, tu t'es fait aucun copain et moi je vais encore te coller parce que je suis la plus grosse plaie du manga, kestu vas faire ?
-Va chier, elfe de merde qui n'a toujours rien à foutre là, je reprends la route et je me dégoûte.... Bref voilà, c'est super appétissant et, bien entendu, présenté ici avec la meilleure foi du monde.
Heureusement, si Miura a été une légende vivante du dessin pendant des années, c'est pas pour rien.
On passera outre la quantité de faux raccords aux coups d'épée, de mouvements physiquement impossibles ou autres ellipses, et on gardera un coup de crayon vraiment magnifique.
Mais la série fait à ce jour 41 tomes, qui s'arrêterait au troisième en pensant avoir tout vu ? Une personne qu'on ne prendrait pas au sérieux.
Et au tome 4, commence la backstory de Guts.
Pas le genre de backstory qui dure un ou deux chapitres pour bien montrer comment le héros il a la rage depuis qu'il est tout petit.
On parle du Cycle de l'Âge d'Or,
qui dure littéralement dix tomes.
Dix tomes, pendant lesquels on va découvrir toute l'horreur qu'a été l'enfance de Guts, jusqu'à sa rencontre avec son opposé, Griffith le Faucon.
Cet événement scellera la destinée de ce jeune homme assoiffé de conquêtes, autant par la politique que la guerre et les coucheries, jusqu'à un final en apothéose.
C'est à la fin de cet arc qu'on se rend compte que non,
Berserk, c'est pas qu'un manga pour préado attardé qui crache les boyaux à tout va.
Berserk est un ouvrage nihiliste, qui met l'homme comme cause et victime de son tourment, qui questionne les limites que nous sommes capables de nous fixer, et le prix de toute chose.
Et c'est une fois qu'on a intégré cette notion, que le manga n'a de cesse que d'aller plus loin, encore plus loin.
Passé un nouveau format "méchant de la semaine" qui n'a curieusement pas du tout le même goût que les précédents, puisqu'on sait désormais comment fonctionne ce monde, on saute à pieds joints dans un nouveau Cycle, où la noirceur et la charge philosophique de l'ouvrage s'imposent de tout leur poids.
Du tome 16 au tome 22, le rythme, le contenu, l'action sont tels qu'il est difficile de lâcher l'affaire, on n'attend que la page suivante. C'est là où on comprend enfin comment et pourquoi
Berserk est devenu un ouvrage si fédérateur, si influent.
Je ne peux donc que vous recommander de lui laisser sa chance, au minimum jusqu'au tome 5, et si la sauce n'a pas pris à ce moment, laissez tomber l'âme en paix. Le reste ne vous plaira pas non plus.
Mais le manga parfait n'existe pas, il me faut donc mentionner deux ou trois petits détails qui gênent la lecture de temps en temps :
- L'existence de Puck, le petit elfe inutile par excellence qui ponctue chaque page d'un gag aussi idiot qu'inutile, et qui vient craqueler le vernis de dark fantasy de l'univers avec son optimisme et sa niaiserie constante.
- La traduction de Glénat, basée sur l'anglais et pas mal adepte du mot-à-mot. Le "what a waste" initial qui devient un "que de déchets" en français, je l'ai senti passer, tout autant que ce moment ubuesque où Guts
vouvoie son ennemi. Très raccord avec le personnage, on ne voit pas le rapport avec le "you" anglais, pas de problème.
- L'existence de Puck, le petit elfe inutile par excellence qui ponctue chaque page d'un gag aussi idiot qu'inutile, et qui vient craqueler le vernis de dark fantasy de l'univers avec son optimisme et sa niaiserie constante.
- La disponibilité de certains tomes est variable. Depuis quelques mois, les premiers tomes sont un peu en rupture (on se demande pourquoi) et j'ai eu un mal de chien à me procurer le 17, je ne sais pas pourquoi. A croire qu'une volonté cosmique comptait me priver du meilleur à venir.
- L'existence de Puck, le petit elfe inutile par excellence qui ponctue chaque page d'un gag aussi idiot qu'inutile, et qui vient craqueler le vernis de dark fantasy de l'univers avec son optimisme et sa niaiserie constante.
Et enfin, c'est négligeable mais je le dis quand mêle, l'existence de Puck, le petit elfe inutile par excellence qui ponctue chaque page d'un gag aussi idiot qu'inutile, et qui vient craqueler le vernis de dark fantasy de l'univers avec son optimisme et sa niaiserie constante. Oui, j'ai beaucoup de mal à l'encaisser.
Je n'en dirai pas plus, et je vous encourage à tester vous-mêmes pour le reste.